RESTOUT, Jacques, La Réforme de la Peinture, Caen, Jean Briard, 1681.
La forme littéraire choisie est celle du songe qui se rattache à la culture courtisane de la Renaissance, célébrant les arts, dont le Songe de Poliphile (Hypnerotomachia Poliphili,Venise 1499) de Francesco Colonna est un des plus illustres exemples. Elle donne à l’auteur une certaine liberté d’expression et de ton. Elle offre aussi l’avantage d’élaborer un récit imagé en associant, selon un procédé mnémotechnique déjà utilisé chez les orateurs de l’Antiquité, une histoire, à un lieu, très souvent un palais. L’architecture joue un rôle primordial dans la rhétorique car elle symbolise l’ordre et structure le discours, servant ainsi de support à la mémoire.
L’organisation du récit en trois parties sert à montrer la progression de l’apprenti peintre dans sa quête de connaissance qui doit le conduire vers la perfection de la peinture. Selon le modèle platonicien, c’est le chemin que l’on emprunte pour accéder à la « science » et à la véritable peinture qui est important et plus le parcours est difficile, plus grande et légitime est l’accession à la connaissance. Ainsi, au début de son rêve, le narrateur se promène dans un bocage verdoyant très agréable et arrive par un chemin spacieux sur une grande place où il est attiré par le vacarme provenant de l’assemblée des mauvais peintres se disputant autour de leur idole, une statue, qu’ils tentent de peindre. Dans la deuxième partie, la place sur laquelle il se trouve en compagnie des partisans de la couleur lui paraît « beaucoup plus régulière & en plus bel ordre, que celle des Cacopeintres » (p. 52). Il y rencontre la princesse de la « mauvaise » peinture qui lui promet de le conduire vers la perfection sans difficultés à condition qu’il ne suive pas les conseils prodigués par Fréart de Chambray dans l’Idée de la Perfection de la peinture. Dans la troisième partie, il aperçoit un palais au sommet d’un roc qui lui paraît inaccessible. Guidé par un vieillard, symbole de la sagesse, il emprunte un chemin très tortueux qui évoque les hésitations et les choix difficiles que doit faire un apprenti pour pouvoir atteindre la perfection. Ce chemin débouche sur une grotte de laquelle part un très long escalier qui conduit au palais. Une fois arrivé devant l’imposant édifice bâti avec de somptueux matériaux, son point de vue sur le monde a changé, tout lui semble « plus clair, plus beau, plus agréable ». Ce long parcours permet aux yeux de s’accoutumer. La vérité est ainsi révélée au narrateur qui peut désormais rejoindre l’assemblée des peintres savants.
L’objectif du livre de Restout est la réforme de la peinture en province qui s’inscrit dans le contexte de la volonté royale de création d’académies de peinture et de sculpture dans les principales villes du royaume (Lettres patentes de décembre 1676). Sa proposition concerne aussi bien les peintres que les connaisseurs. Présentée sous la forme d’un arrêt de vingt articles, son but est d’établir dans chaque province un « inquisiteur » chargé de sélectionner les bons peintres, capables également d’enseigner, et de les écarter des « ignorants », autorisés à brosser seulement des ouvrages à leur portée comme les carrosses, les navires, les armoiries ou les enseignes de boutiques (articles I et III). Chaque institution provinciale devait dispenser un enseignement du dessin, instaurer des conférences mensuelles et se doter d’une bibliothèque dont il dresse la liste des livres qui doivent la composer (article VII). À la fin de sa formation, l’étudiant devait entreprendre obligatoirement un voyage en Italie d’une durée de quatre ans (article VI). Ce projet de réforme a un caractère radical. Il vise à abolir les maîtrises (article IX), à brûler les mauvais livres (article VIII) et à avoir un contrôle sur toute la production (article X). Enfin, il est indiqué que ceux qui souhaitent parler de peinture doivent s’y connaître (article XIX) et que le peintre doit être entièrement libre dans l’exécution de ses ouvrages (article XX).
Restout définit le peintre et le connaisseur en s’appuyant sur des lieux communs de la théorie de l’art. Dans la troisième partie de son livre, il loue les « beaux esprits » et les « peintres illustres », qui composent la « première classe des peintres » où Nicolas Poussin, le « Timanthe moderne », a atteint le plus « haut point de gloire & d’honneur » (p. 81). Dans une perspective historique qui montre l’ancienneté de la peinture, il énumère les artistes anciens et modernes les plus fameux et termine cet éloge par celui qui fut son maître, Le Tellier de Vernon (vers 1614-1702), élève et neveu de Poussin. Il souligne encore qu’une des qualités majeures pour être un « vrai » artiste est d’être instruit, d’avoir des connaissances dans de nombreuses disciplines telles que l’histoire sacrée, profane, la fable, l’astronomie, la cosmographie, la géographie, l’arithmétique, géométrie, l’optique... (p. 75).
Il est très critique envers les « mauvais peintres » et les « faux-connaisseurs ». Il est question dans la première partie des « cacopeintres » ou encore « antipeintres » qui sont rangés dans la « plus basse classe des Peintres ». Ceux-ci sont réduits à la partie physique de leur corps, à « l’œil et la main », renvoyant ainsi l’image du peintre mécanique qui copie des estampes et broie des couleurs, totalement dépourvu de jugement en matière d’art. Dans la seconde partie, intitulée La Cabale, Restout blâme les « cabalistes », incarnés par Michel Ange, et les maniéristes, pour qui la fin de la peinture est de tromper agréablement les yeux tout en refusant toute soumission aux règles de l’art.
À l’instar de Fréart de Chambray, il reproche aux « faux connaisseurs » l’utilisation de termes inappropriés, se rapportant à des sentiments tels que « vaguesse du coloris », « morbidesse des carnations » et « franchise du pinceau » (p. 63 et 126), pour parler de peinture. Il dénonce également l’arrogance de certains spectateurs à porter un jugement sur des œuvres tout en étant démunis de connaissance pour en apprécier les réelles qualités artistiques.
Stéphanie Trouvé
RESTOUT, Jacques, La Réforme de la Peinture, Genève, Minkoff Reprint, 1973.
CHENNEVIÈRES-POINTEL, Charles-Philippe de, Recherches sur la vie et les ouvrages de quelques peintres provinciaux de l'ancienne France, Paris, Dumoulin, 1847 - 1862, 4 vol., vol. III [En ligne : http://bibliotheque-numerique.inha.fr/idurl/1/5782 consulté le 04/04/2018].
THUILLIER, Jacques, « Polémiques autour de Michel-Ange au XVIIe siècle », Bulletin de la Société d’Étude du XVIIe siècle, 36-37, 1957, p. 358-368.
TEYSSÈDRE, Bernard, Roger de Piles et les débats sur le coloris au siècle de Louis XIV, Paris, La Bibliothèque des arts, 1965.
DÉMORIS, René, « L’image, Condillac et la peinture », dans SGARD, Jean (éd.), Condillac et les problèmes du langage, Actes du colloque de Grenoble, Paris - Genève, Slatkine, 1982, p. 379-393 [En ligne : http://www.philopsis.fr/IMG/pdf_image-condillac_demoris.pdf consulté le 12/10/2015].
DÉMORIS, René, « Peinture, sens et violence au Siècle des Lumières : Fénelon, du Bos, Rousseau », dans MATHIEU-CASTELLANI, Gisèle (éd.), La pensée de l'image : signification et figuration dans le texte et la peinture, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 1994 [En ligne : http://www.fabula.org/colloques/document630.php consulté le 12/10/2015].
POMMIER, Édouard, « Jacques Restout et sa théorie de la peinture », Bulletin de la Société d’Histoire de l’Art Français, 1997, p. 167-178.
DÉMORIS, René, « Peinture et science au siècle des Lumières : l’invention d’un clivage », Dix-huitième siècle, 31, 1999, p. 45-60 [En ligne : http://www.fabula.org/colloques/document628.php consulté le 02/10/2015].
GOUZI, Christine, Jean Restout 1692-1768, Paris, Arthena, 2000.
TROUVÉ, Stéphanie, « Jacques Restout », dans BEYER, Andreas, SAVOY, Bénédicte et TEGETHOFF, Wolf (éd.), Allgemeines Künstlerlexikon. Die Bildenden Künstler aller Zeiten und Völker, Berlin, De Gruyter, 2018, p. 289.
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QUOTATIONS
[…] Quant aux faux Connoisseurs, que j’ay aussi bien voulu épargner, qu’ils sçachent aussi, que c’est la marque d’une arrogance intolérable, ou d’une stupidité presque brutale, de se mesler de parler & juger d’une chose que l’on ne connoist pas […]
[…] Dans la premiere [ndr : partie de l’ouvrage] vous verrez les desordres & la confusion qui sont dans la plus basse Classe des Peintres, qu’on peut justement appeler, les Cacopeintres ; c’est-à-dire, mauvais Peintres, ou mauvais genies de la Peinture.
Vous verrez là leurs Festes & leurs ceremonies tragiques ; leur Idole malotruë, leur insolence & leur effronterie à médire, & juger mal à propos de tout ce qui se presente à leurs yeux, selon que leur passion, ou leur ignorance les y poussent : le mépris qu’ils font des regles de l’Art, des ouvrages des plus sçavans Peintres, de la raison même & du bon sens : les extravagances des Protecteurs & Partisans de ces Antipeintres, & leurs ridicules façons de parler de la Peinture. Ensuite, les causes de ces déreglemens, qui empêchent même que ceux de cette Classe, qui pourroient s’en retirer, & s’élever au dessus de cette canaille, ne le puissent faire avec succez.
La seconde Partie [ndr : de l’ouvrage] contient la description de la seconde Classe des Peintres, qu’on apelle, la Cabale ; les maximes trompeuses, libertines & pernicieuses, l’Idole & la Princesse des Cabalistes, leurs divisions & leur contestation, à qui aura l’honneur d’habiller à sa mode cette derniere, qui se trouve à la fin bizarrement ornée des habits de chaque Nation, ce qui montre le genie confus & volage des Cabalistes, qui en prenant un peu de toutes les manières qu’ils rencontrent, s’en font une batarde & effeminée, qui n’a que du fard & des couleurs, ce qui rend leurs ouvrages dignes de raillerie, leur superbe emportement, & leur zele pour leurs Chefs de Caballe : le ridicule & impertinent Jargon dont ils se servent, pour publier les beautés chimériques de leurs ouvrages, & leur honteux attache au lucre, qui est la cause de leur aveuglement.
La seconde Partie [ndr : de l’ouvrage] contient la description de la seconde Classe des Peintres, qu’on apelle, la Cabale ; les maximes trompeuses, libertines & pernicieuses, l’Idole & la Princesse des Cabalistes, leurs divisions & leur contestation, à qui aura l’honneur d’habiller à sa mode cette derniere, qui se trouve à la fin bizarrement ornée des habits de chaque Nation,
Dans la troisième Partie [ndr : de l’ouvrage], est la description de la première Classe des Peintres, ou plûtost de la seule & veritable Peinture. On voit d’abord la necessité de tomber entre les mains d’un bon Maistre, pour aller droit à sa perfection, l’excellence de cette Science, sa difficulté, la fin que le Peintre se doit proposer dans son travail, les qualités & l’étude que doit avoir un Jeune-homme, dont on veut faire un digne Peintre, & la cause pour laquelle il y en a si peu de bons : la description du Palais de la Peinture, son antiquité, sa fondation, son assiette, & la difficulté d’y arriver, qui en détourne les ames lâches.
La "véritable peinture" est celle qui est pratiquée par les peintres de l'Académie
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Dans la troisième Partie [ndr : de l’ouvrage], est la description de la première Classe des Peintres, ou plûtost de la seule & veritable Peinture. On voit d’abord la necessité de tomber entre les mains d’un bon Maistre, pour aller droit à sa perfection, l’excellence de cette Science, sa difficulté, la fin que le Peintre se doit proposer dans son travail, les qualités & l’étude que doit avoir un Jeune-homme, dont on veut faire un digne Peintre, & la cause pour laquelle il y en a si peu de bons : la description du Palais de la Peinture, son antiquité, sa fondation, son assiette, & la difficulté d’y arriver, qui en détourne les ames lâches.
La « véritable peinture » est celle qui est pratiquée par les peintres de l’Académie
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La "véritable peinture" est celle qui est pratiquée par les peintres de l'Académie
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L’origine de la Peinture, son accroissement, sa perfection, sa gloire & ses honneurs chez les anciens Grecs ; sa décadence & ses persecutions dans les derniers siecles de l’Empire des Romains dans la Grece, son rétablissement dans l’Europe, & sur tout en Italie : ses dernieres persecutions, son dernier rétablissement, sa perfection & sa gloire presente en France, sous le regne de notre incomparable Monarque : l’Academie de la Peinture, les sciences que l’on y enseigne, & que tout Peintre doit sçavoir ; la Cour de la Peinture, l’affabilité & la majesté de cette Princesse des Arts, son affliction au recit des desordres de ses sujets : Enfin, son Arrest pour la Réforme de son Estat.
La « véritable peinture » est celle qui est pratiquée par les peintres de l’Académie
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C’estoit une histoire Angloise, dont il avoit habillé les figures à la Grecque & à la Romaine, ouvrage au reste, qui ne meritoit que le feu ou la bouë ; & lorsque je voulus lui demander raison de cent choses qui choquoient la raison, l’histoire, l’Art, la Nature & le bon sens, il me fist des réponses si remplies d’ignorance & de superbe, que je le laissay là avec ces sots admirateurs.
[…] A peine pûs-je échapper des mains de ces importuns, & lorsque je pensois estre hors de danger de telles rencontres, je me trouvay au milieu d’une troupe de Damoiseaux, qui après avoir apris deux ou trois mois à mal dessigner sous un Maistre ignorant, venoient là faire les Critiques & les Arbitres de la Peinture. Ce fut une scene assés facésieuse, de les entendre vanter leur affection pour cet Art si merveilleux.
[…] J’entendis là de jeunes écervelés vanter leurs ouvrages, & se donner de l’encens avec une arrogance que j’eus peine à suporter. L’un couroit çà & là, montrant avec ostentation un ouvrage digne de risée, l’autre méprisoit son voisin, & se vantoit d’avoir seul la veritable science de la Peinture : Je vis même avec douleur des laquais & des faquins s’ériger en Censeurs, prendre la qualité de Maistres-Peintres, & mépriser avec une insolence enragée, les Raphaëls, les Poussins & leurs semblables, & proposer pour deffi leurs effroyables barboüilleries, entre lesquelles un de ces Cacopeintres tardif & fantasque au possible s’écria tout d’un coup : Laissez, Messieurs, ces ignorans, & si vous voulez voir des Tableaux dignes de votre estime, considerez ceux-cy tous de mon invention, dans lesquels vous trouverez je m’asseure, autant de sujets d’admiration que de figures ; je ne doute pas que plusieurs de mes competiteurs n’y portent envie, mais je sçay bien que tres-peu les pourroient imiter.
[...] Mais ce qu’il y eut de plus divertissant fut, que quelques-uns [ndr : cacopeintres] voulurent se mesler de prescrire les regles, & une methode certaine pour arriver à la perfection de cet Art ; & entr’autres disoient, comme chose de grande importance, qu’il falloit s’étudier à bien connoistre les Peintures, & les bien mesler sur la Palette, que la toile fust bien fine & bien aprestée, les pinceaux bien déliés, & que sur tout, la difficulté estoit de bien passer les Tableaux en huile.
Il y en ût un même assés sot, pour dire, que la beauté & tout le secret de la Peinture consistoient à sçavoir bien broyer les couleurs [...].
Restout donne la définition de la beauté selon les « libertins » qui refusent de souscrire aux règles de l’art et les « cacopeintres », qu’il définit comme des peintres mécaniques (sans employer le mot), de simples manipulateurs de couleurs.
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Restout donne la définition de la beauté selon les « libertins » qui refusent de souscrire aux règles de l’art et les « cacopeintres », qu’il définit comme des peintres mécaniques (sans employer le mot), de simples manipulateurs de couleurs.
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Après celui-cy, vint un certain grand discoureur, & malade du même mal d’écrire, {Il a écrit l’essay des merveilles de nature.} qui cherchoit un habile Maistre, avec lequel il pûst s’entretenir de la Peinture, afin d’apprendre la maniere de parler justement de ce bel Art, pour après faire part au Public de ce qu’il en auroit appris, comme il avoit déjà fait de plusieurs autres arts, métiers & exercices.
Il s’adressa donc à un, qui ravi d’avoir rencontré cette occasion de faire paroistre les beautés de ses Ouvrages, lui fist voir quelques Tableaux de sa façon, dans lesquels il lui fist admirer les beaux gestes, mines & contenances des Images, les robes bien damassées, les belles pinceures, les rentrétemens & les feintes agreables : Aussitost l’autre prît des tablettes, & se mît à écrire tous ces beaux termes, & ces riches expressions avec soin, écoutant attentivement cet ignorant, qui continuoit à débiter les merveilles de ces Ouvrages.
Voyez, disoit-il, Monsieur, reculer ce Paysage peint en petit volume, voyez ces arbres remuer au gré du vent, écoutez cette eau gazoüiller, ces oyseaux fendre le vent ; ce coloris est vif, ces cheveux fins, ce drap est bien plissé, que cette verdure est gaye ! Voyez ces mains de neige, ce teint delicat, cette charneure mignonne, on pourroit conter les côtes de ce corps, tant il est naturel, la besongne est parfaitement
Restout évoque ici la manière de parler de la peinture pour la présenter au public et critique l’utilisation d’un vocabulaire extravagant faisant allusion aux sens
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bien adoucie, & aussi bien faite, que si Nature l’avoit elle-même façonnée de ses mains.
A peine notre écrivain pouvoit suivre ce beau Hableur, tant il parloit avec chaleur & empressement, faisant remarquer dans ses ridicules barboüilleries, cent autres beautés chimériques, avec des termes si extravagans, & des postures si grotesques, que je creus qu’il devenoit fol ; je vous avouë que j’en eus peur, & que je m’en fuis aussitost, les laissant dire & écrire tout ce qu’ils voulurent.
Restout évoque ici la manière de parler de la peinture pour la présenter au public et critique l’utilisation d’un vocabulaire extravagant faisant allusion aux sens
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[…] Tous ceux-cy plus enclins à la censûre, qu’à la loüange, commencerent à blâmer les plus Illustres, sans épargner ny Raphaël, ny le Poussin, ausquels ils prefererent, avec une effronterie insuportable, des gens indignes du nom de Peintre. Le mépris des Regles passoit chez eux pour une hardiesse & une liberté, qu’ils appeloient admirable, & traitoient de peu Pratiqués & de faineans, ceux qui s’y attachent avec scrupule ; plusieurs même ne croyent pas qu’il y en dûst avoir d’autres, que celles que leur caprice leur dictoit : les ingenieuses Compositions passoient pour des extravagances & des énigmes faites à plaisir, la belle union & la charmante harmonie des Couleurs pour des Peintures Sales, enfumeés & desagreables, & toutes les sçavantes beautés que l’on admire dans les ouvrages des Maistres de l’Art, pour des pertes de temps.
Critique des mauvais peintres qui ne reconnaissent ni Raphaël ni Poussin, tenants du dessin, comme maîtres. Ce passage évoque ceux –qu’il appelle libertins plus haut dans son livre- qui refusent de se soumettre aux règles
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Critique des mauvais peintres qui ne reconnaissent ni Raphaël ni Poussin, tenants du dessin, comme maîtres. Ce passage évoque ceux –qu’il appelle libertins plus haut dans son livre- qui refusent de se soumettre aux règles
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[…] A ces mots mon pauvre Gentil-homme n’eut quasi pas le mot à dire, parce que l’estime qu’il faisoit de cet Antipeintre, lui fist croire qu’il s’estoit trompé jusques alors, protestant qu’il vouloit changer de sentimens & de party, & croire avec lui, que l’œil & la main doivent estre la regle & les juges de la Peinture.
Restout réduit les cacopeintres à l’œil et la main, incapables d’invention
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Restout réduit les cacopeintres à l’œil et la main, incapables d’invention
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Restout réduit les cacopeintres à l’œil et la main, incapables d’invention
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Restout réduit les cacopeintres à l’œil et la main, incapables d’invention
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[…] Je passay donc le plus vîte que je pûs quelques autres assemblées, où je vis en passant des Peintres en Mignature & en Email, qui estoient prests d’en venir aux mains avec les Peintres à l’huile, qui leur disputoient la qualité de Maistres-Peintres ; ce qui fist naistre une longue dispute, dont je ne pûs attendre la fin, tan j’estois pressé de sortir.
[…] Un autre enfin me dît d’un air, qui marquoit du déplaisir, qu’il avoit esté nouri dés ses plus tendres années dans la boutique d’un pauvre Peintre, où il n’avoit jamais entendu parler des choses necessaires, pour acquerir la moindre connoissance de la Peinture, & qu’il avoit passé sa jeunesse dans l’abus dont on l’avoit prevenu, que pour estre Peintre, il ne falloit qu’un peu connoistre les couleurs, & les appliquer sans raisonnement sur une toile, & que sa derniere perfection consistoit à copier quelque méchante Estampe, à faire des couleurs luisantes & bien polies, enfin qu’il ne falloit pas plus de science & d’étude pour estre Peintre, que pour estre Cordonnier, ou Tailleur d’habits, & qu’ainsi il se voyoit avec douleur reduit à la honteuse necessité de demeurer dans l’ignorance & l’erreur, s’il ne trouvoit bientost quelque favorable occasion de reprendre le bon chemin.
Ils [ndr : des gens] m’apprirent aussi que cette Femme qui les conduisoit, estoit la Princesse des Peintres, qui presidoit dans leurs Academies & Assemblées, qui jugeoit & decidoit du prix des ouvrages, & donnoit des loix & des regles certaines & infaillibles, pour arriver à la perfection de la Peinture.
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[...] Il faut donc, poursuivit-elle [Princesse des cabalistes], s’étudier à la recherche d’une belle Manière de peindre, vague, hardie, & sans contrainte, d’un dessein tendre & coulant, mais libre & de grande maniere, sans s’attacher avec scrupule à cent choses, qui gâtent la majesté d’un ouvrage. Prenez pour exemplaires les ouvrages de l’illustre & fameux Michelange, le Coriphée des Peintres Anciens & Modernes, d’un Titien, d’un Tintoret, d’un Georgion,
BASSANO, les
GIORGIONE (Giorgio da Castelfranco)
IL PRIMATICCIO (Francesco Primaticcio)
IL TINTORETTO (Jacopo Robusti)
MICHELANGELO (Michelangelo Buonarroti)
RENI, Guido
RUBENS, Peter Paul
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
VAN DYCK, Antoon
VERONESE, Paolo (Paolo Caliari)
Ce passage reflète la conception de la peinture selon la « maîtresse des cabalistes » exposée par Restout (p. 48-49), qui s’oppose à celle prônée par Fréart de Chambray dans l’Idée de la Perfection de la peinture
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[...] Il faut donc, poursuivit-elle [Princesse des cabalistes], s’étudier à la recherche d’une belle Manière de peindre, vague, hardie, & sans contrainte, d’un dessein tendre & coulant, mais libre & de grande maniere, sans s’attacher avec scrupule à cent choses, qui gâtent la majesté d’un ouvrage. Prenez pour exemplaires les ouvrages de l’illustre & fameux Michelange, le Coriphée des Peintres Anciens & Modernes, d’un Titien, d’un Tintoret, d’un Georgion, d’un Paul Veronese, du Guide, des Bassans, de S. Martin, de Rubens, de Vandick, & tant d’autres que mes maximes ont rendus celebres, & ausquels la science qu’ils ont acquise dans mon Ecole, a donné une réputation glorieuse & immortelle, malgré la jalousie & le caprice de quelques novateurs, qui sous pretexte du rétablissement de la Peinture, tâchent en vain d’élever sur le debris de l’estime qu’on a toûjours euë pour ces grands Peintres, une fausse renommée à leurs sectateurs, & faisans croire aux simples, qu’ils rendent un bon office à ce bel Art, le ruinent entierement, dégoûtans par les embarras & les difficultés dont ils l’ont obscurci, ceux qui avoient dessein de s’y perfectionner.
BASSANO, les
GIORGIONE (Giorgio da Castelfranco)
IL PRIMATICCIO (Francesco Primaticcio)
IL TINTORETTO (Jacopo Robusti)
MICHELANGELO (Michelangelo Buonarroti)
RENI, Guido
RUBENS, Peter Paul
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
VAN DYCK, Antoon
VERONESE, Paolo (Paolo Caliari)
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BASSANO, les
GIORGIONE (Giorgio da Castelfranco)
IL PRIMATICCIO (Francesco Primaticcio)
IL TINTORETTO (Jacopo Robusti)
MICHELANGELO (Michelangelo Buonarroti)
RENI, Guido
RUBENS, Peter Paul
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
VAN DYCK, Antoon
VERONESE, Paolo (Paolo Caliari)
Ce passage reflète la conception de la peinture selon la « maîtresse des cabalistes » exposée par Restout (p. 48-49), qui s’oppose à celle prônée par Fréart de Chambray dans l’Idée de la Perfection de la peinture
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[....] La Place estoit ornée tout au tour de Statuës, que les Cabalistes avoient fait ériger à leurs Princes, entre lesquelles celle de Michelange occupoit le premier lieu, accompagné de celles du Titien, du Georgion, de Paul Veronese, du Tintoret, des Bassans, du Correge, du Guide, de Rubens, Vandick, Zuccaro, Lanfranc, Joseph Pin, Maistre Rousse, Saint Martin, Ribera, Pietre Teste, Freminet, Tempeste, Blœmaret, P. ….. V ….. B. …. V. … &c toutes posées sur leurs piedestaux, avec chacune une Inscription à leur loüange.
On ne voyait là ny les Apelles, ny les Timanthes, ny les Raphaëls, ny les Poussins, ny les Leonards de Vincy, ny les Jules Romains, ny les autres de ce merite, dont on ne se doit pas étonner, veu qu’ayans tous esté les Antagonistes de ces faux Peintres, les Cabalistes n’avoient garde de leur donner place parmi ceux dont ils ont méprisé les ouvrages & les maximes.
APELLES
BASSANO, les
BLOEMAERT, Abraham
CESARI, Giuseppe (Cavaliere d'Arpino)
DA VINCI, Leonardo
EL ESPAGÑOLETO (José de Ribera)
FRÉMINET, Martin
GIORGIONE (Giorgio da Castelfranco)
IL CORREGGIO (Antonio Allegri)
IL PRIMATICCIO (Francesco Primaticcio)
IL TINTORETTO (Jacopo Robusti)
LANFRANCO, Giovanni
MICHELANGELO (Michelangelo Buonarroti)
POUSSIN, Nicolas
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
RENI, Guido
ROMANO, Giulio
ROSSO FIORENTINO (Giovanni Battista di Jacopo)
RUBENS, Peter Paul
TEMPESTA, Antonio
TESTA, Pietro
TIMANTHES
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
VAN DYCK, Antoon
VERONESE, Paolo (Paolo Caliari)
ZUCCARO, les
Michel Ange est érigé en chef de file des cabalistes, écho à la critique de l’artiste par Fréart de Chambray
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APELLES
BASSANO, les
BLOEMAERT, Abraham
CESARI, Giuseppe (Cavaliere d'Arpino)
DA VINCI, Leonardo
EL ESPAGÑOLETO (José de Ribera)
FRÉMINET, Martin
GIORGIONE (Giorgio da Castelfranco)
IL CORREGGIO (Antonio Allegri)
IL PRIMATICCIO (Francesco Primaticcio)
IL TINTORETTO (Jacopo Robusti)
LANFRANCO, Giovanni
MICHELANGELO (Michelangelo Buonarroti)
POUSSIN, Nicolas
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
RENI, Guido
ROMANO, Giulio
ROSSO FIORENTINO (Giovanni Battista di Jacopo)
RUBENS, Peter Paul
TEMPESTA, Antonio
TESTA, Pietro
TIMANTHES
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
VAN DYCK, Antoon
VERONESE, Paolo (Paolo Caliari)
ZUCCARO, les
Michel Ange est érigé en chef de file des cabalistes, écho à la critique de l’artiste par Fréart de Chambray
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De là ma curiosité me fist approcher d’une autre troupe, que je vis attentive à considérer de fort prés quelques Tableaux du Bassan, que les uns vouloient estre originaux, les autres copies seulement ; sur quoy je croy qu’ils en fussent venus aux mains, si un grand Seigneur chef de cette troupe ne les eust accordés ; car en regardant ces Tableaux par derriere, & disant qu’il les croyoit originaux, parce qu’ils estoient peints sur de la toile d’Italie, il termina tout le different.
Question de la distinction entre un original et une copie. Restout critique la méthode d’identification d’un tableau qui consiste à regarder l’origine de la toile
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Question de la distinction entre un original et une copie. Restout critique la méthode d’identification d’un tableau qui consiste à regarder l’origine de la toile
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Vous sçavez, me disoit-il, que la connoissance des belles & grandes choses ne s’acquiert qu’avec beaucoup de travail, & que plus une science est relevée, plus aussi elle demande d’application & d’étude pour arriver à sa perfection : C’est pourquoy comme vous connoissez l’excellence de celle que vous cherchez, qui n’est pas, à proprement parler, une seule science, mais une union & un assemblage de toutes les belles sciences.
[...] On peut dire de la Peinture comme de la Poësie, & s’il faut pour reussir en celle-cy estre nay Poëte, il n’est pas moins necessaire d’estre nay Peintre, pour estre parfait en celle-là. J’entends que le jeune Peintre doit estre pourvû d’un esprit fort & solide, disciplinable, & capable de grandes entreprises, d’une ame courageuse, d’un beau genie, inventif & rempli du beau feu qui fait les galands hommes : Il faut surtout qu’il ait de l’amour pour sa Profession, duquel naistra celui de l’étude & du travail, qui sont les deux aisles desquelles il se doit servir, pour arriver à la perfection de son Art : De plus, il doit avoir une bonne éducation, qui le rende civil, honneste, gracieux & moderé dans ses actions, à quoy il faut encor adjoûter un corps bien fait, une bonne santé, une suffisante commodité des biens de fortune, pour pouvoir étudier librement & sans craindre la necessité, qui oblige ceux qui en ressentent les incommodités, de negliger l’étude, pour penser seulement à gaigner de quoy vivre.
Restout donne ici une définition du peintre savant et reprend le lieu commun de l’Ut pictura poesis
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Restout donne ici une définition du peintre savant et reprend le lieu commun de l’Ut pictura poesis
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[...] Maintenant quant aux dispositions prochaines d’un homme, qui veut devenir un vray Peintre, il faut suivant l’exemple de ces sçavants Maistres de l’Antiquité, qu’il ait non pas seulement, comme croyent quelques-uns, une legere teinture des humanités, dans lesquelles au contraire il doit estre tres bien versé ; mais encor qu’il soit bon Rethoricien, afin que connoissant l’adresse dont l’Orateur use dans un discours pour persuader, les expressions & l’industrie dont il se sert pour émouvoir, toucher & exciter les passions dans l’ame de ses auditeurs, il s’en serve aussi dans ses ouvrages, qui doivent faire la même impression sur les esprits, feroit un discours étudié, l’un & l’autre ayant également pour but, d’instuire, de divertir & de toucher tout ensemble. Il faut encor qu’il soit Poëte, cet Art & le notre ayant ce raport entr’eux, que la Poësie est une Peinture Parlante, & la Peinture une Poësie muette ; ensorte que ce que l’une écrit sur le papier, l’autre nous le peint sur la toile, se servans toutes deux des mêmes regles pour la composition de leurs Ouvrages. De là s’ensuit, qu’il doit avoir une parfaite connoissance de l’Histoire Sacrée, Profane & Fabuleuse, de l’Astronomie, de la Cosmographie, Geographie, Chronologie ; sur tout de l’Arithmetique, Geometrie & Optique, dont les principes infaillibles sont le fondement de la Peinture.
Il doit encor estre sçavant en l’Architecture, & avoir même la connoissance de la Sculpture, pour le besoin qu’il en aura dans ses ouvrages.
La Philosophie lui est encor absolument necessaire, non pas cette Philosophie pedantesque, qui s’occupe toute en la chicane ; mais celle qui nous conduit avec honneur à la connoissance de la Verité, & entre toutes les autres parties de cette science, qu’il possede sur tout la Physique, qui est la connoissance des choses naturelles, & cette partie de la Morale, qui donne la connoissance des Passions.
Restout donne une définition du vrai peintre et dresse la liste des connaissances qu’il doit avoir. Il reprend le parallèle entre l’art oratoire et la peinture qui partagent le même objectif : émouvoir, toucher et exciter les passions de l’âme
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[...] Car comment pourra-t-il representer les choses, desquelles il ne connoistra pas la nature, les proprietés, les causes & les effets ; comment peindra-t-il les Elemens, les Metheores, les Cieux, les Astres, & cette infinité, pour ainsi dire, de choses admirables que nous voyons dans la Nature ? Quelle image fera-t-il de la Tristesse, de la Joye, du Plaisir, de la Douleur & des autres passions ? Enfin, de quelle couleur peindra-t-il le Vice & la Vertu, sans la connoissance de ces sciences ? Quelle idée pourra-t-il former d’un malade & des diverses maladies d’un mourant, & de la Mort-même, s’il n’en connoist pas les symptomes ? Comment representera-t-il le corps humain, & les autres animaux dans leurs mouvemens divers, & tous les accidens qui s’y rencontrent, s’il n’en connoist la disposition par le moyen de l’Anatomie ; ainsi des autres choses qu’il aura à representer ? Et l’on voit tous les jours dans les ouvrages des faux Peintres, & de ceux même que l’on estime parmi le beau monde, que les deffauts qu’ils y commettent ne procedent que de l’ignorance de toutes ces choses, comme vous l’avez pû voir, lorsque vous avez passé parmi les Cacopeintres & les Cabalistes.
La Musique ne lui doit pas estre inconnuë, pour le grand raport quelle a avec la Peinture ; car si l’une a pour objet l’harmonie des sons, l’autre a l’harmonie des proportions des corps & des couleurs, fondée sur les mêmes principes.
Le but de la peinture est de représenter l’homme en action
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Le but de la peinture est de représenter l’homme en action
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[...] C’est en cet Ouvrage [ndr : groupe sculpté par Phidias représentant le Parnasse] que l’on peut dire que l’Art a égalé la Nature ; car ce sçavant Sculpteur [ndr : Phidias] avoit mis tant de grace, de beauté, de guayté dans toutes ces Figures, qu’il sembloit avoir fait vivre le marbre, & qu’il n’y manquoit que la parole.
Le but l’art est d’imiter la nature et d’insuffler la vie aux figures représentées
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Le but l’art est d’imiter la nature et d’insuffler la vie aux figures représentées
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Le but l’art est d’imiter la nature et d’insuffler la vie aux figures représentées
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[...] Or comme ces sçavans Maistres de la Peinture [ndr : maîtres anciens et modernes reconnus par Restout comme des peintres savants cités dans le paragraphe précédent] ont reconnû & distingué cinq Parties essentielles & fondamentales de cet Art, à sçavoir :
1. L’Invention, ou l’Histoire, qui comprend l’Ordonnance ou Disposition.
2. La Proportion, ou Symetrie, qui comprend le Dessein, le mouvement & l’Equilibre des corps.
3. La Couleur, qui comprend aussi la juste dispensation des Lumières & des Ombres.
4. Le Mouvement, ou l’Expression des passions de l’ame.
5. La Position reguliere des Figures & autres corps dans tout l’Ouvrage, selon les regles de l’Optique ; aussi chacune de ces Classes étoit destinée à l’étude de l’une de ces cinq Parties. {Voyez l’Idée de la Perfection de la Peinture} [ndr : de Fréart de Chambray]
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[...] mon Maistre me fist remarquer bien d’autres beautés que celles que les Cabalistes admirent dans les ouvrages de leurs Chefs : Car outre qu’il n’y manquoit rien de celles-là qui ne regardent que la pratique de l’Art, il m’y fist découvrir tant de science & d’étude, qu’il est presque aussi difficile de les exprimer, que de les imiter, à moins que d’avoir les mêmes connoissances desquelles ces rares Esprits se servoient, pour faire de si excellens Ouvrages.
Il ne me parla point de la Vaguesse du Coloris, de la Morbidesse des Carnations, de la Franchise du Pinceau, ny des autres termes extravagans à la mode de nos Cabalistes ; mais bien de la beauté, diversité, netteté & sublimité des pensées, de cette manière noble & majestueuse de traiter un sujet, de la discretion à le remplir dignement & convenablement à la verité de l’Histoire qu’il represente, & au Mode dans lequel il se rencontre ; de l’exacte & sçavante observation du Costume, dans laquelle ces anciens Maistres faisoient consister tout ce que la Peinture a d’ingenieux & de sublime ; de cette pointe d’esprit & de cet excellent genie, qu’ils faisoient paroistre dans leurs Ouvrages, dont les Ecrivains les ont loüés si hautement : De là suivoit la judicieuse & convenable disposition des lieux & des figures, la force & la diversité des expressions, l’élégance & le beau choix des attitudes, la diligence & l’exactitudes dans le dessein, la beauté & la variété des proportions, la position aisée & naturelle des figures sur leur centre de gravité ou équilibre, & conformément aux regles de la Perspective des Plans, qui est le lien & le soûtien de toutes les beautés de la Peinture, & sans laquelle elle n’est qu’une pure barboüillerie de Couleurs ; mais sur tout, cet agrément & cette grace admirable dans les mouvemens, qui est un talent autant rare qu’il est precieux.
On pouvoit encore admirer la lumiere bien choisie, & répanduë avec discretion sur les objets, selon leur proximité ou éloignement de l’œil, & les accidens du lumineux, du Diaphane & du corps éclairé ; les differens effets des lumieres primitives & derivatives, l’amitié & la charmante harmonie (pour ainsi dire) des Couleurs, par leur degrés proportionnés de force ou d’afoiblissement, suivant les regles de la Perspective aërienne, ou par leur sympatie naturelle : Enfin, cette Eurithmie dans toutes les parties de l’Ouvrage, auquel elle donne son prix & sa valeur.
Voilà une partie des veritables & solides beautés, que mon Maistre me fist observer dans les admirables Ouvrages de ces grands Hommes, qui ont charmé toute l’Antiquité, & dont le seul recit charme encor tous ceux qui l’entendent.
Anciens (les)
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