DE PILES, Roger, « Idée du peintre parfait », Abrégé de la vie des peintres, Paris, Jacques Estienne, 1715, p. 1-104.
Outre les chapitres sur le génie, sur les trois parties de la peinture (dessin, composition, couleur) et la place importante faite au coloris et au clair-obscur, De Piles aborde la question de l'utilité des gravures et de la connaissance des tableaux (comment identifier leur auteur, leur manière, reconnaître leur qualité, distinguer l'original de la copie).
Signe du succès remporté par l'Abrégé, ce dernier a été traduit en anglais en 1706 chez Dryden, (The lives of the most eminent modern painters, who have lived since, or were omitted by Mons. De Piles) en allemand en 1710 chez Schiller (Historie und Leben der berühmtesten europaeischen Mahler, so sich durch ihre Kunst-Stücke bekand gemacht, samt einigen Réflexions darüber und Abbildung eines vollkommenen Mahlers, nach welcher die Mahlerey als einer Regul kann beurtheilet werden, wobey auch der Nutzen und Gebrauch der Kupferstücke und Erklärung der gebräuchlichen Mahler-Wörter) et en néerlandais en 1725 chez Lakeman (Beknopt verhaal van het leven der vermaardste Schilders : met Aanmerkingen over hunne werken) avant que d’être de nouveau publié en France chez Jombert en 1767.
L'édition anglaise est accessible en Open-access via ECCO.
Aude Prigot
Table des chapitres Livre premier at n.p.
Préface at np
Abrégé de la vie de l'auteur at np
DE PILES, Roger, Abrégé de la vie des peintres avec des réflexions sur les ouvrages : Et un traité du peintre parfait, de la connoissance des desseins, & de l'utilité des estampes, Paris, Charles de Sercy, 1699.
DE PILES, Roger, L'idée du peintre parfait, London, David Mortier, 1707.
DE PILES, Roger, Œuvres diverses de M. de Piles, Amsterdam - Leipzig - Paris, Arkstée & Merkus - Charles-Antoine Jombert, 1767, 5.
DE PILES, Roger, Idée du peintre parfait, CARRERE, Xavier (éd.), Paris, Gallimard, 1993.
DE PILES, Roger, « The Lives of the Most Eminent Modern Painters, who have lived since, or were omitted by Mons. De Piles », London, Dryden, 1707.
DE PILES, Roger, L’ idea del perfetto pittore per servire di regola nel giudicio che si deve formare intorno alle opere de’ pittori, Torino, Beltramo Antonio Re, 1769.
MIROT, Léon, Roger de Piles, peintre, amateur, membre de l’Académie de peinture (1635-1709), Paris, J. Schemit, 1924.
TEYSSÈDRE, Bernard, L’histoire de l’art vue du Grand Siècle : recherches sur l'"Abrégé de la vie des peintres" par Roger de Piles (1699) et ses sources, Paris, R. Julliard, 1964.
TEYSSÈDRE, Bernard, Roger de Piles et les débats sur le coloris au siècle de Louis XIV, Paris, La Bibliothèque des arts, 1965.
PUTTFARKEN, Thomas, Roger de Piles’ Theory of Art, New Haven - London, Yale University Press, 1985.
DE PILES, Roger, Idée du peintre parfait, CARRERE, Xavier (éd.), Paris, Gallimard, 1993.
ALPERS, Svetlana, « Roger de Piles et l’histoire de l’art », dans POMMIER, Édouard (éd.), Histoire de l’histoire de l’art. De l'Antiquité au XVIIIe siècle, Paris, Klincksieck, 1995, 2 vol., vol. I, p. 283-302.
VERBRAEKEN, René, « Roger de Piles et le vocabulaire artistique », dans VERBRAEKEN, René (éd.), Termes de couleur et lexicographie artistique : recueil d'essais suivi de quelques articles sur la critique d'art, Paris, Éd. du Panthéon, 1997, p. 95-106.
LICHTENSTEIN, Jacqueline, La couleur éloquente : rhétorique et peinture à l’âge classique, Paris, Flammarion, 1999.
PUTTFARKEN, Thomas, « Composition, Disposition and Ordonnance in French Seventeenth-Century Writings on Art », dans TAYLOR, Paul et QUIVIGER, François (éd.), Pictorial Composition from Medieval to Modern Art , Actes du colloque de Londres, Torino, Nino Aragno Editore, 2000, p. 131-145.
GINSBURGH, Victor et WEYERS, Sheila, « De Piles, Drawing and Color. An Essay in Quantitative Art History », Artibus et historiae, 23/45, 2002, p. 191-203 [En ligne : http://www.jstor.org/stable/1483688 consulté le 30/03/2018].
DELAPIERRE, Emmanuelle et GILLES, Matthieu (éd.), Rubens contre Poussin : la querelle du coloris dans la peinture française à la fin du XVIIe siècle, cat. exp., Arras, Musée des Beaux-Arts - Épinal, Musée départemental d'art ancien et contemporain, 2004, Ludion, 2004.
KORTHALS ALTES, Everhard, « Félibien, de Piles and Dutch Seventeenth-Century Paintings in France », Simiolus. Netherlands Quarterly for the History of Art, 34/3-4, 2009 - 2010, p. 194-211 [En ligne : http://www.jstor.org/stable/41407902 consulté le 30/03/2018].
FILTERS
QUOTATIONS
{Le Génie}. Le Génie est la première chose que l’on doit supposer dans un Peintre. C’est une partie qui ne peut s’acquérir ni par l’étude, ni par le travail ;
{Le grand Goût}. Qu’il < le peintre> ne se contente pas d’être exact & régulier, qu’il répande encore un grand goût dans tout ce qu’il fera, & qu’il évite surtout ce qui est bas & insipide. Ce grand Goût dans l’ouvrage du peintre est, Un Usage des effets de la nature bien choisis, grands, extraordinaires & vraisemblables : Grands, parce que les choses sont d’autant moins sensibles qu’elles sont petites & partagées ; Extraordinaires, car ce qui est ordinaire ne touche point, & n’attire point l’attention ; vraisemblables, parce qu’il faut que ces choses grandes & extraordinaires paraissent possibles, & non chimériques.
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{La Composition. I. Partie} La Composition contient deux choses, l’Invention & la Disposition. Par l’invention, le Peintre doit trouver & faire entrer dans son sujet les objets les plus propres à l’exprimer & à l’orner : & par la Disposition il doit les situer de la Manière la plus avantageuse, pour en tirer un grand effet, & pour contenter les yeux, en faisant voir de belles parties : il faut qu’elle soit bien contrastée, bien diversifiée, & liée de groupes.
{La Composition. I. Partie} La Composition contient deux choses, l’Invention & la Disposition. Par l’invention, le Peintre doit trouver & faire entrer dans son sujet les objets les plus propres à l’exprimer & à l’orner : & par la Disposition il doit les situer de la Manière la plus avantageuse, pour en tirer un grand effet, & pour contenter les yeux, en faisant voir de belles parties : il faut qu’elle soit bien contrastée, bien diversifiée, & liée de groupes.
{Le Dessin. II. Partie} Que le Peintre dessine correctement d’un bon goût & d’un style varié, tantôt héroïque & tantôt champêtre, selon le caractére des Figures que l’on introduit : Car l’élegance des contours qui convient aux Divinités, par exemple, ne convient nullement aux gens du commun ; les Héros & les soldats, les forts & les faibles, les jeunes & les vieillards doivent avoir chacun leurs diverses formes ; sans compter que la Nature, qui se trouve differente dans toutes ses productions demande du Peintre une varieté convenable.
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{Les Attitudes} Que les Attitudes soient naturelles, expressives, variées dans leurs actions, & contrastées dans leurs membres, qu’elles soient simples ou nobles, animées ou modérées selon le Sujet du Tableau & la discrétion du Peintre.
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{Les Extremités} Que les Extremités, j’entens la tête, les pieds, & les mains soient travaillées avec plus de précision & d’exactitude que tout le reste, & qu’elles concourent ensemble à rendre plus expressive l’action des figures.
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{Les Draperies} Que les Draperies soient bien jettées, que les plis en soient grands, en petit nombre autant qu’il est possible, & bien contrastées ; que les étofes en soient épaisses, ou légeres selon la qualité & la convenance des figures ; qu'elles soient quelquefois ouvragées & d'espèce différente & quelquefois simple, suivant la convenance des sujets & des endroits du Tableau, qui demandent plus ou moins d’éclat pour l’ornement du Tableau & pour l'oeconomie du tout ensemble.
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Le Païsage [...]
{Le Coloris. III Partie} Que dans le Coloris, qui comprend deux choses, la Couleur locale & le Clair-obscur ; le Peintre ait grand soin de s'instruire de l'une & de l'autre : c’est ce qui le distingue des artisans qui ont de commun avec lui les mesures & les proportions ; & c’est encore ce qui le rend le plus véritable & le plus parfait imitateur de la Nature.
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{Le Coloris. III Partie} Que dans le Coloris, qui comprend deux choses, la Couleur locale & le Clair-obscur ; le Peintre ait grand soin de s'instruire de l'une & de l'autre : c’est ce qui le distingue des artisans qui ont de commun avec lui les mesures & les proportions ; & c’est encore ce qui le rend le plus véritable & le plus parfait imitateur de la Nature.
{La couleur locale} La couleur locale n'est autre chose que celle qui est naturelle à chaque objet en quelque lieu qu'il se trouve, laquelle le distingue des autres objets, & qui en marue parfaitement le caractère.
{Le Clair-Obscur} Et le Clair-obscur est l'art de distribuer avantageusement les lumières & les ombres, tant sur les objets particuliers, que dans le général du Tableau: sur les objets particuliers, pour leur donner le relief & la rondeur convenable : & dans le général du Tableau, pour y faire voir les objets avec plaisir, en donnant occasion à la vûe de se reposer d'espace en espace, par une distribution ingénieuse de grands clairs, & de grandes ombres, lesquels se prêtent un mutuel secours par leur opposition ; en sorte que les grands clairs sont des repos pour les grandes ombres ; comme les grandes ombres sont des repos pour les grands clairs.
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Je ne vois pas que l'artifice du Clair-obscur ait été connu dans l'Ecole Romaine avant Polydore de Caravage, qui le trouva & qui s’en fit un principe ; & je suis étonné que les Peintres qui l'ont suivi ne se soient pas aperçus que le grand effet de ses ouvrage
s vient des repos qu'il a observés d'espace en espace, en groupant ses lumières d'un côté & ses ombres d'un autre, ce qui ne se fait que par l'intelligence du Clair-obscur.
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{L'accord de Couleurs} Que dans la distribution des couleurs, il y ait un accord qui fasse le même effet pour les yeux, que la Musique pour les oreilles.
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{Unité d’objet} Que si il y a plusieurs groupes de Clair-obscur dans un Tableau, il faut qu’il y en ait un qui soit plus sensible, & qui domine sur les autres, en sorte qu’il y ait unité d’objet, comme dans la Composition, unité de sujet.
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{Le Pinceau} Que le Pinceau soit hardi & léger s'il est possible ; mais soit qu'il paroisse uni, comme celui du Corrège, ou qu'il soit inégal ou raboteux, comme celui de Rembrandt, il doit toujours être moelleux.
{Les Licences} Enfin si l'on est contraint de prendre des licences, qu'elles soient imperceptibles, judicieuses, avantageuses, & autorisées ;
La Grace doit assaisonner toutes les parties dont on vient de parler, elle doit suivre le Genie ; c’est elle qui le soûtient & qui le perfectionne : mais elle ne peut, ni s’acquérir à fond, ni se démontrer.
La Grace & la Beauté, sont deux choses différentes: la Beauté ne plaît que par les règles & la Grace plaît sans les règles. Ce qui est Beau n’est pas toûjours gracieux, ce qui est gracieux n’est pas toûjours beau ; mais la Grace jointe à la Beauté, est le comble de la Perfection : c’est ce qui a fait dire à l’un de nos plus illustres Poëtes, Et la Grace plus belle encor que la Beauté.
Mais lorsqu’il <le Génie > est cultivé par les régles & qu’il se les est appropriées, il se met au-dessus d’elles, il leur commande en maître, il les rejette quand il lui plaît pour leur substituer quelque chose de plus heureux : il en dispose enfin comme d’un bien dont il est en possession & qu’il croit lui appartenir. Mais la Nature qui ménage ses trésors, quand elle a donné du génie pour un Art, elle ne l’a donné que rarement universel pour toutes les parties qu’il contient. Peu de Peintres peuvent se vanter, par exemple, d’avoir été si universels dans leur profession qu’ils aient eu pour toutes les parties qu’elle contient cette pénétration pour concevoir & cette facilité pour agir, que le génie donne à ceux qui le possédent. Tel en a pour le dessein qui n’a jamais rien compris dans l’artifice du Coloris : tel réussit dans les Portraits, tel autre dans le Païsage : l’un se sent porté & se plaît à imiter exactement les naïvetés du naturel duquel il ne sait point choisir, ni animer les belles expressions. Ainsi chacun se trouve partagé de génie selon qu’il a plû à la Nature de lui en donner, & nous devons toujours estimer les talens particuliers qu’elle distribue, & les respecter quand ils sont extraordinaires.
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Les hommes ont beau travailler pour surmonter les obstacles qui les empêchent d’atteindre à la perfection, s’ils ne sont nés avec un talent particulier pour les Arts qu’ils ont embrassés, ils seront toujours dans l’incertitude d’arriver à la fin qu’ils se proposent. Les Régles de l’Art & les exemples d’autrui peuvent bien leur montrer les moïens d’y parvenir : mais ce n’est point assez que ces moïens soient sûrs, il faut encore qu’ils soient faciles & agréables […]
Le Génie est donc une lumière de l’Esprit, laquelle conduit à la fin par des moïens faciles.
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Le Génie se sert donc de la mémoire comme d’un vase où il met en réserve les Idées qui se présentent ; il les choisit avec l’aide du jugement, & en fait pour ainsi dire une provision, dont il se sert quand l’occasion s’en présente ; mais il n’en tire que ce qu’il y a mis, & n’en peut tirer autre chose. C’est ainsi que Raphaël a tiré de ses études les hautes Idées qu’il a prises de l’Antique, de même qu’Albert & Lucas ont tiré de leur méchant fond les Idées Gottiques que la pratique de leur tems & la nature de leur païs leur avait fournies.
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[...] la principale étude du Peintre doit être de débrouiller & de connaître en quoi consiste le vrai, le beau & le simple de cette même Nature, lqauelle tire touts ses beautés & toutes ses graces du fond de sa pureté & de sa simplicité.
En quel sens on peut dire que l'Art est au-dessus de la Nature.
[...] il faut qu'il [ndr. le peintre ] regarde l'Antique comme un Livre qu'on a traduit dans une autre langue, dans laquelle il suffit de bien rapporter le sens & l'esprit, sans s'attacher servilement aux paroles de l'Original.
Il faut donc dans la Peinture quelque chose de grand, de piquant, d’extraordinaire, capable de surprendre, de plaire, d’instruire, & c’est ce qu’on appelle le grand Goût : c’est par lui que les choses communes deviennent belles, & que les belles deviennent sublimes & merveilleuses ; car en Peinture le Grand Goût, le Sublime & le Merveilleux ne sont que la même chose.
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Il faut donc dans la Peinture quelque chose de grand, de piquant, d’extraordinaire, capable de surprendre, de plaire, d’instruire, & c’est ce qu’on appelle le grand Goût : c’est par lui que les choses communes deviennent belles, & que les belles deviennent sublimes & merveilleuses ; car en Peinture le Grand Goût, le Sublime & le Merveilleux ne sont que la même chose.
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Nous avons dit que la Peinture est un Art, qui par le moyen du Dessein & de la Couleur, imite sur une superficie plate tous les objets visibles. […]. Elle contient trois parties, la Composition, le Dessein, & le Coloris, qui font l’Essence de la Peinture, comme le Corps, l’Ame & la Raison font l’Essence de l’Homme.
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Il est vrai cependant que le Peintre est obligé d’être fidéle dans l’Histoire qu’il représente, & que par la recherche curieuse des circonstances qui l’accompagnent, il augmente la Beauté & le prix de son Tableau : mais cette obligation n’est pas de l’essence de la Peinture, elle est seulement une bienséance indispensable, comme la Vertu & la Science le sont dans l’Homme.
A quoi on répond, que si la fidélité de l'Histoire était essentielle à la Peinture, il n'y aurait point de Tableau où elle ne dût se rencontrer : Or il y a une infinité de beaux Tableaux qui ne représentent aucune Histoire ; comme sont les Tableaux Allégoriques, les Païsages, les Animaux, les Marines, les Fruits, les Fleurs & plusieurs autres qui ne sont qu'un effet de l'Imagination du Peintre. Il est vrai cependant que le Peintre est obligé d’être fidéle dans l’Histoire qu’il représente, & que par la recherche curieuse des circonstances qui l’accompagnent, il augmente la Beauté & le prix de son Tableau : mais cette obligation n’est pas de l’essence de la Peinture, elle est seulement une bienséance indispensable, comme la Vertu & la Science le sont dans l’Homme.
L’invention, qui est une partie essentielle de cet Art, consiste seulement à trouver les objets qui doivent entrer dans un Tableau, selon que le Peintre se les imagine, faux ou vrai, fabuleux ou historique. Et si un Peintre s’imaginait qu’Alexandre fût vêtu comme nous le sommes aujourd’hui, & qu’il représentât ce Conquerant avec un Chapeau & une Perruque comme font les Comédiens, il ferait sans doute une chose très-ridicule, & une faute très-grossière : mais cette faute serait contre l’Histoire & non pas contre la Peinture ; supposé d’ailleurs que les choses représentées le fussent selon toutes les Régles de cet Art.
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L’invention, qui est une partie essentielle de cet Art, consiste seulement à trouver les objets qui doivent entrer dans un Tableau, selon que le Peintre se les imagine, faux ou vrai, fabuleux ou historique. Et si un Peintre s’imaginait qu’Alexandre fût vêtu comme nous le sommes aujourd’hui, & qu’il représentât ce Conquerant avec un Chapeau & une Perruque comme font les Comédiens, il ferait sans doute une chose très-ridicule, & une faute très-grossière : mais cette faute serait contre l’Histoire & non pas contre la Peinture ; supposé d’ailleurs que les choses représentées le fussent selon toutes les Régles de cet Art.
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Je viens de faire voir que l’Essence de la Peinture consistait dans une fidelle imitation, à la faveur de laquelle les Peintres peuvent instruire & divertir selon la mesure de leur Génie. [….] C’est pourtant cette imitation &cette sensation parfaite qui fait l’essentiel de la Peinture, comme je l'ai fait voir. Cette perfection vient du Dessein & du Coloris
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C’est pourtant cette imitation &cette sensation parfaite qui fait l’essentiel de la Peinture, comme je l'ai fait voir. Cette perfection vient du Dessein & du Coloris
École romaine
École vénitienne
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
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L'invention trouve seulement les objets du Tableau, & la Disposition les place. Ces deux Parties sont différentes à la vérité : mais elles ont tant de liaison entr'elles, qu'on peut les comprendre sous un même nom.
Composition. Première Partie de la Peinture. […]
J’ai crû que pour donner une juste Idée de la première Partie de la Peinture, il fallait l’appeler Composition, & la diviser en deux ; l’Invention & la Disposition. L’Invention trouve seulement les objets du Tableau, & la Disposition les place. Ces deux Parties sont differentes à la vérité : mais elles ont tant de liaison entr’elles, qu’on peut les comprendre sous un même nom. [….] Ainsi je la < la composition > définis de cette sorte : une partie de la Peinture qui trouve avec convenance & qui place avec avantage les objets dont le Peintre se sert pour exprimer son sujet.
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Dans les sujets tirés de l’Histoire ou de la Fable: l’Invention se forme par la lecture, c’est un pur effet de l’Imagination dans les sujets Métaphoriques: elles contribue à la fidélité de l’Histoire, comme à la netteté des Allégories, & de quelque maniere que l’on s’en serve, elle ne doit point tenir en suspend l’Esprit du Spectateur par aucune obscurité.
Dessein. Seconde Partie de la Peinture
Le bon Goût & la Correction du Dessein sont si nécéssaires dans la Peinture, qu’un Peintre qui en est dépourvû est obligé de faire des miracles d’ailleurs pour s’attirer quelque estime : & comme le Dessein est la base & le fondement de toutes les autres Parties, que c’est lui qui termine les Couleurs & qui débrouille les objets, son élégance & sa correction ne sont pas moins nécessaires dans la Peinture que la Pureté du langage dans l’Eloquence.
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Dans les Attitudes, la Pondération & le Contraste sont fondés dans la Nature. Elle ne fait aucune action qu’elle ne fasse voir ces deux parties ; & si elle y manquoit, elle seroit, ou privée de mouvement, ou contrainte dans son action.
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Les Expressions sont la pierre de touche de l’esprit du Peintre. Il montre par la justesse dont il les distribue, sa pénétration & son discernement : mais il faut le même esprit dans le Spectateur pour les bien apercevoir, que dans le Peintre pour les bien executer. On doit considérer un Tableau comme une Scene, où chaque Figure joue son rôle. Les Figures bien dessinées & bien coloriées sont admirables à la vérité, mais la plûpart des gens d’esprit, qui n’ont pas encore une Idée bien juste de la Peinture, ne sont sensibles à ces parties, qu’autant qu’elles sont accompagnées de la vivacité, de la justesse & de la délicatesse des Expressions. Elles sont un des plus rare talens de la Peinture, & celui qui est assez heureux pour les bien traiter, y intéresse non-seulement les Parties du visage, mais encore toutes celles du corps, & fait concourir à l’Expression générale du sujet, les objets même les plus inanimés, par la manière dont il les expose.
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On dit en terme de Peinture, jetter une Draperie, pour dire habiller une Figure, & lui donner une Draperie. Ce mot de jetter me paraît d’autant plus expressif, que les Draperies ne doivent point être arrangées comme les habits dont on se sert dans le monde ; mais qu’en suivant le caractere de la pure Nature, laquelle est éloignée de toute affectation, les plis se trouvent comme par hazard autour des membres, qu’ils les fassent paroîtrent ce qu’ils sont […].
Si la peinture est une espèce de création, elle en donne des marques encore plus sensibles dans les Tableaux de Païsage que dans les autres. On y voit plus generalement la Nature sortie de son cahos & les Elemens plus débrouillés ; [...] Mais quelque terminé que soit un Païsage, si la comparaison des objets ne les fait valoir, & ne conserve leur caractére, si les sites n'y sont bien choisis, ou n'y sont suppléés par une belle intelligence du Clair-obscur, si les touches n'y sont spirituelles, si l'on n'y rend les lieux animés par des Figures, par des Animaux, ou par d'autres objets, qui sont d'ordinaire en mouvement, & l'on n'y joint au bon Goût de Couleur & aux sensations extraordinaires la vérité & la naïveté de la Nature, le Tableau n’aura jamais d’entrée dans l’estime, non plus que dans le Cabinet des véritables Connoisseurs.
[…] le Peintre ne peut se passer de Perspective dans toutes ses opérations, & qu’il ne tire pas une Ligne, & ne donne pas un coup de Pinceau qu’elle n’y ait part, du moins habituellement. Elle règle la mesure des formes & la dégradation des Couleurs en quelque lieu du Tableau qu'elles se rencontrent.
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DU COLORIS. Troisième partie de la Peinture.
De l’Accord des Couleurs.
Dans les différentes espéces de Couleurs, & dans les divers tons de lumiére qui servent à la Peinture ; il y a une harmonie & une dissonance, comme il y en a dans une Composition de Musique ; car dans la Musique il ne faut pas seulement que les Notes soient justes, mais encore il faut que dans l’exécution les Instrumens soient d’accord. […] : de même, il y a des Couleurs qui ne peuvent se trouver ensemble sans offenser la vûe, témoin le vermillon avec les verds, les bleus & les jaunes. Mais comme les Instrumens les plus aigus se sauvent parmi quantité d’autres & font quelquefois un très-bon effet ; ainsi les Couleurs les plus opposées, étant placées bien à propos entre plusieurs autres qui font en union, rendent certains endroits plus sensibles, lesquels doivent dominer sur les autres, & attirer les regards davantage.
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De l’Accord des Couleurs.
Dans les différentes espéces de Couleurs, & dans les divers tons de lumiére qui servent à la Peinture ; il y a une harmonie & une dissonance, comme il y en a dans une Composition de Musique ; car dans la Musique il ne faut pas seulement que les Notes soient justes, mais encore il faut que dans l’exécution les Instrumens soient d’accord. […] : de même, il y a des Couleurs qui ne peuvent se trouver ensemble sans offenser la vûe, témoin le vermillon avec les verds, les bleus & les jaunes. Mais comme les Instrumens les plus aigus se sauvent parmi quantité d’autres & font quelquefois un très-bon effet ; ainsi les Couleurs les plus opposées, étant placées bien à propos entre plusieurs autres qui font en union, rendent certains endroits plus sensibles, lesquels doivent dominer sur les autres, & attirer les regards davantage.
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Le Terme de Pinceau se prend quelquefois pour la source de toutes les parties de la Peinture, comme lorsqu’on dit, que le Tableau de la Transfiguration de Raphaël est le plus bel Ouvrage qui soit sorti de son Pinceau : & quelquefois il s’entend de l’Ouvrage même ; & l’on dit, par exemple, de tous les Peintres de l’Antiquité, le plus savant Pinceau est celui d’Apelle.
Et lorsque ces mêmes Couleurs n'ont point été trop agitées, ni trop tourmentées par le mouvement d'une main pesante, & qu'aucontraire [sic] le mouvement en parait libre, prompt & léger; on dit que l'Ouvrage est d'un beau Pinceau. Mais ce Pinceau libre est peu de chose si la tête ne le conduit, & s’il ne sert à faire connoître que le Peintre possède l’intelligence de son Art. En un mot, le beau Pinceau est à la Peinture ce qu’est à la Musique à une belle voix ; l’un & l’autre sont estimés à proportion du grand effet & de l’harmonie qui les accompagne.
{Des Licences} Les Licences sont si nécessaires, qu’il y en a dans tous les Arts. Elles sont contre les Régles à prendre les choses à la lettre, mais à les prendre selon l'esprit, les Licences servent de Régles quand elles sont prises bien à propos. Or il n’y a personne de bon sens qui ne les trouve à propos, lorsqu’elles contribuent à faire plus d’effet dans l’Ouvrage où on les emploie, & que par leur moyen le Peintre arrive plus efficacement à sa fin, qui est d’imposer à la vûe. Mais il n’est pas donné à tous les Peintres de les employer utilement. Il n’y a que les grands Génies qui soient au-dessus des Régles, & qui sachent se servir ingénieusement des Licences ; soit qu’ils les emploient pour l’essence de leur Art, soit qu’elles regardent l’Histoire.
[Des figures nues, & où l'on peut s'en servir]
Il est si nécessaire que la Grace entre dans la Peinture, qu'il n'est pas besoin d'en rapporter aucunes preuves. Il se rencontre seulement une difficulté sur ce point : Savoir si la Grace est nécessaire dans toutes sortes de sujets, [...]
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Les Desseins dont on veut parler ici sont les pensées que les Peintres expriment ordinairement sur du papier pour l'execution d'un Ouvrage qu'ils méditent. On doit encore mettre au nombre des desseins les Etudes des grands Maîtres, c’est-à-dire, les parties qu’ils ont dessinés d’après Nature ; comme des têtes, des mains, des pieds & des Figures entières ; des Draperies, des Animaux, des Arbres, des Plantes, des Fleurs ; & enfin tout ce qui peut entrer dans la Composition d’un Tableau. Car soit que l’on considere un bon Dessein, par rapport au Tableau dont il est l’idée, ou par rapport à quelque Partie dont il est l’étude, il mérite toujours l’attention des Curieux.
Les Desseins marquent davantage le caractére du Maître, & font voir si son génie est vif ou pesant; si ses pensées sont élevées ou communes ; & enfin s’il a une bonne habitude & un bon Goût de toutes les parties qui peuvent s’exprimer sur le papier.
Il y a trois choses en géneral à remarquer dans les Desseins : la Science, l’Esprit, & la Liberté. Par la Science, j'entends une bonne Composition, un Dessein correct & de bon Goût, avec une louable intelligence du Clair obscur : sous le terme d'Esprit, je comprens, l'expression vive & naturelle du Sujet en géneral, & des Objets en particulier : la Liberté n'est autre chose qu'une habitude que la main a contractée pour exprimer promptement & hardiment l'idée que le Peintre a dans l'esprit : & selon qu’il entre de ces trois choses dans un Dessein, il en est plus ou moins estimable.
[…] il y a des desseins où il se rencontre peu de correction, qui ne laissent pas d’avoir leur mérite, parce qu’il y a beaucoup d’Esprit & de Caractere. On peut mettre sous cette espece les Desseins de Guilllaume Baur, ceux de Rembrant, ceux du Bénédette, & de quelques autres.
BAUR, Johann Wilhelm
CASTIGLIONE, Giovanni Benedetto (il Grecchetto)
REMBRANDT (Rembrandt Harmensz van Rijn)
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On ne doit pas non plus rejetter ceux <les desseins> qui ne sont qu’esquissés, & où l’on ne voit qu’une très-legere Idée & comme l’essai de l’imagination : parce qu’il est curieux de voir de quelle maniere les habiles Peintres ont conçû d’abord leurs pensées avant que de les digerer, & que les esquisses font encore connaître de quelle touche les grands Maîtres se servaient pour caracteriser les choses avec peu de traits.
Il y a une chose, qui est le Sel des Desseins, & sans laquelle je n’en ferais que peu ou point du tout de cas; & je ne puis mieux l’exprimer que par le mot de Caractere.
Ce Caractere donc consiste dans la maniere dont le Peintre pense les choses, c'est le sceau qui le distingue des autres, & qu’il imprime sur ses Ouvrages comme la vive image de son Esprit. C’est ce Caractere qui remue notre imagination ; & c’est par lui que les habiles Peintres, après avoir étudié sous la Discipline de leurs Maîtres, ou d’après les Ouvrages des autres, se sentent forcés par une douce violence à donner l’essor à leur Génie, & à voler de leurs propres aîles.
Pour connaître si un Dessein est d’un tel Maître, il faut en avoir vû beaucoup d’autres de la même main avec attention, & avoir dans l’Esprit une Idée juste du Caractere de son Génie, & du Caractere de sa Pratique. La connaissance du Caractere du Génie demande une grande étendue, & une grande netteté d’Esprit pour retenir les Idées sans les confondre ; & la connaissance du Caractére de la Pratique dépend plus d’une grande habitude, que d’une grande capacité : c’est pour cela que les plus habiles Peintres ne sont pas toujours ceux qui décident avec plus de justesse en cette matiére.
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{De l'utilité des estampes}
[...] Mais chaque particulier peut choisir des sujets qui puissent, ou rafraîchir sa mémoire, ou fortifier ses connoissances, & suivre en cela l'inclination qu'il a pour les choses de son Goût & sa profession.
Une des choses les plus essentielles dans la connaissance des Tableaux, c'est le Génie, il en faut dans le bon Connaisseur ainsi que dans le bon Peintre ; mais comme le Génie ne peut s'acquérir, il faut toujours le supposer, ou du moins au défaut du Génie un gand amour pour la Peinture.
Il y a trois sortes de Connaissances sur le fait des Tableaux. La première consiste à découvrir ce qui est bon & ce qui est mauvais dans un même Tableau. La seconde regarde le nom de l'Auteur. Et la troisième va à savoir, si un Tableau est Original ou Copie.
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On voit des Curieux qui se font une idée d'un Maître sur trois ou quatre Tableaux qu'ils en auront vûs, & qui croient après cela avoir un titre suffisant pour décider sur sa maniére, sans faire réflexion aux soins plus ou moins grands que le Peintre aura pris à les faire, ni à l'âge auquel il les aura faits. Ce n'est pas sur les Tableaux particuliers du Peintre : mais sur le général de ses Ouvrages qu'il faut juger de son mérite. Car il n'y a point de Peintre qui n'ait fait quelques bons & quelques mauvais Tableaux […]. Il n'y en a point aussi qui n'ai eu son commencement, son progrès & sa fin ; c'est-à-dire, trois maniéres : la première, qui tient à celle de son Maître; la seconde, qui s'est formée selon son Goût, & dans laquelle réside la mesure de ses talens, & de son Génie; & la troisième, qui dégénère ordinairement en ce qu'on appelle maniére : parce qu'un Peintre, après avoir étudié long-tems d'après la Nature, veut jouir, sans la consulter davantage, de l'habitude qu'il s'en est faite.
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En effet, il y a des Tableaux faits par des Disciples, qui ont suivi leurs Maîtres de fort près, & dans le savoir, & dans la manière.
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Ce n'est donc pas assez pour découvrir l'Auteur d'un Tableau, de connoître le mouvement du Pinceau, si l'on ne pénétre dans celui de l'Esprit: & bien que ce soit beaucoup d'avoir une idée juste du Goût que le Peintre a dans son Dessein, il faut encore entrer dans le caractére de son Génie, & dans le tour qu'il est capable de donner à ses conceptions.
Ce n'est donc pas assez pour découvrir l'Auteur d'un Tableau, de connoître le mouvement du Pinceau, si l'on ne pénétre dans celui de l'Esprit: & bien que ce soit beaucoup d'avoir une idée juste du Goût que le Peintre a dans son Dessein, il faut encore entrer dans le caractére de son Génie, & dans le tour qu'il est capable de donner à ses conceptions.
Mon intention n’est pas de parler ici des Copies médiocres, qui sont d’abord connues de tous les Curieux, encore moins des mauvaises qui passent pour telles aux yeux de tout le monde. Je suppose une Copie faite par un bon Peintre, laquelle merite une serieuse reflexion, & mettre en suspend, au moins durant quelques tems, la décision des connoisseurs les plus habiles. Et de ces Copies, j’en trouve de trois sortes.
La première est faite fidèlement, mais servilement. La seconde est legere, facile, & non fidelle. Et la troisième est fidelle, & facile.
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Il me reste encore à dire quelque chose sur les Tableaux, qui ne sont ni Originaux, ni Copies, lesquels on appelle Pastiches de l’Italien, Pastici, qui veut dire, Pâtés : car comme les choses differentes qui assaisonnent un Pâté ne sont mêlées ensemble que pour faire sentir un seul goût, de même toutes les imitations qui composent un pastiche ne tendent qu’à faire paraître une vérité. Un Peintre qui veut tromper de cette sorte doit avoir dans l’esprit la maniere & les principes du Maître dont il veut donner l’idée, afin d’y réduire son Ouvrage, soit qu’il y fasse entrer quelque endroit d’un Tableau que ce Maître aura déjà fait, soit que l’Invention étant de lui, il imite avec legereté, non seulement les Touches, mais encore le Goût du dessein, & celui du Coloris.