DE PILES, Roger, Cours de peinture par principes, Paris, Jacques Estienne, 1708.
La traduction anglaise The Principle pf Painting, [...]; & In which is Contained, An account of the Athenian, Roman, Venetian and Flemish Schools. To which is added, The Balance of painters. [...], London, Osborn, 1743.
Les traductions en néerlandais et en allemand sont toutes postérieures à 1750. Les Beredeneerde Beshowing Der Schiderkunde, Door Den Heer De Piles, En Zamenspraak Over De Schilderkunde Door Lodovico Dolce, Amsterdam, Gerrit de Groot, 1756 sont traduits par Jacobus de Jongh et associés au Dialogo della Pittura, publié en 1557 par Lodovica Dolce. L'Einleitung in der Mahlerey aus Grundsätzen, Leipzig, Johann Gottfried Dyck, 1760, est traduit par Georg Heinrich Martini [étant en dehors de la chronologie du projet LexArt, cet ouvrage. n'a pas été pris en compte dans la base de données].
Michèle-Caroline Heck
[ Analyse du texte : Anaïs Carvalho, Stéphanie Trouvé ]
Ordre des traités contenu dans ce volume at
Table des matières at 329
Privilèges at n.p.
Approbation at n.p.
DE PILES, Roger, Cours de peinture par principes, Amsterdam - Leipzig, Arkstée & Merkus, 1766.
DE PILES, Roger, Cours de peinture par principes, Paris, Barrois l'aîné, 1791.
DE PILES, Roger, Cours de peinture par principes, Genève, Slatkine Reprints, 1969.
DE PILES, Roger, Cours de peinture par principes, THUILLIER, Jacques (éd.), Paris, Gallimard, 1989.
DE PILES, Roger, Cours de peinture par principes, PUTTFARKEN, Thomas (éd.), Nîmes, Jacqueline Chambon, 1990.
TEYSSÈDRE, Bernard, L’histoire de l’art vue du Grand Siècle : recherches sur l'"Abrégé de la vie des peintres" par Roger de Piles (1699) et ses sources, Paris, R. Julliard, 1964.
TEYSSÈDRE, Bernard, Roger de Piles et les débats sur le coloris au siècle de Louis XIV, Paris, La Bibliothèque des arts, 1965.
TEYSSÈDRE, Bernard, « Peinture et musique : la notion d’harmonie des couleurs au XVIIe siècle français », Stil und Überlieferung in der Kunst des Abendlandes. 3, Theorien und Probleme, Actes du colloque de Bonn, Berlin, G. Mann, 1967, p. 206-214.
PUTTFARKEN, Thomas, Roger de Piles’ Theory of Art, New Haven - London, Yale University Press, 1985.
LICHTENSTEIN, Jacqueline, La couleur éloquente : rhétorique et peinture à l’âge classique, Paris, Flammarion, 1999.
PUTTFARKEN, Thomas, The Discovery of Pictorial Composition: Theories of Visual Order in Painting 1400-1800, New Haven - London, Yale University Press, 2000.
KRIEGER, Verena, « Die Farbe als “Seele” der Malerei: Transformationen eines Topos vom 16. Jahrhundert zur Moderne », Marburger Jahrbuch für Kunstwissenschaft, 33, 2006, p. 91-112 [En ligne : http://www.jstor.org/stable/40026513 consulté le 23/06/2015].
GRIENER, Pascal, La République de l'œil. L'Expérience de l'art au siècle des Lumières, Paris, Odile Jacob, 2010.
FILTERS
QUOTATIONS
L’essence & la définition de la Peinture, est l’imitation des objets visibles par le moyen de la forme & des couleurs. Il faut donc conclure, que plus la Peinture imite fortement & fidelement la nature, plus elle nous conduit rapidement & directement vers sa fin, qui est de séduire nos yeux, & plus elle nous donne en cela des marques de sa veritable idée.
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La veritable Peinture est donc celle qui nous appelle (pour ainsi dire) en nous surprenant : & ce n’est que par la force de l’effet qu’elle produit, que nous ne pouvons nous empêcher d’en approcher, comme si elle avoit quelque chose à nous dire.
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la veritable Peinture doit appeller son Spectateur par la force & par la grande verité de son imitation ; & que le Spectateur surpris doit aller à elle, comme pour entrer en conversation avec les figures qu’elle represente. En effet quand elle porte le caractere du Vrai, elle semble ne nous avoir attirez que pour nous divertir, & nous instruire.
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Il faut que tous ses objets peints paroissent vrais, avant que de paroître d’une certaine façon ; parce que le Vrai dans la Peinture est la baze de toutes les autres parties, qui relevent l’excellence de cet Art, comme les sciences & les vertus relevent l’excellence de l’homme qui en est le fondement.
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Le Spectateur n’est pas obligé d’aller chercher du Vrai dans un ouvrage de Peinture : mais le Vrai dans la Peinture doit par son effet appeller les Spectateurs.
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[...] sans l’intelligence du Clair-obscur, & de tout ce qui dépend du Coloris, les autres parties de la Peinture perdent beaucoup de leur merite, au point même de perfection que Raphaël les a portées.
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Il faut beaucoup plus de Genie pour faire un bon usage des lumieres & des ombres, de l’harmonie des couleurs & de leur justesse pour chaque objet particulier, que pour dessiner correctement une figure.
Le Dessein qui demande tant de tems pour le bien sçavoir, ne consiste presque que dans une habitude de mesures & de contours que l’on repete souvent : mais le Clair-obscur & l’harmonie des couleurs sont un raisonnement continuel, qui exerce le genie, d’une maniere aussi differente que les Tableaux sont composés differemment.
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Cependant il est aisé de voir que ce qui a le plus de part à l’effet qui appelle le Spectateur, c’est le Coloris composé de toutes ses parties qui sont le Clair-obscur, l’harmonie des couleurs, & ces mêmes couleurs que nous appellons Locales, lors qu’elles imitent fidellement chacune en particulier la couleur des objets naturels que le Peintre veut representer.
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Les Peintres demi-savans qui se sont engagés dans un mauvais chemin, & la plupart des Savans dans les Lettres, veulent ordinairement soutenir de fausses idées qu’ils ont formées d’abord, & sans connoître, ni Dessein, ni Coloris, ni Raphaël, ni Rubens, parlent de ces deux Peintres sur une ancienne tradition qui bien que beaucoup diminuée par les bonnes réfléxions, a encore laissé des racines dans l’esprit de plusieurs.
Rien n’est bon, rien ne plaît sans le Vrai ; c’est la raison, c’est l’équité, c’est le bon sens & la base de toutes les perfections, c’est le but des Sciences, & tous les Arts qui ont pour objet l’Imitation ne s’exercent que pour instruire & pour divertir les hommes par une fidelle representation de la Nature.
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Outre ce Vrai général qui doit se trouver par tout, il y a un Vrai dans chacun des beaux Arts, & dans chaque Science en particulier. […] dans l’Imitation en fait de Peinture, il y a à observer que bien que l’objet naturel soit vrai & que l’objet qui est dans le Tableau ne soit que feint, celui-ci neanmoins est appellé Vrai quand il imite parfaitement le caractère de son modele.
Je trouve trois sortes de Vrai dans la Peinture.
Le Vrai Simple,
Le Vrai Ideal,
Et le Vrai Composé, ou le Vrai Parfait.
Le Vrai Simple que j’appelle le premier Vrai, est une imitation simple & fidelle des mouvemens expressifs de la Nature, & des objets tels que le Peintre les a choisis pour modele, & qu’ils se presentent d’abord à nos yeux, en sorte que les Carnations paroissent de veritables Chairs, […] que par l’intelligence du clair-obscur & de l’union des couleurs, les objets qui sont peints paroissent de relief, & le tout ensemble harmonieux.
Ce Vrai Simple trouve dans toutes sortes de naturels les moyens de conduire le Peintre à sa fin, qui est une sensible & vive imitation de la Nature […].
Le Vrai Ideal est un choix de diverses perfections qui ne se trouvent jamais dans un seul modele ; mais qui se tirent de plusieurs & ordinairement de l’Antique.
Ce Vrai Ideal comprend l’abondance des pensées, la richesse des inventions, la convenance des attitudes, l’élégance des contours, le choix des belles expressions, le beau jet des draperies, enfin tout ce qui peut sans alterer le premier Vrai le rendre plus piquant & plus convenable. Mais toutes ces perfections ne pouvant subsister que dans l’idée par raport à la Peinture, ont besoin d’un sujet légitime qui les conserve & qui les fasse paroître avec avantage ; & ce sujet légitime est le Vrai Simple : […] c’est-à-dire, un sujet bien disposé pour les recevoir & les faire subsister, […]. Il paroît donc que ces deux Vrais, le Vrai Simple & le Vrai Ideal font un composé parfait, dans lequel ils se prêtent un mutuel secours, avec cette particularité, que le premier Vrai perce & se fait sentir au travers de toutes les perfections qui lui sont jointes.
Le troisiéme Vrai qui est composé du Vrai Simple & du Vrai Ideal fait par cette jonction le dernier achevement de l’Art, & la parfaite imitation de la belle Nature. C’est ce beau Vraisemblable qui paroît souvent plus vrai que la verité-même, parce que dans cette jonction le premier Vrai saisit le Spectateur, sauve plusieurs négligences, & se fait sentir le premier sans qu’on y pense. […]
Ce troisiéme Vrai, est un but où personne n’a encore frappé ; on peut dire seulement que ceux qui en ont le plus approché sont les plus habiles. Le Vrai Simple & le Vrai Ideal ont été partagés selon le génie & l’éducation des Peintres, qui les ont possedés. Georgion, Titien, Pordenon, le vieux Palme, les Bassans, & toute l’Ecole Venitienne n’ont point eu d’autre merite que d’avoir possedé le premier Vrai. Et Leonard de Vinci, Raphaël, Jules Romain, Polidore de Caravage, le Poussin, & quelques autres de l’Ecole Romaine, ont établi leur plus grande reputation par le Vrai Ideal ; mais sur-tout Raphaël, qui outre les beautés du Vrai Ideal a possedé une partie considerable du Vrai Simple, & par ce moyen a plus approché du Vrai parfait qu’aucun de sa Nation.
BASSANO, les
DA VINCI, Leonardo
École romaine
École vénitienne
GIORGIONE (Giorgio da Castelfranco)
IL PORDENONE (Giovanni Antonio De' Sacchis)
NEGRETTI, Jacopo d'Antonio (Palma il Vecchio)
POLIDORO DA CARAVAGGIO
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
ROMANO, Giulio
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
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BASSANO, les
DA VINCI, Leonardo
École romaine
École vénitienne
GIORGIONE (Giorgio da Castelfranco)
IL PORDENONE (Giovanni Antonio De' Sacchis)
NEGRETTI, Jacopo d'Antonio (Palma il Vecchio)
POLIDORO DA CARAVAGGIO
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
ROMANO, Giulio
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
Roger de Piles définit trois types de Vrais : le Vrai Simple, le Vrai Idéal et le Vrai parfait, c’est-à-dire composé des deux précédents. Le Vrai Simple est l’imitation fidèle de la nature ; il fut l’apanage de l’école vénitienne. Le Vrai Idéal englobe les perfections choisies dans divers modèles à appliquer au Vrai Simple ; les artistes de l’école romaine l’ont possédé. Le Vrai parfait, ou Vrai composé, ce beau Vraisemblable, est donc la « parfaite imitation de la belle nature » ; Raphaël est l’Italien qui s’en est le plus approché.
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Ce Vrai Simple trouve dans toutes sortes de naturels les moyens de conduire le Peintre à sa fin, qui est une sensible & vive imitation de la Nature […].
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Le Vrai Ideal est un choix de diverses perfections qui ne se trouvent jamais dans un seul modele ; mais qui se tirent de plusieurs & ordinairement de l’Antique.
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Cependant il y a des contours chargés qui plaisent, parce qu’ils sont éloignés de la bassesse du naturel ordinaire, & qu’ils portent avec eux un air de liberté & une certaine idée de grand goût, qui impose à la plûpart des Peintres, lesquels appellent du nom de grande maniere ces sortes d’exagerations.
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Comme les Peintres appellent du nom de charge & de chargé tout ce qui est outré, & que tout ce qui est outré est hors de la Vraisemblance ; il est certain que tout ce qu’on appelle chargé est hors du Vrai que nous venons d’établir. […] On ne peut néanmoins s’empêcher de louer dans quelques grands Ouvrages les choses chargées, quand une raisonnable distance d’où on les voit les adoucit à nos yeux, ou qu’elles sont employées avec une discretion qui rend plus sensible le caractère de la verité.
La distance (entre le tableau et le spectateur) est évoquée par rapport à la charge. Les précautions que prend Roger de Piles vis-à-vis du jugement des exagérations annoncent au lecteur avisé l’omniprésence de Rubens dans cet ouvrage comme modèle de perfection picturale.
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Il est Vrai que le Peintre est obligé de savoir l’Anatomie, & les exagérations piquantes qui en dérivent, parce que l’Anatomie est le fondement du Dessein & que les exagérations peuvent conduire à la perfection ceux qui savent en prendre & en laisser autant qu’il en faut, pour accorder la justesse & la simplicité du Dessein avec le bon gout. Ces exagérations sont suportables & souvent agréables dans les Desseins qui ne sont que les pensées des Tableaux ; & le Peintre savant s’en peut servir utilement lorsqu’il commence & qu’il ébauche son Ouvrage : mais il doit les retrancher quand il veut que son Tableau paroisse dans sa perfection, comme un Architecte retranche & rejette le ceintre qui lui a servi à bâtir sa voûte.
Non-seulement toute affectation déplaît, mais la Nature est encore obscurcie par le nuage de la mauvaise habitude que les Peintres appellent Maniere.
Pour bien entendre ce principe, il est bon de savoir qu’il y a deux sortes de Peintres. Quelques-uns qui sont en petit nombre peignent selon les principes de leur Art, & font des Ouvrages où le Vrai se rend assez sensible pour arrêter le Spectateur & lui faire plaisir. D’autres peignent seulement de pratique par une habitude expéditive qu’ils ont contractée d’eux-mêmes sans raisonner ; ou qu’ils ont apprise de leurs Maîtres sans réflechir. Ils font quelquefois bien par hazard ou par reminiscence, & toujours médiocrement quand ils travaillent de leur propre fond.
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Au reste de tous les beaux Arts, celui où le Vrai se doit trouver le plus sensiblement est sans doute la Peinture. Les autres Arts ne font que réveiller l’idée des choses absentes, au lieu que la Peinture les supplée entierement, & les rend presentes par son essence qui ne consiste pas seulement à plaire aux yeux, mais à les tromper.
Appelles avoit donc plus de soin d’observer le Vrai dans ses portraits, que de les embellir en les altérant.
En effet le Vrai a tant de charmes en cette occasion, qu’on le doit toujours préferer au secours d’une beauté étrangere. Car sans le Vrai les portraits ne peuvent conserver qu’une idée vague & confuse de nos amis, & non pas un véritable caractere de leur personne.
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Il me paroît donc que l’Invention est un choix des objets qui doivent entrer dans la composition du sujet que le Peintre veut traiter.
Je dis que c’est un choix, parce que les objets ne doivent point être introduits dans le Tableau inconsidérément, & sans contribuer à l’expression & au caractère du sujet. Je dis encore que ces objets doivent entrer dans la composition du Tableau, & non pas la faire toute entiere, afin de ne point confondre l’invention avec la Disposition, & de laisser à celle-ci toute la liberté de sa fonction, qui consiste à placer ces mêmes objets avantageusement.
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L’Invention par rapport à la Peinture se peut considerer de trois manieres : elle est, ou Historique simplement, ou Allegorique, ou Mystique.
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Les Peintres se servent avec raison du mot d’Histoire, pour signifier le genre de Peinture le plus considerable, & qui consiste à mettre plusieurs figures ensemble ; & l’on dit : Ce Peintre fait l’Histoire, cet autre fait des Animaux, celui-ci du Païsage, celui-là des Fleurs, & ainsi du reste. Mais il y a de la difference entre la division des genres de Peinture & la division de l’Invention.
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Mais il y a de la difference entre la division des genres de Peinture & la division de l’Invention. Je me sers ici du mot d’Histoire dans un sens plus étendu : j’y comprens tout ce qui peut fixer l’idée du Peintre, ou instruire le Spectateur, & je dis que l’Invention simplement Historique est un choix d’objets, qui simplement par eux-mêmes répresentent le sujet.
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Les Peintres se servent avec raison du mot d’Histoire, pour signifier le genre de Peinture le plus considerable, & qui consiste à mettre plusieurs figures ensemble ; & l’on dit : Ce Peintre fait l’Histoire, cet autre fait des Animaux, celui-ci du Païsage, celui-là des Fleurs, & ainsi du reste. Mais il y a de la difference entre la division des genres de Peinture & la division de l’Invention. Je me sers ici du mot d’Histoire dans un sens plus étendu : j’y comprens tout ce qui peut fixer l’idée du Peintre, ou instruire le Spectateur, & je dis que l’Invention simplement Historique est un choix d’objets, qui simplement par eux-mêmes répresentent le sujet.
[…] l’Invention simplement Historique est un choix d’objets, qui simplement par eux-mêmes répresentent le sujet.
Cette sorte d’Invention ne regarde pas seulement toutes les Histoires vraies & fabuleuses, telles qu’elles sont écrites dans les Auteurs, ou qu’elles sont établies par la Tradition : mais elle comprend encore les portraits des personnes, la répresentation des païs, des animaux, & de toutes les productions de l’Art & de la Nature. […] Ceux qui en ont écrit, & qui ont accompagné leur Ouvrage de figures démonstratives, l’ont nommé du nom d’Histoire, & l’on dit l’Histoire des Plantes, l’Histoire des Animaux, comme on dit l’Histoire d’Alexandre. Ce n’est pas que l’Invention simplement Historique n’ait ses degrés, & qu’elle ne soit plus ou moins estimable, selon la quantité des choses qu’elle contient, & la qualité du choix & du genie.
Dans la hiérarchie des inventions, l’invention historique se place en bas de l’échelle
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L’invention allegorique est un choix d’objets qui servent à répresenter dans un Tableau, ou en tout, ou en partie, autre chose que ce qu’ils sont en effet. Tel est par exemple, le Tableau d’Apelle qui répresente la Calomnie duquel Lucien fait la description. Telle est la Peinture morale d’Hercules entre Vénus & Minerve, où ces Divinités Payennes ne sont introduites que pour nous marquer l’attrait de la Vertu. Telle est celle de l’Ecole d’Athenes […] Les trois autres Tableaux qui sont au Vatican dans la même chambre, sont tous traités dans le même genre d’Allegorie. […] Voilà des exemples de sujets qui sont Allegoriques en tout ce qu’ils contiennent.
Les Ouvrages dont les objets ne sont Allegoriques qu’en partie ; attirent plus facilement & plus agréablement notre attention, parce que le Spectateur qui est aidé par le mêlange des figures purement Historiques, demêle avec plaisir les Allegories qui les accompagnent. Nous en avons un exemple autentique dans les bas-reliefs de la Colonne Antonine
APELLE, La Calomnie
ARISTIDES, Colonne Antonine, IIe siècle après J.-C., marbre, h. 1475 , Vatican, Cortile della Pinacoteca, Inv. 5115.
BOTTICELLI, Sandro, La Calomnie d'Apelles, v. 1495, tempera sur bois, 62 x 91, Firenze, Uffizi.
CARRACCI, Annibale, Hercule à la croisée des chemins ou Hercule entre la vertu et la volupté, 1595 - 1596, huile sur toile, 165 x 239, Napoli, Museo Capodimonte.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , Dispute du Très Saint-Sacrement, 1509 - 1510, fresque, 500 × 770, Vatican, Musei Vaticani.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , L'École d'Athènes, 1509 - 1510, fresque, 440 x 770, Vatican, Musei Vaticani.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , Le Parnasse, 1509 - 1511, fresque, Vatican, Musei Vaticani.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , Les Vertus cardinales et Théologales et la Loi, 1508 - 1511, fresque, Vatican, Musei Vaticani.
RUBENS, Peter Paul, Le triomphe de la Vertu, v. 1615 - v. 1616, huile sur bois, 203 x 222, Dresden, Staatliche Kunstsammlungen Dresden, Gal.-Nr. 956.
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Jupiter n’est pas répresenté là [ndr : dans les bas-reliefs de la Colonne Antonine] comme un Dieu qui fasse partie de l’Histoire : mais comme un Symbole qui signifie la pluie parmi les Payens. Les anciens Auteurs en parlant des Ouvrages de Peinture de leur tems, nous rapportent quantité d’exemples d’Allegories ; & depuis le renouvellement de la Peinture, les Peintres en ont fait un usage assez frequent : & si quelques-uns en ont abusé, c’est que ne sachant pas que l’Allegorie est une espece de langage qui doit être commun entre plusieurs personnes, & qui est fondé sur un usage reçû, & sur l’intelligence des livres de Médailles, ils ont mieux aimé, plutôt que de les consulter, imaginer une Allegorie particuliere, qui bien qu’ingenieuse n’a pû être entendue que d’eux-mêmes.
L’Invention Mystique, regarde notre Religion : elle a pour but de nous instruire de quelque Mystere fondé dans l’Ecriture, lequel nous est représenté par plusieurs objets qui concourent à nous enseigner une verité.
Cette brève définition de l’invention mystique se développe ensuite à travers une longue description d’une esquisse de Rubens représentant L’incarnation du Christ que Roger de Piles avait en sa possession
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Le Peintre qui a du genie trouve dans toutes les parties de son Art une ample matiere de le faire paroître : mais celle qui lui fournit plus d'occasions de faire voir ce qu'il a d'esprit, d'imagination, & de prudence est sans doute l'Invention. C'est par elle que la Peinture marche de pas égal avec la Poësie, & c'est elle principalement qui attire l'estime des personnes les plus estimables, je veux dire des gens d'esprit, qui non contens de la seule imitation des objets, veulent que le choix en soit juste pour l'expression du sujet.
Mais ce même genie veut être cultivé par les connoissances qui ont relation à la Peinture ; parce que quelque brillante que soit notre imagination, elle ne peut produire que les choses dont notre esprit s'est rempli, & notre mémoire ne nous rapporte que les idées de ce que nous savons, & de ce que nous avons vû. C'est selon cette mesure que les talens des particuliers demeurent dans la bassesse des objets communs, ou s'élevent au sublime, par la recherche de ceux qui sont extraordinaires. C'est par-là que certains Peintres qui, ont cultivé leur esprit ont heureusement suppléé au genie qui leur manquoit d'ailleurs, & que s'élevant avec leur sujet, leur sujet s'éléve & s'agrandit avec eux. Sans les connoissances nécessaires, on fait beaucoup de fautes ; avec elles, tout se presente & se range en son ordre insensiblement.
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Comme le Peintre ne peut représenter dans un même Tableau que ce qui se voit d'un coup d'œil dans la Nature, il ne peut par consequent nous y exposer ce qui s'est passé dans des tems differens : Et si quelques Peintres ont pris la liberté de faire le contraire, ils en sont inexcusables, à moins qu'ils n'y ayent été contraints par ceux qui les ont employés ou qu'ils n'ayent eu dans la pensée de composer un sujet Mysterieux ou Allégorique comme est le Tableau de l'Ecole d'Athenes.
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Mais quand le Peintre a une fois bien choisi son sujet, il est très à propos qu'il y fasse entrer les circonstances qui peuvent servir à fortifier le caractere de ce même sujet, & à le faire connoître : pourvû qu'elles n'y soyent pas en assez grand nombre pour lasser notre attention : mais plûtôt que le choix en soit assez judicieux pour exercer agréablement nôtre esprit : Et ces circonstances regardent, le lieu, le tems, & les personnes.
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Entre les qualités que peut avoir l'Invention simplement Historique, j'en remarque trois, la Fidelité, la Netteté, & le bon Choix.
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J'ai observé ailleurs que la fidelité de l'Histoire n'étoit pas de l'essence de la Peinture ; mais une convenance indispensable à cet Art. Et quoique le Peintre ne soit Historien que par accident, c'est toujours une grande faute que de sortir mal de ce que l'on entreprend. J'entens par la fidelité de l'Histoire, l'étroite imitation des choses vraies ou fabuleuses telles qu'elles nous sont connues par les Auteurs, ou par la Tradition. Il est sans doute que cette Imitation donne d'autant plus de force à l'Invention, & releve d'autant plus le prix du Tableau, qu'elle conserve de fidelité.
Mais si le Peintre a l'industrie de mêler dans son sujet quelque marque d'érudition qui réveille l'attention du Spectateur sans détruire la vérité de l'Histoire, s'il peut introduire quelque trait de Poësie dans les faits Historiques qui pourront le souffrir; en un mot, s'il traite ses sujets selon la licence moderée qui est permise aux Peintres & aux Poëtes, il rendra ses Inventions élevées, & s'attirera une grande distinction. La Fidélité est donc la premiere qualité de l'Histoire
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J'ai observé ailleurs que la fidelité de l'Histoire n'étoit pas de l'essence de la Peinture ; mais une convenance indispensable à cet Art. Et quoique le Peintre ne soit Historien que par accident, c'est toujours une grande faute que de sortir mal de ce que l'on entreprend. J'entens par la fidelité de l'Histoire, l'étroite imitation des choses vraies ou fabuleuses telles qu'elles nous sont connues par les Auteurs, ou par la Tradition. Il est sans doute que cette Imitation donne d'autant plus de force à l'Invention, & releve d'autant plus le prix du Tableau, qu'elle conserve de fidelité.
Mais si le Peintre a l'industrie de mêler dans son sujet quelque marque d'érudition qui réveille l'attention du Spectateur sans détruire la vérité de l'Histoire, s'il peut introduire quelque trait de Poësie dans les faits Historiques qui pourront le souffrir; en un mot, s'il traite ses sujets selon la licence moderée qui est permise aux Peintres & aux Poëtes, il rendra ses Inventions élevées, & s'attirera une grande distinction. La Fidélité est donc la premiere qualité de l'Histoire
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La seconde est la Netteté, en sorte que le Spectateur suffisamment instruit dans l'Histoire, dévelope facilement celle que le Peintre aura voulu répresenter. D'où il s'ensuit qu'il faut ôter l'équivoque par quelque marque qui soit propre au sujet, & qui détermine l'esprit en sa faveur. Je parle des sujets qui ne sont pas fort ordinaires ; car pour ceux qui sont connus du Public, & qui ont été plusieurs fois repétés, ils n'ont pas besoin de cette précaution.
Que si le sujet n'est point assez connu, ou qu'on ne puisse raisonnablement y introduire quelque objet qui le déclare, le Peintre ne doit point hésiter d'y mettre une inscription. Entre plusieurs exemples que les Anciens & les Modernes nous en fournissent, j'en choisirai seulement deux qui sont très connus, l'un est de Raphaël, & l'autre d'Annibal Carache. Celui-ci ayant peint dans la Gallerie Farnese le moment où Anchise cherche à donner des marques de son amour à la Déesse Venus, & voulant empêcher qu'on ne prît Anchise pour Adonis, s'est ingenieusement servi du mot de Virgile, *Genus unde Latinum, qu'il a écrit au dessous du lit dans l'épaisseur de l'estrade. Et Raphaël dans son Parnasse où il a placé Sapho parmi les Poëtes, a écrit le nom de cette savante fille, de peur qu'on ne la confondît avec les Muses.
*Ce mot veut dire : C’est d’où vient l’origine des Latins.
CARRACCI, Annibale et CARRACCI, les, Vénus et Anchise, 1597 - 1607, fresque, Pas d'informations, Roma, Palazzo Farnese.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , Le Parnasse, 1509 - 1511, fresque, Vatican, Musei Vaticani.
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CARRACCI, Annibale et CARRACCI, les, Vénus et Anchise, 1597 - 1607, fresque, Pas d'informations, Roma, Palazzo Farnese.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , Le Parnasse, 1509 - 1511, fresque, Vatican, Musei Vaticani.
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CARRACCI, Annibale et CARRACCI, les, Vénus et Anchise, 1597 - 1607, fresque, Pas d'informations, Roma, Palazzo Farnese.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , Le Parnasse, 1509 - 1511, fresque, Vatican, Musei Vaticani.
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CARRACCI, Annibale et CARRACCI, les, Vénus et Anchise, 1597 - 1607, fresque, Pas d'informations, Roma, Palazzo Farnese.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , Le Parnasse, 1509 - 1511, fresque, Vatican, Musei Vaticani.
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CARRACCI, Annibale et CARRACCI, les, Vénus et Anchise, 1597 - 1607, fresque, Pas d'informations, Roma, Palazzo Farnese.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , Le Parnasse, 1509 - 1511, fresque, Vatican, Musei Vaticani.
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La troisiéme qualité de l'Histoire consiste dans le choix du Sujet, supposé que le Peintre en soit le maître : parce qu'un sujet remarquable fournit plus d'occasions d'enrichir la scene & d'attirer l'attention. Mais si le Peintre se trouve engagé dans un petit sujet, il faut qu'il tâche de le rendre grand par la maniere extraordinaire dont il le traitera.
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L'Invention Allegorique exige pareillement trois qualités. La premiere est d'être intelligible. C’est un aussi grand défaut de tenir longtems l’attention en suspend par des symboles nouvellement inventés, comme c’est une perfection que l’entretenir quelques momens par des figures Allegoriques connues, reçûes, & employées ingenieusement. […]
La seconde qualité de l'Allegorie est d'être autorisée. Ripa en a écrit un Volume exprès qui est entre les mains des Peintres : mais ce qui est de meilleur dans cet Auteur, est ce qu'il a extrait des Médailles Antiques : ainsi l'autorité la mieux reçûe pour les Allégories, est celle de l'Antiquité, parce qu'elle est incontestable.
La troisiéme qualité de l'Allégorie, est d'être nécessaire ; car tant que l'Histoire se peut éclaircir par des objets simples qui lui apartiennent, il est inutile de chercher des secours étrangers qui l'ornent bien moins qu'ils ne l'embarassent.
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L'invention allégorique repose sur trois qualités : être intelligible, être autorisée et être nécessaire.
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A l'égard de l'Invention Mystique, comme elle est entierement consacrée à notre Religion, il faut qu'elle soit pure, & sans mélange d'objets tirés de la Fable. Elle doit être fondée sur l'Ecriture, ou sur l'Histoire Ecclesiastique. […]
Comme rien n'est plus saint, plus grand, ni plus durable que les Mysteres de notre Religion, ils ne peuvent être traités d'un style trop majestueux. Tout ce qui plaît ne plaît pas toujours, & les plus grands plaisirs finissent ordinairement par le dégoût ; mais celui que donne l'idée de la grandeur & de la magnificence ne finit jamais.
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Ce n'est point une simple Histoire que le Peintre a voulu représenter, c'est une allegorie où la diversité des tems & des païs n'empêche point l'unité du sujet.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , Dispute du Très Saint-Sacrement, 1509 - 1510, fresque, 500 × 770, Vatican, Musei Vaticani.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , L'École d'Athènes, 1509 - 1510, fresque, 440 x 770, Vatican, Musei Vaticani.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , Le Parnasse, 1509 - 1511, fresque, Vatican, Musei Vaticani.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , Les Vertus cardinales et Théologales et la Loi, 1508 - 1511, fresque, Vatican, Musei Vaticani.
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RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , Dispute du Très Saint-Sacrement, 1509 - 1510, fresque, 500 × 770, Vatican, Musei Vaticani.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , L'École d'Athènes, 1509 - 1510, fresque, 440 x 770, Vatican, Musei Vaticani.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , Le Parnasse, 1509 - 1511, fresque, Vatican, Musei Vaticani.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , Les Vertus cardinales et Théologales et la Loi, 1508 - 1511, fresque, Vatican, Musei Vaticani.
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Dans la division que j'ai faite de la Peinture, j'ai dit que la composition qui en est la premiere partie, contenoit deux choses, l'Invention, & la Disposition. En traitant de l'Invention, j'ai fait voir qu'elle consistoit à trouver les objets convenables au sujet que le Peintre veut représenter. Mais quelque avantageux que soit le sujet, quelque ingenieuse que soit l'Invention, quelque fidelle que soit l'imitation des objets que le Peintre a choisis, s'ils ne sont bien distribués, la composition ne satisfera jamais pleinement le Spectateur desinteressé, & n'aura jamais une approbation generale. L'œconomie & le bon ordre est ce qui fait tout valoir, ce qui dans les beaux Arts attire notre attention, & ce qui tient notre esprit attaché jusqu'à ce qu'il soit rempli des choses qui peuvent dans un Ouvrage & l'instruire, & lui plaire en même tems. Et c'est cette Œconomie que j'appelle proprement Disposition.
Dans cette idée, la Disposition contient six parties.
1. La Distribution des Objets en general.
2. Les Grouppes.
3. Le Choix des Attitudes.
4. Le contraste.
5. Le jet des Draperies.
6. Et l'effet du Tout-ensemble ; où par occasion il est parlé de l'Harmonie & de l'Enthousiasme.
J'examinerai toutes ces parties dans leur rang le plus succintement & le plus nettement qu'il me sera possible.
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Dans cette idée, la Disposition contient six parties.
1. La Distribution des Objets en general.
2. Les Grouppes.
3. Le Choix des Attitudes.
4. Le contraste.
5. Le jet des Draperies.
6. Et l'effet du Tout-ensemble ; où par occasion il est parlé de l'Harmonie & de l'Enthousiasme.
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[…] le bon sens, & la qualité de la matiere doivent déterminer le Peintre à donner aux objets qu'il aura choisis les places qui leur conviennent pour remplir les devoirs d'une bonne composition.
[…] Car l'œconomie dépend de la qualité du sujet, qui est tantôt patetique & tantôt enjoué, tantôt heroïque & tantôt populaire, tantôt tendre & tantôt terrible, & enfin qui demande plus ou moins de mouvement, selon qu'il est plus ou moins vif ou tranquille. Mais si le sujet inspire au Peintre une bonne œconomie dans la distribution des objets, la bonne distribution de son côté sert merveilleusement à exprimer le sujet. Elle donne de la force & de la grace aux choses qui sont inventées ; elle tire les figures de la confusion, & fait que ce que l'on represente est plus net, plus sensible & plus capable d'appeller, & d'arrêter son Spectateur.
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Cette distribution des objets en général regarde les Grouppes, & les Grouppes resultent de la liaison des objets. Or cette liaison se doit considerer de deux manieres : ou, par rapport au Dessein seulement, ou par rapport au Clair-obscur. L'une & l'autre maniere concourent à empêcher la dissipation des yeux, & à les fixer agreablement.
La liaison des objets par rapport seulement au Dessein, & sans avoir égard au Clair-obscur, regarde principalement les figures humaines, dont les actions, les conversations & les affinités exigent souvent qu'elles soient proches les unes des autres.
[…] il est bon d'être averti que les liaisons dont nous avons parlé, tirent leurs meilleurs principes du choix des Attitudes & du Contraste.
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La partie de la Peinture qui est comprise sous le mot d'Attitude, qui renferme tous les mouvemens du corps humain, & qui demande une connoissance exacte de la Ponderation, doit être examinée à fond dans un Traité particulier qui a relation à celui du Dessein. Et comme elle est aussi du ressort de la disposition par rapport à la sorte de Grouppe dont nous parlons, je dirai seulement en cette occasion que quelque Attitude que l'on donne aux figures pour quelque sorte de sujet que ce puisse être, il faut qu'elle fasse voir de belles parties autant que la nature du sujet peut le souffrir. Il faut de plus, qu'elle ait un tour, qui sans sortir de la vraisemblance, ni du caractere de la personne, jette de l'agrément dans l'action.
[…] Il est donc aisé de voir que le choix des belles Attitudes fait la plus grande partie des beautés du Grouppe.
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[…] Il faut de plus, qu'elle [ndr : l’attitude] ait un tour, qui sans sortir de la vraisemblance, ni du caractere de la personne, jette de l’agrément dans l'action.
En effet, il n’y a rien dans l’imitation où l’on ne puisse faire entrer de la grace, ou par le choix, ou par la maniere d’imiter. Il y a de la grace dans l’expression des vices comme dans celle des vertus. […] En un mot la connoissance du caractere qui est attaché à chaque objet, & qui regarde principalement les sexes, les âges, & les conditions, est le fondement du bon choix, & la source où l’on puise les graces convenables à chaque figure.
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Le mot de Contraste n'est usité dans notre langue que parmi les Peintres qui l'ont pris des Italiens […] Il renferme non seulement les differens mouvemens des figures, mais les differentes situations des membres, & de tous les autres objets qui se trouvent ensemble, en sorte que cela paroisse sans affectation, & seulement pour donner plus d'énergie à l'expression du sujet. […] On peut donc définir le Contraste. Une opposition des lignes qui forment les objets, par laquelle ils se font valoir l'un l'autre.
Cette opposition bien entendue donne de la vie aux objets, attire l'attention, & augmente la grace qui est si necessaire dans les Grouppes, dans ceux au moins, qui regardent le Dessein, & la liaison des Attitudes.
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Mais les Grouppes qui ont rapport au Clair-obscur reçoivent toutes sortes d’objets de quelque Nature qu’ils puissent être. Ils demandent une connoissance des lumieres & des ombres non seulement pour chaque objet en particulier ; mais ils exigent encore une intelligence des effets que ces ombres & ces lumieres sont capables de causer dans leur assemblage, & c’est ce qu’on appelle proprement l’artifice du Clair-obscur dont j’ai traité avec toute l’exactitude qui m’a été possible en parlant du Coloris.
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Comme la principale beauté des Draperies consiste dans une convenable distribution des plis, & qu'elles sont d'un frequent usage pour la composition des Grouppes, on ne peut s'empêcher de regarder cette matiere comme dépendante en partie de la disposition.
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Le Tout ensemble est un resultat des parties qui composent le Tableau, ensorte neanmoins que ce Tout qui est une liaison de plusieurs objets ne soit point comme un nombre composé de plusieurs unités independantes & égales entr'elles, mais qu'il ressemble à un Tout politique ; où les grands ont besoin des petits, comme les petits ont besoin des grands. Tous les objets qui entrent dans le Tableau, toutes les lignes & toutes les couleurs, toutes les lumieres & toutes les ombres ne sont grandes ou petites, fortes ou foibles que par comparaison. Mais quelle que soit la qualité de toutes ces choses, & quelque soit l'état où elles se trouvent, elles ont une relation dans leur assemblage, dont aucune en particulier ne peut se prévaloir. Car l'effet qui en resulte consiste dans une subordination générale où les bruns font valoir les clairs, comme les clairs font valoir les bruns, & où le merite de chaque chose n'est fondé que sur une mutuelle dépendance. Ainsi pour définir le Tout ensemble, on peut dire que c'est une subordination générale des objets les uns aux autres, qui les fait concourir tous ensemble à n'en faire qu'un.
Or cette subordination qui fait concourir les objets à n'en faire qu'un, est fondée sur deux choses, sur la satisfaction des yeux, & sur l'effet que produit la vision.
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Le Tout ensemble est un resultat des parties qui composent le Tableau, ensorte neanmoins que ce Tout qui est une liaison de plusieurs objets ne soit point comme un nombre composé de plusieurs unités independantes & égales entr'elles, mais qu'il ressemble à un Tout politique ; où les grands ont besoin des petits, comme les petits ont besoin des grands. Tous les objets qui entrent dans le Tableau, toutes les lignes & toutes les couleurs, toutes les lumieres & toutes les ombres ne sont grandes ou petites, fortes ou foibles que par comparaison. Mais quelle que soit la qualité de toutes ces choses, & quelque soit l'état où elles se trouvent, elles ont une relation dans leur assemblage, dont aucune en particulier ne peut se prévaloir. Car l'effet qui en resulte consiste dans une subordination générale où les bruns font valoir les clairs, comme les clairs font valoir les bruns, & où le merite de chaque chose n'est fondé que sur une mutuelle dépendance. Ainsi pour définir le Tout ensemble, on peut dire que c'est une subordination générale des objets les uns aux autres, qui les fait concourir tous ensemble à n'en faire qu'un.
Or cette subordination qui fait concourir les objets à n'en faire qu'un, est fondée sur deux choses, sur la satisfaction des yeux, & sur l'effet que produit la vision.
Je rapporterai encore ici l'experience du Miroir convexe, lequel encherit sur la Nature pour l'unité d'objet dans la vision. Tous les objets qui s'y voient font un coup d'œil, & un Tout ensemble plus agreable que ne feroient les mêmes objets dans un miroir ordinaire, & j'ose dire dans la Nature même. (Je suppose le Miroir convexe d'une mesure raisonnable, & non pas de ceux qui pour être partie d'une petite circonference corrompent trop la forme des objets). Je dirai en passant que ces sortes de Miroirs qui sont devenus assez rares pourroient être utilement consultés pour les objets particuliers, comme pour le général du Tout-ensemble.
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Il reste encore à parler d’un effet merveilleux du Tout ensemble, c’est de mettre tous les objets en harmonie. Car l’harmonie quelque part qu’elle se rencontre, vient de l’arrangement & du bon ordre. […] Or comme on doit supposer que cet ordre se trouve dans toutes les parties de la Peinture separement, on doit conclure qu’elles ont leur harmonie particuliere. Mais ce n’est point assez que ces parties ayent leur arangement & leur justesse en particulier, il faut encore que dans un Tableau elles s’accordent toutes ensemble, & qu’elles ne fassent qu’un Tout harmonieux ; de même qu’il ne suffit pas pour un concert de Musique que chaque partie se fasse entendre avec justesse, & demeure dans l’arrangement particulier de ses notes, il faut encore qu’elles conviennent d’une harmonie qui les rassemble, & qui de plusieurs Tous particuliers n’en fasse qu’un général. C’est ce que fait la Peinture par la subordination des objets, des Grouppes, des couleurs, & des lumieres dans le général du Tableau.
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Il y a dans la Peinture differens genres d'harmonie. Il y en a de douce & de moderée, comme l'ont ordinairement pratiqué le Correge & le Guide. Il y en a de forte & d'élevée, comme celle du Giorgion, du Titien & du Caravage : & il y en peut avoir en differens degrés, selon la supposition des lieux, des tems, de la lumiere & des heures du jour.
CARAVAGGIO (Michelangelo Merisi da Caravaggio)
GIORGIONE (Giorgio da Castelfranco)
IL CORREGGIO (Antonio Allegri)
RENI, Guido
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
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CARAVAGGIO (Michelangelo Merisi da Caravaggio)
GIORGIONE (Giorgio da Castelfranco)
IL CORREGGIO (Antonio Allegri)
RENI, Guido
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
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Or comme celui qui considere un Ouvrage suit le degré d'élévation qu'il y trouve, le transport d'esprit qui est dans l'Enthousiasme est commun au Peintre & au Spectateur ; avec cette difference neanmoins, que bien que le Peintre ait travaillé à plusieurs reprises pour échauffer son imagination, & pour monter son Ouvrage au degré que demande l'Enthousiasme, le Spectateur au contraire sans entrer dans aucun détail se laisse enlever tout à coup, & comme malgré lui, au degré d'Enthousiasme où le Peintre l'a attiré.
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L'Enthousiasme est un transport de l'esprit qui fait penser les choses d'une maniere sublime, surprenante, & vraisemblable. […]
[...] Quoique le Vrai plaise toujours, parce qu'il est la base & le fondement de toutes les perfections, il ne laisse pas d'être souvent insipide quand il est tout seul ; mais quand il est joint à l’Enthousiasme, il transporte l'esprit dans une admiration mêlée d'étonnement ; il le ravit avec violence sans lui donner le tems de retourner sur lui-même.
J'ai fait entrer le Sublime dans la définition de l'Enthousiasme, parce que le Sublime est un effet & une production de l'Enthousiasme. […] Mais comme l'Enthousiasme & le Sublime tendent tous deux à élever notre esprit, on peut dire qu'ils sont d'une même nature. La difference neanmoins qui me paroît entre l'un & l'autre, c'est que l'Enthousiasme est une fureur de veine qui porte notre ame encore plus haut que le Sublime, dont il est la source, & qui a son principal effet dans la pensée & dans le Tout ensemble de l'ouvrage ; aulieu que le Sublime se fait sentir également dans le général, & dans le détail de toutes les parties. L'Enthousiasme a encore cela que l'effet en est plus prompt, & que celui du Sublime demande au moins quelques momens de réfléxion pour être vû dans toute sa force.
[…] Il me paroît, en un mot, que l'Enthousiasme nous saisit, & que nous saisissons le Sublime.
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[...] Quelques esprits de feu ont pris l'emportement de leur imagination pour le vrai Enthousiasme […] Il est certain que ceux qui ont un genie de feu entrent facilement dans l'Enthousiasme, parce que leur imagination est presque toujours agitée ; mais ceux qui brûlent d'un feu doux, qui n'ont qu'une médiocre vivacité jointe à un bon jugement, peuvent s'insinuer dans l'Enthousiasme par degrés, & le rendre même plus reglé par la solidité de leur esprit. S'ils n'entrent pas si facilement, ni si promptement dans cette fureur Pittoresque, pour ainsi parler, ils ne laissent pas de s'en laisser saisir peu-à-peu ; parce que leurs réfléxions leur font tout voir & tout sentir, & que non seulement il y a plusieurs degrés d'Enthousiasme, mais encore plusieurs moyens d'y arriver. […]
Pour disposer l'esprit à l'Enthousiasme, généralement parlant, rien n'est meilleur que la vûe des Ouvrages des grands Maîtres, & la lecture des bons Auteurs Historiens ou Poëtes, à cause de l'élévation de leurs pensées, de la noblesse de leurs expressions, & du pouvoir que les exemples ont sur l'esprit des hommes.
Le mot de Dessein par rapport à la Peinture, se prend de trois manieres : ou il represente la pensée de tout l’Ouvrage avec les lumieres & les ombres, & quelquefois avec les couleurs mêmes, & pour lors il n’est pas regardé comme une des parties de la Peinture, mais comme l’idée du Tableau que le Peintre médite : ou il represente quelque partie de figure humaine, ou quelque animal, ou quelque draperie, le tout d’après le naturel, pour être peint dans quelque endroit du Tableau, & pour servir au Peintre comme d’un témoin de la verité, & cela s’appelle une étude ; ou bien il est pris pour la circonscription des objets, pour les mesures & les proportions des formes exterieures, & c’est dans ce sens qu’il est une des parties de la Peinture.
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Si le Dessein est, comme il est vrai, la circonscription des formes exterieures, s'il les réduit dans les mesures & dans les proportions qui leur conviennent, il est vrai de dire aussi que c'est une espece de creation, qui commence à tirer comme du néant, les productions visibles de la Nature, qui sont l'objet du Peintre.
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Il [ndr : le dessin] est la clef des beaux Arts ; c’est lui qui donne entrée aux autres parties de la Peinture ; c’est l’organe de nos pensées, l’instrument de nos démonstrations, & la lumiere de notre entendement. C’est donc par lui que les jeunes Etudians doivent non-seulement commencer, mais c’est de lui qu’ils doivent contracter une forte habitude, pour acquerir avec plus de facilité la connoissance des autres parties dont il est le fondement.
Je regarde dans le Dessein plusieurs parties d’une extrême necessité à quiconque veut devenir habile, dont voici les principales. La Correction, le bon Gout, l’Elegance, le Caractere, la Diversité, l’Expression & la Perspective.
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Correction est un terme dont les Peintres se servent ordinairement pour exprimer l’état d’un Dessein qui est exempt de fautes dans les mesures. Cette correction dépend de la justesse des Proportions, & de la connoissance de l’Anatomie.
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Il y a une proportion generale fondée sur les mesures les plus convenables pour faire une belle figure. On peut consulter & examiner ceux qui ont écrit des Proportions, & qui ont donné des mesures generales pour les figures humaines, supposé qu'ils ayent eux-mêmes consulté à fond & la Nature & la Sculpture des Anciens.
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[…] il y a aussi des Proportions particulieres, qui regardent principalement les sexes, les âges, & les conditions, & qui dans ces mêmes états trouvent encore une infinie varieté. Pour ce qui est des Proportions particulieres, la Nature en fournit autant qu’il y a d’hommes sur la terre, mais pour rendre ces Proportions justes & agreables, il n'y a que l’Antique dont la source est dans la Nature, qui puisse servir d’exemple, & former une solide idée de la belle diversité.
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