PEINTURE (n. f.)
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La Platte Peinture. Chapitre XXXIX, p. 314
La façon de parler des beaux Tableaux
1. Cela n'est pas Peinture, mais nature, & ces personnages là regardent tous ceux qui les regardent, mais d'une œillade si naïve, que vous jureriez qu'ils sont en vie.
2. Voyez ces poissons là, si vous versez dessus de l'eau ils nageront, car rien ne leur manque. Et ces oiseaux s'ils n'estoient attachez ils prendroient l'air, & fendroient le Ciel tant ils sont bien faits.
3. Comment est-il possible que le pinceau ait couché tant de douceurs sous des traits si rudes, sous des couleurs si dures, & que parmy tant de nonchalance, on ait caché tant d'attraits.
4. Quand la Peinture était encore au berceau, & à son premier lait, le pinceau estoit si niais, les ouvrages si lourds, qu'il falloit escrire dessus, c'est un bœuf, c'est un Asne, autrement vous eussiez pris cela pour un quartier de veau, maintenant il faut mettre dessous, qu'un tel peignoit, de peur qu'on ne creut que ce sont des morts qu'on a collé sur la toile, & des personnes vivantes sans vie tant le tout est bien fait.
5. Pour parler des riches Peintures il en faut parler comme si les choses estoient vrayes, non pas peintes. […]
6. Apelles peignoit ce qui ne se pouvoit peindre, on oyait craquer les tonnerres, & le tintamarre des nuées esclatantes & toutes trenchées d'esclairs.
7. Voyez comme ce drap est bien plissé, voyez ces mains de neige où les veines s'enflent […] tout le corps est aussi bien fait que si nature l'avoit façonné de ses mains. Mais encore est-ce Peinture ou nature, vérité ou artifice.
8. Mon amy pourquoy avez-vous donné une bride à ce cheval qui court de toute sa puissance, & jette son escume à gros boüillons, & est hors d'haleine ? je l'ay fait à dessein, car en deux bonds il se fut jetté hors de la carrière & hors de la toile, il l'a fallu retenir par force, voyez comme par dépit il s'en cabre.
9. Mon Dieu que ce fonds est haché bien menu, & treillissé de bonne grace, vous jureriez que c'est une chose creuse, & bien profonde.
10. Voyez comme ces fontaines sourdent des crouppes de ces montagnes, comme la main du Peintre meine ces ruisseaux aussi bien que sçauroit faire la nature […]; voyez comme ces canards se coulent parmy ces herbes, & cornillent, voyez-là comme ils se plongent boursoufflans contre-mont de petits brins & filets d'eau, retirez-vous un peu à l'escart de peur qu'ils ne vous aspergent, & moüillent, en frétillant ainsi des pattes & battant l'eau.
11. Philostrate en ses Tableaux est excellent en cecy, & vous fera riche en cette matiere.
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Nonobstant que Seneque traite si mal la Peinture dans une de ses epistres ; qu’il luy refuse le rang avantageus que d’autres luy donnent entre les arts liberaus, la mettant mesme d’une severité par trop Stoique au nombre de ceux qui ne servent qu’aus voluptez : Si faut-il avouez qu’elle merite par beaucoup de considerations qu’on en fasse bien plus d’estat. Elle est tres-ancienne […]. Philostrate a raison d’escrire que si elle n’est de l’invention des Dieux & de la Nature, pour le moins ne sçauroit-on nier qu’elle ne soit de tems immemorial, & tresamie de cette mesme nature […]. J’ay fait voir ailleurs comme elle meritoit l’estime des plus grands Princes […], & j’en ai nommé plusieurs qui l’ont cultivée avec succez, ne croyant pas se faire tort de tenir le pinceau de la mesme main dont ils manioient le sceptre & l’espée. {Instr. de M. le Dauphin p. 209.}
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Il est certain que Socrate apprit de son pere l’art de tailler des Statuës, qui fait partie de celuy dont nous parlons [ndr : la peinture], selon que les Grecs ont consideré la Plastique, & la Zographie, dependantes d’un mesme dessein.
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Et pour preuve de ce qu’elle [ndr : la peinture] peut estre mise au rang des disciplines serieuses & honorables tout ensemble, il ne faut que considerer comme ce Qu. Pedius muet naturel, que Jule Cesar avoit laissé son heritier conjointement avec Auguste, fut appliqué à l’estude de cét art par l’avis, qu’Auguste trouva fort bon, de l’Orateur Messalla son parent maternel. Pline. l. 35. c. 4.
Selon Pline (Histoire naturelle, livre XXXV, 21-22), la dignité de la peinture s’accrut à Rome quand Messala, approuvé par Auguste, fit apprendre la peinture à Q. Pedius, muet de naissance. Il s’agit de l’argument souvent rebattu selon lequel la peinture s’ennoblit dès lors qu’elle est enseignée à des enfants nobles.
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[…] la mesme science [ndr : la peinture] qui nous apprent ce que c’est que la Verité, nous fait de plus des leçons du mensonge : Outre que la peinture nous porte à bien juger de la perfection de tout ce qu’elle represente, son art nous fournit des maximes pour en discerner les vices, & pour en censurer ce qu’y rencontre de defectueus. Ainsi l’on trouva mesme à redire au Jupiter de Phidias […].
PHIDIAS, Zeus, c. 435 BC, chryselephantine statue, lost (5th century AD)
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Qui sera celuy qui voyant & revoyant les mysteres de nostre saincte foy, & la Peinture de la gloire des Cieux ne soit émeu à aymer un Dieu si debonnaire, qui a voulu souffrir pour nous une mort infame & cruelle, & ne sente allumer dans son cœur un desir extréme d’arriver à la supreme felicité ? Je ne dy pas que les Images soient la cause totale de ces grands effects, par ce que ce seroit une opinion impie : mais je dis que la Peinture émeut l’œil, lequel ayant receu l’impression des objets, baille en dépost les especes ou les Images à la memoire, laquelle les represente à l’entendement, lequel en suite conçoit la vérité ou la fausseté des choses, & les ayant connuës, les represente à la volonté, laquelle haït les mauvaises & cherit les bonnes, & se porte vers elle d’une peinte & inclination naturelle. L’on peut connoistre de toutes ces choses la grande utilité & excellence de la Peinture, puisqu’elle est l’instrument de la Memoire, de l’Intellect, & de la Volonté ; un signe & une figure que les hommes ont inventé pour representer les choses naturelles & articificielles, pour representer les Anges, les Saincts, & Dieu mesme en la façon qu’il peut estre representé.
Terme traduit par PITTURA dans Lomazzo, 1585, p. 5.
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[…] La Peinture est une de ces choses qui d’elles mesmes sont desirables : parce que nous voyons que nostre ame prend un merveilleux plaisir d’elle mesme à voir une belle Peinture, & de considerer tant seulement, sans passer plus outre, avec l’intellect ce quelle represente exterieurement ; mais le plaisir est beaucoup plus grand quand elle descouvre par apres la symetrie d’une figure faite de la main d’un excellent ouvrier, & qu’elle advise de cét Art merveilleux avec lequel il fait qu’une figure immobile & insensible semble à nos yeux se mouvoir tout le corps, en avant, en arriere, à droite & à gauche ; quand elle contemple comme le Peintre avec les couleurs represente sur un plan la grosseur & le relief des choses, les chairs, les cheveux, les vestemens, & la lumiere qui esclaire le tout […]
Terme traduit par PITTURA dans Lomazzo, 1585, p. 8.
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[ndr : La peinture] c’est un Art auquel il faut tant de choses, qu’il n’appartient qu’aux hommes libres & puissans de l’exercer avec loüange : il est comme un abregé de la plus grande parties des autres Arts liberaux ; je veux dire qu’il ne se peut exercer sans l’ayde d’un grand nombre d’iceux, comme de la Geometrie, Architecture, Arithmetique, & Perspective. Car que peut faire un Peintre sans la connoissance des lignes, de la superficie, de la profondité, de la grosseur, & des figures Geometriques, puis que c’est son premier fondement ? Sans la connoissance de l’Architecture comment pourra-il representer avec le pinceau les maisons, les Palais, les Temples, & autres edifices ? Sans l’Arithmetique comment pourra-il entendre la proportion du corps humain, & des autres choses tant naturelles qu'artificielles ? Et sans la Perspective comment peut le Peintre ombrager une figure, faire un racourciment, ou representer un autre mouvement ? De plus il est necessaire que le Peintre ait connoissance des histoires sacrées & profanes, & ce non seulement des Grecs & des Romains, mais encore des Perses, des Medes, & de toutes les autres Nations. Il doit entendre l'Anatomie du moins superficiellement; & pour conclure, il a besoin de connoistre tant d'Arts & de Sciences, que non seulement il doit estre homme libre, mais encore riche, pour acheter les livres qui luy sont necessaires, & payer les Precepteurs qui l'enseignent.
Terme traduit par PITTURA dans Lomazzo, 1585, p. 7.
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La Peinture est un Art, qui par le moyen des lignes proportionnées, & avec des couleurs semblables à la nature des sujets, suivant la lumière de la Perspective, imite si bien la nature des choses corporelles, que non seulement elle represente sur un plan la grosseur & le relief des corps, mais encore le mouvement ; & monstre visiblement à nos yeux plusieurs affections & passions de l’Ame.
Terme traduit par PITTURA dans Lomazzo, 1585, p. 19.
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Le genre donc de la Peinture est l’Art : & qu’elle soit Art, il se prouve par la definition d’iceluy, lequel n’est autre, en un mot, qu’une raison droite & bien reglée des choses qui se doivent faire. De plus, il se prouve encore, parce que toutes les choses naturelles sont la regle & la mesure de la pluspart des Sciences & des Arts qui sont au monde […] ; C’est pourquoy elles peuvent estre la droite regle des choses artificielles. D’où s’ensuit que la Peinture est Art, puis qu’elle prend pour sa regle les susdites choses naturelles, & qu’elle est imitatrice, ou pour mieux dire, singe de la mesme nature, taschant tousjours d’imiter sa quantité, relief, & couleur. Ce qu’elle fait par l’ayde de la Geometrie, Arithmetique, Perspective, & Philosophie naturelle, avec une si grande & parfaite raison, qu’il ne se peut davantage.
Terme traduit par PITTURA dans Lomazzo, 1585, p. 19.
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[...] C’est pourquoy outre diverses qualitez & connoissances dont doivent estre doüez ceux qui desirent pratiquer à ce point, ce noble Art de la Pourtraiture & Peinture, celle-cy en est une assez necessaire ; d’avoir l’esprit propre pour la lecture, afin de bien entendre & distinguer dans icelles ; les choses qui peuvent servir à ses entreprises.
[...] c’est pourquoy nul ne devroit porter ny porter aucun à apprendre cét Art [ndr : cf. p. 95-96 de ce traité « s’il n’a pas l’esprit propre à la lecture, pour connaître l’histoire ancienne, l’antique, etc. »], à moins de se resoudre de n’estre que Copiste des Corps visibles de la nature ou de partie d’iceux ; qu’il ne sceust assez bien escrire & lire, & sur tout ce qui est principal, avoir donné lieu en luy monstrant diverses Tailles-Douces & Desseins, de juger par la description qu’il en fera, qu’il en a conçeu la forme, la situation & disposition ; [...]
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De la peinture & de sa division
La peinture se divise en deux parties, dont la premiere est la figure ; c’est à dire le simple traict ou contour qui distingue la figure des corps & de leurs parties. La seconde est la couleur qui est comprise entre les termes de ce contour.
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Pour bien Peindre il te faut suivre le naturel
Marchant sur un chemin droit et continuel.
Le F. Me faut-il simplement imiter la nature
Pour devenir fameux en l’Art de la Peinture ?
{2. Precepte très important}
Le P. Il la faut imiter, mais c’est adroitement ;
Car il ne suffit pas d’imiter simplement ;
Puis qu’il n’est rien de beau, rare, charmant, & juste
Qui n’ai quelque defaut, & que l’Art ne l’ajuste.
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Mais parce qu’il ne suffit pas encore, pour former un peintre, de l’avoir instruit de ces deux parties [Perspective et Geometrie], qui se peuvent acquerir facilement par l’estude, & qu’il a besoin, outre cela de trois ou quatre autres qualitez plus rares, qui ne luy sçauroient venir que d’une saveur singulière de la nature : cela fait que dans cette profession, parmy un grand nombre d’ouvriers, il s’y rencontrent toûjours fort peu de vrays Peintres : si bien qu’on peut dire d’eux, comme des Poëtes, qu’il faut naistre Peintre : car en effet leur genïe est si semblable, qu’il a passé en commun proverbe, que la Peinture est une poësie muette, et la poësie une Peinture parlante. La raison s’en connoistra manifestement des divers Talents d’esprit qui doivent tous necessairement concourir à la formation d’un Peintre parfait.
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[…] la Peinture est un Art tout spirituel : Car ce qui consiste seulement dans la Partie mechanique est si matériel, qu’ils [les Anciens et les Historiens] ne contoient presque pour rien ; aussi ne regloient-ils pas le prix des Tableaux par la quantité ny par la grandeur des figures : Il arrivoist mesme quelque fois que la destresse du lieu à peindre et la sterilité du Sujet, donnoient occcasion à ces beaux Genïes d’en tirer de l’avantage, et de faire une production d’esprit qui surpassoit en grandeur de reputation les plus abondantes Compostions. […] si bien que cette destresse donna lieu à l’Ingenieux Timanthe de faire connoistre que son esprit estoit en effet plus eslevé et plus puissant que toutes les forces de la Peinture. Il s’avisa donc, pour suppléer au défaut de matière, de faire voir seulement aux yeux de l’esprit, ce qu’il ne pouvait monstrer à ceux du corps.
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Car puisque la Poësie et la Peinture ne sont qu’une mesme Forme de Genïe, et qu’il est certain que, pour estres Poëte, il ne suffit pas de faire des Vers bien mesurez, avec des paroles agreables à l’oreille, si ce qu’on dit n’est encore quelque chose de sçavant et d’ingénieux : il s’ensuit aussi que dans l’Escole de la Peinture, celuy qui n’applique son esprit qu’à desseigner d’après un Modelle, et qui appuye toute son estude sur le Pinceau, ne sera jamais qu’un Ouvrier mechanique, trés-indigne de la Qualité de peintre, comme cét autre ne passe que pour un simple versificateur.
Si bien qu’au service de cette Noble et Glorieuse Princesse des Arts de la Peinture, qui est tout Esprit, il faut avoir des Talents et des Connaissances extraordinaires pour oser pretendre à l’honneur de ses bonnes graces ; et ceux qui par la bassesse et la pesanteur de leur Nature ne se peuvent eslever plus haut que la partie mechanique ressemblent à ces mauvais Courtisans de Penelope lesquels n’ayant pas l’esprit de s’insinuer favorablement sans son entretien particulier, ny assez d’addresse ou de merite pour se rendre considerable auprés d’Elle, demeuroient derrière les plus galants, et estoient reduits à faire la Cour à ses Suivantes.
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Pymandre relevoit encore le merite de la Peinture par cette merveilleuse puissance qu’elle a de nous mettre devant les yeux une image veritable des personnes que nous cherissons, & de les representer si parfaitement, qu’il nous semble, quoy qu’éloignez d’elles, les avoir comme presentes & jouïr de leur compagnie.
Ces diverses reflexions servirent à nous entretenir agreablement. Car demeurant d’accord que la Peinture estoit née pour tenir lieu d’une chose reelle, & qu’elle s’estoit mise en estime par l’avantage qu’elle a de si bien representer les personnes absentes ; Je dis à Pymandre qu’elle avoit pourtant acquis sa principale reputation de ce qu’on n’a point trouvé de plus beau moyen pour recompenser les vertus des grands hommes & pour rendre leur nom immortel, qu’en laissant leur image à la postérité.
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DE PILES, Roger, De l'art de peinture de Charles Alphonse Dufresnoy, Paris, Nicolas Langlois, 1668.
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*La Peinture & la Poësie sont deux Sœurs qui se ressemblent si fort en toutes choses, qu’elles se prestent alternativement l’une à l’autre leur office & leur nom. On appelle la premiere une Poësie muette, & l’autre une Peinture parlante.
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1. [La Peinture & la Poësie sont deux Sœurs qui se ressemblent si fort en toutes choses.] Elles tendent toutes deux à mesme fin, qui est l’Imitation. Toutes deux excitent nos passions ; & nous nous laissons tromper volontairement, mais agreablement par l’une & par l’autre ; nos yeux & nos esprits y sont si fort attachez, que nous voulons nous persuader que les Corps peints respirent, & que les fictions sont des veritez. Toutes deux sont occupées par les belles actions des Heros, & travaillent à les éterniser. Toutes deux enfin sont appuyées sur les forces de l’Imagination, & se servent des licences qu’Apollon leur donne également, & que leur Genie leur inspire. {Horace} Pictoribus atque Poëtis Quidlibet audendi semper fuit aequa potestas. L’avantage que la Peinture a pardessus la Poësie, est, Que parmy cette grande diversité de Langues, elle se fait entendre de toutes les Nations de la Terre ; & qu’elle est necessaire à tous les autres Arts, à cause du besoin qu’ils ont de figures demonstratives, qui donnent bien souvent plus d’intelligence que tous les discours du monde.
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Ce bel Art, dis-je, est sans doute une imitation admirable des Idées de Dieu, dans la production des Creatures, que les Theologiens appellent une connoissance expresse de toutes les choses possibles.
Car celuy qui agit avec esprit se figure premierement le dessein & l’image de ce qu’il pretent faire et produire au jour. Or Dieu […] a connu méme avant la creation du monde, le modelle & le patron de tout ce qu’il a produit depuis, & de tout ce qu’il doit produire doresnavant, sa connoissance, vaste & profonde luy en ayant fourni la representation & l’effigie interieure, comme une peinture spirituelle, & c’est ce que nous appellons proprement les Idées de Dieu.
Et de mesme que Dieu conserve dans son Eternité une Idée permanente & immutable de toutes choses : de méme ce bel Art a cela d’excellent & de particulier, qu’il conserve sans alteration les extraits de cet adorable Prototype, par la beauté ravissante de ses charmans effais, bien que dans leur existence & et dans leur être, ils soient sujets aux Lois de la Nature qui n’a rien qui ne périsse enfin avec le temps. Car leurs attraits [….] s’évanoüissent […] n’ayant d’autre moyen de se conserver […] que par le divin secours de la Peinture, qui a cela de propre, qu’elle ressemble en ce point au Souverain principe de toutes choses, qui tient renfermé dans soy-méme de toute Eternité, comme dans une source seconde & inépuisable, la beauté & la perfection de toutes les Creatures sans changement & sans défaillance, parce que cette Idée universelle de toutes choses, estant une partie de son essence, elle doit estre aussi parfaite que luy-mesme.
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Il faut donc demeurer d’accord que rien n’approche de l’excellence de la Peinture dans les qualitez qui luy sont propres, & que parmy les beaux Arts elle est non seulement un Art admirable & singulier, qui merite d’estre distingué & mis au-dessus de tous les autres, mais encore que c’est quelquechose de divin, quelque chose de plus qu’un Art, qui esleve nostre esprit & le porte au-delà de luy-mesme.
DIEU a donné à chaque Art la qualité qui lui est propre & essentielle [….] la qualité de la Peinture est de créer & de produire une seconde fois, ce qui estoit des-ja créé & produit : & ce qui est encore plus merveilleux, de faire, pour ainsi dire, quelque chose de rien, imitant en cela l’Autheur de toutes choses, qui les a tirées du neant par une puissance sans seconde.
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La fin generale de la Peinture, est de glorifier & d’exalter Dieu par la representation la plus naïve & la plus pompeuse de la beauté de ses Creatures, comme il s’exhalte luy-mesme par la complaisance qu’il a dans cet abyme d’Idées ravissantes d’une infinité de Creatures qu’il peut produire incessamment, dont il a tiré cét admirable tout qui compose l’Univers, qui est un Tableau achevé de toutes les beautez imaginables.
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Ces Images, que d’autres appellent Peintures, ou Fictions, sont aussi d’un grand artifice pour donner du poids, de la magnificence, & de la force au discours. Ce mot d’Image se prend en général pour toute Pensée propre à produire une expression, & qui fait une peinture à l’esprit de quelque maniere que ce soit. Mais il se prend encore dans un sens plus particulier & plus resserré ; pour ces discours que l’on fait, lorsque par un enthousiasme & un mouvement extraordinaire de l’ame, il semble que nous voions les choses dont nous parlons, & que nous le mettons devant les yeux de ceux qui écoutent.
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[…] si les Figures naturellement soûtiennnent le Sublime, le Sublime de son costé soûtient merveilleusement les Figures. […] il n’y a point de Figure plus excellente que celle qui est tout-à-fait cachée, & lorsqu’on ne reconnoist point que c’est une Figure. Or il n’y a point de secours ni de remede plus merveilleux pour l’empescher de paroître, que le Sublime & le Pathetique, par ce que l’Art ainsi renfermé au milieu de quelque chose de Grand & d’éclatant, a tout ce qui lui manquoit, & n’est plus suspect d’aucune tromperie. [….] Comment est-ce que l’Orateur a caché la figure dont il se sert ? N’est-il pas aisé de reconnoistre que c’est par l’éclat mesme de sa pensée ? Car comme les moindres lumieres s’évanoüissent, quand le Soleil vient à les éclairer ; de mesme, toutes ces subtilitez de Rhetorique disparoissent à la veüe de cette grandeur qui les environne de tous costés. La mesme chose à peu prés arrive dans la peinture. En effet qu’on tire plusieurs lignes paralleles sur un mesme plan, avec les jours & les ombres : il est certain que ce qui se presentera d’abord à la veuë, ce sera le lumineux, à cause de son grand éclat qui fait qu’il semble sortir hors du tableau, & s’approcher en quelque façon de nous. Ainsi le Sublime & le Pathetique, soit par une affinité naturelle qu’ils ont avec les mouvemens de nostre ame, soit à cause de leur brillant, paroissent davantage, & semblent toucher de plus prés notre esprit que les Figures, dont ils cachent l’art, & qu’ils mettent comme à couvert.
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La Peinture est un Art qui par des lignes, & des couleurs represente sur une surface égale & unie tous les objets de la Nature, en sorte qu’il n’y a point de corps que l’on ne reconnoisse. L’Image quelle en fait, soit de plusieurs corps ensemble, ou d’un seul en particulier, s’appelle Tableau, dans lequel il y a trois choses à considerer ; sçavoir la Composition, le Dessein, & le Coloris, qui toutes trois dépendent du raisonnement, & de l’execution, ce qu’on nomme la Theorie, & la Pratique ; le raisonnement est comme le Pere de la Peinture, & l’execution comme la Mere.
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Lors qu’on veut exprimer quelque sujet, si l’on ne se sert que du crayon ou de la plume, quoy que l’on acheve l’Ouvrage dans toutes les parties, & qu’on y observe les Jours, & les Ombres, on n’appellera neanmoins cet Ouvrage qu’un dessein, que l’on distinguera seulement par la couleur des crayons, ou par l’encre dont on s’est servy : Les uns employans avec les traits de la plume un peu de Lavis fait avec de l’encre de la Chine, ou le Bistre qui est de la suye bien détrempée ; d’autres de la Sanguine ; d’autres de la Pierre noire, & ainsi chacun à sa fantaisie. Et l’on ne donne le nom de Peinture à quelque Ouvrage que ce soit que lors qu’on y employe des couleurs broyées à huile ou autrement. Car encore qu’on fasse de fort belles Figures avec des Pastels ou crayons de differentes couleurs, qui font quasi le mesme effet que la Peinture, neanmoins on n’appelle pas cela Peinture, bien que pour mieux exprimer la beauté de ce travail on puisse dire que cela soit bien peint.
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La Peinture est donc faite non pas précisément pour instruire comme vous rassurez : mais pour représenter les objets, & si un Peintre en représentant vous instruit, il ne le fait pas comme Peintre mais comme Historien.
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La Peinture, luy repartis-je, embrasse, comme je vous ay dit plusieurs fois, tant de parties, dont la moindre demanderoit la vie d’un homme pour la bien étudier, qu’il ne faut pas estre surpris si les plus grands Peintres ne les ont jamais possédées toutes dans une égale perfection. Cependant comme la fin principale du Peintre est de representer la Nature sur une superficie plate ; & que cela ne se fait bien que par le moyen des couleurs, des ombres & des jours conduits judicieusement avec l’aide du dessein, qui doit estre toujours le guide & comme le maistre dans les ateliers des Peintres. Il est certain que ceux qui se sont rendus bons coloristes ont fait un grand progrez, & sont entrez bien avant, s’il faut ainsi dire, dans ce qu’il y a de plus secret & de plus beau dans cet art.
École lombarde
École romaine
École vénitienne
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
ROMANO, Giulio
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
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Dans la troisième Partie [ndr : de l’ouvrage], est la description de la première Classe des Peintres, ou plûtost de la seule & veritable Peinture. On voit d’abord la necessité de tomber entre les mains d’un bon Maistre, pour aller droit à sa perfection, l’excellence de cette Science, sa difficulté, la fin que le Peintre se doit proposer dans son travail, les qualités & l’étude que doit avoir un Jeune-homme, dont on veut faire un digne Peintre, & la cause pour laquelle il y en a si peu de bons : la description du Palais de la Peinture, son antiquité, sa fondation, son assiette, & la difficulté d’y arriver, qui en détourne les ames lâches.
La "véritable peinture" est celle qui est pratiquée par les peintres de l'Académie
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[...] On peut dire de la Peinture comme de la Poësie, & s’il faut pour reussir en celle-cy estre nay Poëte, il n’est pas moins necessaire d’estre nay Peintre, pour estre parfait en celle-là. J’entends que le jeune Peintre doit estre pourvû d’un esprit fort & solide, disciplinable, & capable de grandes entreprises, d’une ame courageuse, d’un beau genie, inventif & rempli du beau feu qui fait les galands hommes : Il faut surtout qu’il ait de l’amour pour sa Profession, duquel naistra celui de l’étude & du travail, qui sont les deux aisles desquelles il se doit servir, pour arriver à la perfection de son Art : De plus, il doit avoir une bonne éducation, qui le rende civil, honneste, gracieux & moderé dans ses actions, à quoy il faut encor adjoûter un corps bien fait, une bonne santé, une suffisante commodité des biens de fortune, pour pouvoir étudier librement & sans craindre la necessité, qui oblige ceux qui en ressentent les incommodités, de negliger l’étude, pour penser seulement à gaigner de quoy vivre.
Restout donne ici une définition du peintre savant et reprend le lieu commun de l’Ut pictura poesis
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[...] mon Maistre me fist remarquer bien d’autres beautés que celles que les Cabalistes admirent dans les ouvrages de leurs Chefs : Car outre qu’il n’y manquoit rien de celles-là qui ne regardent que la pratique de l’Art, il m’y fist découvrir tant de science & d’étude, qu’il est presque aussi difficile de les exprimer, que de les imiter, à moins que d’avoir les mêmes connoissances desquelles ces rares Esprits se servoient, pour faire de si excellens Ouvrages.
Il ne me parla point de la Vaguesse du Coloris, de la Morbidesse des Carnations, de la Franchise du Pinceau, ny des autres termes extravagans à la mode de nos Cabalistes ; mais bien de la beauté, diversité, netteté & sublimité des pensées, de cette manière noble & majestueuse de traiter un sujet, de la discretion à le remplir dignement & convenablement à la verité de l’Histoire qu’il represente, & au Mode dans lequel il se rencontre ; de l’exacte & sçavante observation du Costume, dans laquelle ces anciens Maistres faisoient consister tout ce que la Peinture a d’ingenieux & de sublime ; de cette pointe d’esprit & de cet excellent genie, qu’ils faisoient paroistre dans leurs Ouvrages, dont les Ecrivains les ont loüés si hautement : De là suivoit la judicieuse & convenable disposition des lieux & des figures, la force & la diversité des expressions, l’élégance & le beau choix des attitudes, la diligence & l’exactitudes dans le dessein, la beauté & la variété des proportions, la position aisée & naturelle des figures sur leur centre de gravité ou équilibre, & conformément aux regles de la Perspective des Plans, qui est le lien & le soûtien de toutes les beautés de la Peinture, & sans laquelle elle n’est qu’une pure barboüillerie de Couleurs ; mais sur tout, cet agrément & cette grace admirable dans les mouvemens, qui est un talent autant rare qu’il est precieux.
On pouvoit encore admirer la lumiere bien choisie, & répanduë avec discretion sur les objets, selon leur proximité ou éloignement de l’œil, & les accidens du lumineux, du Diaphane & du corps éclairé ; les differens effets des lumieres primitives & derivatives, l’amitié & la charmante harmonie (pour ainsi dire) des Couleurs, par leur degrés proportionnés de force ou d’afoiblissement, suivant les regles de la Perspective aërienne, ou par leur sympatie naturelle : Enfin, cette Eurithmie dans toutes les parties de l’Ouvrage, auquel elle donne son prix & sa valeur.
Voilà une partie des veritables & solides beautés, que mon Maistre me fist observer dans les admirables Ouvrages de ces grands Hommes, qui ont charmé toute l’Antiquité, & dont le seul recit charme encor tous ceux qui l’entendent.
Anciens (les)
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Je me contenteray seulement de vous dire icy que la Peinture considérée selon son essence est un Art, qui par le moyen de la forme extérieure, & des couleurs imite sur une superficie plate tous les objets qui tombent sous le sens de la veuë. Cette imitation qui se peut faire de plusieurs façons est réduite communément à cinq qui sont, l’Huile, la Fresque, la Détrempe, la Miniature, & le Pastel, […].
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Quotation
On divise ordinairement la Peinture en trois Parties, Invention, Dessein & Coloris. L’Invention est une partie, qui ne s’acquiert que peu ou point du tout ; elle vient d’une heureuse naissance & se cultive par la lecture des bons livres, & par la veuë des bons Tableaux & des Sculptures Antiques. Cette partie consiste à trouver les objets que l’on veut faire entrer dans le tableau, & il est certain qu'on ne doit rien peindre sans y avoir pensé. Cependant il y a quantité de tableaux où l’Invention n’est comptée pour rien : comme dans l’imitation d’une teste, de quelques fruits, de quelques fleurs, & d’autres choses semblables où l’imagination n’a comme point de part, & où il n’est question que d’imiter ce que l’on voit. Mais pour donner le caractere des objets visibles, deux choses sont essentiellement necessaires, dessiner & colorier. Par dessiner l’on entend icy autre chose, sinon donner les veritables mesures & les proportions aux objets que l’on peint ; & colorier, est donner à ces mêmes objets les couleurs, les lumières & les ombres qui leurs conviennent, en sorte que par le Dessein & par le Coloris on imite si bien la nature, que l’on trompe la veuë s’il est possible.
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Quotation
Comme les Proportions & les mesures des corps sont le fondement de la Peinture, il est necessaire d’en avoir une grande habitude, pour avoir du plaisir à peindre : parce que l’esprit ne sauroit vaquer facilement & avec attention à deux choses tout à la fois ; ainsi pour employer les couleurs avec succès, il faut dessiner sans peine, & mettre chaque partie dans la place & de la grandeur qu’elle doit estre. Et le Coloris mesme ne seroit rien; si voulant faire un homme avec des couleurs, l’on faisoit un monstre, c’est à dire des membres disloquez, mal attachez les uns avec les autres, & mal proportionnez.
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Quotation
[…] : Au contraire il est fort bon dans l’étude du Dessein, de s’exercer de tems en tems à peindre quelque chose, principalement pour ceux qui veulent estre Peintres, & cela fait plusieurs bons effets. Premierement, l’esprit se delasse par le changement d’ouvrage. Secondement, on en dessine d’une maniere plus tendre & plus naturelle. Troisiémement, on acquiert quelque habitude de peindre, qui est toûjours autant de fait, & enfin on évite un grand inconvénient qui est arrivé à plusieurs bons dessinateurs, lesquels ont tellement laissé prendre le dessus à l’habitude du crayon, que lorsqu’ils ont voulu ensuite manier le pinceau, ils ne l’ont pû faire que par rapport à cette habitude, & y ont trouvé des difficultez insurmontables : au lieu que le maniment du crayon n’estant qu’un moyen, il doit toûjours se rapporter au maniement du pinceau comme à sa fin : car dans la Peinture on ne peint pas pour dessiner ; mais on doit dessiner pour peindre.
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Quotation
Que les sujets des Tableaux qu’il fait pour luy, doivent estre representez d’une autre maniere ; & que c’est en cela que consiste l’artifice de la Peinture. Que c’est juger avec trop de précipitation de ses ouvrages ; qu’estant difficile de donner son jugement si l’on n’a une grande pratique & la theorie jointes ensemble, les sens seuls ne doivent pas le faire, mais y appeler la raison.
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Quotation
On ne sçait pas assez que la Peinture est divertissante, mais elle est en outre & utile & necessaire pour conserver les visages des hommes illusttres, la structure des bastimens insignes, les plans des Villes, des places, & des maisons remarquables. Comme aussi pour connoistre les plantes et les animaux, pour representer les anatomies, pour comprendre les machines militaires, nautiques & autres. Enfin les juges font faire des plans Genealogiques, & ordonnent des descriptions de lieux pour décider les procez. Ces descriptions se font en peinture, ou en bosse, en plat ou en relief, quand les visitations & descentes ne suffisent pas. On supplicie méme par effigie, & apposition de tableau, & cela s’apelle tabloter un homme.
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Quotation
L’on compte plusieurs especes de peintures, la plate & la bossuë. D’une couleur, ou de plusieurs. En huile, en detrempe, ou à fraisque. La Greque & la Romaine, la Gothique & la moderne, l’ébauchée & la finie, la travaillée & la croquée, &c.
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Quotation
La peinture est quelque chose d'infini. Quand on sçait tout, on ne sçait point encore assez.
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Quotation
LE PRESIDENT. Si la Sculpture moderne l’emporte si fort sur la Sculpture antique par cet endroit que vous marquez [ndr : un bas-relief de François Anguier], il faut que la Peinture d’aujourd’huy soit bien superieure à celle des Anciens, puisqu’enfin c’est d’elle que la Sculpture a appris tous ces secrets de degradation & de perspective.
L’ABBE. J’en demeure d’accord, & la consequence en est tres juste ; mais puisqu’il s’agit presentement de la Peinture, il faut commencer par la distinguer suivant les divers temps où elle a fleuri, & en faire trois classes : Celle du temps d’Appelle, de Zeuxis, de Timante, & de tous ces grands Peintres dont les Livres rapportent tant des merveilles ; Celle du temps de Raphael, du Titien, de Paul Veronese, & de plusieurs autres excellens Maistres d’Italie, & Celle du siecle où nous vivons. Si nous voulons suivre l’opinion commune qui regle presque toûjours le merite selon l'ancienneté, nous mettrons le siecle d'Apelle beaucoup au dessus de celuy de Raphael, & celuy de Raphael beaucoup au dessus du nostre ; mais je ne suis nullement d’accord de cet arrangement, particulierement à l'égard de la preference qu’on donne au siecle d’Apelle sur celuy de Raphael.
LE PRESIDENT. Comment pouvez-vous ne pas convenir d'un jugement si universel & si raisonnable, sur tout après estre demeuré d'accord de l'excellence de la sculpture de Phidias & de Praxitele ; car si la sculpture de ces temps-là l'emporte sur celle de tous les siecles qui ont suivi, à plus forte raison la Peinture, si nous considerons qu'elle est susceptible de mille beautez & de mille agrémens dont la Sculpture n’est point capable.
L'ABBE. C’est par cette raison là mesme que la consequence que vous tirez n’est pas recevable. Si la Peinture estoit un Art aussi simple & aussi borné que l’est la Sculpture en fait d'ouvrages de ronde bosse, car c'est en cela seul qu'elle a excellé parmi les Anciens, je me rendrois à vostre advis, mais la Peinture est un Art si vaste de d'une si grande étenduë, qu'il n'a pas moins fallu que la durée de tous les siecles pour en découvrir tous les secrets & tous les mysteres. Pour vous convaincre du peu de beauté des peintures antiques, & de combien elles doivent estre mises au dessous de celles de Raphael, du Titien & de Paul Veronese, & de celles qui se font aujourd’hui, je ne veux me servir que des loüanges mesmes qu'on leur a données.
ANGUIER, François
APELLES
PHIDIAS
PRAXITELES
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
TIMANTHES
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
VERONESE, Paolo (Paolo Caliari)
ZEUXIS
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Quotation
Pour bien me faire entendre, il faut que je distingue trois choses dans la peinture. La representation des figures, l'expression des passions, & la composition du tout ensemble. Dans la representation des figures je comprens non seulement la juste delineation de leurs contours, mais aussi l'application des vraies couleurs qui leur conviennent. Par l'expression des passions, j'entens les differens caracteres des visages & les diverses attitudes des figures qui marquent ce qu'elles veulent faire, ce qu'elles pensent, en un mot ce qui se passe dans le fond de leur ame. Par la composition du tout ensemble j'entens l'assemblage judicieux de toutes ces figures, placées avec entente, & dégradées de couleur selon l'endroit du plan où elles sont posées.
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Quotation
Ainsi à regarder la peinture en elle-mesme & entant qu'elle est un amas de preceptes pour bien peindre, elle est aujourd’huy plus parfaite & plus accomplie qu’elle ne l'a jamais esté dans tous les autres siecles. Je diray mesme que je ne suis pas bien ferme dans le jugement que je fais en faveur des tableaux de ces anciens Maistres, non seulement à cause du respect dont je suis prevenu pour leur ancienneté, mais aussi à cause de la beauté réelle & effective que cette ancienneté leur donne.
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Quotation
Comme nous avons dit qu’il y a deux souveraines qualitez dans la Peinture ; l’une de travailler avec science pour instruire, & l’autre de peindre agreablement pour plaire ; & que celuy qui plaist fait un effet bien plus general que celuy qui instruit : on peut dire aussi que la qualité necessaire pour plaire estoit le partage de Pierre de Cortone. Combien de fois avons-nous consideré dans Rome le Salon du Palais Barberin, où nous trouvions tant de graces & de noblesse dans la disposition des figures, tant d’agrément dans leurs attitudes & dans leurs airs de testes ; une si belle union dans les couleurs, & ce que les Italiens nomment Vaguezza ? Quoy-que cet ouvrage soit peint à fraisque, il n’y a pas moins de force & de tendresse que s’il estoit peint à huile. Et bien que le dessein n’en soit pas d’un goust exquis, ni les draperies des figures tout-à-fait bien entendües & naturelles ; cependant il se trouve que le tout ensemble a quelque chose de si gracieux & de si doux à la veûë, qu’il n’y a personne qui ne sente beaucoup de plaisir en le regardant.
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Quotation
Car de tous les Arts que l’esprit de l’homme possede, y en a-t-il un plus admirable que celuy de la Peinture, par le moyen duquel on sçait representer la nature mesme, & faire voir par le mélange des couleurs l’image de toutes les choses qui tombent sous les sens. Que si c’est un grand avantage à l’homme de comprendre dans son esprit les images des corps animez & inanimez, combien est-ce une chose digne d’admiration d’en pouvoir tracer la ressemblance, & encore plus de se former une idée de toutes les beautez de la Nature pour en faire une plus parfaite, telle qu’estoit cette figure de Pirrha qui surpassoit toutes les plus belles femmes ? Mais comme il est rare de trouver une personne parfaitement belle, aussi est-il extrémement difficile de faire l’image d’une beauté accomplie. C’est pourquoy les plus sçavans hommes de l’antiquité, pour avoir part à la gloire d’un Art si merveilleux, non seulement ont eû une estime toute particulière pour la Peinture, mais encore ont voulu peindre eux-mesmes.
Anciens (les)
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Quotation
[...] je ne parlerai presentement que de l'Etablissement de l'Academie Royale que l'on a Erigée en France en leur faveur sous le Regne de Loüis XIV. en 1648. Jusques alors la qualité de Peintres & de Sculpteurs avoit été comprise avec les Barbouilleurs, les Marbriers & Polisseurs de Marbre, en une mecanique Societé, sous le fameux nom de Maîtrise, dont cet Etablissement a heureusement fait la separation. En effet comme les Arts de Peinture & de Sculpture peuvent être considerés en deux parties, la Science & l'Art, l'une Noble & speculative, l'autre pratique ; il a été tres-judicieux de les distinguer en deux Corps, en l'un ordonner des Jurez pour l'examen & preparation des matieres qui s'y employent, d'en regler la disposition selon leurs bonnes ou mauvaises qualités, qui est la fin pour laquelle la Maîtrise a été établie à Paris seulement. A l'égard de la partie Speculative il a aussi été convenable de l'exercer librement & noblement, les genies ne devant point être contrains dans la pratique des beaux Arts : c'est pourquoi ils sont nommez Liberaux.
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Quotation
L'on remarqua ensuite, que la pratique de la mesure étoit plus propre à la Sculpture qu'à la Peinture, parce que le Peintre ne peut pas mesurer facilement à cause du racourci qu'il ne peut pas éviter de faire en quelque partie, pour peu de mouvement que fasse un Corps animé, [...] [...] En une autre occasion l'on tomba sur le même sujet, ayant exposé la figure du Laocoon, on y representa, que la Geometrie contribuoit beaucoup à perfectionner les Arts de Peinture & de Sculpture, donnant des moyens necessaires pour bien reprensenter toutes les apparences des objets de la nature, étant certain, que quand un Ouvrage seroit très-beau en toutes les autres parties, si les mesures n'y étoient pas justes ce qui lui feroit une très grande defectuosité.
AGESANDROS OF RHODES, ATHENODOROS et POLYDOROS, Laocoon et ses fils, 40 avant J.C. - 20 avant J.C., marbre, 208 x 163 x 112, Vatican, Vatican, Museo Pio-Clementino, Inv. 1059.
TESTELIN, Henry, Exemple touchant les Proportions et les Contours, estampe, dans TESTELIN, Henry, Sentimens des plus habiles peintres du tems, sur la pratique de la peinture et sculpture, Recueillis & mis en Tables de Preceptes. Avec six discours academiques, Extraits des Conferences tenuës en l’Académie Royale desdits Arts & prononcés en presence de deffunt Monsieur Colbert, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, Controleur General des Finances, Surintendant & Ordonnateur des Bâtiments du Roi, Jardins, Arts & Manufactures de France, protecteur de ladite Academie, assemblée generalement en des jours solemnels pour la delivrance du Prix Royal, par Henry Testelin, Peintre du Roi, Professeur & Secretaire en ladite Academie, La Haye, Matthieu Rogguet, s.d. [1693 ou 1694], n.p. [après p. 12].
TESTELIN, Henry, Table seconde des préceptes de la peinture sur les proportions, estampe, dans TESTELIN, Henry, Sentimens des plus habiles peintres du tems, sur la pratique de la peinture et sculpture, Recueillis & mis en Tables de Preceptes. Avec six discours academiques, Extraits des Conferences tenuës en l’Académie Royale desdits Arts & prononcés en presence de deffunt Monsieur Colbert, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, Controleur General des Finances, Surintendant & Ordonnateur des Bâtiments du Roi, Jardins, Arts & Manufactures de France, protecteur de ladite Academie, assemblée generalement en des jours solemnels pour la delivrance du Prix Royal, par Henry Testelin, Peintre du Roi, Professeur & Secretaire en ladite Academie, La Haye, Matthieu Rogguet, s.d. [1693 ou 1694], n.p. [après p. 12].
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Quotation
en la Peinture l'on doit comprendre tout d'un coup l'idée du sujet, qu'ainsi un Peintre se doit restreindre à ces trois unités, à sçavoir ce qui arrive en un seul tems ; ce que la vüë peut découvrir d'une seule oeillade ; & ce qui se peut representer dans l'espace d'un Tableau, où l'idée de l'expression se doit rassembler à l'endroit du Heros du sujet comme la Perspective assujettit tout à un seul point ; que le devoir du Peintre est de s'étudier soigneusement à rechercher tout ce qui est essentiel au sujet [...] Que les Histoires Saintes sont d'écrites pour exciter en nous des pensées & des émotions de pieté, par les bons exemples quelles nous proposent, & que ce doit aussi être l'effet de la Peinture, ce qui seroit detourné par des circonstances qui porteroient des caracteres differens ou opposez à l'idée du sujet.
BASSANO, Jacopo, Le Retour de l'enfant Prodigue, s.d., huile sur toile, 100 x 122,6, Gironde, Libourne, Inv. D.2004.1.65.
TESTELIN, Henry, Troisième table des préceptes de la peinture sur l'expression, estampe, dans TESTELIN, Henry, Sentimens des plus habiles peintres du tems, sur la pratique de la peinture et sculpture, Recueillis & mis en Tables de Preceptes. Avec six discours academiques, Extraits des Conferences tenuës en l’Académie Royale desdits Arts & prononcés en presence de deffunt Monsieur Colbert, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, Controleur General des Finances, Surintendant & Ordonnateur des Bâtiments du Roi, Jardins, Arts & Manufactures de France, protecteur de ladite Academie, assemblée generalement en des jours solemnels pour la delivrance du Prix Royal, par Henry Testelin, Peintre du Roi, Professeur & Secretaire en ladite Academie, La Haye, Matthieu Rogguet, s.d. [1693 ou 1694], n.p. [après p. 18].
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Quotation
à quoi l'Academie repartit qu'un Peintre doit être aussi fidelle en ses representations, que l'historien en ses narrations, & tous deux très jaloux de la pureté & verité des histoires sacrées, la Peinture pouvant instruire l'Esprit aussi-bien que le divertir. [...] d'où l'on conclut qu'un Peintre peut bien accompagner l'expression de son sujet de quelques figures allegoriques pour marquer & citer le lieu, où il se rencontre, mais comme par des statuës qui n'ont nulle part aux mouvements des figures qui expriment le sujet, que n'ayant que cette sorte de langage pour exprimer ses belles conceptions, il ne seroit pas juste de lui en ôter la liberté, c'est ce qui a fait dire que la Peinture est une Poesie muette, & la Rhetorique des Peintres.
Une partie de ce passage de Testelin est repris par Florent Le Comte dans son Cabinet des singularitez (...), plus précisément aux pages 41-42 de son édition de 1699-1700 (Paris, Etienne Picart & Nicolas Le Clerc, tome I, vol. I).
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Quotation
Cette conclusion déplut à ceux qui étoient engagés dans l’amour de la couleur, tellement, qu’il s’en émeut une contestation, celui qui entreprit le parti proposa ces trois choses. Primo, que la couleur est aussi necessaire que le dessein. Secundo, qu’en diminuant le merite de la couleur, on diminuë celui du Peintre. Tertio, que la couleur a merité des loüanges en tous tems : pour soûtenir sa premiere proposition, il dit, qu’il falloit examiner, quelle est la fin en general, que le Peintre se doit proposer, & lequel du dessein ou de la couleur le conduit plus directement à cette fin ; que de dire que la fin de la Peinture est d’imiter la nature, ce n’est pas assez, puisque plusieurs autres arts se proposent la même chose ; de dire que ce soit pour tromper les yeux, cela ne suffiroit pas encore, si on y ajoutoit que cela se fait par le moyen des couleurs. Puis qu’il n y a que cette seule difference qui rende la fin du Peintre particuliere & qui le distingue d’avec les autres arts : car de pretendre que la fin du Peintre soit de plaire & de tromper, en feignant du relief sur une superficie plate, à quoi le dessein juste, & correct, pourroit réussir simplement avec du crayon sans la couleur, s’étoit se tromper sois-même, puisque, si le but est de plaire, c’étoit à la couleur qu’appartient cet avantage ; que le dessein avec toute sa justesse n’étoit connu que de trés peu de personnes, au lieu que la couleur charme tout le monde : que c’étoit peu de chose de plaire aux ignorants, que c’étoit beaucoup de ne plaire qu’aux sçavants ; mais que c’étoit une perfection consommée de plaire à tous universellement ; qu’ainsi il étoit d’une trés grande consequence de s’étudier à bien connoître la couleur, & de se rendre ses charmes familiers, afin de ne pas s’y laisser surprendre, & de pouvoir étudier le reste avec plus de liberté : qu’un tableau dessigné mediocrement, où les couleurs seroient en tout leur éclat, feroit plus d’agreables effets à la vuë, qu’un autre où le dessein seroit en sa plus parfaite justesse où la couleur seroit negligée, parce que la couleur en sa perfection representoit toûjours la verité & que le dessein ne pouvoit representer que la possibilité. L’on ajoûta que le dessein étoit commun avec les sculpteurs & Graveurs, mais que la couleur est le propre du Peintre, & que l’on ne pouvoit prendre cette qualité qu’à cause de l’emploi des couleurs, qui sont capables de tromper les yeux en imitant les choses naturelles ; qu’étant donc la chose qui le distingue d’avec les autres Artisans, elle devoit être considerée d’une façon singuliere
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Quotation
C’est pourquoi il ne les [ndr : le dessin et la couleur] falloit pas mettre en paralelle, n’y dire que c’est elle [ndr : la couleur] qui fait la Peinture & le Peintre, puisque c’est du Dessein qu’elle tire tout ce qu’elle a d’éclat & de gloire. […] Que l’on accordoit volontiers que la couleur contribuoit beaucoup pour perfectionner un Ouvrage de Peinture, de même que la beauté du teint acheve de donner la perfection aux beaux traits d’un visage, & qu’elle ne pouvoit pas être ditte parfaite, si la couleur n’y est doctement employée avec oeconomie, ce qui prouvoit encore sa dependance, que si elle avoit l’avantage de plaire aux yeux, le Dessein a celui de satisfaire à l’esprit ; & comme les Tableaux doivent divertir l’un & l’autre, il n’y avoit point de doute que ces deux parties n’y dussent concourir ensemble, & par un agreable accord tenir chacune sa partie & son rang ; que pour cela on ne la devoit pas negliger, mais en bien étudier l’usage conjoinctement avec la lumiere & le dessein, en sorte que ce Pere des Arts en puisse être le Maître & le Conducteur, comme en effet il doit dominer sur toutes les parties de cette Profession.
Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Testelin est repris par Florent Le Comte dans son Cabinet des singularitez (...), plus précisément à la page 67 de son édition de 1699-1700 (Paris, Etienne Picart & Nicolas Le Clerc). Le Comte reprend également la Table des Préceptes sur la Couleur aux pages 50-53.
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Quotation
L’autre question fut de sçavoir si l’idée que l’on concevoit du Peintre n’étoit que dans le coloris, & si il étoit inutile de chercher ailleurs cette idée en telle sorte que toute son étude se dût arrêter en cette partie là ; il fut dit là-dessus, qu’à parler proprement, la Peinture comprend tout ce qui se peut representer par le Dessein en quelque maniere que ce soit, & que le coloris n’en est qu’une partie, ce que l’on prouva par divers exemples, & particulierement par la Musique, dont les Compositeurs sont appellés Musiciens, encore qu’ils n’ayent ni Voix ni Instrumens, car comme le Musicien sans la Voix peut avec les Instrumens émouvoir les passions qu’il veut toucher, de même que le Peintre a besoin de la couleur quand il veut rendre ses representations completes & achevées, le Musicien qui chante juste & correct avec une voix mediocre, doit être plus estimé que celui qui chante faux avec une belle voix, de même le Peintre bon dessignateur & correct, qui colorie mediocrement est plus estimable que celui qui avec un beau coloris designe mal. Enfin la belle voix peut charmer les ignorants, quoi qu’elle ne soit pas soûtenuë de la justesse, comme le bel éclat de la couleur peut faire la même chose, encore que le Dessein en soit mauvais. Cette contestation fut terminée par un discours auquel on representa pour encourager ceux qui aspirent à l’universalité des parties de la Peinture, & de leur faire connoître toute l’étenduë de l’empire du Dessein ; que c’est par lui que l’Architecture met au jour ses plus belles idées, […].
ALGARDI, Alessandro
BERNINI, Gian Lorenzo
DA CORTONA, Pietro (Pietro Berrettini)
DEINOCRATES
LE COMTE, Florent
MICHELANGELO (Michelangelo Buonarroti)
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
ROMANO, Giulio
SACCHI, Andrea
SERLIO, Sebastiano
VASARI, Giorgio
VITRUVIUS
Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Testelin est repris par Florent Le Comte dans son Cabinet des singularitez (...), plus précisément à la page 67-68 de son édition de 1699-1700 (Paris, Etienne Picart & Nicolas Le Clerc). Le Comte reprend également la Table des Préceptes sur la Couleur aux pages 50-53.
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Quotation
qu’en la Peinture l’on devoit tenir pour beau ce qui imitoit le mieux le naturel dans un choix raisonnable, que dans les choses naturelles il falloit distinguer le naturel simple, d’avec un naturel composé, & entre ces derniers de reguliers & d’autres Rustiques ; dans le regulier, que la beauté consiste en la Cimetrië, & en la belle ordonnance de l’art & dans le rustique, l’irregularité champestre. [...] Que l’on trouve ordinairement les choses belles, estimables suivant ces quatre égards, premierement à l’égard de l’utilité, secondement à l’Egard de la commodité, tiercement de la rareté, & en quatriéme celui de la nouveauté, que l’utilité de la Peinture est de plaire aux yeux & de satisfaire à l’esprit par la representation des choses absentes, ce qui oblige le Peintre d’imiter le naturel en sa verité & de choisir les plus agreables aspects.
Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Testelin est repris par Florent Le Comte dans son Cabinet des singularitez (...), plus précisément aux pages 73-75 de son édition de 1699-1700 (Paris, Etienne Picart & Nicolas Le Clerc). Le Comte reprend également la Table des Préceptes sur la Couleur aux pages 50-53.
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Quotation
La Peinture plaît naturellement à tous les hommes ; elle leur represente la forme, la couleur & l'action de plusieurs choses agréables, ou touchantes.
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Quotation
Tous ceux qui en ont parlé, conviennent que la Peinture, n'est autre chose qu'une imitation, qu'une ressemblance : Mais ils n'ajoutent pas, en quoy consiste cette imitation, cette ressemblance : quoi que ce soit la question principale, & ce que nous desirons particulièrement de savoir […] elle est une imitation de corps naturels, dont elle exprime aussi les passions. La distribution qu'il [ndr : G. P. Lomazzo] fait ensuite des parties de cet Art, me paroit extrêmement vague : car il le divise en Teorie, & en pratique.
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Nous aprenons de Felibien dans la vie de Poussin, que ce Peintre consulté sur la Peinture, par un de ses amis, luy avoit écrit, qu'elle est une imitation faite avec lignes & couleurs, en quelque superficie, de tout ce qui se voit sous le Soleil, dont la fin est la delectation. Quoique cette définition parte de la main d'un des plus excellens Peintres qui ont paru dans ces derniers siecles : Il semble pourtant qu'on y pourroit ajouter quelque circonstance, pour en faire une description achevée : parce que l'étude des Peintres ne se borne pas seulement à l'imitation des choses visibles : Ils les doivent encore representer, dans la plus parfaite idée qu'elles peuvent donner ; Et la fin de cet Art n'est pas de plaire uniquement aux yeux : Mais d'avertir, d'enseigner, & de plaire à même tems.
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La Peinture, en éfet, a une telle étendue, qu'elle embrasse toutes les connoissances : Il semble que rien ne doive être inconnu à un grand Peintre, & que son imagination n'a point de bornes. […] J'avoue que l'ébauchoir & le cizeau peuvent representer un'infinité de sujets : mais toujours un tableau sur l'histoire, demande plus de capacité qu'un basrelief : On voit dans la Peinture la variété de plusieurs teintes & l'éloignement des objets ; […] le Peintre ne la presente [ndr : la figure] que d'une veûe : […] il [ndr : l’ouvrage] doit être moileux dans les draperies, & naturel en toutes choses, dans la Peinture comme dans la Sculpture. […] le Peintre trouve des dificultez presque insurmontables : Et bien qu'il ne fasse voir sa figure que d'un cote, il doit avoir, à méme-tems, ce qui en est caché, present à son imagination ; puisque les parties qui se voyent, dépendent toujours de celles qui ne paroissent pas.
Quelles finesses ne demande pas la sience [sic] du clair obscur dans les ouvrages de Peinture, que la ronde bosse ni le bas relief ne connoissent pas ? Peut-on assez admirer l'artifice d'un excellent coloris, lorsque le Peintre donne à son ouvrage une couleur naturelle, agréable, en un mot, qui enchante les yeux ?
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l’on peut dire que les Peintres & les Sculpteurs sont veritablement imitateurs des ouvrages du Tout-puissant, & se font entendre d’un langage muet, mais neanmoins fort éloquent ; ce qui obligea un des plus grands hommes qui ait éclairé l’Eglise par ses écrits de s’écrier, en achevant l’Oraison Funebre d’un Saint de son Siecle : « Oh quel avantage ! La Peinture l’emporte aujourd’hui sur le discours : qui se pourroit persuader qu’une éloquence muette fût si forte & si persuasive ? Je vous ay comme étalé en plusieurs periodes la vie & les miracles du Saint personnage, & cette peinture les fait voir d’un seul regard ; elle a toûché l’ame par le plus délicat & le plus noble de ses sens, & s’est expliquée par un langage qui se fait entendre à tous les peuples de la terre.
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je veux donc expliquer ce que c’est que LA PEINTURE. C’est un ART qui par le moyen de la forme & des couleurs imite tous les objets qui tombent sous le sens de la vûë, & c’est ce qui la distingue de tous les autres Arts. Elle est composée du DESSEIN & du COLORIS, l’un est le genre, & l’autre est la difference : Le genre se communique à plusieurs Arts, & c’est aussi ce qui le rend moins noble que la difference, qui est un bien propre à sa seule espece : or ces deux parties sont tellement necessaires qu’elles ne peuvent subsister parfaitement l’une sans l’autre ; car le Dessein tout seul est quelque chose d’imparfait à l’égard de la Peinture, n’étant le fondement du Coloris, & ne subsistant avant luy, que pour en recevoir toute sa perfection […] la nature commence toujours par les choses les moins parfaites, & par consequent l’Art aussi qui en est l’imitateur. A l’égard d’être plus ou moins necessaires pour faire un tout, ces deux parties le sont également ; […] n’y a-t-il point de Peinture si le Coloris n’est joint au Dessein
Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Florent Le Comte est tiré de l'ouvrage "Les Sentimens (...)" de Testelin, plus précisément aux pages 37 et 38 de l'édition de La Haye (Matthieu Rogguet, vers 1693-1694).
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Quotation
C’est pourquoy on ne doit pas juger d’un ouvrage de Peinture, par ce que qui s’y trouve de brillant, mais suivant que la correction, & la précision des parties se trouve conforme aux regles & aux bons raisonnemens, puisqu’à parler proprement, la Peinture comprend tout ce qui se peut representer par le Dessein en quelque manière que ce soit, & que le Coloris n’en est qu’une partie
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Or comme l’utilité de la Peinture est de plaire aux yeux, & de satisfaire à l’esprit par la representation des choses absentes ; le Peintre ne peut avoir trop de soin d’imiter le naturel dans sa verité, & de choisir les plus agréables aspects.
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Quotation
Je voy bien, dit Pamphile, que vous n’avez jamais fait reflexion sur ce que c’est que Peinture, & que vous ne sçavez pas qu’on la définit, Un Art qui par le moyen de la forme exterieure & des Couleurs, imite sur une superficie plate, tous les objets qui tombent sous le sens de la veuë. Cette définition est juste, ce me semble ; puis qu'elle donne une idée parfaite de la Peinture, & qu'elle la distingue de tous les autres Arts.
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Quotation
Je sçay bien, continua-t-il, que Rubens est un de vos Heros de Peinture, & que vous avez toûjours estimé l’Ouvrage qui est dans la gallerie du Luxembourg, comme une des plus belles choses qui soient dans l’Europe, si l'on en retranchoit (disiez-vous) en beaucoup d'endroits le goût de Dessein dont il n'est pas question presentement. Mais tout le monde n'est pas de vôtre goût, & ceux qui sont d'un sentiment contraire, disent qu'on trouve peu de verité dans les Ouvrages de Rubens, quand on les examine de prés, que les Couleurs & les Lumieres y sont exagérées, que ce n'est qu'un fard, & qu'enfin ce n'est point ainsi que l'on voit ordinairement la Nature.
O le beau fard ! s'écria Pamphile, & plût à Dieu mon cher Damon, que les Tableaux qu'on fait aujourd'huy, fussent fardez de cette sorte ! ne sçavez-vous pas que la Peinture n'est qu'un fard, qu'il est de son essence de tromper, & que le plus grand trompeur en cet Art est le plus grand Peintre. La Nature est ingrate d'elle-même, & qui s'attacheroit à la copier simplement comme elle est & sans artifice, feroit toûjours quelque chose de pauvre & d'un tres-petit goût. Ce que vous nommez exageration dans les Couleurs & dans les Lumieres, est une admirable industrie, qui fait paroître les objets peints plus veritables (s'il faut ainsi dire) que les veritables mêmes. C'est ainsi que les Tableaux de Rubens sont plus beaux que la Nature, laquelle semble n'être que la copie des Ouvrages de ce grand Homme. Et quand les choses aprés être bien examinées ne se trouveroient pas justes, comme vous le supposez, qu'importe, pourvû qu'elles le paroissent ; puisque la fin de la Peinture n'est pas tant de convaincre l’esprit que de tromper les yeux.
Cet artifice, dit Damon, me semble merveilleux dans les grands Ouvrages.
C'est aussi dans ceux-là, reprit Pamphile, où l'on voit que Rubens l'a rendu plus sensible à ceux qui sont capables d'y faire attention & de l'examiner : car aux personnes qui ne s'y connoissent que peu, rien n'est plus caché que cet Artifice.
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Quotation
L’essence & la définition de la Peinture, est l’imitation des objets visibles par le moyen de la forme & des couleurs. Il faut donc conclure, que plus la Peinture imite fortement & fidelement la nature, plus elle nous conduit rapidement & directement vers sa fin, qui est de séduire nos yeux, & plus elle nous donne en cela des marques de sa veritable idée.
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Quotation
La veritable Peinture est donc celle qui nous appelle (pour ainsi dire) en nous surprenant : & ce n’est que par la force de l’effet qu’elle produit, que nous ne pouvons nous empêcher d’en approcher, comme si elle avoit quelque chose à nous dire.
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Quotation
la veritable Peinture doit appeller son Spectateur par la force & par la grande verité de son imitation ; & que le Spectateur surpris doit aller à elle, comme pour entrer en conversation avec les figures qu’elle represente. En effet quand elle porte le caractere du Vrai, elle semble ne nous avoir attirez que pour nous divertir, & nous instruire.
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Quotation
Au reste de tous les beaux Arts, celui où le Vrai se doit trouver le plus sensiblement est sans doute la Peinture. Les autres Arts ne font que réveiller l’idée des choses absentes, au lieu que la Peinture les supplée entierement, & les rend presentes par son essence qui ne consiste pas seulement à plaire aux yeux, mais à les tromper.
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Quotation
La Peinture est un Art, qui sur une superficie plate imite tous les objets visibles. Il y en a de plusieurs sortes, on la divise ordinairement en
( à la Mosaïque,
( à Fraisque,
( à Détrempe,
Peinture < à Huile,
( au Pastel,
( en Miniature,
( & en Email.
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Quotation
[…] il n’y a point d’homme si l’ame n’est pas jointe au corps, aussi n’y a-t-il point de Peinture si le coloris n’est pas joint au Dessein.
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Quotation
L’on sait assez que la peinture n’est qu’un fard, qu’il est de son essence de tromper, & que le plus grand trompeur en cet Art, est le plus grand Peintre. La Nature est ingrate d’elle-même, & qui s’attacheroit à la copier simplement comme elle est & sans artifice, feroit toujours quelque chose de pauvre & de très-petit goût. Ce que l’on nomme Exageration dans les couleurs & dans les lumieres, est l’effet d’une profonde connoissance de la valeur des couleurs, & une admirable industrie qui fait paroître les objets peints plus vrais (s’il faut ainsi dire) que les veritables mêmes. C’est dans ce sens que l’on peut dire, que dans les Tableaux de Rubens l’Art est audessus de la Nature, laquelle semble en cette occasion n’être que la copie des ouvrages de ce grand Peintre : & quand les choses, après avoir été bien examinées, ne se trouveroient pas justes, comme on les suppose, qu’importe après tout, pourvû qu’elles le paroissent ; puisque la fin de la Peinture n’est pas tant de convaincre l’esprit que de tromper les yeux.
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Quotation
La fin de la Peinture, comme de la Poësie, est de surprendre de telle sorte que leurs imitations paroissent des vérités. Le Tableau de Zeuxis, où il avoit peint un Garçon (a) qui portoit des raisins, & qui ne fit point de peur aux oiseaux, puisqu’ils vinrent becqueter ces fruits, est une marque que la Peinture de ces tems-là avoit accoutumé de tromper les yeux en tous les objets qu’elle representoit.
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Quotation
D’ailleurs la Peinture se developpe, & nous éclaire en se faisant voir tout d’un coup […] & si la Poësie augmente le plaisir par la variété des épisodes, & par le détail des circonstances, la Peinture peut en representer tant qu’elle voudra, & entrer dans tous les évements d’une action, en multipliant ses Tableaux ; & de quelque maniere qu’elle expose ses Ouvrages, elle ne fait point languir son spectateur : le plaisir qu’elle donne est donc plus vif que celui de la Poësie.
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Quotation
La principale fin du Poëte est d’imiter les mœurs & les actions des hommes : la Peinture a le même objet : mais elle y va d’une maniere bien plus étendue : car on ne peut nier qu’elle n’imite Dieu dans sa Toutepuissance ; c’est-à-dire dans la Création des choses visibles. […] Au lieu que la Peinture avec peu de couleurs, & comme de rien, forme & represente si bien toutes les choses qui sont sur Terre, sur les Eaux & dans les Airs, que nous les croyons veritables : Car l’essence de la Peinture est de séduire nos yeux & de nous surprendre.
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Quotation
Je ne veux point ici omettre une chose qui est en faveur de la Poësie ; c’est que les Episodes font d’autant plus de plaisir dans la suite d’un Poëme qu’elles y sont inserées & liées imperceptiblement ; au lieu que la Peinture peut bien representer tous les faits d’une Histoire par ordre en multipliant ses Tableaux : mais elle n’en peut faire voir ni la cause, ni la liaison.
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Quotation
On tire encore de la Peinture des inductions par les attitudes, par les expressions, & par les mouvemens des passions de l’ame. Il y a des Tableaux qui nous representent des Conversations & des Dialogues, où nous connoissons jusqu’au sentiment des Figures qui paroissent s’entretenir.
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Quotation
Nous avons dit que la Peinture est un Art, qui par le moyen du Dessein & de la Couleur, imite sur une superficie plate tous les objets visibles. […]. Elle contient trois parties, la Composition, le Dessein, & le Coloris, qui font l’Essence de la Peinture, comme le Corps, l’Ame & la Raison font l’Essence de l’Homme.
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Quotation
A quoi on répond, que si la fidélité de l'Histoire était essentielle à la Peinture, il n'y aurait point de Tableau où elle ne dût se rencontrer : Or il y a une infinité de beaux Tableaux qui ne représentent aucune Histoire ; comme sont les Tableaux Allégoriques, les Païsages, les Animaux, les Marines, les Fruits, les Fleurs & plusieurs autres qui ne sont qu'un effet de l'Imagination du Peintre. Il est vrai cependant que le Peintre est obligé d’être fidéle dans l’Histoire qu’il représente, & que par la recherche curieuse des circonstances qui l’accompagnent, il augmente la Beauté & le prix de son Tableau : mais cette obligation n’est pas de l’essence de la Peinture, elle est seulement une bienséance indispensable, comme la Vertu & la Science le sont dans l’Homme.
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Quotation
Je viens de faire voir que l’Essence de la Peinture consistait dans une fidelle imitation, à la faveur de laquelle les Peintres peuvent instruire & divertir selon la mesure de leur Génie. [….] C’est pourtant cette imitation &cette sensation parfaite qui fait l’essentiel de la Peinture, comme je l'ai fait voir. Cette perfection vient du Dessein & du Coloris
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Quotation
Dessein. Seconde Partie de la Peinture
Le bon Goût & la Correction du Dessein sont si nécéssaires dans la Peinture, qu’un Peintre qui en est dépourvû est obligé de faire des miracles d’ailleurs pour s’attirer quelque estime : & comme le Dessein est la base & le fondement de toutes les autres Parties, que c’est lui qui termine les Couleurs & qui débrouille les objets, son élégance & sa correction ne sont pas moins nécessaires dans la Peinture que la Pureté du langage dans l’Eloquence.
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Quotation
Il n’y a peut-être rien d’ingenieux entre les hommes dont la connoissance soit plus sublime, & la perfection plus difficile à attendre, que celle de la Peinture, qui est le plus noble échantillon dont l’esprit humain puisse faire montre.
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Quotation
Il m’a paru que je devois commencer par lui démontrer que la Peinture n’aïant pour objet que la parfaite imitation de la nature, tout homme de bon sens & d’esprit, sans avoir étudié les misteres de cet art, est à portée de sentir les grandes beautez d’un tableau, & de faire souvent même d’excellentes critiques.
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Quotation
ALCIPE. […] Ne croïez pas même qu’ils [ndr : les prétendus connoisseurs] aillent chercher les preuves de l’originalité dans les grandes parties ; non, c’est souvent un petit coin de tableau, la touche d’une plante, d’un nuage, ou le derriere de la toile qui les determinent. D’ailleurs ces gens là n’ignorent aucuns termes de l’art, sçavent exactement la vie des peintres, l’histoire de chaque tableau ; mais ils ne se servent de ces choses, que pour jetter plus d’obscurité dans leur raisonnemens, & donnent aux autres une idée si bizarre de la Peinture, que s’ils ne la regarde pas comme un art purement dépendant du caprice, du moins, ils n’osent plus s’en rapporter à leurs yeux ; ils n’osent enfin loüer la lumiere d’un tableau, parce qu’ils ne scavent pas le mot de clair-obscur ; la beauté des couleurs, parce que le grand terme d’harmonie des couleurs ne leur est pas familier. S’ils voïent par exemple, une belle tête de vieillard, dans laquelle d’heureuses épaisseurs de couleur leur representent des rides, ils n’ignorent pas qu’il y a pour les loüer un terme, dont ils ne peuvent se souvenir ; & faute de se rappeler le beau mot de patroüillis, ils croient devoir se taire.
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Quotation
Fab. Definissez moi donc premierement ce que c’est que peinture.
Are. Je le ferai, quoique ce soit une chose facile, & connue de tout le monde. Je dis donc pour ne point allonger le discours, que la peinture est une imitation du naturel, & que celui qui en approche davantage est le plus habile : mais parce que cette definition est un peu reserrée, & n’est pas tout à fait juste, ne distinguant pas assez le peintre du poete, dont le but est aussi d’arriver à l’imitation, j’ajouterai que le peintre se sert de lignes, & de couleurs pour y parvenir, qu’il emploie, ou sur du bois, sur un mur, ou sur de la toile, enfin sur tout ce qui peut se decouvrir aux yeux, & que le poete par le moyen de la parole imite non seulement ce que se presente à la vûe, mais encore tout ce qui touche l’esprit ; c’est en cela qu’ils different ; mais d’ailleurs ils sont si ressemblants en tout, qu’on peut les regarder comme freres. […]
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Quotation
Fab. Premierement je voudrois que vous m’apprissiés si une persone, qui n’est pas peintre, est capable de juger de peinture ? Il est bien vrai que j’en trouve l’exemple chez vous, qui sans avoir jamais touché pinceau, étes, comme je l’ai dit, un juge tres delicat dans cette profession : aussi n’y a t-il qu’un Aretin au monde : & je souhaiterois apprendre par votre discours ce qu’on doit penser de certains peintres, qui ont coutume de rire, lorsqu’ils entendent quelques savants raisonner de peinture.
Are. Ces peintres doivent etre mis au rang de ceux, qui n’en ont que le nom ; car s’ils avoient une etincelle de jugement, ils connoitroient que les savants sont peintres ; que peinture est la poesie ; que peinture est l’histoire ; & qu’enfin toute composition d’habiles gens est peinture : c’est par cette raison que notre Petrarque nomme Homere
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Quotation
Are. [...] Je dis donc que le jugement nait generalement dans l’homme de l’experience, & de la pratique ; & comme il n’y a rien de plus familier à l’homme, que l’homme ; il s’ensuit que tout homme est en etat de juger ce qu’il voit tous les jours, comme de la beauté, de la laideur de qui que ce soit ; parceque la beauté ne provient que d’une proportion convenable, qui se trouve ordinairement dans le corps humain, & principalement à chaque membre en particulier ; & le contraire derive de la disproportion : ce jugement dependant des yeux, qui est donc celui qui ne distingue le beau d’avec le laid ? persone assurement, s’il n’est privé de vûe & de jugement ; si bien que l’homme aiant connoissance, comme il à, de la veritable forme que doit avoir notre individu, qui est l’homme vivant ; pour quoi ne l’auroit-il pas de celle qui est feinte & morte, qui est la peinture ?
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Quotation
Fab. […] continuez à parler de la noblesse de la peinture, parcequ’on trouve certaines gens, qui faisant peu de cas de cet art, le mettent au rang des arts mecaniques.
Are. : Ceux la, mon cher Fabrini, ne connoissent pas combien il est utile, & necessaire, d’ornement au monde en general, & à nous en particulier ; car il est seur qu’un art est d’autant plus noble qu’il est plus honoré des esprits sublimes. La peinture de tous tems a eté en grande veneration chez les Rois, chez les Empereurs, & chez les sages ; elle est donc très noble ; ce qui se prouve facilement par les exemples, qui se trouvent dans Pline, & en differents autheurs […].
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Quotation
Fab. C’est avec justice qu’on a toujours estimé les peintres, parce qu’ils semblent surpasser en esprit, & en courage les autres hommes ; puisqu’ils osent par leur art imiter ce que Dieu a fait, & le representer de maniere qu’il semble vrai : c’est ce qui fait que je ne m’etonne pas que les Grecs, qui connoissoient le sublime de la peinture, deffendissent aux esclaves de la professer. Aussi Aristote se garde bien de confondre cet art parmi les mecaniques, disant qu’on devroit etablir des ecoles publiques dans les villes, ou les enfants allassent apprendre.
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Quotation
Are. Jusqu’ici nous avons parcouru en partie la noblesse de la peinture, & avons vû en quelle estime furent, & sont les bons peintres : apresent considerons combien elle est utile, agreable, & d’ornement au monde. Premierement il est hors de doute que ce ne soit un grand bien pour nous d’avoir les images de notre Seigneur, de la Sainte Vierge, & des autres Saints, & Saintes : & de ceci on peut conclure, que malgré les deffenses, qui firent certains Empereurs, & principalement les Grecs, de l’usage public des images, elles furent pourtant approuvées par quantité de souverains Pontifes dans les saints Conciles ; & l’Eglise tient pour heretiques ceux qui ne les recoivent pas : parce que les images ne sont pas seulement (comme le disent certaines gens) les livres des ignorants ; mais elles servent beaucoup à exciter un gracieux recueil à la devotion ; ceux qui les connoissent sont elevés à la contemplation par la vûe de qu’elles representent […]. Saluste ecrit aussi que Q. Fabius, & P. Scipion avoient coutume de dire, que lorsqu’ils consideroient les images de leurs Ancêtres, ils se sentoient enflamés du desir de bien faire : non pas que la cire, ou le marbre, dont ces images etoient composées, eussent tant de vertu ; mais le cœur de ces grands hommes s’augmentoit au souvenir de leurs actions heroiques ; & ne se tranquilisa, que par leur propre valeur ils n’eussent egalé cette gloire. Les images des bons, & des grands hommes excitent donc, comme je le dis, les autres à la vertu, & aux grandes actions : & outre ce qui regarde la Religion, la peinture est d’une grande utilité aux Princes, & aux Capitaines ; elle leur fait voir d’avance dessinées la situation des lieux, & des villes, avant que les armées se mettent en campagne pour se disposer à un siege : ainsi l’on peut dire que la seule main du peintre est leur guide ; car le dessein est le propre du peintre. On doit encore regarder comme appartenant à la peinture, les cartes marines, aussi bien que les arts mecaniques, qui en tirent leur origine ; parceque les Architectes, les Massons, les Sculpteurs, les Graveurs, les Orfevres, les Brodeurs, les Charpantiers, jusqu’aux Serruriers ont tous besoin du dessein, ce qui est du ressort de la peinture.
Fab. On ne peut le nier ; car si on veut faire entendre qu’une chose est belle, on dit qu’elle à du dessein.
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Quotation
Are. Quant à l’agreable, quoi qu’on puisse facilement le comprendre par ce qu’on a exposé ci devant ; j’ajouterai qu’il n’y a rien, qui attire tant à soi, ni qui occupe les yeux si agreablement, que la peinture ; non pas meme les pierres precieuses, non pas meme l’or, qui devient bien plus precieux s’il renferme quelque pierre, ou quelque ouvrage de quelque celebre Artiste, soit figures, animaux, ou quelqu’autre chose, qui ait du dessein, & de l’agrement ; ce qui plait non seulement aux connoisseurs, mais encore au vulgaire ignorant, meme aux enfants, qui d’abord qu’ils voient quelque peinture, la montrent presque toujours avec le doigt, & il semble que leur cœur enfantin en soit tout pâmé de douceur.
[…]
Are. Eh qui est ce, qui ne connoit pas l’agrement de la peinture, laquelle enrichit toutes choses ? Les edifices publics, & particuliers ont beau etre ornés en dedans de superbes tapisseries, de tables couvertes de tapis magnifiques, s’il ne s’y trouve quelques excellents tableaux, il y manque l’accomplissement du plus bel ornement ; par dehors les faces des palais font plus de plaisir aux yeux, lorsqu’elles sont peintes par quelques bons maitres, que celles qui sont incrustées de marbres blanc, de porphire, ou de serpentin enrichi d’or.
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Quotation
Je crois que le pouvoir de la Peinture est plus grand sur les hommes que celui de la Poësie, & j'appuie mon sentiment sur deux raisons. La premiere est que la Peinture agit sur nous par le moïen du sens de la vûë. La seconde est que la Peinture n'emploïe pas des signes artificiels ainsi que le fait la Poësie, mais bien des signes naturels. C'est avec des signes naturels que la peinture fait ses imitations.
La Peinture se sert de l'œil pour nous émouvoir. [...] La vûë a plus d'empire sur l'ame que les autres sens. La vûë est celui des sens en qui l'ame, par un instinct que l'expérience fortifie, a le plus de confiance […]
En second lieu, les signes que la Peinture emploïe pour nous parler, ne sont pas des signes arbitraires & instituez, tels que sont les mots dont la Poësie se sert. La Peinture emploïe des signes naturels dont l'énergie ne dépend pas de l'éducation. Ils tirent leur force du rapport que la nature elle-même a pris soin de mettre entre les objets extérieurs & nos organes, afin de procurer notre conservation. Je parle peut-être mal, quand je dis que la Peinture emploïe des signes. C'est la nature elle-même que la Peinture met sous nos yeux. Si notre esprit n'y est pas trompé, nos sens du moins y sont abusez. La figure des objets, leur couleur, les reflais de lumière, les ombres, enfin tout ce que l'œil peut apercevoir, se trouve dans un tableau, comme nous le voïons dans la nature. Elle se présente dans un tableau sous la même forme où nous la voïons réellement. Il semble même que l'œil ébloüi par l'ouvrage d'un Grand Peintre, croïe quelquefois apercevoir du mouvement dans ses figures.
Les vers les plus touchans ne sçauroient nous émouvoir que par degrez & en faisant jouer plusieurs ressorts de notre machine les uns après les autres. Les mots doivent d'abord réveiller les idées dont ils ne sont que des signes arbitraires. Il faut ensuite que ces idées s'arrangent dans l'imagination, & qu'elles y forment ces tableaux qui nous touchent, & ces peintures qui nous intéressent. Toutes ces opérations, il est vrai, sont bientôt faites ; mais il est un principe incontestable dans la mécanique, c'est que la multiplicité des ressorts affoiblit toujours le mouvement, parce qu'un ressort ne communique jamais à un autre tout le mouvement qu'il a reçu. D'ailleurs il est une de ces opérations, celle qui se fait quand le mot réveille l'idée dont il est le signe, qui ne se fait pas en vertu des loix de la nature. Elle est artificielle en partie.
Ainsi les objets que les tableaux nous présentent agissant en qualité de signes naturels, ils doivent agir plus promptement. L'impression qu'ils font sur nous, doit être plus prompte & plus soudaine que celle que les vers peuvent faire.[…] Nous voïons alors en un instant ce que les vers nous font seulement imaginer, & cela même en plusieurs instants.
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Quotation
La peinture & la sculpture sont filles du dessein […]. Ces deux sœurs ont toujours marché sur les mêmes traces, leur but de tout temps, par une parfaite imitation de la nature, a été de séduire nos yeux & de les tromper agréablement.
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Quotation
Par un charme secret que nous sentons mieux que nous ne pouvons le définir, la peinture s’empare de nos sens ; elle fait passer pour vrai ce qui est faux, pour vivant ce qui est mort, é nous ne sortons de cette illusion que pour admirer l’art qui la cause. Cet art demande conséquemment un génie fécond & élevé, une imagination vive & brillante, de l’enthousiasme, du sublime, un jugement exquis, un esprit capable de prendre toutes sortes de formes & de les exprimer.
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PEINDRE, PEINTRE, PEINTURE. Peindre, c’est representer une chose avec des couleurs ; la Peinture est cette représentation ; le Peintre est celui qui la fait. Peindre en huile ; peindre en détrempe ; peindre à fraisque ; peindre en pastel ; peindre en miniature ; peindre en émail ; peindre sur verre, sur bois, sur cuivre, &c. Peindre l’Histoire, le Païsage, le Portrait, les Animaux, les Fleurs, les Grotesques, &c.
M. de Piles définit ainsi la peinture.
C’est un Art, dit-il, qui par le moyen du dessein & la couleur, imite sur une superficie plate tous les objets visibles.
La Peinture, suivant la division commune, renferme trois parties, la composition, le dessein & le coloris.
On peut, comme je l’ai remarqué, y ajouter l’expression. Voyez EXPRESSION.
Il est naturel de penser que l’ombre de l’homme a fait naître la premiere idée de la Peinture. [...]
Felibien ne nous apprend rien de nouveau lorsqu’il dit dans son Vocabulaire [car c’est tout le nom que mérite son dictionnaire imparfait, où il a obmis les trois quarts des termes de l’Art] qu’il faut dire peindre, & non pas peinturer.
Peinturer est un mot barbare que Menage a essayé en vain de soutenir, & que l’usage, l’arbitre souverain des langues a proscrit. On est surpris de le trouver dans les Dictionnaires estimés, & de n’y point trouver d’autres termes qui sont dans la bouche de tous les Peintres.
Les meilleurs Auteurs qui ayent écrit sur la Peinture, sont Leonard de Vinci, M. de Chambrai, Vazari, Felibien, de Piles, & M. Coypel.
Nous avons deux Poëmes latins sur la Peinture, l’un d’Alphonse du Fresnoy, intitulé, de Arte Graphica l’autre de Mr l’Abbé de M. qui a pour titre Pictura : l’un & l’autre ont été traduits en François, & imprimés plusieurs fois.
Nous avons aussi deux Poëmes François sur le même sujet, l’un de Perrault & l’autre de Moliere. Celui de Perrault n’a pas fait plus de fortune que ses paralleles.
COYPEL, Charles-Antoine
DA VINCI, Leonardo
DE PILES, Roger
DU FRESNOY, Charles-Alphonse
FÉLIBIEN, André
FRÉART de CHAMBRAY, Roland
PERRAULT, Claude
POQUELIN, Jean-Baptiste, dit Molière
VASARI, Giorgio
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Cependant le principe de l’imitation, que le Philosophe Grec établit pour les beaux ars, m’avoit frappé. J’en avois senti la justesse pour la Peinture, qui est une poësie muette. J’en rapprochai les idées d’Horace, de Boileau, de quelques autres grands Maîtres. J’y joignis plusieurs traits échappés à d’autres Auteurs sur cette matière : la maxime d’Horace se trouva vérifiée par l’examen : ut pictura Poësis. Il se trouva que la Poësie étoit en tout une imitation, de même que la Peinture.
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Quotation
Il règne peu d’ordre dans la manière de traiter les beaux Arts. Jugeons-en par la Poësie. On croit en donner des idées justes en disant qu’elle embrasse tous les Arts : c’est, dit-on, un composé de Peinture, de Musique & d’Eloquence.
Comme l’Eloquence, elle parle : elle prouve : elle raconte. Comme la Musique, elle a une marche réglée, des tons, des cadences dont le mêlange forme une sorte de concert. Comme la Peinture, elle dessine les objets : elle y répand les couleurs : elle y fond toutes les nuances de la Nature : en un mot, elle fait usage des couleurs & du pinceau : elle emploie la mélodie & les accords : elle montre la vérité, & fait la faire aimer.
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Quotation
D’où je conclus, que les Arts, dans ce qui est proprement Art, ne sont que des imitations, des ressemblances qui ne font point la Nature, mais qui paroissent l’être ; & qu’ainsi la matière des beaux Arts n‘est point le vrai, mais seulement le vrai-semblable. […]
Qu’est-ce que la Peinture ? Une imitation des objets visibles. Elle n’a rien de réel, rien de vrai, tout est phantôme chez elle, & sa perfection ne dépend que de sa ressemblance avec la réalité.
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Quotation
Ainsi tous les Arts dans tout ce qu’ils ont de vraiment artificiel, ne sont que des choses imaginaires, des êtres feints, copiés & imités d’après les véritables. C’est pour cela qu’on met sans cesse l’Art en opposition avec la Nature : qu’on n’entend partout que ce cri, que c’est la Nature qu’il faut imiter : que l’Art est parfait quand il la représente parfaitement : enfin que les chefs-d’œuvres de l’Art, sont ceux qui imitent si bien la Nature, qu’on les prend pour la Nature elle-même.
Et cette imitation pour laquelle nous avons tous une disposition si naturelle, puisque c’est l’exemple qui instruit & qui règle le genre humain, Vivimus ad exempla, cette imitation, dis-je, est une des principales sources du plaisir que causent les Arts. L’esprit s’exerce dans la comparaison du modèle avec le portrait, & le jugement qu’il en porte, fait sur lui une impression d’autant plus agréable, qu’elle lui est un témoignage de sa pénétration & de son intelligence.
Et cette doctrine n’est pas nouvelle.
On la trouve par-tout chez les anciens. Aristote commence sa Poëtique par ce principe : que la Musique, la Danse, la Poësie, la Peinture, sont des Arts imitateurs (a). [...]
(a) […] M. Remond de S. Mard qui a beaucoup réfléchi sur l’essence de la Poësie & qui n’écrivant que pour les plus délicats n’a dû prendre que la fleur de son sujet, dit formellement dans une de ses Notes que les beaux Arts ne consistent que dans l’imitation. Voici ses termes : On n’y songe pas assez, la Poësie, la Musique, la Peinture sont trois Arts consacrés au plaisir, tous trois faits pour imiter la nature, tous trois destinés à imiter les mouvemens de l’ame : les tirer de là, c’est les deshonorer, c’est les montrer par leur endroit foible. […]
Conceptual field(s)
Quotation
De tout ce que nous venons de dire, il résulte que la Poësie ne subsiste que par l’imitation. Il en est de même de la Peinture, de la Danse, de la Musique : rien n’est réel dans leurs Ouvrages : tout y est imaginé, feint, copié, artificiel. C’est ce qui fait leur caractere essentiel par opposition à la nature.
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Quotation
Jusqu’ici on a tâché de montrer que les Arts consistoient dans l’imitation ; & que l’objet de cette imitation étoit la belle Nature représentée à l’esprit dans l’enthousiasme. Il ne reste plus qu’à exposer la manière dont cette imitation se fait.
On peut diviser la Nature par rapport aux beaux Arts en deux parties : l’une qu’on saisit par les yeux, & l’autre, par le ministere des oreilles : car les autres sens sont stériles pour les beaux Arts. La premiere partie est l’objet de la Peinture qui représentent sur un plan tout ce qui est visible. […]
Ainsi la Peinture imite la belle Nature par les couleurs, la Sculpture par les reliefs, la Danse par les mouvements par les attitudes du corps. La Musique l’imite par les sons inarticulés, & la Poësie enfin par la parole mesurée. Voilà les caracteres distinctifs des Arts principaux. […]
Conceptual field(s)
Quotation
On définira la Peinture, la Sculpture, la Danse, une imitation de la belle Nature exprimée par les couleurs, par le relief, par les attitudes.
Conceptual field(s)
Quotation
Cet article sera fort court, parce que le principe de l’imitation de la belle Nature, surtout après en avoir fait l’application à la Poësie, s’applique presque de lui-même à la Peinture. Ces deux Arts ont entr’eux une si grande conformité ; qu’il ne s’agit, pour les avoir traités tous les deux à la foi, que de changer les noms, & de mettre Peinture, Desseing, Coloris, à la place de Poësie, de Fable, de Versification. C’est le même Génie qui crée dans l’une & dans l’autre : le même goût qui dirige l’Artiste dans le choix, la disposition, l’assortiment des grandes & des petites parties : qui fait les groupes & les contrastes : qui pose, & qui nuance les couleurs : en un mot, qui règle la Composition, le Desseing, le Coloris. Ainsi, nous n’avons qu’un mot à dire sur les moyens, dont se sert la Peinture pour imiter & exprimer la Nature.
Conceptual field(s)
Quotation
On voit cependant au Sallon deux petits morceaux : du sieur Nattoire, qui représentent l'union de la Peinture & du Dessein, & celle de la Poësie lirique, & de la Musique, & l'on a trouvé de l’agrément & de la finesse dans le pinceau de ces deux petits Tableaux dont les Sujets sont très-propres au Cabinet d’un connoisseur aussi délicat que Monsieur de Julienne pour qui ils ont été faits. Cependant comme on ne sauroit concevoir la Peinture sans le Dessein, & que ces deux idées sont inséparables, on lui auroit désiré une compagne moins triviale, & qui ne trouvât pas dans tous les Tableaux, tous les dessus de porte, dans tous les Emblêmes anciens & modernes, & sur tout dans les frontispices gravés de nos livres qui traitent de la Peinture.
NATOIRE, Charles-Joseph, Histoire de Télémaque et Une Vierge, v. 1746, huile sur toile, France, Collection particulière.
NATOIRE, Charles-Joseph, L'alliance de la Poésie et de la Musique, v. 1746, huile sur bois, 30,6 x 38,2, Michigan, Museum of Arts (Umma), 1994/1.81.
NATOIRE, Charles-Joseph, L'union de la Peinture et du Dessin, v. 1746, huile sur toile, Pas d'informations, Collection particulière.
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BAILLET DE SAINT-JULIEN, Louis-Guillaume, Lettres sur la peinture à un amateur, Genève, s.n., 1750.
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Tout est remarquable dans cet ouvrage [ndr : la Nativité de Boucher] : l’air fin & séduisant de la plûpart des figures, l’élégante naiveté de leurs attitudes, & la singuliere variété de leurs caracteres. Sa couleur semble le disputer à son dessin, & acheve d’en faire un tout parfait, par l’union admirable & l’entente qu’on y remarque.
[...] M. Boucher n’en est pas moins admirable dans ses Pastorales : On ne sauroit y mettre plus d’esprit & de goût ; & de ce charme qui lui est tout particulier. Quelqu’un voudra peut-être objecter que ce n’est pas ici la place de l’esprit, & me renverra aux Eclogues de M. de Fontenelle ; où on l’y a trouvé si défectueux, & à juste titre. Mais avec sa permission, ces deux choses me paroissent fort différentes ; & ont besoin d’une courte explication. La Peinture & la Poësie se ressemblent ; mais l’une est muette, l’autre a cent façons de s’exprimer : on juge bien par conséquent que la première ne sauroit trop animer & réveiller ses compositions. Quelque abus qu’un Peintre fasse de son esprit, ses fautes ne seront ni si remarquables, ni si vicieuses que celles du Poëte : il aura beau fatiguer son pinceau, il est bien sur qu’il n’en sortira jamais ni Madrigaux ni Epigrammes.
BOUCHER, François
LE BOUYER DE FONTENELLE, Bernard
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Quotation
La maniere noire a donné occasion d’inventer une sorte de Gravûre colorée qui imite beaucoup la Peinture. Elle se fait avec plusieurs Planches qui doivent représenter un seul sujet, & qu’on imprime chacune avec sa couleur particuliere, sur le même papier. Ces couleurs par leur différens degrés & leur mélange, produisent des tons approchans des tableaux qui servent d’originaux. On a [p. 124 178] pour cet effet trois planches de cuivre de même grandeur bien égalisées & limées de façon qu’elles se rapportent exactement l’une sur l’autre. Ces trois cuivres sont gravés & préparés comme pour la maniere noire, & l’on calque sur chacun le même dessein. Chaque planche est destinée, comme on vient de le dire, à être imprimée d’une seule couleur : il y en a une pour le rouge, l’autre pour le bleu, & la derniere pour le jaune. On efface sur celle qui doit être imprimée en rouge, toutes les parties où il ne doit point entrer de rouge, comme par exemple la prunelle de l’oeil, ou des étoffes d’une autre couleur, &c. On y forme seulement les parties où le rouge domine comme les lévres, les joues, &c. & dans les autres parties qui ne demandent qu’un oeil roussâtre, comme les masses d’ombre, & en général toute la peau qui doit être vermeille, on y laisse un petit grain tendre, & seulement capable de faire étant imprimée avec les autres couleurs un ton mêlé tel qu’on le désire.
LE BLON, Jacques-Christophe
NEWTON, Isaac
Cochin prend pour exemple l'ouvrage de l'artiste et l'auteur Monsieur Le Blon : Il Coloritto, ou l’Harmonie du Coloris dans la Peinture, réduite à des principes infaillibles, & à une pratique méchanique, avec des figures imprimées en couleur pour en faciliter l’intelligence, ainsi que celui de Newton : Traité d'optique
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Toutes les couleurs qu’on empoye pour cette impression doivent être transparentes, ensorte que paroissans sur l’épreuve l’un au travers de l’autre, il en résulte un mélange qui imite plus parfaitement le coloris d’un Tableau. Pour conserver plus long-tems ces épreuves & les faire mieux ressembler à la Peinture, on les colle sur toile, & on les tend sur un chassis, pour les encadrer dans une bordure, ensuite l’on passe par-dessus cette impression un beau vernis pareil à celui que l’on met sur les Tableaux.
Au reste cette espece de Peinture réussit assez bien à imiter les choses qui sont de couleur entiere comme les Plantes, les Fruits, & les Anatomies : mais pour les tons de chairs ils sont composés d’un mélange trop difficile pour qu’on puisse en attendre un grand succès. Il en est de même des Paysages & des sujets d’histoire qui ne sont pas propres à être exécutés par ce genre de gravûre. Cette invention pourroit être portée à un certain degré de perfection, si d’habiles gens vouloient s’y exercer & y mettre leurs soins : cependant elle n’a pas encore produit jusqu’ici que des choses au-dessous du médiocre, excepé quelques portraits gravés par M. le Blon, dont on a parlé ci-dessus. Le deffaut général de presque toutes les Productions de cette espece, qui ont paru depuis la mort de cet Auteur, est qu’elles sont trop bleuës, & que cette couleur y domine de façon à effacer toutes les autres.
LE BLON, Jacques-Christophe
NEWTON, Isaac
Cochin prend pour exemple l'ouvrage de l'artiste et l'auteur Monsieur Le Blon : Il Coloritto, ou l’Harmonie du Coloris dans la Peinture, réduite à des principes infaillibles, & à une pratique méchanique, avec des figures imprimées en couleur pour en faciliter l’intelligence, ainsi que celui de Newton : Traité d'optique
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L’Art d’imprimer en couleur se réduit donc I°. A représenter un objet quelconque avec trois couleurs & par le moyen de trois planches qui doivent se rapporter sur le même papier. 2°. A faire les desseins sur chacune des trois planches, de façon que les trois desseins s’accordent exactement. 3°. A graver les trois planches de façon qu’elles ne puissent manquer de se rapporter ensemble. 4°. A trouver les trois vrayes couleurs matérielles primitives, & les préparer de maniere qu’elles puissent s’imprimer, être belles & durer long-tems. 5°. Enfin à tirer les trois planches avec assez d’adresse pour [p. 128 182] qu’on ne s’apperçoive point après l’Impression de la façon dont elles sont tirées.
LE BLON, Jacques-Christophe
NEWTON, Isaac
Cochin prend pour exemple l'ouvrage de l'artiste et l'auteur Monsieur Le Blon : Il Coloritto, ou l’Harmonie du Coloris dans la Peinture, réduite à des principes infaillibles, & à une pratique méchanique, avec des figures imprimées en couleur pour en faciliter l’intelligence, ainsi que celui de Newton : Traité d'optique