FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes. Troisième partie, Paris, Jean-Baptiste Coignard, 1679, 5 vol., vol. III.
Sa forme littéraire, l’entretien, lui donne une dimension didactique et pédagogique que ne possède pas le genre du traité ou de la biographie. De plus, cela permet de légitimiser la plume de l’auteur qui n’est pas un artiste mais qui a acquis son savoir auprès de Poussin et en le regardant peindre. En dressant une histoire des peintres de l’Antiquité jusqu’au XVIIe siècle – les peintres vivants ne sont pas évoqués – l’ouvrage de Félibien aborde les notions fondamentales nécessaire à la compréhension de la théorie de l’art.
Le cinquième entretien ouvrant son troisième volume paru en 1679 est l’un des plus denses. Il traite de la couleur et de la perspective en évoquant les peintres vénitiens parmis lesquels Titien occupe une place centrale. Le sixième entretien porte sur l’expression des passions et retrace notamment les vies de Caravage, Valentin de Boulogne et Annibal Carrache.
Matthieu Lett et Marianne Freyssinet
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes. Seconde édition, Paris, Sébastien Mabre-Cramoisy, 1685 - 1688, 2 vol.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres, anciens et modernes. Seconde édition, Paris, Florentin et Pierre Delaulne, 1690, 2 vol.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes. Seconde édition, Paris, Simon Bernard, 1696, 2 vol.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes. Nouvelle édition augmentée des Conférences de l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture, avec le Recueil historique de la vie et des ouvrages des plus célèbres architectes, FÉLIBIEN, Jean-François (éd.), Amsterdam, Estienne Roger, 1700, 4 vol.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, par Mr. Félibien, Secrétaire de l'Académie des Sciences & Historiographe du Roi, Nouvelle édition revue, corrigée & augmentée des Conférences de l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture, London, David Mortier, 1705, 4 vol.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, par Mr. Félibien, Secrétaire de l'Académie des Sciences & Historiographe du Roi. Nouvelle édition revue, corrigée et augmentée des Conférences de l'Académie Royale de Peinture & de Sculpture, De l'Idée du Peintre parfait & des Traitez des Desseins, des Estampes, de la Connoissance des Tableaux & du Goût des Nations, Amsterdam, Estienne Roger, 1706, 4 vol.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, avec la Vie des architectes, par Monsieur Félibien. Nouvelle édition revue, corrigée & augmentée des Conférences de l'Académie Royale de Peinture & de Sculpture ; De l'Idée du Peintre parfait, des Traitez de la miniature, des Desseins, des Estamps, de la connoissance des Tableaux, & du Goût des Nations ; De la Description des Maisons de Campagne de Pline, & de celle des Invalides, FÉLIBIEN, Jean-François (éd.), Trévoux, Imprimerie de Son Altesse Sérénissime, 1725, 6 vol.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, avec la vie des architectes; with an introductory note by Sir Anthony F. Blunt, BLUNT, Anthony (éd.), Farnborough, Gregg Press, 1967.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes, Genève, Minkoff Reprint, 1972, 3 vol.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes. Entretiens I et II. Introduction, établissement du texte et notes par René Démoris, DÉMORIS, René (éd.), Paris, Les Belles Lettres, 1987.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes. Entretiens I et II. Introduction, établissement du texte et notes par René Démoris, DÉMORIS, René (éd.), Paris, Les Belles Lettres, 2007.
VAN HELSDINGEN, Hans Willem, « Body and Soul in French Art Theory of the Seventeenth Century after Descartes », Simiolus. Netherlands Quarterly for the History of Art, 11/1, 1980, p. 14-22 [En ligne : http://www.jstor.org/stable/3780510 consulté le 24/10/2016].
THUILLIER, Jacques, « Pour André Félibien », Dix-septième siècle, 138, 1983, p. 65-95.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes. Entretiens I et II. Introduction, établissement du texte et notes par René Démoris, DÉMORIS, René (éd.), Paris, Les Belles Lettres, 1987.
DÉMORIS, René, « Félibien. Biographie, théorie et histoire dans les "Entretiens" », dans WASCHEK, Matthias (éd.), Les vies d’artistes , Actes du colloque de Paris, Paris, Musée du Louvre Éd. - École nationale supérieure des Beaux-Arts, 1996, p. 177-193.
ROSENBERG, Raphael, « André Félibien et la description de tableaux. Naissance d'un genre et professionnalisation d'un discours », Revue d’esthétique. La naissance de la théorie de l’art en France 1640-1720, 31-32, 1997, p. 149-159.
DIONNE, Ugo, « Félibien dialoguiste : les "Entretiens" sur les vies des peintres », Dix-septième siècle, 210, 2001, p. 49-74 [En ligne : www.cairn.info/revue-dix-septieme-siecle-2001-1-page-49.htm consulté le 05/01/2015].
BONFAIT, Olivier, « Félibien lecteur de Bellori : des "Vite de’ pittori moderni" aux "Entretiens sur les plus excellens peintres" », dans BONFAIT, Olivier (éd.), L’idéal classique : les échanges artistiques entre Rome et Paris au temps de Bellori, Actes du colloque de Rome, Roma - Paris, Somogy - Académie de France à Rome, 2002, p. 86-104.
HAAS, Bruno, « La méconnaissance du dessin comme fondement d’un discours sur l’art », Nouvelle revue d’esthétique, 4, 2009, p. 29-40 [En ligne : www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-d-esthetique-2009-2-page-29.htm consulté le 05/01/2015].
STANIC, Milovan, « Aimer Rome et Paris comme Anvers et Venise ? La peinture vénitienne dans la querelle du coloris au XVIIe siècle », dans HOCHMANN, Michel (éd.), Venise et Paris, 1500 – 1700. La peinture vénitienne de la Renaissance et sa réception en France, Actes du colloques de Bordeaux et Caen, Genève, Droz, 2011, p. 177-192.
MÉROT, Alain, « "Manières" et "modes" chez André Félibien : les premières analyses du style de Nicolas Poussin », dans LE BLANC, Marianne, POUZADOUX, Claude et PRIOUX, Évelyne (éd.), L’Héroïque et le champêtre. Volume I. Les catégories stylistiques dans le discours critique sur les arts, Actes du colloque international de Paris, Paris, Presses universitaires de Paris Ouest, 2014, p. 187-203.
GERMER, Stefan, Art, pouvoir, discours : la carrière intellectuelle d'André Félibien dans la France de Louis XIV, Paris, Éd. de la Maison des sciences de l’homme, 2016.
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QUOTATIONS
Il est vray, repris-je qu’un sçavant homme peut donner à ses figures par le beau choix de la forme, & l’intelligence des couleurs, plus de beauté & de grace que l’on n’en voit d’ordinaire dans les belles personnes, parce que quelques belles qu’elles soient, elles ne seront jamais si accomplies que le peut estre une figure d’un excellent Peintre.
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Il est vray, repris-je qu’un sçavant homme peut donner à ses figures par le beau choix de la forme, & l’intelligence des couleurs, plus de beauté & de grace que l’on n’en voit d’ordinaire dans les belles personnes, parce que quelques belles qu’elles soient, elles ne seront jamais si accomplies que le peut estre une figure d’un excellent Peintre. Neanmoins quelque effort que puisse faire ce sçavant homme, il n’y aura point dans ses Tableaux tant de relief qu’on en voit dans le naturel, à cause que la force des couleurs est limitée, & ne peut faire paroistre à la veuë une rondeur pareille à celle que l’on voit dans la Nature.
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Il est vray, repris-je qu’un sçavant homme peut donner à ses figures par le beau choix de la forme, & l’intelligence des couleurs, plus de beauté & de grace que l’on n’en voit d’ordinaire dans les belles personnes, parce que quelques belles qu’elles soient, elles ne seront jamais si accomplies que le peut estre une figure d’un excellent Peintre. Neanmoins quelque effort que puisse faire ce sçavant homme, il n’y aura point dans ses Tableaux tant de relief qu’on en voit dans le naturel, à cause que la force des couleurs est limitée, & ne peut faire paroistre à la veuë une rondeur pareille à celle que l’on voit dans la Nature.
Je voudrois bien, interrompit Pymandre, que vous voulussiez m’en dire la raison.
C’est premièrement, luy répondis-je, que les Peintres n’ont qu’un blanc & un noir pour la lumière & les ombres ; & ce blanc & ce noir ne peuvent point imiter parfaitement la Nature, parce que le blanc quelque blanc qu’il soit n’a point assez d’éclat pour representer les corps lumineux & le brillant des corps luisans ; & le noir, quelque noir qu’il soit, ne peut imiter qu’imparfaitement les ombres, qui dans la Nature sont des privations de lumiere. Car les noirs d’un Tableau font des matières qui ne peuvent estre privées de la lumiere qui les éclaire aussi bien que les autres couleurs qui sont étenduës sur la superficie de la toile.
Il est vray, repris-je qu’un sçavant homme peut donner à ses figures par le beau choix de la forme, & l’intelligence des couleurs, plus de beauté & de grace que l’on n’en voit d’ordinaire dans les belles personnes, parce que quelques belles qu’elles soient, elles ne seront jamais si accomplies que le peut estre une figure d’un excellent Peintre. Neanmoins quelque effort que puisse faire ce sçavant homme, il n’y aura point dans ses Tableaux tant de relief qu’on en voit dans le naturel, à cause que la force des couleurs est limitée, & ne peut faire paroistre à la veuë une rondeur pareille à celle que l’on voit dans la Nature.
Je voudrois bien, interrompit Pymandre, que vous voulussiez m’en dire la raison.
C’est premièrement, luy répondis-je, que les Peintres n’ont qu’un blanc & un noir pour la lumière & les ombres ; & ce blanc & ce noir ne peuvent point imiter parfaitement la Nature, parce que le blanc quelque blanc qu’il soit n’a point assez d’éclat pour representer les corps lumineux & le brillant des corps luisans ; & le noir, quelque noir qu’il soit, ne peut imiter qu’imparfaitement les ombres, qui dans la Nature sont des privations de lumiere. Car les noirs d’un Tableau font des matières qui ne peuvent estre privées de la lumiere qui les éclaire aussi bien que les autres couleurs qui sont étenduës sur la superficie de la toile.
Secondement c’est que nous voyons le naturel d’une autre façon que les Tableaux, parce que les rayons qui partent de nos yeux vont embrasser les tournants des corps qui sont de relief, ce qui ne se fait pas de mesme à l’égard des superficies plates, sur lesquelles les rayons visuels demeurent arrestez. C’est ce que Leonard de Vinci remarque dans son traité de la Peinture, où il fait voir que si nous regardons les choses peintes avec un seul œil, elles nous sembleront plus vrayes, & paroistront avoir plus de rondeur, quoyqu’il y ait toujours bien de la difference entre une chose peinte & le naturel, à cause, comme je viens de dire, qu’il y a dans les corps naturels une lumière & des ombres que la Peinture n’a pas force de bien representer.
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les Peintres n’ont qu’un blanc & un noir pour la lumière & les ombres ; & ce blanc & ce noir ne peuvent point imiter parfaitement la Nature, parce que le blanc quelque blanc qu’il soit n’a point assez d’éclat pour representer les corps lumineux & le brillant des corps luisans ; & le noir, quelque noir qu’il soit, ne peut imiter qu’imparfaitement les ombres, qui dans la Nature sont des privations de lumiere. Car les noirs d’un Tableau font des matières qui ne peuvent estre privées de la lumiere qui les éclaire aussi bien que les autres couleurs qui sont étenduës sur la superficie de la toile.
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Il n’est pas icy question, luy [Pymandre] repartis-je, de discourir des couleurs à la manière des Philosophes, ny de nous arrester à leurs diverses opinions. Nous devons considerer les couleurs de la sorte que les Peintres les considerent. C’est-à-dire qu’il faut parler en premier lieu des couleurs qui s’employent, soit à l’huile, soit à la détrempe, qui sont des matieres réelles, & terrestres : En second lieu de celles qui paroissent dans les objets de la Nature.
Je dis donc que si dans les choses naturelles, c’est la forme qui maintient l’estre, & qui est principe de leur durée, il en est tout autrement dans les ouvrages de l’art, où la matière conserve leur forme, & les fait résister plus ou moins à l’effort des années.
Anciens (les)
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
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Ainsi quand on peint à fraisque, c’est au Peintre à prendre garde que l’enduit soit de bonne chaux & de bon sable, & à faire provision des couleurs propres pour ces sortes d’ouvrages, parceque celles qui servent à peindre à huile n’y sont pas toutes également bonnes. Les plus terrestres & les moins composées sont les vrayes couleurs dont on se doit servir à fraisque. Pour travailler à huile il faut encore user des mesmes precautions.
[...] Les Anciens qui peignoient sur des ais faisoient un choix tout particulier du bois qui estoit le moins sujet à se corrompre. Nous voyons que les Tableaux de Raphaël & des Peintres de son temps, qui estoient sur des fonds de bois, se sont parfaitement bien conservez. Neanmoins comme la toile est plus commode, & se roule aisément quand on veut la transporter, l’on s’en est beaucoup servy, principalement depuis que l’on a peint à huile, & que la fraisque & la detrempe ne sont plus si fort en usage qu’elles estoient anciennement.
Anciens (les)
DA VINCI, Leonardo
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Je dis donc que si dans les choses naturelles, c’est la forme qui maintient l’estre, & qui est principe de leur durée, il en est tout autrement dans les ouvrages de l’art, où la matière conserve leur forme, & les fait résister plus ou moins à l’effort des années. C’est pourquoy les Peintres qui veulent que leurs ouvrages se conservent plus long-temps, ne doivent pas negliger de travailler sur des fonds durables, & avec des couleurs qui ne passent point. Il est vray qu’ils n’ont pas toujours la liberté de choisir le fond de leurs Tableaux, estant obligez de travailler, tantost sur des murailles, tantost sur du bois, & souvent sur de la toile ; mais il est toujours dans leur pouvoir d’apporter beaucoup de soin à preparer ces divers fonds, & à chercher les couleurs qui sont les meilleures. Ainsi quand on peint à fraisque, c’est au Peintre à prendre garde que l’enduit soit de bonne chaux & de bon sable, & à faire provision des couleurs propres pour ces sortes d’ouvrages, parceque celles qui servent à peindre à huile n’y sont pas toutes également bonnes. Les plus terrestres & les moins composées sont les vrayes couleurs dont on se doit servir à fraisque. Pour travailler à huile il faut encore user des mesmes precautions.
[...] Les Anciens qui peignoient sur des ais faisoient un choix tout particulier du bois qui estoit le moins sujet à se corrompre. Nous voyons que les Tableaux de Raphaël & des Peintres de son temps, qui estoient sur des fonds de bois, se sont parfaitement bien conservez. Neanmoins comme la toile est plus commode, & se roule aisément quand on veut la transporter, l’on s’en est beaucoup servy, principalement depuis que l’on a peint à huile, & que la fraisque & la detrempe ne sont plus si fort en usage qu’elles estoient anciennement.
Je dis donc que si dans les choses naturelles, c’est la forme qui maintient l’estre, & qui est principe de leur durée, il en est tout autrement dans les ouvrages de l’art, où la matière conserve leur forme, & les fait résister plus ou moins à l’effort des années. C’est pourquoy les Peintres qui veulent que leurs ouvrages se conservent plus long-temps, ne doivent pas negliger de travailler sur des fonds durables, & avec des couleurs qui ne passent point. Il est vray qu’ils n’ont pas toujours la liberté de choisir le fond de leurs Tableaux, estant obligez de travailler, tantost sur des murailles, tantost sur du bois, & souvent sur de la toile ; mais il est toujours dans leur pouvoir d’apporter beaucoup de soin à preparer ces divers fonds, & à chercher les couleurs qui sont les meilleures. [...] Les Anciens qui peignoient sur des ais faisoient un choix tout particulier du bois qui estoit le moins sujet à se corrompre. Nous voyons que les Tableaux de Raphaël & des Peintres de son temps, qui estoient sur des fonds de bois, se sont parfaitement bien conservez. Neanmoins comme la toile est plus commode, & se roule aisément quand on veut la transporter, l’on s’en est beaucoup servy, principalement depuis que l’on a peint à huile, & que la fraisque & la detrempe ne sont plus si fort en usage qu’elles estoient anciennement.
Anciens (les)
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
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Je dis donc que si dans les choses naturelles, c’est la forme qui maintient l’estre, & qui est principe de leur durée, il en est tout autrement dans les ouvrages de l’art, où la matière conserve leur forme, & les fait résister plus ou moins à l’effort des années. C’est pourquoy les Peintres qui veulent que leurs ouvrages se conservent plus long-temps, ne doivent pas negliger de travailler sur des fonds durables, & avec des couleurs qui ne passent point. Il est vray qu’ils n’ont pas toujours la liberté de choisir le fond de leurs Tableaux, estant obligez de travailler, tantost sur des murailles, tantost sur du bois, & souvent sur de la toile ; mais il est toujours dans leur pouvoir d’apporter beaucoup de soin à preparer ces divers fonds, & à chercher les couleurs qui sont les meilleures.
Je dis donc que si dans les choses naturelles, c’est la forme qui maintient l’estre, & qui est principe de leur durée, il en est tout autrement dans les ouvrages de l’art, où la matière conserve leur forme, & les fait résister plus ou moins à l’effort des années. C’est pourquoy les Peintres qui veulent que leurs ouvrages se conservent plus long-temps, ne doivent pas negliger de travailler sur des fonds durables, & avec des couleurs qui ne passent point. Il est vray qu’ils n’ont pas toujours la liberté de choisir le fond de leurs Tableaux, estant obligez de travailler, tantost sur des murailles, tantost sur du bois, & souvent sur de la toile ; mais il est toujours dans leur pouvoir d’apporter beaucoup de soin à preparer ces divers fonds, & à chercher les couleurs qui sont les meilleures. Ainsi quand on peint à fraisque, c’est au Peintre à prendre garde que l’enduit soit de bonne chaux & de bon sable, & à faire provision des couleurs propres pour ces sortes d’ouvrages, parceque celles qui servent à peindre à huile n’y sont pas toutes également bonnes. Les plus terrestres & les moins composées sont les vrayes couleurs dont on se doit servir à fraisque. Pour travailler à huile il faut encore user des mesmes precautions.
Je sçay bien, dit Pymandre, que les Peintres ont receu un grand secours de la maniere de peindre à huile, mais ne trouvez-vous pas que ce qui est peint à fraisque a plus d’éclat & de vivacité.
Dans les grands Ouvrages, luy repartis-je, & principalement dans les voutes, où il est malaisé de trouver des jours propres pour bien voir la Peinture à huile, il est certain que la fraisque est plus commode, & plus expeditive, outre qu’elle ne se pert presque jamais que par la ruine des bastimens mesmes contre lesquels on a travaillé, comme vous avez peu voir à Rome dans ces grandes salles du Vatican, dans plusieurs autres Palais, & dans les ruës mesmes de la ville.
[…] Il est vray encore que la vivacité des couleurs se conserve mieux dans la peinture à fraisque que dans la peinture à huile qui est sujette à jaunir & à noircir, & qui se détache quand elle est contre de gros murs à cause de l’humidité, comme il se voit dans le Tableau de la Cene que Leonard de Vinci a peinte à Milan. Cependant pour ce qui regarde les Tableaux de moyenne grandeur, l’huile est plus commode et fait un meilleur effet ; parce qu’on peut retoucher davantage son ouvrage ; & que les couleurs employées avec l’huile imitent bien mieux le naturel. Si elles ne sont pas si vives ny si fraisches que celles de la peinture à fraisque ou à destrempe, les ombres en recompense en sont bien plus fortes : ce qui fait qu’on peut par ce moyen donner beaucoup plus de relief aux figures, que non pas dans les autres manieres de peindre. Nous voyons mesme de grands ouvrages à huile qui font des effets admirables, quoy que ce soit dans des voutes d’Eglise & des galeries où les jours pouroient n’estre pas si advantageux qu’à la fraisque, comme ce que l’on a peint au Louvre, aux Thuilleries & en divers autres lieux de Paris, sans parler de ces grands Tableaux du Titien & de Paul Veronese qui sont à Venise, & qui sont si merveilleux pour la beauté & la fraischeur du coloris. Car il est certain que l’on manie plus facilement les couleurs à huile ; & que dans la detrempe on ne peut bien finir une chose qu’avec la pointe du pinceau & avec une patience tres-grande ; Mais à huile un Peintre peut empaster de couleurs & retoucher son ouvrage autant de fois qu’il luy plaist : Et quand il entend bien la diminution des teintes, il a beaucoup plus de plaisir & d’avantage dans son travail. Mais il faut auparavent qu’il dispose, comme je croy vous l’avoir desja dit, les matieres propres pour ce qu’il veut faire, afin de ne pas perdre son temps sur un ouvrage qui ne dureroit que peu d’années.
Je sçay bien, dit Pymandre, que les Peintres ont receu un grand secours de la maniere de peindre à huile, mais ne trouvez-vous pas que ce qui est peint à fraisque a plus d’éclat & de vivacité.
Dans les grands Ouvrages, luy repartis-je, & principalement dans les voutes, où il est malaisé de trouver des jours propres pour bien voir la Peinture à huile, il est certain que la fraisque est plus commode, & plus expeditive, outre qu’elle ne se pert presque jamais que par la ruine des bastimens mesmes contre lesquels on a travaillé, comme vous avez peu voir à Rome dans ces grandes salles du Vatican, dans plusieurs autres Palais, & dans les ruës mesmes de la ville.
[…] Il est vray encore que la vivacité des couleurs se conserve mieux dans la peinture à fraisque que dans la peinture à huile qui est sujette à jaunir & à noircir, & qui se détache quand elle est contre de gros murs à cause de l’humidité, comme il se voit dans le Tableau de la Cene que Leonard de Vinci a peinte à Milan.
Anciens (les)
DA VINCI, Leonardo
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Voulez-vous, luy repliquay-je, que je vous dise que pour faire un Tableau vous devriez preparer un bon fonds de bois, ou de la toile bien imprimée de couleurs qui ne viennent pas à tuer celles que l’on y mettra ensuite, comme feroit la mine ou la terre d’ombre ; Et que je vous entretienne des incommoditez qu’un Peintre souffre quand sa toile n’est pas bien préparée, & que ses couleurs ne valent rien. Je ne croy pas qu’il soit necessaire de vous instruire de cela, puisque vous ne serez jamais en estat de vous en servir, & que la pratique ne met guere à l’apprendre à ceux qui travaillent. C’est assez que vous sçachiez que les mechantes couleurs sont cause qu’un ouvrage s’efface & perd toute sa force & sa beauté au bout de peu d’années. Je pourrois vous dire sur cela beaucoup de choses, mais quand vous les sçauriez, & que je vous aurois nommé toutes les couleurs dont les Peintres se servent, vous n’en seriez gueres plus sçavant : car ce n’est pas seulement la bonté des couleurs qui en fait la beauté dans un Tableau, c’est le travail & la maniere de les employer ; ce qui fait qu’un bon & un mauvais Peintre font des ouvrages bien differents quoy qu’ils se servent des mesmes couleurs. Outre cela, il y a le meslange qui se fait des couleurs principales les unes avec les autres ; qui ne s’apprend bien que par la pratique, & encore ce en seroit pas assez de l’avoir veu faire une ou deux fois, il faut comprendre en travaillant soy-mesme la force & la nature de chaque couleur en particulier, & sçavoir mesme avant que de les employer l’effet qu’elles doivent faire. Car comme les Sciences & les Arts ont quelque ressemblance les uns avec les autres ; les Peintres ont cela de commun avec les Orateurs que de mesme qu’il n’est pas possible, selon le tesmoignage d’Hermogenes, de bien faire une oraison, & de sçavoir comment elle doit estre composée, si l’on ne sçait auparavant quelles sont les choses qui doivent y entrer, aussi est-il difficile à un Peintre de bien colorier les corps qu’il veut representer, s’il ne sçait la force des couleurs qu’il veut employer, & l’effet qu’elles produiront quand elles seront meslées ensemble : comme quand le noir de charbon est meslé avec le blanc, le Peintre doit sçavoir qu’il en naistra une couleur d’un gris bluastre ; & que le jaune & le bleu feront du vert.
car ce n’est pas seulement la bonté des couleurs qui en fait la beauté dans un Tableau, c’est le travail & la maniere de les employer ; ce qui fait qu’un bon & un mauvais Peintre font des ouvrages bien differents quoy qu’ils se servent des mesmes couleurs. Outre cela, il y a le meslange qui se fait des couleurs principales les unes avec les autres ; qui ne s’apprend bien que par la pratique, & encore ce en seroit pas assez de l’avoir veu faire une ou deux fois, il faut comprendre en travaillant soy-mesme la force & la nature de chaque couleur en particulier, & sçavoir mesme avant que de les employer l’effet qu’elles doivent faire. Car comme les Sciences & les Arts ont quelque ressemblance les uns avec les autres ; les Peintres ont cela de commun avec les Orateurs que de mesme qu’il n’est pas possible, selon le tesmoignage d’Hermogenes, de bien faire une oraison, & de sçavoir comment elle doit estre composée, si l’on ne sçait auparavant quelles sont les choses qui doivent y entrer, aussi est-il difficile à un Peintre de bien colorier les corps qu’il veut representer, s’il ne sçait la force des couleurs qu’il veut employer, & l’effet qu’elles produiront quand elles seront meslées ensemble : comme quand le noir de charbon est meslé avec le blanc, le Peintre doit sçavoir qu’il en naistra une couleur d’un gris bluastre ; & que le jaune & le bleu feront du vert.
Ce que fait, dit Pymandre, que les Tableaux sont si differents les uns des autres dans le coloris, n’est-ce point que les ouvriers n’ont pas une égale connoissance de ce meslange ; car Denis d’Halicarnasse semble s’estonner de ce qu’encore que ceux qui peignent des animaux se servent tous de mesmes couleurs ; il y a cependant toujours beaucoup de difference dans leurs coloris. Or non seulement je remarque cette diversité dans ceux qui font des animaux & qui imitent les choses les plus simples de la Nature, mais aussi dans tous les grands Peintres qui ont représenté le corps humain. Car chacun le peint differemment & d’une maniere particuliere, comme ont fait le Guide, le Dominiquin, Lanfranc & tant d’autres, quoy qu’ils eussent estudié en mesme école, & qu’ils eussent, si vous voulez, un mesme sujet à imiter.
Ce n’est pas, luy respondis-je, le meslange seul des couleurs qui fait cette difference, mais ç’a esté un goust particulier, & une volonté propre à chacun de ces grands hommes qui les a portez à suivre une maniere particuliere selon qu’elle leur a semblé plus vraye & plus forte ; Et ce choix que chacun d’eux en a fait est d’autant plus estimable qu’on voit qu’ils approchent du vray & du beau.
Ce que fait, dit Pymandre, que les Tableaux sont si differents les uns des autres dans le coloris, n’est-ce point que les ouvriers n’ont pas une égale connoissance de ce meslange ; car Denis d’Halicarnasse semble s’estonner de ce qu’encore que ceux qui peignent des animaux se servent tous de mesmes couleurs ; il y a cependant toujours beaucoup de difference dans leurs coloris. Or non seulement je remarque cette diversité dans ceux qui font des animaux & qui imitent les choses les plus simples de la Nature, mais aussi dans tous les grands Peintres qui ont représenté le corps humain. Car chacun le peint differemment & d’une maniere particuliere, comme ont fait le Guide, le Dominiquin, Lanfranc & tant d’autres, quoy qu’ils eussent estudié en mesme école, & qu’ils eussent, si vous voulez, un mesme sujet à imiter.
Ce n’est pas, luy respondis-je, le meslange seul des couleurs qui fait cette difference, mais ç’a esté un goust particulier, & une volonté propre à chacun de ces grands hommes qui les a portez à suivre une maniere particuliere selon qu’elle leur a semblé plus vraye & plus forte ; Et ce choix que chacun d’eux en a fait est d’autant plus estimable qu’on voit qu’ils approchent du vray & du beau. De sorte que si dans les Tableaux de ces differents Peintres que vous avez nommez, il y a des carnations qui sont plus grises, d’autres plus rouges, & d’autres plus noires que le naturel, c’est un effet de l’inclination & du differend goust de ces maistres.
DIONYSIOS HALIKARNASSEUS
IL DOMENICHINO (Domenico Zampieri)
LANFRANCO, Giovanni
RENI, Guido
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
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Ce que fait, dit Pymandre, que les Tableaux sont si differents les uns des autres dans le coloris, n’est-ce point que les ouvriers n’ont pas une égale connoissance de ce meslange ; car Denis d’Halicarnasse semble s’estonner de ce qu’encore que ceux qui peignent des animaux se servent tous de mesmes couleurs ; il y a cependant toujours beaucoup de difference dans leurs coloris. Or non seulement je remarque cette diversité dans ceux qui font des animaux & qui imitent les choses les plus simples de la Nature, mais aussi dans tous les grands Peintres qui ont représenté le corps humain. Car chacun le peint differemment & d’une maniere particuliere, comme ont fait le Guide, le Dominiquin, Lanfranc & tant d’autres, quoy qu’ils eussent estudié en mesme école, & qu’ils eussent, si vous voulez, un mesme sujet à imiter.
Ce n’est pas, luy respondis-je, le meslange seul des couleurs qui fait cette difference, mais ç’a esté un goust particulier, & une volonté propre à chacun de ces grands hommes qui les a portez à suivre une maniere particuliere selon qu’elle leur a semblé plus vraye & plus forte ; Et ce choix que chacun d’eux en a fait est d’autant plus estimable qu’on voit qu’ils approchent du vray & du beau. De sorte que si dans les Tableaux de ces differents Peintres que vous avez nommez, il y a des carnations qui sont plus grises, d’autres plus rouges, & d’autres plus noires que le naturel, c’est un effet de l’inclination & du differend goust de ces maistres.
DIONYSIOS HALIKARNASSEUS
IL DOMENICHINO (Domenico Zampieri)
LANFRANCO, Giovanni
RENI, Guido
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
Conceptual field(s)
DIONYSIOS HALIKARNASSEUS
IL DOMENICHINO (Domenico Zampieri)
LANFRANCO, Giovanni
RENI, Guido
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
Conceptual field(s)
C’est pourquoy le Titien s’est rendu considerable, & s’est eslevé au dessus de tous les autres pour avoir si bien sçeu connoistre la couleur de toutes les choses qu’il a voulu peindre, n’ayant point eu de maniere particuliere ; mais ayant tellement imité la belle Nature, qu’il a toujours representé la chair comme une véritable chair ; le bois comme du bois ; la terre comme de la terre, & ainsi tout ce qu’il a voulu peindre.
Conceptual field(s)
Dans l’art de traiter les couleurs, & dans le meslange que l’on fait des unes avec les autres, il se rencontre beaucoup de choses à considerer. Car il y a le meslange des couleurs qui se fait sur la palette avec le couteau lors que l’on compose les principales teintes dont on croit avoir besoin : Et le meslange qui se fait avec le pinceau sur la palette ou sur le Tableau mesme pour joindre ensemble toutes les couleurs & pour les noyer les unes avec les autres. De tous ces differents meslanges de couleurs s’engendre cette multitude de differentes teintes qui se rencontrent dans les tableaux, sans lesquelles le Peintre ne peut bien imiter, ny les carnations, ny les draperies, ny generallement toutes les autres choses qu’il veut representer. Et comme il doit faire le meslange de ses teintes sur sa palette ou sur son tableau selon les couleurs qui luy paroissent dans le naturel, il faut qu’il soit extraordinairement soigneux d’observer dans la Nature de quelle maniere elles y paroissent : c’est à dire qu’il doit, en considerant les corps des hommes, regarder de quelle façon ils sont colorez ; quelles parties sont plus vives, & quelles parties sont plus claires ; celles qui sont plus rouges & celles qui ont une apparence un peu bluastre, comme sont d’ordinaire les chairs plus délicates ; & prendre bien garde comment toutes ces differentes couleurs s’unissent & se meslent si bien ensemble, qu’il semble qu’une infinité de diverses teintes ne fassent qu’une seule couleur.
Quand un Peintre sçait mesler ses couleurs, les lier & noyer tendrement, on appelle cela bien peindre ; C’est la partie qu’avoit le Corege, comme je vous ay dit assez de fois, & ce beau meslange de couleurs non seulement se doit faire dans les superficies égales en clarté, mais encore dans la jonction ou nouëment des parties claires avec les brunes.
Ce nouëment, interrompit Pymandre, & ce meslange de couleurs qui se fait avec tendresse, est-ce point ce que Pline appelle commissura & transitus colorum ? Et ce qu’Ovide entend lors qu’il parle des couleurs de l’arc-en-ciel, quand il dit :
In quo diversiniteant cum mille colores,
Transitus ipse tamen spectantia lumina fallit,
Usque adeo quod tangit idem & tamen ultima distant. {Ovid. 6. Meth. v. 65.}
Je ne croy pas qu’on puisse mieux exprimer le passage presqu’insensible qui se fait d’une couleur à une autre. Il me souvient que Philostrate traitant de l’education d’Achilles, observe que ce qui paroissoit de plus merveilleux dans la representation de Chiron peint en Centaure, estoit l’assemblage de la Nature humaine avec celle du cheval, que le Peintre avoit si adroitement jointes ensemble, qu’on ne pouvoit connoistre la separation de l’une d’avec l’autre, ny s’apercevoir où elle commençoit, & où elle finissoit.
Les plus beaux exemples qu’un en voye dans la peinture, repartis-je sont dans la Gallerie de Farnese, où les Caraches ont representé Persée qui change des hommes en pierres : Et dans le Cabinet du Roy, où le Guide a peint le Cantaure Nesse qui enleve Dejanire.
CARRACCI, Annibale, Persée et Phinéas, v. 1597 - 1602, fresque, 220 x 480, Roma, Palazzo Farnese.
RENI, Guido, Déjanire enlevée par le centaure Nessus, 1617 - 1621, huile sur toile, 239 x 193, Paris, Musée du Louvre, Inv. 537.
Anciens (les)
CARRACCI, les
IL CORREGGIO (Antonio Allegri)
OVIDIUS
PARRHASIUS (Parrhasios)
PHILOSTRATOS
PLINIUS, L'Ancien
RENI, Guido
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
Conceptual field(s)
CARRACCI, Annibale, Persée et Phinéas, v. 1597 - 1602, fresque, 220 x 480, Roma, Palazzo Farnese.
RENI, Guido, Déjanire enlevée par le centaure Nessus, 1617 - 1621, huile sur toile, 239 x 193, Paris, Musée du Louvre, Inv. 537.
Anciens (les)
CARRACCI, les
IL CORREGGIO (Antonio Allegri)
OVIDIUS
PARRHASIUS (Parrhasios)
PHILOSTRATOS
PLINIUS, L'Ancien
RENI, Guido
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
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CARRACCI, Annibale, Persée et Phinéas, v. 1597 - 1602, fresque, 220 x 480, Roma, Palazzo Farnese.
RENI, Guido, Déjanire enlevée par le centaure Nessus, 1617 - 1621, huile sur toile, 239 x 193, Paris, Musée du Louvre, Inv. 537.
Anciens (les)
CARRACCI, les
IL CORREGGIO (Antonio Allegri)
OVIDIUS
PARRHASIUS (Parrhasios)
PHILOSTRATOS
PLINIUS, L'Ancien
RENI, Guido
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
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CARRACCI, Annibale, Persée et Phinéas, v. 1597 - 1602, fresque, 220 x 480, Roma, Palazzo Farnese.
RENI, Guido, Déjanire enlevée par le centaure Nessus, 1617 - 1621, huile sur toile, 239 x 193, Paris, Musée du Louvre, Inv. 537.
Anciens (les)
CARRACCI, les
IL CORREGGIO (Antonio Allegri)
OVIDIUS
PARRHASIUS (Parrhasios)
PHILOSTRATOS
PLINIUS, L'Ancien
RENI, Guido
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
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De tous ces differents meslanges de couleurs s’engendre cette multitude de differentes teintes qui se rencontrent dans les tableaux, sans lesquelles le Peintre ne peut bien imiter, ny les carnations, ny les draperies, ny generallement toutes les autres choses qu’il veut representer. Et comme il doit faire le meslange de ses teintes sur sa palette ou sur son tableau selon les couleurs qui luy paroissent dans le naturel, il faut qu’il soit extraordinairement soigneux d’observer dans la Nature de quelle maniere elles y paroissent : c’est à dire qu’il doit, en considerant les corps des hommes, regarder de quelle façon ils sont colorez ; quelles parties sont plus vives, & quelles parties sont plus claires ; celles qui sont plus rouges & celles qui ont une apparence un peu bluastre, comme sont d’ordinaire les chairs plus délicates ; & prendre bien garde comment toutes ces differentes couleurs s’unissent & se meslent si bien ensemble, qu’il semble qu’une infinité de diverses teintes ne fassent qu’une seule couleur.
Quand un Peintre sçait mesler ses couleurs, les lier & noyer tendrement, on appelle cela bien peindre ; C’est la partie qu’avoit le Corege, comme je vous ay dit assez de fois, & ce beau meslange de couleurs non seulement se doit faire dans les superficies égales en clarté, mais encore dans la jonction ou nouëment des parties claires avec les brunes.
Ce nouëment, interrompit Pymandre, & ce meslange de couleurs qui se fait avec tendresse, est-ce point ce que Pline appelle commissura & transitus colorum ? Et ce qu’Ovide entend lors qu’il parle des couleurs de l’arc-en-ciel, quand il dit :
In quo diversiniteant cum mille colores,
Transitus ipse tamen spectantia lumina fallit,
Usque adeo quod tangit idem & tamen ultima distant. {Ovid. 6. Meth. v. 65.}
Je ne croy pas qu’on puisse mieux exprimer le passage presqu’insensible qui se fait d’une couleur à une autre. Il me souvient que Philostrate traitant de l’education d’Achilles, observe que ce qui paroissoit de plus merveilleux dans la representation de Chiron peint en Centaure, estoit l’assemblage de la Nature humaine avec celle du cheval, que le Peintre avoit si adroitement jointes ensemble, qu’on ne pouvoit connoistre la separation de l’une d’avec l’autre, ny s’apercevoir où elle commençoit, & où elle finissoit.
Les plus beaux exemples qu’un en voye dans la peinture, repartis-je sont dans la Gallerie de Farnese, où les Caraches ont representé Persée qui change des hommes en pierres : Et dans le Cabinet du Roy, où le Guide a peint le Cantaure Nesse qui enleve Dejanire.
CARRACCI, Annibale, Persée et Phinéas, v. 1597 - 1602, fresque, 220 x 480, Roma, Palazzo Farnese.
RENI, Guido, Déjanire enlevée par le centaure Nessus, 1617 - 1621, huile sur toile, 239 x 193, Paris, Musée du Louvre, Inv. 537.
Conceptual field(s)
De tous ces differents meslanges de couleurs s’engendre cette multitude de differentes teintes qui se rencontrent dans les tableaux, sans lesquelles le Peintre ne peut bien imiter, ny les carnations, ny les draperies, ny generallement toutes les autres choses qu’il veut representer. Et comme il doit faire le meslange de ses teintes sur sa palette ou sur son tableau selon les couleurs qui luy paroissent dans le naturel, il faut qu’il soit extraordinairement soigneux d’observer dans la Nature de quelle maniere elles y paroissent : c’est à dire qu’il doit, en considerant les corps des hommes, regarder de quelle façon ils sont colorez ; quelles parties sont plus vives, & quelles parties sont plus claires ; celles qui sont plus rouges & celles qui ont une apparence un peu bluastre, comme sont d’ordinaire les chairs plus délicates ; & prendre bien garde comment toutes ces differentes couleurs s’unissent & se meslent si bien ensemble, qu’il semble qu’une infinité de diverses teintes ne fassent qu’une seule couleur.
Quand un Peintre sçait mesler ses couleurs, les lier & noyer tendrement, on appelle cela bien peindre ; C’est la partie qu’avoit le Corege, comme je vous ay dit assez de fois, & ce beau meslange de couleurs non seulement se doit faire dans les superficies égales en clarté, mais encore dans la jonction ou nouëment des parties claires avec les brunes.
Dans l’art de traiter les couleurs, & dans le meslange que l’on fait des unes avec les autres, il se rencontre beaucoup de choses à considerer. Car il y a le meslange des couleurs qui se fait sur la palette avec le couteau lors que l’on compose les principales teintes dont on croit avoir besoin : Et le meslange qui se fait avec le pinceau sur la palette ou sur le Tableau mesme pour joindre ensemble toutes les couleurs & pour les noyer les unes avec les autres.
Dans l’art de traiter les couleurs, & dans le meslange que l’on fait des unes avec les autres, il se rencontre beaucoup de choses à considerer. Car il y a le meslange des couleurs qui se fait sur la palette avec le couteau lors que l’on compose les principales teintes dont on croit avoir besoin : Et le meslange qui se fait avec le pinceau sur la palette ou sur le Tableau mesme pour joindre ensemble toutes les couleurs & pour les noyer les unes avec les autres.
Dans l’art de traiter les couleurs, & dans le meslange que l’on fait des unes avec les autres, il se rencontre beaucoup de choses à considerer. Car il y a le meslange des couleurs qui se fait sur la palette avec le couteau lors que l’on compose les principales teintes dont on croit avoir besoin : Et le meslange qui se fait avec le pinceau sur la palette ou sur le Tableau mesme pour joindre ensemble toutes les couleurs & pour les noyer les unes avec les autres. De tous ces differents meslanges de couleurs s’engendre cette multitude de differentes teintes qui se rencontrent dans les tableaux, sans lesquelles le Peintre ne peut bien imiter, ny les carnations, ny les draperies, ny generallement toutes les autres choses qu’il veut representer. Et comme il doit faire le meslange de ses teintes sur sa palette ou sur son tableau selon les couleurs qui luy paroissent dans le naturel, il faut qu’il soit extraordinairement soigneux d’observer dans la Nature de quelle maniere elles y paroissent : c’est à dire qu’il doit, en considerant les corps des hommes, regarder de quelle façon ils sont colorez ; quelles parties sont plus vives, & quelles parties sont plus claires ; celles qui sont plus rouges & celles qui ont une apparence un peu bluastre, comme sont d’ordinaire les chairs plus délicates ; & prendre bien garde comment toutes ces differentes couleurs s’unissent & se meslent si bien ensemble, qu’il semble qu’une infinité de diverses teintes ne fassent qu’une seule couleur.
Quand un Peintre sçait mesler ses couleurs, les lier & noyer tendrement, on appelle cela bien peindre ; C’est la partie qu’avoit le Corege, comme je vous ay dit assez de fois, & ce beau meslange de couleurs non seulement se doit faire dans les superficies égales en clarté, mais encore dans la jonction ou nouëment des parties claires avec les brunes.
Ce nouëment, interrompit Pymandre, & ce meslange de couleurs qui se fait avec tendresse, est-ce point ce que Pline appelle commissura & transitus colorum ? Et ce qu’Ovide entend lors qu’il parle des couleurs de l’arc-en-ciel, quand il dit :
In quo diversiniteant cum mille colores,
Transitus ipse tamen spectantia lumina fallit,
Usque adeo quod tangit idem & tamen ultima distant. {Ovid. 6. Meth. v. 65.}
Quand un Peintre sçait mesler ses couleurs, les lier & noyer tendrement, on appelle cela bien peindre ; C’est la partie qu’avoit le Corege, comme je vous ay dit assez de fois, & ce beau meslange de couleurs non seulement se doit faire dans les superficies égales en clarté, mais encore dans la jonction ou nouëment des parties claires avec les brunes.
Ce nouëment, interrompit Pymandre, & ce meslange de couleurs qui se fait avec tendresse, est-ce point ce que Pline appelle commissura & transitus colorum ? Et ce qu’Ovide entend lors qu’il parle des couleurs de l’arc-en-ciel, quand il dit :
In quo diversiniteant cum mille colores,
Transitus ipse tamen spectantia lumina fallit,
Usque adeo quod tangit idem & tamen ultima distant. {Ovid. 6. Meth. v. 65.}
Je ne croy pas qu’on puisse mieux exprimer le passage presqu’insensible qui se fait d’une couleur à une autre. Il me souvient que Philostrate traitant de l’education d’Achilles, observe que ce qui paroissoit de plus merveilleux dans la representation de Chiron peint en Centaure, estoit l’assemblage de la Nature humaine avec celle du cheval, que le Peintre avoit si adroitement jointes ensemble, qu’on ne pouvoit connoistre la separation de l’une d’avec l’autre, ny s’apercevoir où elle commençoit, & où elle finissoit.
Les plus beaux exemples qu’un en voye dans la peinture, repartis-je sont dans la Gallerie de Farnese, où les Caraches ont representé Persée qui change des hommes en pierres : Et dans le Cabinet du Roy, où le Guide a peint le Cantaure Nesse qui enleve Dejanire.
CARRACCI, Annibale, Persée et Phinéas, v. 1597 - 1602, fresque, 220 x 480, Roma, Palazzo Farnese.
RENI, Guido, Déjanire enlevée par le centaure Nessus, 1617 - 1621, huile sur toile, 239 x 193, Paris, Musée du Louvre, Inv. 537.
Conceptual field(s)
CARRACCI, Annibale, Persée et Phinéas, v. 1597 - 1602, fresque, 220 x 480, Roma, Palazzo Farnese.
RENI, Guido, Déjanire enlevée par le centaure Nessus, 1617 - 1621, huile sur toile, 239 x 193, Paris, Musée du Louvre, Inv. 537.
Conceptual field(s)
CARRACCI, Annibale, Persée et Phinéas, v. 1597 - 1602, fresque, 220 x 480, Roma, Palazzo Farnese.
RENI, Guido, Déjanire enlevée par le centaure Nessus, 1617 - 1621, huile sur toile, 239 x 193, Paris, Musée du Louvre, Inv. 537.
Conceptual field(s)
Quand un Peintre sçait mesler ses couleurs, les lier & noyer tendrement, on appelle cela bien peindre ; C’est la partie qu’avoit le Corege, comme je vous ay dit assez de fois, & ce beau meslange de couleurs non seulement se doit faire dans les superficies égales en clarté, mais encore dans la jonction ou nouëment des parties claires avec les brunes.
Ce nouëment, interrompit Pymandre, & ce meslange de couleurs qui se fait avec tendresse, est-ce point ce que Pline appelle commissura & transitus colorum ? Et ce qu’Ovide entend lors qu’il parle des couleurs de l’arc-en-ciel, quand il dit :
In quo diversiniteant cum mille colores,
Transitus ipse tamen spectantia lumina fallit,
Usque adeo quod tangit idem & tamen ultima distant. {Ovid. 6. Meth. v. 65.}
Je ne croy pas qu’on puisse mieux exprimer le passage presqu’insensible qui se fait d’une couleur à une autre. Il me souvient que Philostrate traitant de l’education d’Achilles, observe que ce qui paroissoit de plus merveilleux dans la representation de Chiron peint en Centaure, estoit l’assemblage de la Nature humaine avec celle du cheval, que le Peintre avoit si adroitement jointes ensemble, qu’on ne pouvoit connoistre la separation de l’une d’avec l’autre, ny s’apercevoir où elle commençoit, & où elle finissoit.
CARRACCI, Annibale, Persée et Phinéas, v. 1597 - 1602, fresque, 220 x 480, Roma, Palazzo Farnese.
RENI, Guido, Déjanire enlevée par le centaure Nessus, 1617 - 1621, huile sur toile, 239 x 193, Paris, Musée du Louvre, Inv. 537.
Conceptual field(s)
Mais il y a de la difference de cette manière de passer d’une couleur à une autre, à cette autre union & à ce passage de couleurs dont nous venons de parler. Quoy que ce soit une chose tres-estimable de bien unir ensemble les couleurs pour joindre des corps de differentes especes, ce n’est rien neanmoins en comparaison de sçavoir peindre les contours & les extremitez de tous les corps en general, & faire qu’ils se perdent par une suite & un détour insensible, qui trompe la veuë de telle sorte qu’on ne laisse pas d’y comprendre ce qui ne se voit point.
CARRACCI, Annibale, Persée et Phinéas, v. 1597 - 1602, fresque, 220 x 480, Roma, Palazzo Farnese.
RENI, Guido, Déjanire enlevée par le centaure Nessus, 1617 - 1621, huile sur toile, 239 x 193, Paris, Musée du Louvre, Inv. 537.
Anciens (les)
CARRACCI, les
IL CORREGGIO (Antonio Allegri)
OVIDIUS
PARRHASIUS (Parrhasios)
PHILOSTRATOS
PLINIUS, L'Ancien
RENI, Guido
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
Conceptual field(s)
Mais il y a de la difference de cette manière de passer d’une couleur à une autre, à cette autre union & à ce passage de couleurs dont nous venons de parler. Quoy que ce soit une chose tres-estimable de bien unir ensemble les couleurs pour joindre des corps de differentes especes, ce n’est rien neanmoins en comparaison de sçavoir peindre les contours & les extremitez de tous les corps en general, & faire qu’ils se perdent par une suite & un détour insensible, qui trompe la veuë de telle sorte qu’on ne laisse pas d’y comprendre ce qui ne se voit point. Parrhasius fut celui des Peintres anciens qui posseda parfaitement cette science. Pline, qui en a fait la remarque, considere cette partie comme la plus difficile & la plus importante de la Peinture, parce, dit-il, qu’encore qu’il soit toujours avantageux de bien peindre le milieu des corps, c’est pourtant une chose ou plusieurs ont acquis de la gloire ; mais d’en bien tracer les contours ; les faire fuir, & par le moyen de ces affoiblissemens, faire en sorte qu’il semble qu’on aille voir d’une figure ce qui est caché ; c’est en quoy consiste la perfection de l’art, & ce qui ne s’apprend pas sans beaucoup de peine.
C’est aussi ce qui donne du relief aux corps, & qui dépend non seulement de l’affoiblissement des couleurs, mais encore de celuy des lumieres & des ombres. Les Anciens avoient raison de priser cette partie, parce qu’il faut beaucoup de connoissance pour la posseder. Si vous me demandez quels moyens les Peintres peuvent avoir pour l’acquerir, je vous diray que je n’en voy point de plus propre que les continuelles observations des differens effets de la lumiere & de l’ombre, qu’ils peuvent faire sur le naturel ; & en suitte d’imiter ces effets dans leurs tableaux par le moyen des couleurs & des teintes qu’il faut fortifier ou affoiblir selon qu’ils le jugeront necessaire.
CARRACCI, Annibale, Persée et Phinéas, v. 1597 - 1602, fresque, 220 x 480, Roma, Palazzo Farnese.
CARRACCI, les, Fresques de la galerie Farnèse, 1597 - 1607, fresque, Roma, Palazzo Farnese.
RENI, Guido, Déjanire enlevée par le centaure Nessus, 1617 - 1621, huile sur toile, 239 x 193, Paris, Musée du Louvre, Inv. 537.
Conceptual field(s)
Conceptual field(s)
Mais il y a de la difference de cette manière de passer d’une couleur à une autre, à cette autre union & à ce passage de couleurs dont nous venons de parler. Quoy que ce soit une chose tres-estimable de bien unir ensemble les couleurs pour joindre des corps de differentes especes, ce n’est rien neanmoins en comparaison de sçavoir peindre les contours & les extremitez de tous les corps en general, & faire qu’ils se perdent par une suite & un détour insensible, qui trompe la veuë de telle sorte qu’on ne laisse pas d’y comprendre ce qui ne se voit point. Parrhasius fut celui des Peintres anciens qui posseda parfaitement cette science. Pline, qui en a fait la remarque, considere cette partie comme la plus difficile & la plus importante de la Peinture, parce, dit-il, qu’encore qu’il soit toujours avantageux de bien peindre le milieu des corps, c’est pourtant une chose ou plusieurs ont acquis de la gloire ; mais d’en bien tracer les contours ; les faire fuir, & par le moyen de ces affoiblissemens, faire en sorte qu’il semble qu’on aille voir d’une figure ce qui est caché ; c’est en quoy consiste la perfection de l’art, & ce qui ne s’apprend pas sans beaucoup de peine.
Anciens (les)
PARRHASIUS (Parrhasios)
PLINIUS, L'Ancien
Conceptual field(s)
C’est aussi ce qui donne du relief aux corps, & qui dépend non seulement de l’affoiblissement des couleurs, mais encore de celuy des lumieres & des ombres. Les Anciens avoient raison de priser cette partie, parce qu’il faut beaucoup de connoissance pour la posseder. Si vous me demandez quels moyens les Peintres peuvent avoir pour l’acquerir, je vous diray que je n’en voy point de plus propre que les continuelles observations des differens effets de la lumiere & de l’ombre, qu’ils peuvent faire sur le naturel ; & en suitte d’imiter ces effets dans leurs tableaux par le moyen des couleurs & des teintes qu’il faut fortifier ou affoiblir selon qu’ils le jugeront necessaire.
Anciens (les)
PARRHASIUS (Parrhasios)
PLINIUS, L'Ancien
Conceptual field(s)
[...] c’est improprement que l’on appelle Perspective aërienne ce qui regarde la diminution des couleurs, & ce n’est que par analogie qu’on la nomme ainsi ; parce que la vraye Perspective pratique n’est que des figures dont la grandeur diminuë selon l’éloignement, & se represente par des lignes que l’on tire : au lieu que la diminution des couleurs ne va que dans le plus ou le moins de la lumiere, dont l’on ne peut donner de regles.
[...] Pour la bien pratiquer on doit prendre garde qu’encore que l’air soit un corps diaphane, au travers duquel la lumière du Soleil passe avant que de se repandre sur les autres corps, on ne peut considerer les effets de la lumière du Soleil, sans concevoir l’impression qu’elle reçoit en passant au travers de l’air, qui est susceptible de plusieurs changemens, estant plus épais dans des temps & dans des lieux qu’en d’autres.
[…] Pour ce qui est de la Perspective aërienne il faut concevoir que l’air est comme je viens de dire un corps diaphane, parce qu’il est coloré, au travers duquel on voit les objets, qui prenant davantage de la couleur de ce corps à mesure qu’ils s’éloignent, viennent peu à peu à se perdre & à se confondre. [...] Tout de mesme quand les images des objets passent au travers de l’air, ils diminuent & s’affoiblissent à proportion de la quantité d’air qui est entre eux & l’œil qui les voit.
Mais parce que l’air n’est pas toujours également pur par tout : qu’il peut recevoir des lumières particulières, comme quand on voit une tour qui paroist le matin au lever du soleil environnée d’une legere vapeur dans la partie la plus proche de la terre, & dont le haut au contraire est éclairé du Soleil, ce que le Poussin & Claude le Lorrain ont parfaitement bien représenté dans des païsages. Et parce encore que les objets peuvent aussi estre plus ou moins susceptibles de la couleur de l’air, & d’eux-mesmes plus sensibles à la veuë les uns que les autres, il y a diverses choses qu’il faut observer dans la Nature, & dont l’on ne peut faire des regles assurées.
Par exemple le vert & le rouge mis dans une mesme distance feront une sensation differente à nostre veuë, non seulement par les qualitez propres de ces deux couleurs ; mais parce que le vert estant plus capable de prendre la couleur de l’air, qui est bleuë, que non pas le rouge, il paroistra plus éloigné, puisqu’il pert davantage de se veritable couleur, qui se confond plus aisément que le rouge avec celles de l’air. Voilà quant à la qualité des couleurs dans un mesme air & dans une mesme distance. Voyons ce que fait une mesme couleur dans une mesme distance, mais dans deux situations differentes où l’air soit plus espais en l’une qu’en l’autre. Si une personne vestuë de blanc ou une figure de marbre ou de plastre, si vous voulez, est posée dans un lieu où l’air soit purifié, il est certain qu’elle paroistra plus blanche & plus proche qu’une autre qui sera dans un air plus épais, quoy qu’elles soient dans une égale distance, & de pareille grandeur & blancheur, parce que la grande épaisseur de l’air où elle se trouve esteindra son blanc, & la fera paroistre plus bluastre. C’est pourquoi il est fort difficile de donner des moyens asseurez pour affoiblir les couleurs selon la perspective, puisque cela dépend de la disposition de l’air, de la lumiere qui les éclaire, & encore de la force mesme des couleurs.
Conceptual field(s)
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[...] c’est improprement que l’on appelle Perspective aërienne ce qui regarde la diminution des couleurs, & ce n’est que par analogie qu’on la nomme ainsi ; parce que la vraye Perspective pratique n’est que des figures dont la grandeur diminuë selon l’éloignement, & se represente par des lignes que l’on tire : au lieu que la diminution des couleurs ne va que dans le plus ou le moins de la lumiere, dont l’on ne peut donner de regles.
[...] c’est improprement que l’on appelle Perspective aërienne ce qui regarde la diminution des couleurs, & ce n’est que par analogie qu’on la nomme ainsi ; parce que la vraye Perspective pratique n’est que des figures dont la grandeur diminuë selon l’éloignement, & se represente par des lignes que l’on tire : au lieu que la diminution des couleurs ne va que dans le plus ou le moins de la lumiere, dont l’on ne peut donner de regles.
[...] Pour la bien pratiquer on doit prendre garde qu’encore que l’air soit un corps diaphane, au travers duquel la lumière du Soleil passe avant que de se repandre sur les autres corps, on ne peut considerer les effets de la lumière du Soleil, sans concevoir l’impression qu’elle reçoit en passant au travers de l’air, qui est susceptible de plusieurs changemens, estant plus épais dans des temps & dans des lieux qu’en d’autres.
[…] Pour ce qui est de la Perspective aërienne il faut concevoir que l’air est comme je viens de dire un corps diaphane, parce qu’il est coloré, au travers duquel on voit les objets, qui prenant davantage de la couleur de ce corps à mesure qu’ils s’éloignent, viennent peu à peu à se perdre & à se confondre. Je ne puis me servir d’un exemple plus propre à ce sujet que ce qui nous paroist tous les jours dans l’eau. Si nous jettons les yeux sur quelque lac ou sur quelque riviere pour regarder au fond ; & qu’il y ait des poissons qui nagent, alors nous voyons distinctement dans ceux qui s’approchent le plus prés de la surface de l’eau, leur forme & la couleur de leurs écailles. Ceux qui seront plus bas nous sembleront moins colorez ; & à mesure qu’ils s’enfoncent plus avant & qu’ils s’éloigneront de nous, ils prendront davantage de la couleur de l’eau, jusques-là qu’on en verra quelques-uns qui ne paroistront que des ombres, d’autres qui seront comme l’eau mesme ; enfin quoy qu’il y en ait, nous ne verrons plus rien, si ce n’est qu’il nous semblera qu’il doit y en avoir encore. Tout de mesme quand les images des objets passent au travers de l’air, ils diminuent & s’affoiblissent à proportion de la quantité d’air qui est entre eux & l’œil qui les voit.
Mais parce que l’air n’est pas toujours également pur par tout : qu’il peut recevoir des lumières particulières, comme quand on voit une tour qui paroist le matin au lever du soleil environnée d’une legere vapeur dans la partie la plus proche de la terre, & dont le haut au contraire est éclairé du Soleil, ce que le Poussin & Claude le Lorrain ont parfaitement bien représenté dans des païsages. Et parce encore que les objets peuvent aussi estre plus ou moins susceptibles de la couleur de l’air, & d’eux-mesmes plus sensibles à la veuë les uns que les autres, il y a diverses choses qu’il faut observer dans la Nature, & dont l’on ne peut faire des regles assurées.
Par exemple le vert & le rouge mis dans une mesme distance feront une sensation differente à nostre veuë, non seulement par les qualitez propres de ces deux couleurs ; mais parce que le vert estant plus capable de prendre la couleur de l’air, qui est bleuë, que non pas le rouge, il paroistra plus éloigné, puisqu’il pert davantage de se veritable couleur, qui se confond plus aisément que le rouge avec celles de l’air. Voilà quant à la qualité des couleurs dans un mesme air & dans une mesme distance. Voyons ce que fait une mesme couleur dans une mesme distance, mais dans deux situations differentes où l’air soit plus espais en l’une qu’en l’autre. Si une personne vestuë de blanc ou une figure de marbre ou de plastre, si vous voulez, est posée dans un lieu où l’air soit purifié, il est certain qu’elle paroistra plus blanche & plus proche qu’une autre qui sera dans un air plus épais, quoy qu’elles soient dans une égale distance, & de pareille grandeur & blancheur, parce que la grande épaisseur de l’air où elle se trouve esteindra son blanc, & la fera paroistre plus bluastre. C’est pourquoi il est fort difficile de donner des moyens asseurez pour affoiblir les couleurs selon la perspective, puisque cela dépend de la disposition de l’air, de la lumiere qui les éclaire, & encore de la force mesme des couleurs.
C’est pourquoi il est fort difficile de donner des moyens asseurez pour affoiblir les couleurs selon la perspective, puisque cela dépend de la disposition de l’air, de la lumiere qui les éclaire, & encore de la force mesme des couleurs.
Cependant comme tous les objets se monstrent à nous par des lignes qui forment une Pyramide dont la pointe est dans notre œil & la base sur la surface des corps, il faut que le Peintre s’imagine qu’il sort un nombre infini de lignes de tous les corps, lesquelles luy en apportent la figure & la couleur. Que plus ces lignes sont longues, c’est à dire plus l’objet est éloigné de l’œil, & plus elles sont teintes & chargées de la couleur de l’air, qui diminuë la couleur naturelle de l’objet ; Outre cela ces mesmes lignes se communiquent les unes aux autres les couleurs qui sont particulieres à chacunes d’elles, ce qui se fait si insensiblement qu’on ne s’apperçoit d’aucun changement, ainsi que vous le disiez tout à l’heure en parlant de la nuance des couleurs de l’Arc-en-Ciel. Et c’est ce qui est cause que plus les corps sont éloignez, & moins nous en découvrons les veritables couleurs, & la vraye forme des contours, parceque les uns & les autres s’unissent ou à d’autres corps qui en sont plus proches, ou mesme à l’air qui passe à costé qui en diminuë & altere quelque partie : ce qui doit obliger le Peintre à faire en sorte que ses figures tiennent toujours de la couleur du champ où elles sont, principalement dans leurs extremitez.
[...] c’est improprement que l’on appelle Perspective aërienne ce qui regarde la diminution des couleurs, & ce n’est que par analogie qu’on la nomme ainsi ; parce que la vraye Perspective pratique n’est que des figures dont la grandeur diminuë selon l’éloignement, & se represente par des lignes que l’on tire : au lieu que la diminution des couleurs ne va que dans le plus ou le moins de la lumiere, dont l’on ne peut donner de regles.
[...] Pour la bien pratiquer on doit prendre garde qu’encore que l’air soit un corps diaphane, au travers duquel la lumière du Soleil passe avant que de se repandre sur les autres corps, on ne peut considerer les effets de la lumière du Soleil, sans concevoir l’impression qu’elle reçoit en passant au travers de l’air, qui est susceptible de plusieurs changemens, estant plus épais dans des temps & dans des lieux qu’en d’autres.
[…] Pour ce qui est de la Perspective aërienne il faut concevoir que l’air est comme je viens de dire un corps diaphane, parce qu’il est coloré, au travers duquel on voit les objets, qui prenant davantage de la couleur de ce corps à mesure qu’ils s’éloignent, viennent peu à peu à se perdre & à se confondre. Je ne puis me servir d’un exemple plus propre à ce sujet que ce qui nous paroist tous les jours dans l’eau. Si nous jettons les yeux sur quelque lac ou sur quelque riviere pour regarder au fond ; & qu’il y ait des poissons qui nagent, alors nous voyons distinctement dans ceux qui s’approchent le plus prés de la surface de l’eau, leur forme & la couleur de leurs écailles. Ceux qui seront plus bas nous sembleront moins colorez ; & à mesure qu’ils s’enfoncent plus avant & qu’ils s’éloigneront de nous, ils prendront davantage de la couleur de l’eau, jusques-là qu’on en verra quelques-uns qui ne paroistront que des ombres, d’autres qui seront comme l’eau mesme ; enfin quoy qu’il y en ait, nous ne verrons plus rien, si ce n’est qu’il nous semblera qu’il doit y en avoir encore. Tout de mesme quand les images des objets passent au travers de l’air, ils diminuent & s’affoiblissent à proportion de la quantité d’air qui est entre eux & l’œil qui les voit.
Mais parce que l’air n’est pas toujours également pur par tout : qu’il peut recevoir des lumières particulières, comme quand on voit une tour qui paroist le matin au lever du soleil environnée d’une legere vapeur dans la partie la plus proche de la terre, & dont le haut au contraire est éclairé du Soleil, ce que le Poussin & Claude le Lorrain ont parfaitement bien représenté dans des païsages. Et parce encore que les objets peuvent aussi estre plus ou moins susceptibles de la couleur de l’air, & d’eux-mesmes plus sensibles à la veuë les uns que les autres, il y a diverses choses qu’il faut observer dans la Nature, & dont l’on ne peut faire des regles assurées.
Par exemple le vert & le rouge mis dans une mesme distance feront une sensation differente à nostre veuë, non seulement par les qualitez propres de ces deux couleurs ; mais parce que le vert estant plus capable de prendre la couleur de l’air, qui est bleuë, que non pas le rouge, il paroistra plus éloigné, puisqu’il pert davantage de se veritable couleur, qui se confond plus aisément que le rouge avec celles de l’air. Voilà quant à la qualité des couleurs dans un mesme air & dans une mesme distance. Voyons ce que fait une mesme couleur dans une mesme distance, mais dans deux situations differentes où l’air soit plus espais en l’une qu’en l’autre. Si une personne vestuë de blanc ou une figure de marbre ou de plastre, si vous voulez, est posée dans un lieu où l’air soit purifié, il est certain qu’elle paroistra plus blanche & plus proche qu’une autre qui sera dans un air plus épais, quoy qu’elles soient dans une égale distance, & de pareille grandeur & blancheur, parce que la grande épaisseur de l’air où elle se trouve esteindra son blanc, & la fera paroistre plus bluastre. C’est pourquoi il est fort difficile de donner des moyens asseurez pour affoiblir les couleurs selon la perspective, puisque cela dépend de la disposition de l’air, de la lumiere qui les éclaire, & encore de la force mesme des couleurs.
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Tout de mesme quand les images des objets passent au travers de l’air, ils diminuent & s’affoiblissent à proportion de la quantité d’air qui est entre eux & l’œil qui les voit.
Mais parce que l’air n’est pas toujours également pur par tout :
[…] Pour ce qui est de la Perspective aërienne il faut concevoir que l’air est comme je viens de dire un corps diaphane, parce qu’il est coloré, au travers duquel on voit les objets, qui prenant davantage de la couleur de ce corps à mesure qu’ils s’éloignent, viennent peu à peu à se perdre & à se confondre. Je ne puis me servir d’un exemple plus propre à ce sujet que ce qui nous paroist tous les jours dans l’eau. Si nous jettons les yeux sur quelque lac ou sur quelque riviere pour regarder au fond ; & qu’il y ait des poissons qui nagent, alors nous voyons distinctement dans ceux qui s’approchent le plus prés de la surface de l’eau, leur forme & la couleur de leurs écailles. Ceux qui seront plus bas nous sembleront moins colorez ; & à mesure qu’ils s’enfoncent plus avant & qu’ils s’éloigneront de nous, ils prendront davantage de la couleur de l’eau, jusques-là qu’on en verra quelques-uns qui ne paroistront que des ombres, d’autres qui seront comme l’eau mesme ; enfin quoy qu’il y en ait, nous ne verrons plus rien, si ce n’est qu’il nous semblera qu’il doit y en avoir encore. Tout de mesme quand les images des objets passent au travers de l’air, ils diminuent & s’affoiblissent à proportion de la quantité d’air qui est entre eux & l’œil qui les voit.
Mais parce que l’air n’est pas toujours également pur par tout : qu’il peut recevoir des lumières particulières, comme quand on voit une tour qui paroist le matin au lever du soleil environnée d’une legere vapeur dans la partie la plus proche de la terre, & dont le haut au contraire est éclairé du Soleil, ce que le Poussin & Claude le Lorrain ont parfaitement bien représenté dans des païsages. Et parce encore que les objets peuvent aussi estre plus ou moins susceptibles de la couleur de l’air, & d’eux-mesmes plus sensibles à la veuë les uns que les autres, il y a diverses choses qu’il faut observer dans la Nature, & dont l’on ne peut faire des regles assurées.
Par exemple le vert & le rouge mis dans une mesme distance feront une sensation differente à nostre veuë, non seulement par les qualitez propres de ces deux couleurs ; mais parce que le vert estant plus capable de prendre la couleur de l’air, qui est bleuë, que non pas le rouge, il paroistra plus éloigné, puisqu’il pert davantage de se veritable couleur, qui se confond plus aisément que le rouge avec celles de l’air. Voilà quant à la qualité des couleurs dans un mesme air & dans une mesme distance. Voyons ce que fait une mesme couleur dans une mesme distance, mais dans deux situations differentes où l’air soit plus espais en l’une qu’en l’autre. Si une personne vestuë de blanc ou une figure de marbre ou de plastre, si vous voulez, est posée dans un lieu où l’air soit purifié, il est certain qu’elle paroistra plus blanche & plus proche qu’une autre qui sera dans un air plus épais, quoy qu’elles soient dans une égale distance, & de pareille grandeur & blancheur, parce que la grande épaisseur de l’air où elle se trouve esteindra son blanc, & la fera paroistre plus bluastre. C’est pourquoi il est fort difficile de donner des moyens asseurez pour affoiblir les couleurs selon la perspective, puisque cela dépend de la disposition de l’air, de la lumiere qui les éclaire, & encore de la force mesme des couleurs.
C’est pourquoi il est fort difficile de donner des moyens asseurez pour affoiblir les couleurs selon la perspective, puisque cela dépend de la disposition de l’air, de la lumiere qui les éclaire, & encore de la force mesme des couleurs.
Cependant comme tous les objets se monstrent à nous par des lignes qui forment une Pyramide dont la pointe est dans notre œil & la base sur la surface des corps, il faut que le Peintre s’imagine qu’il sort un nombre infini de lignes de tous les corps, lesquelles luy en apportent la figure & la couleur. Que plus ces lignes sont longues, c’est à dire plus l’objet est éloigné de l’œil, & plus elles sont teintes & chargées de la couleur de l’air, qui diminuë la couleur naturelle de l’objet ; Outre cela ces mesmes lignes se communiquent les unes aux autres les couleurs qui sont particulieres à chacunes d’elles, ce qui se fait si insensiblement qu’on ne s’apperçoit d’aucun changement, ainsi que vous le disiez tout à l’heure en parlant de la nuance des couleurs de l’Arc-en-Ciel. Et c’est ce qui est cause que plus les corps sont éloignez, & moins nous en découvrons les veritables couleurs, & la vraye forme des contours, parceque les uns & les autres s’unissent ou à d’autres corps qui en sont plus proches, ou mesme à l’air qui passe à costé qui en diminuë & altere quelque partie : ce qui doit obliger le Peintre à faire en sorte que ses figures tiennent toujours de la couleur du champ où elles sont, principalement dans leurs extremitez.
Mais si les corps se changent par la nature de leur propre couleur selon les airs & les distances differentes, ils reçoivent encore du changement selon leurs diverses figures. Car ceux qui sont spheriques ou concaves, prennent d’autres apparences que ceux qui sont plats & uniformes, selon la position de la lumiere, ou de l’œil qui les regarde.
Et parce qu’il est certain que les couleurs changent principalement par le moyen des lumieres ; & que dans l’ombre elles ne paroissent point à l’œil comme quand elles sont exposées dans un grand jour, il faut considerer de quelle maniere l’ombre cache & offusque la couleur, & de quelle sorte le jour la découvre & luy rend son lustre
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Et parce encore que les objets peuvent aussi estre plus ou moins susceptibles de la couleur de l’air, & d’eux-mesmes plus sensibles à la veuë les uns que les autres, il y a diverses choses qu’il faut observer dans la Nature, & dont l’on ne peut faire des regles assurées.
Par exemple le vert & le rouge mis dans une mesme distance feront une sensation differente à nostre veuë, non seulement par les qualitez propres de ces deux couleurs ; mais parce que le vert estant plus capable de prendre la couleur de l’air, qui est bleuë, que non pas le rouge, il paroistra plus éloigné, puisqu’il pert davantage de se veritable couleur, qui se confond plus aisément que le rouge avec celles de l’air.
Et parce encore que les objets peuvent aussi estre plus ou moins susceptibles de la couleur de l’air, & d’eux-mesmes plus sensibles à la veuë les uns que les autres, il y a diverses choses qu’il faut observer dans la Nature, & dont l’on ne peut faire des regles assurées.
Par exemple le vert & le rouge mis dans une mesme distance feront une sensation differente à nostre veuë, non seulement par les qualitez propres de ces deux couleurs ; mais parce que le vert estant plus capable de prendre la couleur de l’air, qui est bleuë, que non pas le rouge, il paroistra plus éloigné, puisqu’il pert davantage de se veritable couleur, qui se confond plus aisément que le rouge avec celles de l’air. Voilà quant à la qualité des couleurs dans un mesme air & dans une mesme distance.
C’est pourquoi il est fort difficile de donner des moyens asseurez pour affoiblir les couleurs selon la perspective, puisque cela dépend de la disposition de l’air, de la lumiere qui les éclaire, & encore de la force mesme des couleurs.
Mais si les corps se changent par la nature de leur propre couleur selon les airs & les distances differentes, ils reçoivent encore du changement selon leurs diverses figures. Car ceux qui sont spheriques ou concaves, prennent d’autres apparences que ceux qui sont plats & uniformes, selon la position de la lumiere, ou de l’œil qui les regarde.
Et parce qu’il est certain que les couleurs changent principalement par le moyen des lumieres ; & que dans l’ombre elles ne paroissent point à l’œil comme quand elles sont exposées dans un grand jour, il faut considerer de quelle maniere l’ombre cache & offusque la couleur, & de quelle sorte le jour la découvre & luy rend son lustre.
[...] Il n’est pas besoin de rechercher icy de quelle sorte les couleurs s’engendrent : si c’est du mélange des parties rares ou compactes, qui sont de differentes reflexions ; ou si c’est du mélange de la reflexion & de la réfraction de la lumiere jointe ensemble, qui est l’opinion la plus probable : Car il n’est pas necessaire au Peintre de sçavoir la nature & les causes des couleurs, mais seulement d’observer leurs effets.
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[…] il y a trois couleurs premieres qui ne peuvent estre parfaitement composées d’aucune autre, mais dont toutes les autres sont composées ; sçavoir le jaune, le rouge & le bleu. Car le jaune & le rouge meslez ensemble font l’orengé ; du jaune & du bleu il en naist le vert ;
[…] il y a trois couleurs premieres qui ne peuvent estre parfaitement composées d’aucune autre, mais dont toutes les autres sont composées ; sçavoir le jaune, le rouge & le bleu. Car le jaune & le rouge meslez ensemble font l’orengé ; du jaune & du bleu il en naist le vert ; & le pourpre est engendré par le mélange du rouge & du bleu.
[…] il y a trois couleurs premieres qui ne peuvent estre parfaitement composées d’aucune autre, mais dont toutes les autres sont composées ; sçavoir le jaune, le rouge & le bleu. Car le jaune & le rouge meslez ensemble font l’orengé ; du jaune & du bleu il en naist le vert ; & le pourpre est engendré par le mélange du rouge & du bleu.
[…] il y a trois couleurs premieres qui ne peuvent estre parfaitement composées d’aucune autre, mais dont toutes les autres sont composées ; sçavoir le jaune, le rouge & le bleu. Car le jaune & le rouge meslez ensemble font l’orengé ; du jaune & du bleu il en naist le vert ; & le pourpre est engendré par le mélange du rouge & du bleu. De sorte que si de toutes ces couleurs l’on en forme une nuance, les unissant doucement les unes avec les autres, il s’en forme une harmonie comme dans la Musique ; [...] Or supposé qu’il n’y ait que trois couleurs principales dont toutes les autres sont engendrées ; Car le nombre des couleurs importe fort peu à un Peintre, pourveu qu’il ait celles qui luy sont necessaires quand il travaille. Cela supposé, dis-je, il doit prendre garde lors qu’il les employe de quelle sorte il les met les unes auprés des autres pour produire cette harmonie dont nous venons de parler ; parce qu’entre toutes les couleurs, soit qu’elles soient simples, soit qu’elles soient mélangées, il y a une amitié & une convenance qui donne aux ouvrages de Peinture une beauté & une grace toute extraordinaire, lors qu’elles sont bien placées les unes auprés des autres.
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[…] il y a trois couleurs premieres qui ne peuvent estre parfaitement composées d’aucune autre, mais dont toutes les autres sont composées ; sçavoir le jaune, le rouge & le bleu. Car le jaune & le rouge meslez ensemble font l’orengé ; du jaune & du bleu il en naist le vert ; & le pourpre est engendré par le mélange du rouge & du bleu. De sorte que si de toutes ces couleurs l’on en forme une nuance, les unissant doucement les unes avec les autres, il s’en forme une harmonie comme dans la Musique ; Ce que M. de la Chambre a décrit dans un de ses ouvrages : Estant vray qu’il y a une si grande ressemblance entre les tons de Musique & les degrez des couleurs, que du bel arrangement qu’on peut faire de celles-cy, il s’en forme un concert doux à la veuë, qu’un accord de voix peut estre agreable aux oreilles, & c’est cette science qui fait naistre la douceur, la grace, & la force dans les couleurs d’un tableau. Car de mesme qu’il n’y a qu’un certain nombre de consonances dans la Musique, dont on peut, en les assemblant, faire une diversité de modulations & d’harmonies ; aussi par le mélange d’un petit nombre de couleurs, il s’en peut faire des especes sans nombres. Et comme dans la Musique le grave & l’aigu ne font point d’eux mesme de tons, parce qu’ils sont dans tous les tons ; ainsi le blanc & le noir ne sont point des couleurs, parce qu’ils se rencontrent dans toutes les couleurs.
Or supposé qu’il n’y ait que trois couleurs principales dont toutes les autres sont engendrées ; Car le nombre des couleurs importe fort peu à un Peintre, pourveu qu’il ait celles qui luy sont necessaires quand il travaille. Cela supposé, dis-je, il doit prendre garde lors qu’il les employe de quelle sorte il les met les unes auprés des autres pour produire cette harmonie dont nous venons de parler ; parce qu’entre toutes les couleurs, soit qu’elles soient simples, soit qu’elles soient mélangées, il y a une amitié & une convenance qui donne aux ouvrages de Peinture une beauté & une grace toute extraordinaire, lors qu’elles sont bien placées les unes auprés des autres.
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[…] il y a trois couleurs premieres qui ne peuvent estre parfaitement composées d’aucune autre, mais dont toutes les autres sont composées ; sçavoir le jaune, le rouge & le bleu. Car le jaune & le rouge meslez ensemble font l’orengé ; du jaune & du bleu il en naist le vert ; & le pourpre est engendré par le mélange du rouge & du bleu. De sorte que si de toutes ces couleurs l’on en forme une nuance, les unissant doucement les unes avec les autres, il s’en forme une harmonie comme dans la Musique ; Ce que M. de la Chambre a décrit dans un de ses ouvrages : Estant vray qu’il y a une si grande ressemblance entre les tons de Musique & les degrez des couleurs, que du bel arrangement qu’on peut faire de celles-cy, il s’en forme un concert doux à la veuë, qu’un accord de voix peut estre agreable aux oreilles, & c’est cette science qui fait naistre la douceur, la grace, & la force dans les couleurs d’un tableau.
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[…] il y a trois couleurs premieres qui ne peuvent estre parfaitement composées d’aucune autre, mais dont toutes les autres sont composées ; sçavoir le jaune, le rouge & le bleu. Car le jaune & le rouge meslez ensemble font l’orengé ; du jaune & du bleu il en naist le vert ; & le pourpre est engendré par le mélange du rouge & du bleu. De sorte que si de toutes ces couleurs l’on en forme une nuance, les unissant doucement les unes avec les autres, il s’en forme une harmonie comme dans la Musique ; Ce que M. de la Chambre a décrit dans un de ses ouvrages : Estant vray qu’il y a une si grande ressemblance entre les tons de Musique & les degrez des couleurs, que du bel arrangement qu’on peut faire de celles-cy, il s’en forme un concert doux à la veuë, qu’un accord de voix peut estre agreable aux oreilles, & c’est cette science qui fait naistre la douceur, la grace, & la force dans les couleurs d’un tableau. Car de mesme qu’il n’y a qu’un certain nombre de consonances dans la Musique,
[…] il y a trois couleurs premieres qui ne peuvent estre parfaitement composées d’aucune autre, mais dont toutes les autres sont composées ; sçavoir le jaune, le rouge & le bleu. Car le jaune & le rouge meslez ensemble font l’orengé ; du jaune & du bleu il en naist le vert ; & le pourpre est engendré par le mélange du rouge & du bleu. De sorte que si de toutes ces couleurs l’on en forme une nuance, les unissant doucement les unes avec les autres, il s’en forme une harmonie comme dans la Musique ; Ce que M. de la Chambre a décrit dans un de ses ouvrages : Estant vray qu’il y a une si grande ressemblance entre les tons de Musique & les degrez des couleurs, que du bel arrangement qu’on peut faire de celles-cy, il s’en forme un concert doux à la veuë, qu’un accord de voix peut estre agreable aux oreilles, & c’est cette science qui fait naistre la douceur, la grace, & la force dans les couleurs d’un tableau. Car de mesme qu’il n’y a qu’un certain nombre de consonances dans la Musique, dont on peut, en les assemblant, faire une diversité de modulations & d’harmonies ; aussi par le mélange d’un petit nombre de couleurs, il s’en peut faire des especes sans nombres.
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Et comme dans la Musique le grave & l’aigu ne font point d’eux mesme de tons, parce qu’ils sont dans tous les tons ; ainsi le blanc & le noir ne sont point des couleurs, parce qu’ils se rencontrent dans toutes les couleurs.
Or supposé qu’il n’y ait que trois couleurs principales dont toutes les autres sont engendrées ; Car le nombre des couleurs importe fort peu à un Peintre, pourveu qu’il ait celles qui luy sont necessaires quand il travaille. Cela supposé, dis-je, il doit prendre garde lors qu’il les employe de quelle sorte il les met les unes auprés des autres pour produire cette harmonie dont nous venons de parler ; parce qu’entre toutes les couleurs, soit qu’elles soient simples, soit qu’elles soient mélangées, il y a une amitié & une convenance qui donne aux ouvrages de Peinture une beauté & une grace toute extraordinaire, lors qu’elles sont bien placées les unes auprés des autres.
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[…] il [ndr : le peintre] ne reussira jamais bien dans ce qu’il entreprendra, s’il ne sçait temperer ses bruns & ses clairs, en sorte qu’ils fassent le mesme effet qui paroist dans les choses de relief. Pour cela il faut qu’en peignant la superficie d’un corps, sa couleur soit plus claire & plus lumineuse dans l’endroit où les rayons de lumiere doivent frapper davantage.
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Mais il est encore impossible de bien sçavoir l’effet des couleurs, si l’on n’a égard à la lumiere dont elles sont éclairées, & à l’ombre, qui les obscurcit. Car bien que les couleurs des corps solides demeurent stables, & dans leur nature sur les sujets où elles sont adherentes ; comme le blanc d’une statuë, le rouge d’un manteau, le vert d’un arbre, & ainsi du reste ; ces mesmes couleurs neanmoins paroissent tantost plus obscures, selon qu’elles recevront plus ou moins d’ombre & de lumiere.
Et parce que les lumieres & les ombres apportent du changement dans les couleurs, il faut donc que le Peintre fasse le plus d’observations qu’il pourra pour remarquer ces sortes d’alterations ; & qu’en premier lieu il se souvienne que la Peinture ne luy fournit que le noir & le blanc pour representer l’ombre & la lumiere, & que c’est avec ces deux couleurs qu’il peut rendre toutes les autres plus ou moins sensibles. Mais il doit estre fort judicieux & retenu quand il employe le blanc & le noir dans ses ouvrages, parce que comme les jours & les ombres donnent le relief & les enfoncemens aux corps, & aident à en faire paroistre les parties ou plus proches ou plus éloignées, il ne reussira jamais bien dans ce qu’il entreprendra, s’il ne sçait temperer ses bruns & ses clairs, en sorte qu’ils fassent le mesme effet qui paroist dans les choses de relief. Pour cela il faut qu’en peignant la superficie d’un corps, sa couleur soit plus claire & plus lumineuse dans l’endroit où les rayons de lumiere doivent frapper davantage. Et comme la lumiere viendra peu à peu à s’éteindre & à manquer, il faut aussi qu’il affoiblisse peu à peu la force de ses teintes. Mais parce qu’il n’y a jamais dans un corps aucune superficie éclairée de lumiere, qu’il ne s’en trouve une autre opposée à la lumineuse qui est dans l’ombre & dans l’obscurité, l’on doit prendre garde sur le naturel de quelle sorte les ombres répondent entre’elles dans les parties opposées à la lumiere selon les divers degrez d’éloignement. Par exemple, encore que le bleu d’un manteau soit égal dans toutes les parties de ce vestement, il fait neanmoins un autre effet dans les endroits où la lumiere frappe plus fort ; & il paroist d’une autre sorte dans les lieux où la lumière glisse, & dans ceux qui sont ombrez.
[…] il faut qu’en peignant la superficie d’un corps, sa couleur soit plus claire & plus lumineuse dans l’endroit où les rayons de lumiere doivent frapper davantage. Et comme la lumiere viendra peu à peu à s’éteindre & à manquer, il faut aussi qu’il affoiblisse peu à peu la force de ses teintes.
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Mais il est encore impossible de bien sçavoir l’effet des couleurs, si l’on n’a égard à la lumiere dont elles sont éclairées, & à l’ombre, qui les obscurcit. Car bien que les couleurs des corps solides demeurent stables, & dans leur nature sur les sujets où elles sont adherentes ; comme le blanc d’une statuë, le rouge d’un manteau, le vert d’un arbre, & ainsi du reste ; ces mesmes couleurs neanmoins paroissent tantost plus obscures, selon qu’elles recevront plus ou moins d’ombre & de lumiere.
Et parce que les lumieres & les ombres apportent du changement dans les couleurs, il faut donc que le Peintre fasse le plus d’observations qu’il pourra pour remarquer ces sortes d’alterations ; & qu’en premier lieu il se souvienne que la Peinture ne luy fournit que le noir & le blanc pour representer l’ombre & la lumiere, & que c’est avec ces deux couleurs qu’il peut rendre toutes les autres plus ou moins sensibles.
Mais il est encore impossible de bien sçavoir l’effet des couleurs, si l’on n’a égard à la lumiere dont elles sont éclairées, & à l’ombre, qui les obscurcit. Car bien que les couleurs des corps solides demeurent stables, & dans leur nature sur les sujets où elles sont adherentes ; comme le blanc d’une statuë, le rouge d’un manteau, le vert d’un arbre, & ainsi du reste ; ces mesmes couleurs neanmoins paroissent tantost plus obscures, selon qu’elles recevront plus ou moins d’ombre & de lumiere.
Et parce que les lumieres & les ombres apportent du changement dans les couleurs, il faut donc que le Peintre fasse le plus d’observations qu’il pourra pour remarquer ces sortes d’alterations ; & qu’en premier lieu il se souvienne que la Peinture ne luy fournit que le noir & le blanc pour representer l’ombre & la lumiere, & que c’est avec ces deux couleurs qu’il peut rendre toutes les autres plus ou moins sensibles. Mais il doit estre fort judicieux & retenu quand il employe le blanc & le noir dans ses ouvrages, parce que comme les jours & les ombres donnent le relief & les enfoncemens aux corps, & aident à en faire paroistre les parties ou plus proches ou plus éloignées, il ne reussira jamais bien dans ce qu’il entreprendra, s’il ne sçait temperer ses bruns & ses clairs, en sorte qu’ils fassent le mesme effet qui paroist dans les choses de relief. Pour cela il faut qu’en peignant la superficie d’un corps, sa couleur soit plus claire & plus lumineuse dans l’endroit où les rayons de lumiere doivent frapper davantage. Et comme la lumiere viendra peu à peu à s’éteindre & à manquer, il faut aussi qu’il affoiblisse peu à peu la force de ses teintes. Mais parce qu’il n’y a jamais dans un corps aucune superficie éclairée de lumiere, qu’il ne s’en trouve une autre opposée à la lumineuse qui est dans l’ombre & dans l’obscurité, l’on doit prendre garde sur le naturel de quelle sorte les ombres répondent entre’elles dans les parties opposées à la lumiere selon les divers degrez d’éloignement. Par exemple, encore que le bleu d’un manteau soit égal dans toutes les parties de ce vestement, il fait neanmoins un autre effet dans les endroits où la lumiere frappe plus fort ; & il paroist d’une autre sorte dans les lieux où la lumière glisse, & dans ceux qui sont ombrez.
Et parce que les lumieres & les ombres apportent du changement dans les couleurs, il faut donc que le Peintre fasse le plus d’observations qu’il pourra pour remarquer ces sortes d’alterations ; & qu’en premier lieu il se souvienne que la Peinture ne luy fournit que le noir & le blanc pour representer l’ombre & la lumiere, & que c’est avec ces deux couleurs qu’il peut rendre toutes les autres plus ou moins sensibles. Mais il doit estre fort judicieux & retenu quand il employe le blanc & le noir dans ses ouvrages, parce que comme les jours & les ombres donnent le relief & les enfoncemens aux corps, & aident à en faire paroistre les parties ou plus proches ou plus éloignées, il ne reussira jamais bien dans ce qu’il entreprendra, s’il ne sçait temperer ses bruns & ses clairs, en sorte qu’ils fassent le mesme effet qui paroist dans les choses de relief.
Et parce que les lumieres & les ombres apportent du changement dans les couleurs, il faut donc que le Peintre fasse le plus d’observations qu’il pourra pour remarquer ces sortes d’alterations ; & qu’en premier lieu il se souvienne que la Peinture ne luy fournit que le noir & le blanc pour representer l’ombre & la lumiere, & que c’est avec ces deux couleurs qu’il peut rendre toutes les autres plus ou moins sensibles. Mais il doit estre fort judicieux & retenu quand il employe le blanc & le noir dans ses ouvrages, parce que comme les jours & les ombres donnent le relief & les enfoncemens aux corps, & aident à en faire paroistre les parties ou plus proches ou plus éloignées, il ne reussira jamais bien dans ce qu’il entreprendra, s’il ne sçait temperer ses bruns & ses clairs, en sorte qu’ils fassent le mesme effet qui paroist dans les choses de relief.
Et parce que les lumieres & les ombres apportent du changement dans les couleurs, il faut donc que le Peintre fasse le plus d’observations qu’il pourra pour remarquer ces sortes d’alterations ; & qu’en premier lieu il se souvienne que la Peinture ne luy fournit que le noir & le blanc pour representer l’ombre & la lumiere, & que c’est avec ces deux couleurs qu’il peut rendre toutes les autres plus ou moins sensibles. Mais il doit estre fort judicieux & retenu quand il employe le blanc & le noir dans ses ouvrages, parce que comme les jours & les ombres donnent le relief & les enfoncemens aux corps, & aident à en faire paroistre les parties ou plus proches ou plus éloignées, il ne reussira jamais bien dans ce qu’il entreprendra, s’il ne sçait temperer ses bruns & ses clairs, en sorte qu’ils fassent le mesme effet qui paroist dans les choses de relief. Pour cela il faut qu’en peignant la superficie d’un corps, sa couleur soit plus claire & plus lumineuse dans l’endroit où les rayons de lumiere doivent frapper davantage.
Et parce que les lumieres & les ombres apportent du changement dans les couleurs, il faut donc que le Peintre fasse le plus d’observations qu’il pourra pour remarquer ces sortes d’alterations ; & qu’en premier lieu il se souvienne que la Peinture ne luy fournit que le noir & le blanc pour representer l’ombre & la lumiere, & que c’est avec ces deux couleurs qu’il peut rendre toutes les autres plus ou moins sensibles. Mais il doit estre fort judicieux & retenu quand il employe le blanc & le noir dans ses ouvrages, parce que comme les jours & les ombres donnent le relief & les enfoncemens aux corps, & aident à en faire paroistre les parties ou plus proches ou plus éloignées, il ne reussira jamais bien dans ce qu’il entreprendra, s’il ne sçait temperer ses bruns & ses clairs, en sorte qu’ils fassent le mesme effet qui paroist dans les choses de relief. Pour cela il faut qu’en peignant la superficie d’un corps, sa couleur soit plus claire & plus lumineuse dans l’endroit où les rayons de lumiere doivent frapper davantage. Et comme la lumiere viendra peu à peu à s’éteindre & à manquer, il faut aussi qu’il affoiblisse peu à peu la force de ses teintes.
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[…] il faut qu’en peignant la superficie d’un corps, sa couleur soit plus claire & plus lumineuse dans l’endroit où les rayons de lumiere doivent frapper davantage. Et comme la lumiere viendra peu à peu à s’éteindre & à manquer, il faut aussi qu’il affoiblisse peu à peu la force de ses teintes.
Et comme l’usage de la Perspective lineale sert à trouver la diminution des corps selon leurs divers éloignemens, ne peut-elle pas encore faire juger quelle doit estre la diminution des teintes & des couleurs, & faire aussi trouver dans les Tableaux les veritables places des jours & des ombres.
Le Peintre, répondis-je, doit avoir une intelligence generale des divers effets de toutes sortes d’ombres & de lumières que la perspective luy aidera à bien representer, pourveu qu’auparavent on les ait bien comprises sur le geometral.
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Et mesme il arrive quelquefois que l’on voit bien mieux & plus facilement un objet quand il n’est point éclairé d’une trop forte lumiere, parce que la lumiere d’elle-mesme & les couleurs qui en sont fortement touchées incommodent la veuë. {Lux perse & color illuminatus seriunt oculos. Alhazen opt. l. I c. I} Ce qui fait qu’une trop grande clarté empesche qu’on ne découvre des choses que l’on apperçoit facilement dans un jour mediocre : ainsi que les Etoiles que nous ne voyons que la nuit, & lors que la lumiere du Soleil ne nous les cache plus. Il est vray aussi qu’il y a des corps qui ne se voyent que dans une grande lumiere, & ausquels il faut un grand jour pour les découvrir. {Lux vehamens obscurat quaedam visibilia, quaelux debilis illustrat & contra. Alhaz. opt. l. 1. c. 2}
Il faut encore prendre garde que l’effusion de la lumiere n’est jamais également forte sur tous les corps où elle paroist, mais qu’elle diminuë à mesure que les parties du corps éclairé s’éloignent de celuy qui l’éclaire dans une mesme disposition.
Ceux qui ont creu bien connoistre la force de la Lumiere, & sçavoir parfaitement marquer dans les Tableaux, ce que chaque objet en peut recevoir, ont divisé les endroits où frappe la lumiere en parties égales, les affoiblissant ensuite par des regles d’optique. Mais pour vous dire de quelle maniere ils y procèdent, il faut que je vous fasse quelque figure.
[…] Vous pourez, luy dis-je, lire ceux qui en ont écrit ; mais comme la demonstration parfait de ces choses-là est tres-difficile, il faut que les Peintres en fassent eux-mesmes des observations. Qu’ils considèrent que plus la lumière est grande & plus ses rayons s’estendent, qu’une lumiere renfermée dans un petit lieu l’éclaire davantage qu’elle ne feroit un plus grand espace. C’est à dire qu’une chandelle éclairera davantage une petite chambre bien close, qu’une grande salle. {Omne corpus luminosum, à quo non egreditur fortius illuminas qua spatium maius illo. Vit. opt. l. 2 th. 24.}
Il faut qu’ils observent encore l’effet que produisent deux lumieres lors qu’elles se rencontrent. De quelle maniere la plus grande diminuë la moindre, ou pour mieux dire comment toutes les deux se confondent ensemble, & augmentent la splendeur qui en vient : car si l’ombre qui est augmentée par une autre en est d’autant plus obscure, vous jugez bien qu’il faut aussi que deux lumieres fassent plus de clarté qu’une seule. {Omnis umbra multiplicata plus umbrefecit. Vitel. l. 2 th. 32}.
Je vous diray de plus que le Peintre doit prendre garde que si le corps lumineux est d’une grandeur égale au corps opaque, la moitié sera éclairée de la moitié du corps lumineux, & l’ombre sera égale au corps opaque. Et si le luminaire est plus grand que le corps opaque, l’ombre en sera bien moindre, parce que les rayons qui passent à costé du corps opaque formeront un cone, à la difference de ce qui arrive lors que la lumiere & le corps sont égaux ; car alors les rayons lumineux forment un cylindre.
Il faut encore observer qu’un corps opaque produit autant d’ombres qu’il y a de corps lumineux qui l’éclairent diversement ; mais que l’ombre la moins obscure est toujours celle qui vient par la privation de la lumiere la plus éloignée du corps opaque.
Je pourrois bien vous dire, de quelle sorte il faut terminer & esfumer, ou noyer les ombres selon qu’elles s’éloignent des corps qui les causent. […] Mais je ne croy pas qu’il soit presentement à propos de nous arrester à cela.
Comme la lumière semble estre une blancheur pure & brillante qui se répand sur toutes les couleurs fixes & apparentes des corps qui sont dans la Nature pour nous les rendre visibles, elle laisse toujours quelque chose de sa couleur propre sur les corps naturels, mais elle s’y attache differemment ; car sur les uns elle s’y repand doucement comme une liqueur, taschant d’entrer par tout, & de remplir les lieux par où elle peut trouver passage, & sur les autres elle paroist plus forte, & s’y montre avec éclat. {Color variatur prolucis qualitate. Alhaz. opt. l. I c 3.} Or cette difference d’effets vient de la diversité des sujets sur lesquels elle se rencontre. Car quand elle trouve un corps qui est mol, doux, & inégal, elle y demeure attachée sans effort, & s’y répand sans resistance ; mais quand elle en rencontre un extremement poli, ou duquel la densité resiste à ses rayons, alors comme ils sont repoussez par le poliment de ce corps sur lequel ils frappent, ils reflechissent avec promptitude, & c’est ce qui engendre cet éclat & ce brillant qui paroist sur les eaux, sur le marbre & sur les metaux. […].
Vous comprenez bien par ce que j’ay dit que le Peintre a deux sortes de couleurs à imiter, sçavoir les couleurs fixes et permanentes des corps, comme le blanc d’un linge, le vert d’un arbre ; Et les couleurs apparentes & passageres, qui ne sont point attachées aux objets, mais qui semblent y estre par le reflechissement des rayons lumineux qui les portent. De sorte que ceux qui travaillent avec science, & qui cherchent un reputation solide, ne se contentent pas quand ils font des Tableaux de mettre les couleurs naturelles à chaque chose représentée, mais ils ont un soin particulier de bien observer les couleurs estrangeres qui peuvent paroistre parmy les veritables & naturelles, & qui peuvent changer […].
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Il faut encore observer que les choses qu’on voit dans l’eau par reflexion ne paroissent jamais si marquées qu’elles le sont dans le naturel, à cause que les couleurs & les lumieres s’affoiblissent par le reflechissement, & moins encore les parties les plus éloignées des veritables que celles qui sont proches, comme dans la figure precedente le bas de la colonne devroit estre plus sensible sur la surface de l’eau que le vase. {Omni reflexio debilitat & universaliter omnes formas. Vitel. l. 5. theor. 3}.
FÉLIBIEN, André, [Planche optique et lumière 3], estampe, dans FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes. Troisième partie, Paris, Jean-Baptiste Coignard, 1679, 5 vol., vol. III, p. 51.
FÉLIBIEN, André, [Planche optique et lumière 4], estampe, dans FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes. Troisième partie, Paris, Jean-Baptiste Coignard, 1679, 5 vol., vol. III, p. 55.
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La Peinture, luy repartis-je, embrasse, comme je vous ay dit plusieurs fois, tant de parties, dont la moindre demanderoit la vie d’un homme pour la bien étudier, qu’il ne faut pas estre surpris si les plus grands Peintres ne les ont jamais possédées toutes dans une égale perfection. Cependant comme la fin principale du Peintre est de representer la Nature sur une superficie plate ; & que cela ne se fait bien que par le moyen des couleurs, des ombres & des jours conduits judicieusement avec l’aide du dessein, qui doit estre toujours le guide & comme le maistre dans les ateliers des Peintres. Il est certain que ceux qui se sont rendus bons coloristes ont fait un grand progrez, & sont entrez bien avant, s’il faut ainsi dire, dans ce qu’il y a de plus secret & de plus beau dans cet art.
École lombarde
École romaine
École vénitienne
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
ROMANO, Giulio
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
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La Peinture, luy repartis-je, embrasse, comme je vous ay dit plusieurs fois, tant de parties, dont la moindre demanderoit la vie d’un homme pour la bien étudier, qu’il ne faut pas estre surpris si les plus grands Peintres ne les ont jamais possédées toutes dans une égale perfection. Cependant comme la fin principale du Peintre est de representer la Nature sur une superficie plate ; & que cela ne se fait bien que par le moyen des couleurs, des ombres & des jours conduits judicieusement avec l’aide du dessein, qui doit estre toujours le guide & comme le maistre dans les ateliers des Peintres. Il est certain que ceux qui se sont rendus bons coloristes ont fait un grand progrez, & sont entrez bien avant, s’il faut ainsi dire, dans ce qu’il y a de plus secret & de plus beau dans cet art. C’est ce qui est arrivé au Titien & à ceux de son Escole, & qui leur a fait mériter une gloire toute particuliere.
École lombarde
École romaine
École vénitienne
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
ROMANO, Giulio
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
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École lombarde
École romaine
École vénitienne
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
ROMANO, Giulio
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
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Comme la connoissance des divers habillemens & leurs differens usages est une science de theorie, & que bien des gens sçavans dans l’histoire peuvent posseder, cela ne regarde pas l’art de peindre.
Comme la connoissance des divers habillemens & leurs differens usages est une science de theorie, & que bien des gens sçavans dans l’histoire peuvent posseder, cela ne regarde pas l’art de peindre. Il n’est pas plus difficile à un Peintre de bien faire un vestement à l’antique, qu’un à la moderne ; un laticlave, qu’un habit de païsan. Et de mesme que l’on n’estimeroit guere celuy qui ne sçauroit que bien marquer ces differences dans ses ouvrages, aussi l’on ne doit point blasmer si fort ceux qui les ont ignorées, quand ils sont recommandables par d’autres qualitez. Il est vray que comme il est aisé aux Peintres de s’en instruire, ils sont moins excusables, lors qu’il manquent dans cette partie de convenance, qui devroit toujours estre observée dans tous leurs tableaux.
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[...] J’en dis de mesme de la perspective qu’ils ne doivent jamais ignorer. Mais je suis bien aise de vous faire remarquer que le plus difficile de cet art ne dépend point si absolument de sçavoir les regles de la perspective, qu’il y en a qui se l’imaginent, & mesme qui veulent faire croire que c’est le seul secret de faire de grands Peintres : car il y a bien d’autres parties plus difficiles & plus necessaires pour rendre un ouvrage accomply. Je voudrois bien sçavoir, si ces grands Maistres en perspective pretendent par la pratique qu’ils en ont, estre capables d’instruire les autres Peintres en ce qui regarde l’ordonnance des tableaux, le choix & l’élection des attitudes, le bon goust dans le dessein & dans la proportion des corps, l’agencement des draperies, & une infinité d’autres choses.
J’ay ouy dire à quelques-uns, interrompit Pymandre que pour ce qui regarde la portraiture, vous sçavez mieux que moy ce qu’ils entendent par ce mot, je m’imagine que c’est la representation lineale de toutes sortes de corps : je leur ay, dis-je, entendu soustenir que la perspective enseigne à faire cette representation dans l’estat le plus parfait, où elle puisse parvenir ; que les Peintres ne manquent dans la ressemblance que faute de bien sçavoir la perspective ; que c’est elle qui leur fournit des moyens asseurez & faciles pour que leurs tableaux fassent toujours l’effet qu’ils desirent dans quelqu’endroit qu’ils soient placez ; sans estre obligez à tastonner, effacer & defaire des choses qui ne reüssissent jamais quand elles ont esté faites au hazard, comme dans des voutes & des platfonds, ou faute d’avoir bien sçeu la raison de ce qu’ils font, il se trouve qu’après avoir pris beaucoup de peine, il y a souvent bien des choses à redire.
Ces gens-là, repartis-je, qui vantent si fort ce qu’ils sçavent n’ont pas asseurement produit des ouvrages qui répondent à ce qu’ils promettent. Car pour moy j’ay appris des plus grands Peintres qui sçavent bien la perspective & qui n’ignorent pas tous les avantages qu’on en peut recevoir, qu’il y a bien des choses où il est impossible de tirer aucun secours des regles & des lignes dont l’on se sert d’ordinaire, qu’il faut que ce soit l’œil qui jusge & qui soit le principal instrument. Qu’il se trouve dans la pratique des difficultez que la theorie ne peut prévoir, & où les regles ne servent de guere, à cause que ceux qui regardent ne peuvent pas toujours estre placez dans un mesme lieu, & ne voir les tableaux qu’au travers d’une pinulle, principalement dans les grands ouvrages qu’on ne peut voir d’un seul endroit. […].
J’ay ouy dire à quelques-uns, interrompit Pymandre que pour ce qui regarde la portraiture, vous sçavez mieux que moy ce qu’ils entendent par ce mot, je m’imagine que c’est la representation lineale de toutes sortes de corps : je leur ay, dis-je, entendu soustenir que la perspective enseigne à faire cette representation dans l’estat le plus parfait, où elle puisse parvenir ; que les Peintres ne manquent dans la ressemblance que faute de bien sçavoir la perspective ; que c’est elle qui leur fournit des moyens asseurez & faciles pour que leurs tableaux fassent toujours l’effet qu’ils desirent dans quelqu’endroit qu’ils soient placez ; sans estre obligez à tastonner, effacer & defaire des choses qui ne reüssissent jamais quand elles ont esté faites au hazard, comme dans des voutes & des platfonds, ou faute d’avoir bien sçeu la raison de ce qu’ils font, il se trouve qu’après avoir pris beaucoup de peine, il y a souvent bien des choses à redire.
Car pour moy j’ay appris des plus grands Peintres qui sçavent bien la perspective & qui n’ignorent pas tous les avantages qu’on en peut recevoir, qu’il y a bien des choses où il est impossible de tirer aucun secours des regles & des lignes dont l’on se sert d’ordinaire, qu’il faut que ce soit l’œil qui jusge & qui soit le principal instrument. Qu’il se trouve dans la pratique des difficultez que la theorie ne peut prévoir, & où les regles ne servent de guere, à cause que ceux qui regardent ne peuvent pas toujours estre placez dans un mesme lieu, & ne voir les tableaux qu’au travers d’une pinulle, principalement dans les grands ouvrages qu’on ne peut voir d’un seul endroit. […].
Car pour moy j’ay appris des plus grands Peintres qui sçavent bien la perspective & qui n’ignorent pas tous les avantages qu’on en peut recevoir, qu’il y a bien des choses où il est impossible de tirer aucun secours des regles & des lignes dont l’on se sert d’ordinaire, qu’il faut que ce soit l’œil qui jusge & qui soit le principal instrument. Qu’il se trouve dans la pratique des difficultez que la theorie ne peut prévoir, & où les regles ne servent de guere, à cause que ceux qui regardent ne peuvent pas toujours estre placez dans un mesme lieu, & ne voir les tableaux qu’au travers d’une pinulle, principalement dans les grands ouvrages qu’on ne peut voir d’un seul endroit. […].
Cependant, dit Pymandre, il me semble que vous venez de dire que ce qui fait le fort & le foible, & ce que vous appelez l’affoiblissement des teintes, se doit comprendre par les diverses coupes qu’on se peut imaginer à mesure que les corps s’éloignent.
Il est vray, luy repliquay-je, & c’est dont nous avons tantost parlé sur le sujet de la perspective de l’air, Leon Baptiste Albert appelle cette coupe Il taglio.
Cependant, dit Pymandre, il me semble que vous venez de dire que ce qui fait le fort & le foible, & ce que vous appelez l’affoiblissement des teintes, se doit comprendre par les diverses coupes qu’on se peut imaginer à mesure que les corps s’éloignent.
Il est vray, luy repliquay-je, & c’est dont nous avons tantost parlé sur le sujet de la perspective de l’air, Leon Baptiste Albert appelle cette coupe Il taglio. J’avouë que dans la speculation l’on peut comprendre de quelle sorte les objets doivent diminuer de couleur par ces differentes coupes. [...] De mesme dans les couleurs on peut dire qu’il en faut diminuer ou augmenter la teinte à mesure qu’elles s’éloignent ou s’approchent ; ou qu’elles reçoivent divers accidents d’ombres & de lumieres : mais c’est à l’œil à juger du plus ou du moins de force qu’on leur donne en les meslant. [...] Car encore que la perspective de l’air, & l’affoiblissement des couleurs, par cette coupe dont je viens de parler, soit en effet dans les tableaux, ce qui fait fuir ou avancer les corps ; le Peintre neanmoins qui doit toujours chercher à se prevaloir de toutes sortes des moyens & des secrets de son art quand il veut imiter la force de la Nature, est d’autant plus digne d’estime qu’il sçait découvrir des chemins comme inconnus, pour arriver à son but. C’est pourquoy le Titien sçavoit qu’outre l’affoiblissement que les couleurs reçoivent par les coupes de l’air, & par les differens éloignemens, il y a encore dans les mesmes couleurs, ou une force ou une foiblesse essentielle à leur nature laquelle rend à la veuë les unes plus sensibles que les autres, comme nous avons déjà remarqué ; il sçavoit, dis-je, tout cela, & c’est pourquoy il a toujours observé autant qu’il a pu de les ranger les unes auprès des autres, en sorte que les plus fortes fussent sur les plus foibles.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) et ROMANO, Giulio, La Bataille de Constantin contre Maxence, 1517 - 1524, fresque, 400 x 260, Vatican, Stanze di Raffaello.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , ROMANO, Giulio et DA UDINE, Giovanni, Sainte Famille avec sainte Élisabeth, le petit saint Jean et deux anges dite La Grande Sainte Famille, 1518, huile sur bois, 207 x 140, Paris, Musée du Louvre, Inv. 604.
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Cependant, dit Pymandre, il me semble que vous venez de dire que ce qui fait le fort & le foible, & ce que vous appelez l’affoiblissement des teintes, se doit comprendre par les diverses coupes qu’on se peut imaginer à mesure que les corps s’éloignent.
Il est vray, luy repliquay-je, & c’est dont nous avons tantost parlé sur le sujet de la perspective de l’air, Leon Baptiste Albert appelle cette coupe Il taglio. J’avouë que dans la speculation l’on peut comprendre de quelle sorte les objets doivent diminuer de couleur par ces differentes coupes. Mais quand on vient à la pratique, cette speculation, ou le raisonnement qui fait juger combien un corps doit perdre de sa couleur lors qu’on le veut faire paroistre enfoncé dans le tableau dix ou douze pieds plus qu’un autre, ne peut apprendre précisément comment il faut diminuer la teinte de cette couleur, & la proportionner à son éloignement. Avez-vous jamais remarqué un maistre de Musique qui accorde un luth ou une harpe, il vous fera bien connoistre quel ton la premiere corde doit avoir avec la seconde, & ainsi des autres : mais il ne peut vous enseigner à les accorder, en vous disant qu’il faut tourner les chevilles un certain nombre de tours. Il faut que ce soit l’oreille qui juge de l’harmonie lors qu’on les touche. De mesme dans les couleurs on peut dire qu’il en faut diminuer ou augmenter la teinte à mesure qu’elles s’éloignent ou s’approchent ; ou qu’elles reçoivent divers accidents d’ombres & de lumieres : mais c’est à l’œil à juger du plus ou du moins de force qu’on leur donne en les meslant.
Cependant, interrompit Pymandre, si un grand ouvrage est traité avec le mesme art qu’un plus petit, le plus grand ne doit-il pas estre plus estimé ?
Il est vray, répondis-je ; mais c’est en quoy ils trouvoient de la difficulté, demeurant quasi tous d’accord qu’on ne peut faire paroistre tant de force dans une grande disposition d’ouvrage que dans un tableau qui est composé de peu de figures ; & la raison qu’ils en apportoient, est que la Peinture a ses bornes & ses limites […].
Cependant, dit Pymandre, il me semble qu’il faut bien plus de science pour traitter un grand ouvrage, pour le bien disposer, pour le remplir d’une infinité de differentes figures, d’habits, d’accomodemens, & pour y faire paroistre toutes ces parties dont vous m’avez parlé, que pour peindre seulement trois ou quatre figures ensemble.
Je vous avouë, repartis-je, que pour bien representer un grand sujet, il faut beaucoup plus de science, plus de travail, & que c’est-là qu’un Peintre a toute l’estendüe necessaire pour donner des marques de son sçavoir. Mais il y en a qui vous diront que ce n’est pas dans ces rencontres que l’art peut faire paroistre davantage sa puissance & la force de ses charmes.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) et ROMANO, Giulio, La Bataille de Constantin contre Maxence, 1517 - 1524, fresque, 400 x 260, Vatican, Stanze di Raffaello.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , L’incendie de Borgo, 1514 - 1517, fresque, Vatican, Musei Vaticani.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , ROMANO, Giulio et DA UDINE, Giovanni, Sainte Famille avec sainte Élisabeth, le petit saint Jean et deux anges dite La Grande Sainte Famille, 1518, huile sur bois, 207 x 140, Paris, Musée du Louvre, Inv. 604.
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Cependant, dit Pymandre, il me semble que vous venez de dire que ce qui fait le fort & le foible, & ce que vous appelez l’affoiblissement des teintes, se doit comprendre par les diverses coupes qu’on se peut imaginer à mesure que les corps s’éloignent.
Il est vray, luy repliquay-je, & c’est dont nous avons tantost parlé sur le sujet de la perspective de l’air, Leon Baptiste Albert appelle cette coupe Il taglio. J’avouë que dans la speculation l’on peut comprendre de quelle sorte les objets doivent diminuer de couleur par ces differentes coupes. Mais quand on vient à la pratique, cette speculation, ou le raisonnement qui fait juger combien un corps doit perdre de sa couleur lors qu’on le veut faire paroistre enfoncé dans le tableau dix ou douze pieds plus qu’un autre, ne peut apprendre précisément comment il faut diminuer la teinte de cette couleur, & la proportionner à son éloignement. Avez-vous jamais remarqué un maistre de Musique qui accorde un luth ou une harpe, il vous fera bien connoistre quel ton la premiere corde doit avoir avec la seconde, & ainsi des autres : mais il ne peut vous enseigner à les accorder, en vous disant qu’il faut tourner les chevilles un certain nombre de tours. Il faut que ce soit l’oreille qui juge de l’harmonie lors qu’on les touche. De mesme dans les couleurs on peut dire qu’il en faut diminuer ou augmenter la teinte à mesure qu’elles s’éloignent ou s’approchent ; ou qu’elles reçoivent divers accidents d’ombres & de lumieres : mais c’est à l’œil à juger du plus ou du moins de force qu’on leur donne en les meslant.
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Il est vray, luy repliquay-je, & c’est dont nous avons tantost parlé sur le sujet de la perspective de l’air, Leon Baptiste Albert appelle cette coupe Il taglio. J’avouë que dans la speculation l’on peut comprendre de quelle sorte les objets doivent diminuer de couleur par ces differentes coupes. Mais quand on vient à la pratique, cette speculation, ou le raisonnement qui fait juger combien un corps doit perdre de sa couleur lors qu’on le veut faire paroistre enfoncé dans le tableau dix ou douze pieds plus qu’un autre, ne peut apprendre précisément comment il faut diminuer la teinte de cette couleur, & la proportionner à son éloignement. Avez-vous jamais remarqué un maistre de Musique qui accorde un luth ou une harpe, il vous fera bien connoistre quel ton la premiere corde doit avoir avec la seconde, & ainsi des autres : mais il ne peut vous enseigner à les accorder, en vous disant qu’il faut tourner les chevilles un certain nombre de tours. Il faut que ce soit l’oreille qui juge de l’harmonie lors qu’on les touche. De mesme dans les couleurs on peut dire qu’il en faut diminuer ou augmenter la teinte à mesure qu’elles s’éloignent ou s’approchent ; ou qu’elles reçoivent divers accidents d’ombres & de lumieres : mais c’est à l’œil à juger du plus ou du moins de force qu’on leur donne en les meslant.
Cependant, interrompit Pymandre, si un grand ouvrage est traité avec le mesme art qu’un plus petit, le plus grand ne doit-il pas estre plus estimé ?
Il est vray, répondis-je ; mais c’est en quoy ils trouvoient de la difficulté, demeurant quasi tous d’accord qu’on ne peut faire paroistre tant de force dans une grande disposition d’ouvrage que dans un tableau qui est composé de peu de figures ; & la raison qu’ils en apportoient, est que la Peinture a ses bornes & ses limites […].
Cependant, dit Pymandre, il me semble qu’il faut bien plus de science pour traitter un grand ouvrage, pour le bien disposer, pour le remplir d’une infinité de differentes figures, d’habits, d’accomodemens, & pour y faire paroistre toutes ces parties dont vous m’avez parlé, que pour peindre seulement trois ou quatre figures ensemble.
Je vous avouë, repartis-je, que pour bien representer un grand sujet, il faut beaucoup plus de science, plus de travail, & que c’est-là qu’un Peintre a toute l’estendüe necessaire pour donner des marques de son sçavoir. Mais il y en a qui vous diront que ce n’est pas dans ces rencontres que l’art peut faire paroistre davantage sa puissance & la force de ses charmes.
[...] De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.
[…] Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir exécuté ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles se voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.
Pour moy, respondit Pymandre, je ne voudrois pas donner mon jugement là dessus ; mais j'ay leu que Zeuxis ayant peint une Centaure, se fascha voyant que l’on en estimoit plustost la nouvelle invention, que l’art qu’il avoit employé à la bien representer, estimant davantage cette derniere partie que la premiere. Et j’ay encore remarqué que les Anciens ont fait beaucoup de cas de plusieurs tableaux qui n’estoient que de peu de figures.
C’est pourquoy, repris-je, ceux qui ont une inclination particuliere pour les Ouvrages du Titien, & des autres Peintres de Lombardie, disent que si les Anciens ont receu beaucoup de loüanges pour des sujets de peu de figures, l’on ne doit pas trouver à redire si le Titien pour les imiter a plustost tasché d’acquerir la partie de bien peindre, que celle qui regarde les grandes dispositions, & la connoissance particuliere de l’Histoire & des Coustumes. Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir executé ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.
[...] Il gardoit parfaitement, luy repondis-je, cette maxime, dont je croy avoir déjà parlé sur le sujet de l’ordonnance, qui est de ne pas remplir ses tableaux de quantité de petites choses, mais d’éviter le deffaut où tombent plusieurs Peintres, qui par la quantité excessive des parties dont ils composent leurs ouvrages les rendent, petits & plains de ce que les Italiens appellent Triterie.
[…] Car encore que la perspective de l’air, & l’affoiblissement des couleurs, par cette coupe dont je viens de parler, soit en effet dans les tableaux, ce qui fait fuir ou avancer les corps ; le Peintre neanmoins qui doit toujours chercher à se prevaloir de toutes sortes des moyens & des secrets de son art quand il veut imiter la force de la Nature, est d’autant plus digne d’estime qu’il sçait découvrir des chemins comme inconnus, pour arriver à son but. C’est pourquoy le Titien sçavoit qu’outre l’affoiblissement que les couleurs reçoivent par les coupes de l’air, & par les differens éloignemens, il y a encore dans les mesmes couleurs, ou une force ou une foiblesse essentielle à leur nature laquelle rend à la veuë les unes plus sensibles que les autres, comme nous avons déjà remarqué ; il sçavoit, dis-je, tout cela, & c’est pourquoy il a toujours observé autant qu’il a pu de les ranger les unes auprès des autres, en sorte que les plus fortes fussent sur les plus foibles.
Il est vray, luy repliquay-je, & c’est dont nous avons tantost parlé sur le sujet de la perspective de l’air, Leon Baptiste Albert appelle cette coupe Il taglio. J’avouë que dans la speculation l’on peut comprendre de quelle sorte les objets doivent diminuer de couleur par ces differentes coupes. Mais quand on vient à la pratique, cette speculation, ou le raisonnement qui fait juger combien un corps doit perdre de sa couleur lors qu’on le veut faire paroistre enfoncé dans le tableau dix ou douze pieds plus qu’un autre, ne peut apprendre précisément comment il faut diminuer la teinte de cette couleur, & la proportionner à son éloignement. Avez-vous jamais remarqué un maistre de Musique qui accorde un luth ou une harpe, il vous fera bien connoistre quel ton la premiere corde doit avoir avec la seconde, & ainsi des autres : mais il ne peut vous enseigner à les accorder, en vous disant qu’il faut tourner les chevilles un certain nombre de tours. Il faut que ce soit l’oreille qui juge de l’harmonie lors qu’on les touche. De mesme dans les couleurs on peut dire qu’il en faut diminuer ou augmenter la teinte à mesure qu’elles s’éloignent ou s’approchent ; ou qu’elles reçoivent divers accidents d’ombres & de lumieres : mais c’est à l’œil à juger du plus ou du moins de force qu’on leur donne en les meslant.
Cependant, interrompit Pymandre, si un grand ouvrage est traité avec le mesme art qu’un plus petit, le plus grand ne doit-il pas estre plus estimé ?
Il est vray, répondis-je ; mais c’est en quoy ils trouvoient de la difficulté, demeurant quasi tous d’accord qu’on ne peut faire paroistre tant de force dans une grande disposition d’ouvrage que dans un tableau qui est composé de peu de figures ; & la raison qu’ils en apportoient, est que la Peinture a ses bornes & ses limites […].
Cependant, dit Pymandre, il me semble qu’il faut bien plus de science pour traitter un grand ouvrage, pour le bien disposer, pour le remplir d’une infinité de differentes figures, d’habits, d’accomodemens, & pour y faire paroistre toutes ces parties dont vous m’avez parlé, que pour peindre seulement trois ou quatre figures ensemble.
Je vous avouë, repartis-je, que pour bien representer un grand sujet, il faut beaucoup plus de science, plus de travail, & que c’est-là qu’un Peintre a toute l’estendüe necessaire pour donner des marques de son sçavoir. Mais il y en a qui vous diront que ce n’est pas dans ces rencontres que l’art peut faire paroistre davantage sa puissance & la force de ses charmes.
[...] De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.
[…] Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir exécuté ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles se voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.
Pour moy, respondit Pymandre, je ne voudrois pas donner mon jugement là dessus ; mais j'ay leu que Zeuxis ayant peint une Centaure, se fascha voyant que l’on en estimoit plustost la nouvelle invention, que l’art qu’il avoit employé à la bien representer, estimant davantage cette derniere partie que la premiere. Et j’ay encore remarqué que les Anciens ont fait beaucoup de cas de plusieurs tableaux qui n’estoient que de peu de figures.
C’est pourquoy, repris-je, ceux qui ont une inclination particuliere pour les Ouvrages du Titien, & des autres Peintres de Lombardie, disent que si les Anciens ont receu beaucoup de loüanges pour des sujets de peu de figures, l’on ne doit pas trouver à redire si le Titien pour les imiter a plustost tasché d’acquerir la partie de bien peindre, que celle qui regarde les grandes dispositions, & la connoissance particuliere de l’Histoire & des Coustumes.
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[...] De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.
[…] Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir exécuté ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles se voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.
Pour moy, respondit Pymandre, je ne voudrois pas donner mon jugement là dessus ;
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) et ROMANO, Giulio, La Bataille de Constantin contre Maxence, 1517 - 1524, fresque, 400 x 260, Vatican, Stanze di Raffaello.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , L’incendie de Borgo, 1514 - 1517, fresque, Vatican, Musei Vaticani.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , ROMANO, Giulio et DA UDINE, Giovanni, Sainte Famille avec sainte Élisabeth, le petit saint Jean et deux anges dite La Grande Sainte Famille, 1518, huile sur bois, 207 x 140, Paris, Musée du Louvre, Inv. 604.
ZEUXIS, La Famille du Centaure, 464 av. J.-C. - 398 av. J.-C..
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[...] De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) et ROMANO, Giulio, La Bataille de Constantin contre Maxence, 1517 - 1524, fresque, 400 x 260, Vatican, Stanze di Raffaello.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , L’incendie de Borgo, 1514 - 1517, fresque, Vatican, Musei Vaticani.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , ROMANO, Giulio et DA UDINE, Giovanni, Sainte Famille avec sainte Élisabeth, le petit saint Jean et deux anges dite La Grande Sainte Famille, 1518, huile sur bois, 207 x 140, Paris, Musée du Louvre, Inv. 604.
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RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) et ROMANO, Giulio, La Bataille de Constantin contre Maxence, 1517 - 1524, fresque, 400 x 260, Vatican, Stanze di Raffaello.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , Chambres du Vatican, 1508 - 1524, fresque, Vatican, Musei Vaticani.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , L’incendie de Borgo, 1514 - 1517, fresque, Vatican, Musei Vaticani.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , ROMANO, Giulio et DA UDINE, Giovanni, Sainte Famille avec sainte Élisabeth, le petit saint Jean et deux anges dite La Grande Sainte Famille, 1518, huile sur bois, 207 x 140, Paris, Musée du Louvre, Inv. 604.
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De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.
[…] Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir exécuté ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles se voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.
[...] De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.
[…] Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir exécuté ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles se voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.
Pour moy, respondit Pymandre, je ne voudrois pas donner mon jugement là dessus ; mais j'ay leu que Zeuxis ayant peint une Centaure, se fascha voyant que l’on en estimoit plustost la nouvelle invention, que l’art qu’il avoit employé à la bien representer, estimant davantage cette derniere partie que la premiere. Et j’ay encore remarqué que les Anciens ont fait beaucoup de cas de plusieurs tableaux qui n’estoient que de peu de figures.
C’est pourquoy, repris-je, ceux qui ont une inclination particuliere pour les Ouvrages du Titien, & des autres Peintres de Lombardie, disent que si les Anciens ont receu beaucoup de loüanges pour des sujets de peu de figures, l’on ne doit pas trouver à redire si le Titien pour les imiter a plustost tasché d’acquerir la partie de bien peindre, que celle qui regarde les grandes dispositions, & la connoissance particuliere de l’Histoire & des Coustumes. Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir executé ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.
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C’est pourquoy, repris-je, ceux qui ont une inclination particuliere pour les Ouvrages du Titien, & des autres Peintres de Lombardie, disent que si les Anciens ont receu beaucoup de loüanges pour des sujets de peu de figures, l’on ne doit pas trouver à redire si le Titien pour les imiter a plustost tasché d’acquerir la partie de bien peindre, que celle qui regarde les grandes dispositions, & la connoissance particuliere de l’Histoire & des Coustumes. Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir executé ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.
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[...] Il gardoit parfaitement, luy repondis-je, cette maxime, dont je croy avoir déjà parlé sur le sujet de l’ordonnance, qui est de ne pas remplir ses tableaux de quantité de petites choses, mais d’éviter le deffaut où tombent plusieurs Peintres, qui par la quantité excessive des parties dont ils composent leurs ouvrages les rendent, petits & plains de ce que les Italiens appellent Triterie.
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Et lors que la necessité de son sujet l’obligeoit de mettre des couleurs plus foibles sur le devant, il [ndr : Titien] les accompagnoit de quelque chose dont la couleur plus forte servoit à soustenir & à faire avancer les autres. J’ay veu remarquer à des Peintres, que dans le tableau où il a représenté Bacchus & Ariadne, afin de faire approcher davantage une draperie qui est sur le devant, & qui de soy est d’une couleur foible et legere, il a trouvé l’invention de mettre un vase dessus, lequel estant d’une couleur brune & forte, tire le tout en avant.
Est-ce, dit alors Pymandre, que les choses les plus claires s’éloignent & que les plus brunes s’avancent davantage.
C’est ainsi, répondis-je, que les plus sçavans Peintres l’entendent. Ils vous feront remarquer que ce qui est noir a plus de force & s’accroche bien plus que ce qui est blanc.
C’est repliqua Pymandre, ce que je n’aurois pas cru, car il me semble que ce qui est noir perce & fait un trou, & que le blanc vient en avant.
Et lors que la necessité de son sujet l’obligeoit de mettre des couleurs plus foibles sur le devant, il [ndr : Titien] les accompagnoit de quelque chose dont la couleur plus forte servoit à soustenir & à faire avancer les autres. J’ay veu remarquer à des Peintres, que dans le tableau où il a représenté Bacchus & Ariadne, afin de faire approcher davantage une draperie qui est sur le devant, & qui de soy est d’une couleur foible et legere, il a trouvé l’invention de mettre un vase dessus, lequel estant d’une couleur brune & forte, tire le tout en avant.
Est-ce, dit alors Pymandre, que les choses les plus claires s’éloignent & que les plus brunes s’avancent davantage.
C’est ainsi, répondis-je, que les plus sçavans Peintres l’entendent. Ils vous feront remarquer que ce qui est noir a plus de force & s’accroche bien plus que ce qui est blanc.
C’est repliqua Pymandre, ce que je n’aurois pas cru, car il me semble que ce qui est noir perce & fait un trou, & que le blanc vient en avant. Ainsi, les couleurs qui sont plus claires avancent-elles pas davantage que celles qui le sont moins, & dans un tableau, une draperie d’un bleu clair, ou d’un vert pasle, ne s’approchera-t’elle pas plus qu’un autre vestement qui sera rouge brun, ou d’un jaune orangé.
C’est ainsi, répondis-je, que les plus sçavans Peintres l’entendent. Ils vous feront remarquer que ce qui est noir a plus de force & s’accroche bien plus que ce qui est blanc.
C’est repliqua Pymandre, ce que je n’aurois pas cru, car il me semble que ce qui est noir perce & fait un trou, & que le blanc vient en avant. Ainsi, les couleurs qui sont plus claires avancent-elles pas davantage que celles qui le sont moins, & dans un tableau, une draperie d’un bleu clair, ou d’un vert pasle, ne s’approchera-t’elle pas plus qu’un autre vestement qui sera rouge brun, ou d’un jaune orangé.
Dans la Peinture le blanc n’a point tant de force que le noir qui dans un tableau represente bien mieux l’obscurité que le blanc ne peut faire la lumière, à cause que la sensation du blanc s’affoiblit dans l’œil par la disgregation, si vous me permettez d’user de ce mot, que les rayons de la veuë reçoivent d’une trop grande blancheur ; au lieu que le noir se rassemble.
Les beaux effets de lumiere, & un éclat de jour que l’on voit au haut d’une montagne qui semble veritablement éclairée du Soleil ne paroistroient ny si vrays ny si agreables, s’il [ndr : Titien] n’eust ménagé les couleurs les plus claires ; ou s’il les eust répanduës également dans tout son tableau. Aussi ce sont ces coups de maistre qui sont dans un ouvrage ce qu’on nomme le precieux ; il ne doit y avoir guere de ces richesses, & mesme comme bien souvent ce n’est pas une petite perfection à un Orateur de sçavoir supprimer beaucoup de choses. {Plin. lib 7. epist. 6.} […]
Conceptual field(s)
[…] La beauté ne consiste point dans les parures, & dans les ornemens. Un peintre ne doit pas s’arrester aux petits ajustements, sur tout dans les sujets d’histoires, où il pretend representer quelque chose de grand & d’heroïque. Il y doit faire paroistre de la grandeur, de la force, & de la noblesse, mais rien de petit & de delicat, ny de trop recherché.
Conceptual field(s)
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[…] La beauté ne consiste point dans les parures, & dans les ornemens. Un peintre ne doit pas s’arrester aux petits ajustements, sur tout dans les sujets d’histoires, où il pretend representer quelque chose de grand & d’heroïque. Il y doit faire paroistre de la grandeur, de la force, & de la noblesse, mais rien de petit & de delicat, ny de trop recherché. Il est des ouvrages de Peinture, comme de ceux de Poësie. Il ne faut pas qu’il paroisse que l’ouvrier ait pris plus de plaisir à se satisfaire luy-mesme, & à faire connoistre le jeu de son esprit & la delicatesse de son pinceau qu’à considerer le merite de son sujet. Quintilien blame Ovide de cette trop grande délicatesse.
Si vous voulez, dit Pymandre, que les Peintres imitent les Poëtes, il faut pourtant, selon le sentiment des doctes qu’il y ait dans leurs tableaux quelque chose d’agreable & de touchant aussi bien que de grand & de fort.
Il est vray, répondis-je, mais cet agreable doit naistre toujours du sujet que l’on traitte, non pas des choses étrangeres : Car l’on ne pretend pas retrancher les choses belles, quand elles sont propres aux lieux où on les met, mais l’on condamne ceux qui gastent un sujet qui de soy est noble et grand, parce qu’ils s’arrestent trop à la recherche des ornemens de certaines parties inutiles.
La beauté ne consiste point dans les parures, & dans les ornemens. Un peintre ne doit pas s’arrester aux petits ajustements, sur tout dans les sujets d’histoires, où il pretend representer quelque chose de grand & d’heroïque. Il y doit faire paroistre de la grandeur, de la force, & de la noblesse, mais rien de petit & de delicat, ny de trop recherché. Il est des ouvrages de Peinture, comme de ceux de Poësie. Il ne faut pas qu’il paroisse que l’ouvrier ait pris plus de plaisir à se satisfaire luy-mesme, & à faire connoistre le jeu de son esprit & la delicatesse de son pinceau qu’à considerer le merite de son sujet. Quintilien blame Ovide de cette trop grande délicatesse.
[…] La beauté ne consiste point dans les parures, & dans les ornemens. Un peintre ne doit pas s’arrester aux petits ajustements, sur tout dans les sujets d’histoires, où il pretend representer quelque chose de grand & d’heroïque. Il y doit faire paroistre de la grandeur, de la force, & de la noblesse, mais rien de petit & de delicat, ny de trop recherché. Il est des ouvrages de Peinture, comme de ceux de Poësie. Il ne faut pas qu’il paroisse que l’ouvrier ait pris plus de plaisir à se satisfaire luy-mesme, & à faire connoistre le jeu de son esprit & la delicatesse de son pinceau qu’à considerer le merite de son sujet. Quintilien blame Ovide de cette trop grande délicatesse.
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Si vous voulez, dit Pymandre, que les Peintres imitent les Poëtes, il faut pourtant, selon le sentiment des doctes qu’il y ait dans leurs tableaux quelque chose d’agreable & de touchant aussi bien que de grand & de fort.
Il est vray, répondis-je, mais cet agreable doit naistre toujours du sujet que l’on traitte, non pas des choses étrangeres : Car l’on ne pretend pas retrancher les choses belles, quand elles sont propres aux lieux où on les met, mais l’on condamne ceux qui gastent un sujet qui de soy est noble et grand, parce qu’ils s’arrestent trop à la recherche des ornemens de certaines parties inutiles.
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C’est un effet de la prudence & du jugement du Peintre de connoistre ce que la bien-seance demande, & c’est un effet de son genie & de l’art de la bien faire après l’avoir connu.
Quand vous parlez d’expressions, interrompit Pymandre, n’entendez-vous pas les passions de l’ame qui paroissent sur le visage, & que le Peintre represente selon la nature du sujet qu’il traite.
Le mot d’expression en general, repartis-je, se doit prendre dans la Peinture, aussi bien qu’en toute autre chose pour la veritable & naturelle representation de ce que l’on veut faire voir & donner à connoistre. Ainsi l’expression s’estend à traiter une histoire dans toutes les circonstances qu’elle demande pour instruire ; à representer un corps avec toutes ses parties dans l’action qui luy est convenable ; à voir sur le visage les passions necessaires aux figures que l’on peint. Et comme c’est sur le visage que l’on connoist mieux les affections de l’ame, on se sert ordinairement du mot expression pour signifier les passions que l’on veut exprimer.
Ce sont, dit Pymandre, ces differentes images de nos passions qui sont difficiles à bien representer, & en quoy tous les Peintres n’ont pas également reussi.
Quand vous parlez d’expressions, interrompit Pymandre, n’entendez-vous pas les passions de l’ame qui paroissent sur le visage, & que le Peintre represente selon la nature du sujet qu’il traite.
Le mot d’expression en general, repartis-je, se doit prendre dans la Peinture, aussi bien qu’en toute autre chose pour la veritable & naturelle representation de ce que l’on veut faire voir & donner à connoistre. Ainsi l’expression s’estend à traiter une histoire dans toutes les circonstances qu’elle demande pour instruire ; à representer un corps avec toutes ses parties dans l’action qui luy est convenable ; à voir sur le visage les passions necessaires aux figures que l’on peint. Et comme c’est sur le visage que l’on connoist mieux les affections de l’ame, on se sert ordinairement du mot expression pour signifier les passions que l’on veut exprimer.
Ce sont, dit Pymandre, ces differentes images de nos passions qui sont difficiles à bien representer, & en quoy tous les Peintres n’ont pas également reussi. Raphaël, répondis-je, a esté sans doute un des plus sçavans dans cette partie.
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Alors regardant Pymandre, je crains à la fin luy dis-je, de vous ennuyer sur cette matiere des Passions, dont il me semble qu’il y a déjà long-temps que nous parlons, mais vous me donnez une attention si favorable que je m’y arreste quasi autant que je trouve de remarques à y faire.
Vous auriez tort, repartit Pymandre, de laisser quelque chose à dire sur ce sujet. Car outre que vous me faites voir que cette partie est comme l’ame de la Peinture, & la plus noble de toutes celles qui s’y rencontrent ; C’est qu’il me semble que cette connoissance est la plus convenable aux personnes qui ne peuvent apprendre que la Theorie de l’Art.
Parmy les choses les plus serieuses de son art, il [ndr : Annibal Carrache] mesloit aussi quelquefois le plaisant & le burlesque, ayant mesme pour cela une inclination particulière. Car non seulement il avoit l’esprit vif & prompt à dire de bons mots, & à faire des contes agreables ; mais il avoit aussi l’imagination prompte, & une facilité tres-grande à representer de ces choses bizares & extraordinaires qui ont donné le commencement à ces portraits burlesques ou chargez. Car c’est ainsi que les Peintres apellent certains visages & certaines figures, dont le dessein est alteré par l’augmentation des deffauts naturels de ceux qu’on veut representer : Ce qu’Annibal faisoit dans une ressemblance si ridicule qu’on ne peut s’empescher de rire lors qu’on en voit quelques-uns. Comme la peinture a raport à la Poësie, on peut mettre cette sorte d’imitation soubs un genre semblable à celuy des vers burlesques.
Ceux, comme je vous ait dit, qui ne regardoient dans la peinture qu’une sorte & naturelle representation des choses, prenoient plaisir à considerer dans les Tableaux du Caravage, cette simple & vile, s’il faut ainsi dire, imitation de la Nature, sans faire aucun discernement du beau d’avec le laid. Et ceux au contraire qui, sans s’attacher à la Nature, se plaisent à voir de grandes imaginations bien représentées, admiroient cette abondance, cette facilité, & ce que les Italiens appellent la furia, qui se remarquent dans les compositions de Joseph Pin.
Et ceux au contraire qui, sans s’attacher à la Nature, se plaisent à voir de grandes imaginations bien représentées, admiroient cette abondance, cette facilité, & ce que les Italiens appellent la furia, qui se remarquent dans les compositions de Joseph Pin.
CESARI, Giuseppe (Cavaliere d'Arpino)
Italiens (les)
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CESARI, Giuseppe (Cavaliere d'Arpino)
Italiens (les)