EXPRESSION (n. f.)
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Aristote {L. de Poet. c. 6} le [ndr : Zeuxis] reprent aussi de n’avoir pas exprimé comme Polygnotus les mœurs, ny fait comprendre les passions, quoy que Pline {L. 35. c. 9. & 10.} dise qu’elles étoient visibles dans sa Penelope qui fit un de ses chefs-d’œuvres […]. Le peintre Aristide est le premier de tous qui se servit de la Morale dans sa profession, & qui sçeut pendre l’Ame avecque ses pensées aussi bien que le corps, par l’expression visible de tous les mouvemens interieurs ; les couleurs dont il [ndr : Aristide] se servoit estoient neantmois trouvées un peu rudes de son tems.
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Comment il faut estudier les mouvements de l’homme
Avant de s’appliquer à l’estude de l’expression des mouvements de l’homme, il faut avoir une connoissance genérale de tous les membres du corps & de ses jointures, en toutes les positions où ils peuvent estre, & puis esquisser legerement à l’occasion l’action des personnes sans qu’ils sçachent que vous les considérez, parce que s’en appercevant ils auront l’esprit distrait, & perdront la naïsveté & la force de l’expression […] ; ce qu’il seroit impossible de representer par un modele auquel on voudroit faire exprimer les effets d’une veritable colere, ou de quelqu’aute passion, comme le rire, le pleurer, le sentiment de douleur, l’admiration, la creinte, & des affections semblables ; de façon vous aurez soin de porter tousjours sur vos tablettes, afin d’y marquer & esquisser legerement ces expressions […], & par ce moyen vous apprendrez à composer les histoires. Et quand vos tablettes seront toutes pleines, conservez-les bien & garder pour en servir à l’occasion ; […] & un bon peintre doit soigneusement observer deux choses principales en sa profession, dont l’une est le contour de sa figure, & l’autre l’expression vive de ce qu’il luy faut representer, ce qui est tres-important.
L'édition italienne ne mentionne pas l'expression vive , mais utilise une expression plus précise "il concetto suo della mente".
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De quelle sorte il faut estudier à la composition des histoires
La premiere estude des compositions d’histoires doit commencer par mettre ensemble quelques figures legerement esquissées c’est-à dire touchées en deux coups : mais il faut auparavant les sçavoir bien desseigner de tous les costez, & les racourcissemens & les extensions de chaque membre : après on entreprendra l’ordonnance de deux figures qui fassent contraste […], & que cette premiere invention soit examinee & recherchée en diverses attitudes […]. Or en toutes ces compositions, il faut s’estudier soigneusement à la recherche des accidents & des passions qui peuvent donner de l’expression & enrichir le sujet que l’on traitte.
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Le comble et la principale partie de l’art est l’invention des compositions en quelque sujet que ce puisse estre, & la seconde partie qui concerne l’expression & les actions des figures est de leur donner de l’attention à ce qu’elles font, & qu'elles agissent avec promptitude & vivacité, selon le degré d'expression qui leur convient, aussi bien dans les représentations lentes & paresseuses, comme en celles de sollicitude & d'activité, & que la promptitude dans la fierté y soit exprimée avec toute la qualité qui est requise à celuy qui est en action : comme quand quelqu'un doit jetter un dard ou des pierres […]
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Du jugement qu’on doit faire sur les ouvrages d’un peintre
Premierement, vous devez considerez si les figures monstrent un relief conforme au lieu & à la lumiere où elles sont, & que les ombres ne soient pas les mesmes aux extremitez de l’histoire que dans le milieu parce que c'est une autre chose d'estre tout environné de l'ombre, ou de ne l'avoir que d'un costé : ces figures-là sont environnées de l'ombre qui se trouvent dans le milieu de l'histoire, d'autant qu'elles sont ombrées par les figures qui se rencontrent entr'elles & la lumière : & celles-là ne sont ombrées que d'un seul costé qui sont placées entre la lumière et l'histoire, parce que là où la lumière ne passe point, le corps de l'histoire s'y rencontre, et l'obscurité des figures s'y fait remarquer, & où le corps de l'histoire ne se trouve point, là se void l'éclat du jour & y représente sa clarté.
Secondement, que dans l’ordonnance ou disposition des figures, il paroisse qu’elles sont accomodées au sujet, & à la representation de l’histoire que vous traittez.
En troisième lieu, que les figures soient bien attentives & fassent une expression convenable à leur attitude particulière.
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Mais comme les trois premières Parties sont tres-necessaires à tous les Peintres, cette quatriesme, qui regarde l’expression des mouvemens de l’esprit, est excellente par dessus les autres, et tout à fait admirable : car elle ne donne pas seulement la vie aux Figures par la representation de leurs gestes et de leur passions, mais il semble encore qu’elles parlent et qu’elles raisonnent. Et c’est de là principalement qu’on doit juger ce que vaut un Peintre, puisqu’il est certain qu’il se peint luy-mesme dans ses tableaux, qui sont autant de miroir du tempérament de son humeur, et de son génïe.
Il n’y a personne qui ne remarque facilement, en faisant la comparaison des Compositions et des Figures de Raphael à celles de Michelange, que ce premier estoit la douceur mesme ; au lieu que tout au contraire Michelange estoit si rustique, et si mal-plaisant qu’il n’avoit aucun esgard à la bien-séance. Ce qui se void manifestement dans son grand Ouvrage de la Chapelle du Vatican, où, voulant representer le Jugement universel de la fin du monde, sur l’autel mesme de ce Sanctuaire, il a introduit plusieurs figures en des actions extrement indecentes : au lieu qu’il paroist que Raphael a apporté de la modestie dans les Sujets les plus liencieux.
De là nous pouvons conjecturer combien il est important que cette partie de l’Expression, qui est la plus excellente de la Peinture, soit accompagnée d’un jugement, et d’une circonspection particulière ; puisque c’est par elle que l’on connoist la qualité de l’esprit du Peintre, qui bien loin de s’acquerir de l’honneur par ses Ouvrages, lors qu’il choquera les regles de la bien-seance, sera sans doute blasmé et mesestimé d’un chacun […]
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Et comme ce mot n’est pas un Terme particulierement affecté à la Peinture, mais qu’il est aussi commun aux Poëtes et aux Historiens, qui disent les mesmes choses que les Peintres ont accoustumé de representer ; je ne dois pas imputer seulement aux Peintres de nostre Nation, tout le reproche de n‘avoir pas encore donné de nom à cette excellente Partie de l’Art ; d’où il semble qu’on peut inférer qu’elle n’est donc pas conneüe ny pratiquée par eux. Il sera toûjours plus apropos et plus utile d’en expliquer le mystère, et de faire concevoir la force et la vraye intelligence de ce Costûme, qui est proprement à dire un Stile sçavant, une expression judicieuse, une Convenance particulière et spécifique à chaque figure du Sujet qu’on traitte : de sorte que ce mot bien entendu comprend, et veut dire tant de choses essentielles à nostre propos qu’il ne peut estre trop examiné ny trop expliqué.
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Voilà en quoy consiste le dessein : c’est luy qui marque exactement toutes les parties du corps humain, qui découvre ce qu’un Peintre sçait dans la science des os, des muscles, & des veines ; c’est luy qui donne la ponderation aux corps pour les mettre en équilibre, & empescher qu’il ne semblent tomber, & ne pas se soustenir sur leur centre ; c’est luy qui fait paroistre dans les bras, dans les jambes, & dans les autres parties, plus ou moins d’effort, selon les actions plus fortes ou plus foibles qu’ils doivent faire ou souffrir ; c’est luy qui marque sur les traits du visage toutes ces differentes expressions qui découvrent les inclinations & les passions de l’ame ; c’est enfin luy qui sçait disposer les vestemens, & placer toutes les choses qui entrent dans une grande ordonnance, avec cette symmetrie, cette belle entente, & cét Art merveilleux, que l’on admire dans les travaux des plus grands hommes, sans que les couleurs mesmes soient necessaires pour faire comprendre ce qu’ils ont voulu representer.
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Chap. VI, Des cinq Sources du Grand.
Il y a, pour ainsi dire, cinq Sources principales du Sublime : mais ces cinq Sources présupposent, comme pour fondement commun, une Faculté de bien parler ; sans quoi tout le reste n’est rien.
Cela posé, la premiere & la plus considerable est une certaine Elevation d’esprit qui nous fait penser heureusement les choses […].
La seconde consiste dans le Pathetique : j’entens par Pathetique, cet Enthousiasme, & cette vehemence naturelle qui touche & qui émeut. Au reste à l’égard de ces deux premieres, elles doivent presque tout à la Nature, & il faut qu’elles naissent en nous : au lieu que les autres dépendent de l’Art en partie.
La troisiéme n’est autre chose que les Figures tournées d’une certaine maniere. Or les Fgures sont de deux sortes les Figures de Pensée, & les Figures de Diction.
Nous mettons pour la quatriesme, la Noblesse de l’expression, qui a deux parties, le choix des mots, & la diction elegante & figurée.
Pour la cinquiéme qui est celle, à proprement parler, qui produit le Grand & qui renferme en soi toutes les autres, c’est la Composition & l’arrangement des paroles dans toute leur magnificence & leur dignité.
[…]. Et certainement […] pour avoir creu que le Sublime & le Pathetique naturellement n’alloient jamais l’un sans l’autre, & ne faisoient qu’un, il [ndr : Cecilius] se trompe : puis qu’il y a des Passions qui n’ont rien de Grand ; & et qui ont mesme quelque chose de bas comme l’Affliction, la Peur, la Tristesse : & qu’au contraire il se rencontre quantité de choses grandes & sublimes, où il n’entre point de passion.
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Pour les figures, rien ne doit se ressembler moins dans un Tableau que les airs de teste, parce que l'on n'a jamais veu deux personnes qui se ressemblent parfaitement, & c'est en cela plus qu'en toute autre chose qu'on reconnoist la variété de la Nature. Si l'on est diffèrent dans les traits du visage, à plus forte raison lorsqu'il est agité par quelque passion de l'ame, puisque quand mesme deux personnes se ressembleroient dans leurs traits, la Nature aime tant la diversité, qu'ils ne se ressembleroient pas pour cela dans leurs expressions.
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Et cela est si vray, que les expressions que vous appeliez l'ame de la Peinture, ne seroient pas tant estimées dans la Chasse aux lions, & dans l' Andromède, si le sang qui est retiré de dessus le visage de ceux qui font attaquez par ces animaux, n'y laissoit voir la peur beaucoup mieux imprimée par la couleur que par le dessin.
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Quand vous parlez d’expressions, interrompit Pymandre, n’entendez-vous pas les passions de l’ame qui paroissent sur le visage, & que le Peintre represente selon la nature du sujet qu’il traite.
Le mot d’expression en general, repartis-je, se doit prendre dans la Peinture, aussi bien qu’en toute autre chose pour la veritable & naturelle representation de ce que l’on veut faire voir & donner à connoistre. Ainsi l’expression s’estend à traiter une histoire dans toutes les circonstances qu’elle demande pour instruire ; à representer un corps avec toutes ses parties dans l’action qui luy est convenable ; à voir sur le visage les passions necessaires aux figures que l’on peint. Et comme c’est sur le visage que l’on connoist mieux les affections de l’ame, on se sert ordinairement du mot expression pour signifier les passions que l’on veut exprimer.
Ce sont, dit Pymandre, ces differentes images de nos passions qui sont difficiles à bien representer, & en quoy tous les Peintres n’ont pas également reussi. Raphaël, répondis-je, a esté sans doute un des plus sçavans dans cette partie.
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[...] mon Maistre me fist remarquer bien d’autres beautés que celles que les Cabalistes admirent dans les ouvrages de leurs Chefs : Car outre qu’il n’y manquoit rien de celles-là qui ne regardent que la pratique de l’Art, il m’y fist découvrir tant de science & d’étude, qu’il est presque aussi difficile de les exprimer, que de les imiter, à moins que d’avoir les mêmes connoissances desquelles ces rares Esprits se servoient, pour faire de si excellens Ouvrages.
Il ne me parla point de la Vaguesse du Coloris, de la Morbidesse des Carnations, de la Franchise du Pinceau, ny des autres termes extravagans à la mode de nos Cabalistes ; mais bien de la beauté, diversité, netteté & sublimité des pensées, de cette manière noble & majestueuse de traiter un sujet, de la discretion à le remplir dignement & convenablement à la verité de l’Histoire qu’il represente, & au Mode dans lequel il se rencontre ; de l’exacte & sçavante observation du Costume, dans laquelle ces anciens Maistres faisoient consister tout ce que la Peinture a d’ingenieux & de sublime ; de cette pointe d’esprit & de cet excellent genie, qu’ils faisoient paroistre dans leurs Ouvrages, dont les Ecrivains les ont loüés si hautement : De là suivoit la judicieuse & convenable disposition des lieux & des figures, la force & la diversité des expressions, l’élégance & le beau choix des attitudes, la diligence & l’exactitudes dans le dessein, la beauté & la variété des proportions, la position aisée & naturelle des figures sur leur centre de gravité ou équilibre, & conformément aux regles de la Perspective des Plans, qui est le lien & le soûtien de toutes les beautés de la Peinture, & sans laquelle elle n’est qu’une pure barboüillerie de Couleurs ; mais sur tout, cet agrément & cette grace admirable dans les mouvemens, qui est un talent autant rare qu’il est precieux.
On pouvoit encore admirer la lumiere bien choisie, & répanduë avec discretion sur les objets, selon leur proximité ou éloignement de l’œil, & les accidens du lumineux, du Diaphane & du corps éclairé ; les differens effets des lumieres primitives & derivatives, l’amitié & la charmante harmonie (pour ainsi dire) des Couleurs, par leur degrés proportionnés de force ou d’afoiblissement, suivant les regles de la Perspective aërienne, ou par leur sympatie naturelle : Enfin, cette Eurithmie dans toutes les parties de l’Ouvrage, auquel elle donne son prix & sa valeur.
Voilà une partie des veritables & solides beautés, que mon Maistre me fist observer dans les admirables Ouvrages de ces grands Hommes, qui ont charmé toute l’Antiquité, & dont le seul recit charme encor tous ceux qui l’entendent.
Anciens (les)
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Par la vivacité dont il [ndr : Poussin] parle, il entend cette vie & cette forte expression qu’il a si bien sceû donner à ses figures, quand il a voulu representer les divers mouvemens du corps, & les differentes passions de l’ame. Il faudroit trop de temps pour parcourir les principaux ouvrages où il a fait voir son grand sçavoir dans cette partie. Trouve-t-on ailleurs des expressions de douleur, de tristesse, de joye & d’admiration plus belles, plus fortes & plus naturelles que celles qui se voyent dans ce merveilleux Tableau de Saint François Xavier qui est au Noviciat des Jésuites ? Dans les deux Tableaux du frapement de roche combien de differentes actions noblement representées! On peut encore dans ces mesmes tableaux remarquer ce qu’il dit du costume, c’est à dire, ce qui regarde la convenance dans toutes les choses qui doivent accompagner une histoire. C’est en quoy l’on peut dire qu’il a surpassé tous les autres Peintres, & qu’il s’est distingué d’une maniere qui est d’autant plus considerable, que dans le temps qu’elle fait voir la science de l’ouvrier, elle divertit par la nouveauté, & enseigne une infinité de choses qui satisfont l’esprit, & plaisent à la veûë.
POUSSIN, Nicolas, Moïse faisant jaillir l'eau du rocher , 1649, huile sur toile, 122,5 x 191, Saint-Pétersbourg, Musée de l'Hermitage , ГЭ-1177.
POUSSIN, Nicolas, Moïse faisant jaillir l'eau du rocher ou Le Frappement du rocher, 1633 - 1635, huile sur toile, 97 x 133, Edinburgh, National Gallery of Scotland.
POUSSIN, Nicolas, Saint François-Xavier rappelant à la vie la fille d’un habitant de Kagoshima au Japon , 1641, huile sur toile, 444 x 234, Paris, Musée du Louvre, INV. 7289
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Pour bien me faire entendre, il faut que je distingue trois choses dans la peinture. La representation des figures, l'expression des passions, & la composition du tout ensemble. Dans la representation des figures je comprens non seulement la juste delineation de leurs contours, mais aussi l'application des vraies couleurs qui leur conviennent. Par l'expression des passions, j'entens les differens caracteres des visages & les diverses attitudes des figures qui marquent ce qu'elles veulent faire, ce qu'elles pensent, en un mot ce qui se passe dans le fond de leur ame. Par la composition du tout ensemble j'entens l'assemblage judicieux de toutes ces figures, placées avec entente, & dégradées de couleur selon l'endroit du plan où elles sont posées.
Ce que je dis icy d'un tableau où il y a plusieurs figures, se doit entendre aussi d'un tableau où il n'y en a qu'une, parce que les différentes parties de cette figure sont entr'elles ce que plusieurs figures sont les unes à l'égard des autres. Comme ceux qui apprennent à peindre commencent par apprendre à designer le contour des figures, & à le remplir de leurs couleurs naturelles ; qu'ensuite ils s'étudient à donner de belles attitudes à leurs figures & à bien exprimer les passions dont ils veulent qu'elles, paroissent animées, mais que ce n'est qu'après un long-temps qu'ils sçavent ce qu'on doit observer pour bien disposer la composition d'un tableau, pour bien distribuer le clair obscur, & pour bien mettre toutes choses dans les regles de la perspective ; tant pour le trait que pour l’affoiblissement des ombres & des lumieres.
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Je croy, interompit Pymandre, qu’en effet un Peintre ne doit pas ignorer la Phisionomie pour bien connoistre & bien peindre les differentes inclinations des hommes.
Cela est vray, répondis-je, si celuy qui peint veut donner une parfaite expression à ses visages, bien marquer leur temperament, & representer mesme jusques aux pensées qui peuvent les occuper. Mais ce n’est pas de cette maniere sçavante que le Fevre traitoit ses ouvrages ; cette force d’expressions où l’on voit un veritable caractere des passions & du naturel des hommes ne se rencontroit pas dans tous les sujets qu’il representoit.
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[...] en la Peinture l'on doit comprendre tout d'un coup l'idée du sujet, qu'ainsi un Peintre se doit restreindre à ces trois unités, à sçavoir ce qui arrive en un seul tems ; ce que la vüë peut découvrir d'une seule oeillade ; & ce qui se peut representer dans l'espace d'un Tableau, où l'idée de l'expression se doit rassembler à l'endroit du Heros du sujet comme la Perspective assujettit tout à un seul point ; que le devoir du Peintre est de s'étudier soigneusement à rechercher tout ce qui est essentiel au sujet, & bien examiner ce que les bons Autheurs en ont écrit, & ce qui peu mieux faire paroître le Heros, afin d'en bien exprimer l'image & l'idée, & par ce moyen éviter le défaut que l'on voyoit en beaucoup de Tableaux, méprisés à cet égard, quoi que d'ailleurs très-beaux, comme par exemple en un Tableau du Bassant, où est representé le retour de l'Enfant prodigue en la maison de son Pere, dont les figures principales du sujet sont fort petites, éloignées dans le derriere du Tableau, [...].
BASSANO, Jacopo, Le Retour de l'enfant Prodigue, s.d., huile sur toile, 100 x 122,6, Gironde, Libourne, Inv. D.2004.1.65.
POUSSIN, Nicolas, Eliezer et Rebecca, 1648 , huile sur toile, 118 x 199, Paris, Musée du Louvre, Inv. 7270
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TESTELIN, Henry, Troisième table des préceptes de la peinture sur l'expression, estampe, dans TESTELIN, Henry, Sentimens des plus habiles peintres du tems, sur la pratique de la peinture et sculpture, Recueillis & mis en Tables de Preceptes. Avec six discours academiques, Extraits des Conferences tenuës en l’Académie Royale desdits Arts & prononcés en presence de deffunt Monsieur Colbert, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, Controleur General des Finances, Surintendant & Ordonnateur des Bâtiments du Roi, Jardins, Arts & Manufactures de France, protecteur de ladite Academie, assemblée generalement en des jours solemnels pour la delivrance du Prix Royal, par Henry Testelin, Peintre du Roi, Professeur & Secretaire en ladite Academie, La Haye, Matthieu Rogguet, s.d. [1693 ou 1694], n.p. [après p. 18].
De nombreuses autres œuvres picturales sont citées par Testelin dans ce passage, sans qu’il en précise les auteurs. Nous renvoyons donc directement au texte et à l’édition du texte par Christian Michel et Jacqueline Lichtenstein dans les Conférences de l'Académie royale de Peinture et de Sculpture. Tome 1, Les Conférences au temps d'Henry Testelin 1648-1681, vol. 2.
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On peut encore remarquer l'observation de cette maxime de Mr. le Poussain dans un Tableau du Miracle de Nôtre-Seigneur, en guerissant deux aveugles [ndr : Les Aveugles de Jéricho ou Le Christ guérissant les aveugles], où tout ce qui accompagne cette expression est grand, majestueux, & serieux, tant dans les actions que dans les habillemens des figures, les couleurs & la disposition du Paysage ; [...] mais pour ne rien obmettre de ce qui étoit essentiel au sujet, il avoit exprimé dans le petit nombre de figures qui accompagnent Nôtre-Seigneur tous les mouvemens & les passions qui pouvoient convenir en cette rencontre, l'incredulité & l'indifference des Juifs, la curiosité, la derision, & la mocquerie des Pharisiens, la foi, l'admiration & le zele des Disciples, le respect, la devotion & le grand desir des affligés. [...] d'où l'on conclut qu'un Peintre peut bien accompagner l'expression de son sujet de quelques figures allegoriques pour marquer & citer le lieu, où il se rencontre, mais comme par des statuës qui n'ont nulle part aux mouvements des figures qui expriment le sujet, que n'ayant que cette sorte de langage pour exprimer ses belles conceptions, il ne seroit pas juste de lui en ôter la liberté, c'est ce qui a fait dire que la Peinture est une Poesie muette, & la Rhetorique des Peintres.
POUSSIN, Nicolas, Les Aveugles de Jéricho, 1650, huile sur toile, 119 x 176, Paris, Musée du Louvre, Inv. 7281
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TESTELIN, Henry, Troisième table des préceptes de la peinture sur l'expression, estampe, dans TESTELIN, Henry, Sentimens des plus habiles peintres du tems, sur la pratique de la peinture et sculpture, Recueillis & mis en Tables de Preceptes. Avec six discours academiques, Extraits des Conferences tenuës en l’Académie Royale desdits Arts & prononcés en presence de deffunt Monsieur Colbert, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, Controleur General des Finances, Surintendant & Ordonnateur des Bâtiments du Roi, Jardins, Arts & Manufactures de France, protecteur de ladite Academie, assemblée generalement en des jours solemnels pour la delivrance du Prix Royal, par Henry Testelin, Peintre du Roi, Professeur & Secretaire en ladite Academie, La Haye, Matthieu Rogguet, s.d. [1693 ou 1694], n.p. [après p. 18].
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L’esprit de ce grand Peintre ne paroît pas moins dans le second Tableau [ndr : Raphaël, Sainte Famille avec sainte Élisabeth, le petit saint Jean et deux anges, dite La Grande Sainte Famille], tant pour l’ordonnance que pour l’expression, le judicieux choix des attitudes & des aspects y est admirable, les têtes toutes inclinées vers un même objet de tous les divers endroits du Tableau, en font aisement connoître le Heraut, on remarque une vrai-semblance dans l’air grand & majestueux des actions, & une naiveté si naturelle dans la correspondance de toutes les parties, qu’elles paroissent visiblement ne concourit qu’à l’expression de la principale idée du sujet, qui est le grand amour de la Divinité envers l’humanité, & la respectueuse reconnoissance de celle-ci envers celles-là ; […] en sorte que l’harmonie si exactement caractérisée par toutes ces figures semble faire pour ainsi dire le mariage du Ciel avec la Terre, & former en un mot un veritable Emanuël.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , ROMANO, Giulio et DA UDINE, Giovanni, Sainte Famille avec sainte Élisabeth, le petit saint Jean et deux anges dite La Grande Sainte Famille, 1518, huile sur bois, 207 x 140, Paris, Musée du Louvre, Inv. 604.
TESTELIN, Henry, Cinquième table des préceptes de la peinture sur l'ordonnance, estampe, dans TESTELIN, Henry, Sentimens des plus habiles peintres du tems, sur la pratique de la peinture et sculpture, Recueillis & mis en Tables de Preceptes. Avec six discours academiques, Extraits des Conferences tenuës en l’Académie Royale desdits Arts & prononcés en presence de deffunt Monsieur Colbert, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, Controleur General des Finances, Surintendant & Ordonnateur des Bâtiments du Roi, Jardins, Arts & Manufactures de France, protecteur de ladite Academie, assemblée generalement en des jours solemnels pour la delivrance du Prix Royal, par Henry Testelin, Peintre du Roi, Professeur & Secretaire en ladite Academie, La Haye, Matthieu Rogguet, s.d. [1693 ou 1694], n.p. [après p. 25].
TESTELIN, Henry, [La Grande Sainte Famille d'après Raphaël], estampe, dans TESTELIN, Henry, Sentimens des plus habiles peintres du tems, sur la pratique de la peinture et sculpture, Recueillis & mis en Tables de Preceptes. Avec six discours academiques, Extraits des Conferences tenuës en l’Académie Royale desdits Arts & prononcés en presence de deffunt Monsieur Colbert, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, Controleur General des Finances, Surintendant & Ordonnateur des Bâtiments du Roi, Jardins, Arts & Manufactures de France, protecteur de ladite Academie, assemblée generalement en des jours solemnels pour la delivrance du Prix Royal, par Henry Testelin, Peintre du Roi, Professeur & Secretaire en ladite Academie, La Haye, Matthieu Rogguet, s.d. [1693 ou 1694], n.p. [après p. 29].
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Il y a plusieurs choses à considérer dans l’Invention, savoir l’action & le mouvement, qu’on apelle aussi le feu, l’expression & quelqu’autres, je ne sai quoi que les Italiens apellent fierté, furie, terribilité : Et enfin la douceur et la grace.
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Quant à l’Expression & à la fierté, elles resultent du concours de toutes les parties d’une figure, particulièrement du visage, des mains & enfin de tous les membres, pour exprimer une passion, le mouvement intérieur, & l’état où se trouve le corps qu’on represente dans un Tableau, ou dans un Dessein. En éfet ce sont les diverses situations de ces parties qui expriment nos volontés avec autant d’énergie que la parole.
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Toutes les figures doivent donc agir conformement au sujet, & marquer une passion qui lui soit propre […]
Un’ordonnance reçoit assez d’expressions differentes & contraires, pourveu qu’elles servent au sujet : Mais elle ne peut soufrir des figures qui ne concourent point à l’action principale, & qui semblent conserver le sang froid, à ce point qu’elles ne prennent pas garde à ce qui se passe.
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dans un endroit où il [ndr : Testelin] traite de L’EXPRESSION, vous verrez que le sens de ce qui est dit à ce sujet, est que « le Peintre se doit attacher aux caracteres qui conviennent à l’idée du sujet, & négliger les circonstances qui n’y sont pas absolument necessaires ; qu’il doit être aussi fidèle en ses representations, que l’Historien dans ce qu’il expose ; il faut que leurs expressions soient sublimes par la noblesse du genie qui les y éleve, & tous deux doivent être tres-jalous de la pureté, & verité des Histoires sacrées, puisque la Peinture doit instruire l’esprit aussi-bien que le divertir dans le même moment.
Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Florent Le Comte est tiré de l'ouvrage "Les Sentimens (...)" de Testelin, plus précisément aux pages 19 et 21 de l'édition de La Haye (Matthieu Rogguet, vers 1693-1694). Il s'agit ici d'un des seuls extraits où Testelin est cité explicitement.
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Les Anciens n’ont-ils pas attribué deux appetits à la partie sensitive de l’ame, rangeant dans le CONCUPISCIBLE, les passions simples & dans l’IRASCIBLE les plus farouches, celles qui sont composées, pretendant que l’amour, la haine, le desir, la joye & la tristesse sont renfermées dans le premier, & que la crainte, la hardiesse, l’esperance, le desespoir, la colere, & la peur resident dans l’autre ; cela peut être expliqué plus au long. On conclut qu’il est impossible de prescrire precisément toutes les marques des differentes passions, à cause de la diversité de la forme, & du temperamment ; qu’un visage plein ne forme pas les mêmes plis, que celui qui sera maigre & desseiché […]. Qu’ainsi le Peintre doit avoir égard à toutes ces differences, pour conformer les expressions des passions au caractere des figures, à la proportion & aux contours.
Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Florent Le Comte est tiré de l'ouvrage "Les Sentimens (...)" de Testelin, plus précisément à la page 24 de l'édition de La Haye (Matthieu Rogguet, vers 1693-1694).
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Quant aux MOUVEMENS & à l’EXPRESSION, cette quatrième partie est excellente & admirable ; car elle fait parler les figures ; & il est à remarquer que le Peintre se peint souvent lui-même, faisant porter à ses figures le caractere de son humeur, de son imagination, & de son genie ; car dans le paralelle des figures de RAPHAEL avec celles de MICHEL-ANGE, on reconnoîtra que le premier étoit la douceur même, & que l’autre étoit extraordinairement rude & severe ; comme il se voit dans son ouvrage de la Chapelle du Vatican, & dans le Jugement universel qu’il a representé dans ce sanctuaire, où il a introduit plusieurs figures extravagantes par leur indecence, lorsque RAPHAEL au contraire a apporté de la moderation dans les sujets les plus licentieux.
Il faut encore que l’expression soit accompagnée d’un jugement & d’une circonspection particuliere, pour ne rien faire que de modeste & de régulier dans tous ses ouvrages ; prenant pour maxime que rien ne peut être beau s’il n’est honnête.
MICHELANGELO (Michelangelo Buonarroti), Le Jugement Dernier, 1536 - 1541, fresque, 1370 × 1220, Vatican, Cappella Sistina.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , Autoportrait, v. 1504-1506, tempera sur bois, 47,5 x 33, Firenze, Uffizi.
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Je regarde dans le Dessein plusieurs parties d’une extrême necessité à quiconque veut devenir habile, dont voici les principales. La Correction, le bon Gout, l’Elegance, le Caractere, la Diversité, l’Expression & la Perspective.
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Le mot d’Expression se confond ordinairement en parlant de Peinture avec celui de Passion. Ils different néanmoins en ce que, Expression est un terme general qui signifie la representation d’un objet selon le caractere de sa nature, & selon le tour que le Peintre a dessein de lui donner pour la convenance de son ouvrage.
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Voici quel est l’usage que je fais de ma Balance.
Je divise mon poids en vingt degrés, le vingtiéme est le plus haut, & je l’attribue à la souveraine perfection que nous ne connaissons pas dans toute son étendue. Le dix-neuviéme est pour le plus haut degré de perfection que nous connoissons, auquel personne néanmoins n’est encore arrivé. Et le dix-huitiéme est pour ceux qui à notre jugement ont le plus approché de la perfection, comme les plus bas chiffres sont pour ceux qui en paroissent les plus éloignés.
Je n’ai porté mon jugement que sur les Peintres les plus connus, & j’ai divisé la Peinture en quatre colonnes, comme en ses parties les plus essentielles, sçavoir, la Composition, le Dessein, le Coloris, & l’Expression. Ce que j’entens par le mot d’Expression, n’est pas le caractere de chaque objet, mais la pensée du cœur humain. On verra par l’ordre de cette division à quel degré je mets chaque Peintre dont le nom répond au chiffre de chaque colonne.
[…]
Or comme les parties essentielles de la Peinture sont composées de plusieurs autres parties que les mêmes Peintres n’ont pas également possedées, il est raisonnable de compenser l’une par l’autre pour en faire un jugement équitable. Par exemple, la Composition résulte de deux parties ; sçavoir, de l’Invention & de la Disposition. […] Dans le Dessein il y a le Gout & la Correction, l’un peut se trouver dans un Tableau sans être accompagné de l’autre, ou bien ils peuvent se trouver joints ensemble en differens degrés & par la compensation qu’on doit faire, on peut juger de ce que vaut le tout.
[…] j’avertis que pour critiquer judicieusement il faut avoir une parfaite connoissance de toutes les parties qui composent l’ouvrage & des raisons qui en font un bon tout. Car plusieurs jugent d’un Tableau par la partie seulement qu’ils aiment, & ne comptent pour rien celles qu’ils ne connoissent ou qu’ils n’aiment pas.
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L’Expression, à mon avis, est une naïve & naturelle ressemblance des choses que l’on a à représenter : Elle est necessaire & entre dans toutes les parties de la Peinture, & un Tableau ne sçauroit être parfait sans l’Expression ; c’est elle qui marque les veritables caracteres de chaque chose ; c’est par elle que l’on distingue la nature des corps ; que des figures semblent avoir du mouvement, & tout ce qui est feint paroît être vrai.
Elle est aussi bien dans la couleur que dans le dessein ; elle doit encore être dans la representation des païsages, & dans l’assemblage des figures.
C’est, MESSIEURS, ce que j’ai tâché de vous faire remarquer dans les Conferences passées ; aujourd’hui j’essaierai de vous faire voir que l’Expression est aussi une partie qui marque les mouvemens de l’Ame, ce qui rend visible les effets de la passion.
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Et comme nous avons dit que la glande qui est au milieu du cerveau, est le lieu où l’Ame reçoit les images des passions, le sourcil est la partie de tout le visage où les passions se font mieux connoître, quoique plusieurs aient pensé que ce soit dans les yeux. Il est vrai que la prunelle par son feu & son mouvement fait bien voir l’agitation de l’Ame, mais elle ne fait pas connoître de quelle nature est cette agitation. La bouche & le nez ont beaucoup de part à l’expression, mais pour l’ordinaire ces parties ne servent qu’à suivre les mouvemens du cœur, comme nous le marquerons dans la suite de cét entretien.
LE BRUN, Charles et PICART, Bernard, La Tranquilité, l'Admiration, l'Étonnement, l'Étonnement avec frayeur, estampe, dans LE BRUN, Charles, Conférence de Monsieur Le Brun, Premier Peintre du Roi de France, Chancelier & Directeur de l’Academie de Peinture & Sculpture, Sur l'Expression Générale et Particulière des Passions. Enrichie de figures gravées par B. Picart. Seconde Édition augmentée de plusieurs Testes, PICART, Bernard (éd.), Amsterdam, Bernard Picart, 1713, n.p. [après p. 20].
LE BRUN, Charles et PICART, Bernard, Le Ris, Mouvement composé, Tristesse et abatement de coeur, estampe, dans LE BRUN, Charles, Conférence de Monsieur Le Brun, Premier Peintre du Roi de France, Chancelier & Directeur de l’Academie de Peinture & Sculpture, Sur l'Expression Générale et Particulière des Passions. Enrichie de figures gravées par B. Picart. Seconde Édition augmentée de plusieurs Testes, PICART, Bernard (éd.), Amsterdam, Bernard Picart, 1713, n.p. [avant p. 21].
LE BRUN, Charles et PICART, Bernard, Mouvement violent, Mouvement violent où le coeur se roidit, Autre mouvement violent, De la Jalousie naist l'aversion, estampe, dans LE BRUN, Charles, Conférence de Monsieur Le Brun, Premier Peintre du Roi de France, Chancelier & Directeur de l’Academie de Peinture & Sculpture, Sur l'Expression Générale et Particulière des Passions. Enrichie de figures gravées par B. Picart. Seconde Édition augmentée de plusieurs Testes, PICART, Bernard (éd.), Amsterdam, Bernard Picart, 1713, n.p. [après p. 24].
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Voila, MESSIEURS, une partie des mouvemens exterieurs que j’ai remarqués sur le visage.
Mais comme nous avons dit dans le commencement de ce discours, que les autres parties du corps peuvent servir à l’expression, il sera bon d’en dire quelque chose en passant.
Si l’Admiration n’apporte pas grand changement dans le visage, elle ne produit guéres d’agitation dans les autres parties du corps, & ce premier mouvement peut se representer par une personne droite, aiant les deux mains ouvertes, les bras approchans un peu du corps, les pieds l’un contre l’autre, & les genoux ploiés.
Dans la Veneration le corps sera encore plus courbé que l’Estime, les bras & les mains seront presque joints, les genoux iront en terre, & toutes les parties du corps marqueront un profond respect.
Mais en l’action qui marque la Foi, le corps peut être tout-à-fait incliné, les bras ploiés & joignant le corps, les mains croisées l’une sur l’autre, & toute l’action doit marquer une profonde humilité.
Le Ravissement, ou extase peut faire paroître le corps renversé en arriere, les élevés, les mains ouvertes, & toute l’action marquera un transport de joie.
Dans le Mépris & l’Aversion le corps peut se retirer en arriere, les bras dans l’action de repousser l’objet pour lequel on a de l’aversion ; ils peuvent se retirer en arriere, & les pieds & les jambes faire la même chose.
Mais en l’Horreur les mouvemens doivent être bien plus violens que dans l’Aversion, car le corps paroîtra fort retiré de l’objet qui cause de l’horreur, les mains seront fort ouvertes, & les doigts écartés, les bras fort serrés contre le corps, & les jambes dans l’action de courir.
La Fraieur a bien quelque chose de ces mouvemens, mais ils paroissent plus grands, & plus étendus ; car les bras se roidiront en avant, les jambes seront dans l’action de fuir de toutes leurs forces, & toutes les parties du corps paroîtront dans le désordre.
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Les Expressions sont la pierre de touche de l’esprit du Peintre. Il montre par la justesse dont il les distribue, sa pénétration & son discernement : mais il faut le même esprit dans le Spectateur pour les bien apercevoir, que dans le Peintre pour les bien executer. On doit considérer un Tableau comme une Scene, où chaque Figure joue son rôle. Les Figures bien dessinées & bien coloriées sont admirables à la vérité, mais la plûpart des gens d’esprit, qui n’ont pas encore une Idée bien juste de la Peinture, ne sont sensibles à ces parties, qu’autant qu’elles sont accompagnées de la vivacité, de la justesse & de la délicatesse des Expressions. Elles sont un des plus rare talens de la Peinture, & celui qui est assez heureux pour les bien traiter, y intéresse non-seulement les Parties du visage, mais encore toutes celles du corps, & fait concourir à l’Expression générale du sujet, les objets même les plus inanimés, par la manière dont il les expose.
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4°. L’expression qui consiste à representer naturellement les figures, leurs gestes & leurs passions, doit se faire avec précaution ; c’est-à-dire, que l’on doit dans les sujets que l’on veut peindre, avoir égard à la bien-séance, & ne pas permettre qu’aucune action indécente, & qui puisse blesser la modestie & la pudeur, s’y rencontre.
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La peinture est composée de tant de parties, que nous ne devons presque jamais nous flatter de ne pas perdre de vûë les unes, en nous attachant à chercher les autres. Il n’est pas moins rare de trouver des amis qui soient également touchez de toutes ces parties. L’un n’est sensible qu’à la couleur, & n’est que peu flatté de l’élégance du dessein ; l’autre au contraire prétend que sans le grand goût, la délicatesse & la pureté du dessein, la Peinture n’est autre qu’une affaire mécanique. L’Homme d’esprit & de sentiment ne s’attachera qu’à l’expression des têtes, & à l’ordonnance. L’homme d’érudition sera satisfait si la coutume est scrupuleusement observé dans un tableau : ainsi des autres.
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Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.
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l faut presque autant de lumieres pour sentir le beau que pour le produire, on doit considerer la composition, la disposition, & l’invention comprises sous le terme général d’ordonnance. Le dessein est encore une des principales parties, il a pour baze la proportion, l’anatomie & la correction.
Lorsque ces deux parties sont jointes au coloris dont l’objet est la lumiere & l’ombre, on ne peut plus rien souhaiter que l’expression ; elle se fait connoître non seulement par les mouvemens des parties du visage, mais encore par celles du corps, selon le caractére des sujets que l’on traite.
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EXPRESSION. Dans la division ordinaire, l’expression est comprise dans le dessein ; mais il me semble qu’on devroit en faire une partie séparée. Dessiner & exprimer sont des choses différentes. L’expression est la représentation véritable & naturelle des choses, surtout des mouvemens de l’âme & des passions.
On dit communément que le dessein & le coloris, sont le corps de la Peinture, & que l’expression en est l’âme.
Membris addenda est ignea virtus
Scilicet, atque hebetes anima infundenda per artus.
Singula vitali Spirent animata colore,
Gestus ubique micet vivax, vultusque loquaces
Spiritus intus alat.
Pictura Carmen.
L’expression, dit Mr de Piles, est la pierre de touche de l’esprit du Peintre.
Raphaël, Jules Romain, & le Dominiquin ont excellé dans l’expression, sont la justesse & la vérité, le naturel, la noblesse, la vivacité, la finesse.
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Parmi les Pastels faits de cette année, le Portrait du sieur Restout fait par le Sieur de la Tour pour sa réception à l’Academie, a rassemblé le plus de suffrage. Il a su éviter le contresens que j’ai observé ci-dessus, & s’est bien donné de garde de faire comtempler sotement le public à celui qu’il fait dessiner d’après un modèle. Bien des gens auroient souhaité quil eût fait entrer ce modèle dans sa composition, & que le Public eût été instruit de ce qu’il regarde avec cette vivacité d’attention qui a donne l’ame & la vie à son portrait. On a trouvé cependant l’expression un peu trop forte pour une action aussi tranquille ; elle paroit même chargée. L’on a encore desiré plus d’union dans les chairs du visage dont les touches sont un peu séches & découpées, elles auroient pu être mieux fonduës sans faire tort à la ressemblance, ce qu’il a excellement pratiqué dans plusieurs de ses portraits, & particulièrement dans celui de M. Paris de Montmartel qui est tout auprès, & qui est parfait.
La Font de Saint Yenne souligne ici l’importance, dans un portrait, d’accorder la rhétorique de l’action avec celle de l’expression.
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BAILLET DE SAINT-JULIEN, Louis-Guillaume, Lettres sur la peinture à un amateur, Genève, s.n., 1750.
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Celui qui représente la continence de Scipion semble un peu mieux colorié ; mais pour le coup, M. Restout me permettra de lui dire que ce sujet ne lui convenait en rien. Il s’agissoit d’y caractériser dans tout son éclat, une personne célebre par la beauté dont les charmes étoient si forts & si puissans qu’il étoit comme impossible d’y résister : On relevoit parlà adroitement, le mérite de Scipion qui eut le courage prodigieux d’en triompher ? Point du tout ; on se contente de nous croquer ici séchement une matrone de la plus mauvaise grâce du monde ; & qui n’est remarquable uniquement que par sa laideur. Ce n’est point là ce qu’il falloit encore une fois, mais M. Restout ne pouvoit pas mieux faire dans ce genre. Cet Auteur devroit bien s’étudier à mieux connoitre ce qui lui est propre. Comment pouvoit-il nous donner quelque idée de la beauté, lui qui n’a pu, encore atteindre à nous représenter des caracteres simples & ordinaires ? Je n’en veux pour exemple que ses Tableaux de Dévotion, qui sont comme on sait le fort de cet Auteur. Cependant quelles attitudes dures & forcées n’y voit-on pas ? Quelles grimaces pour des expressions ? Quels airs de tête effrayans & bizarres !