CARRACCI, les ( XVIe siècle - XVIIe siècle )

Getty:500115349 Getty:500115350 Getty:500028011 Getty:500021469 Getty:500433805 Getty:500009619 Getty:500016208 Getty:500088447
Famille d'artistes: - Carracci, Agostino : peintre et graveur, 1557-1602 ; - Carracci, Annibale : peintre, 1560-1609 ; - Carracci, Antonio : peintre, v. 1583-1618 ; - Carracci, Francesco : peintre et graveur, v. 1595-1622 ; - Carracci, Giovanni Antonio : peintre ; - Carracci, Lodovico : peintre, 1555-1619 ; - Carracci, Paolo : peintre, 1568-1625

Quotation

[ndr : LE PEINTRE]
Depuis nous avons eu les Carraces, & sur tous Anibal, le Dominicain, le Guide, & autres Excellens Naturalistes, lesquels quoy qu’ils n’ayent pas tout à fait donné comme Raphaël dans ce grand goust de l’antique, ils n’ont pas laissé de choisir de tres-belles natures, & telles seront toûjours bien cheries, estimées & suivies.

Quotation

Croïez qu’il y a tel homme d’esprit, qui sera plus capable de sentir les grandes beautez d’un tableau, que quantité de prétendus connoisseurs, qui vous imposent par leur jargon ; de ces gens qui ont passé leur vie à étudier les differentes manieres de tels & tels, sans s’appliquer à connoître quelle partie a rendu celui-ci plus fameux que cet autre. Il leur suffit de reconnoître la touche du Titien, ou du Carrache dans un tableau, pour le declarer merveilleux.

Quotation

Et comme on remarqua sur les Desseins des Etudians une diversité de manieres, les uns imitant le naturel dans la simplicité de sa forme, les autres affectant un embellissement par le renforcement des contours, qu'on appelle charger les contours & y donner le grand goût, cela donna l'occasion à l'Académie de s'entretenir sur ces differentes manieres. Ceux qui oppinoient pour les charges d'agrement alleguoient la beauté des figures Antiques, le grand Dessein de Michel l'Ange, des Caraches, & autres grands peintres de l'Antiquité, & soûtenoient qu'il falloit de bon heure se remplir l'esprit de ces grandes idées, pour se conformer à ces beaux exemples ; et se faire une habitude de ses belles & grandes manières [...]. L'oppinion opposée qu'on appelle naturaliste, parce que qu'ils estiment necessaire l'imitation exacte du naturel en toutes choses, étoit d'assujettir le Dessignateur à imiter les objets avec simplicité & pressisement comme ils sont. Leurs raisons à l'égard des Etudians étoit pour les dresser à une habitude de justesse & de precision ; & pour les avancés une expression nayve & convenable à toute sorte de sujets [...].

Quotation

Il est inutile de dire que le Dessein est le fondement de cet Art, & qu’il est nécessaire qu’un Graveur sache dessiner correctement, car sans cela il ne pourra jamais bien imiter aucun Tableau ni Dessein, parce que son [p. 98 152] ouvrage ne sera fait qu’en tâtonnant : il pourra même être fait avec soin & d’une gravûre fort douce, mais sans esprit, sans art & sans intelligence.

Quotation

CHARGE, CHARGER. On appelle proprement charges ou tableaux chargés, des représentations où l’on exagére les choses en bien ou en mal, mais plûtôt ordinairement en mal. 
Un Peintre satyrique en trois ou quatre coups de pinceau, fait un portrait ridicule, mais fort ressemblant, quoiqu’en laid, en exagérant la difformité de la personne qu’il représente. 
On appelle encore
charges certains caprices, & certaines figures grotesques : par éxemple, des animaux avec une figure humaine, des hommes avec des pieds d’animaux, des femmes sous la figure d’un pot ou de quelqu’autre vase. 
C’est une espéce de genre burlesque que le mauvais goût, qui corrompt tous les Arts, a introduit dans la Peinture.  
[...] Il est une troisième espéce de
charges, qui sont à la vérité contre l’éxactitude du dessein, mais ce sont des licences permises aux Peintres, & même nécessaires en certains cas. Dans certaines distances, il faut nécessairement charger les objets : c’est la premiere régle de la perspective. « Il y a des contours chargés, qui plaisent, dit Mr de Piles... On ne peut s’empêcher de louer dans quelques grands ouvrages les choses chargées, quand une raisonnable distance, d’où on les voit les adoucit à nos yeux. »
On dit
charger un portrait, faire des charges, charger des contours ; les charges d’Annibal Carache, de Callot, &c.
Une belle
charge, une charge ridicule. 

Quotation

Et comme on remarqua sur les Desseins des Etudians une diversité de manieres, les uns imitant le naturel dans la simplicité de sa forme, les autres affectant un embellissement par le renforcement des contours, qu'on appelle charger les contours & y donner le grand goût, cela donna l'occasion à l'Académie de s'entretenir sur ces differentes manieres. Ceux qui oppinoient pour les charges d'agrement alleguoient la beauté des figures Antiques, le grand Dessein de Michel l'Ange, des Caraches, & autres grands peintres de l'Antiquité, & soûtenoient qu'il falloit de bon heure se remplir l'esprit de ces grandes idées, pour se conformer à ces beaux exemples ; et se faire une habitude de ses belles & grandes manières [...].

Quotation

CHARGE, CHARGER. On appelle proprement charges ou tableaux chargés, des représentations où l’on exagére les choses en bien ou en mal, mais plûtôt ordinairement en mal. 
Un Peintre satyrique en trois ou quatre coups de pinceau, fait un portrait ridicule, mais fort ressemblant, quoiqu’en laid, en exagérant la difformité de la personne qu’il représente. 
On appelle encore
charges certains caprices, & certaines figures grotesques : par éxemple, des animaux avec une figure humaine, des hommes avec des pieds d’animaux, des femmes sous la figure d’un pot ou de quelqu’autre vase. 
C’est une espéce de genre burlesque que le mauvais goût, qui corrompt tous les Arts, a introduit dans la Peinture.  
[...] Il est une troisième espéce de
charges, qui sont à la vérité contre l’éxactitude du dessein, mais ce sont des licences permises aux Peintres, & même nécessaires en certains cas. Dans certaines distances, il faut nécessairement charger les objets : c’est la premiere régle de la perspective. « Il y a des contours chargés, qui plaisent, dit Mr de Piles... On ne peut s’empêcher de louer dans quelques grands ouvrages les choses chargées, quand une raisonnable distance, d’où on les voit les adoucit à nos yeux. »
On dit
charger un portrait, faire des charges, charger des contours ; les charges d’Annibal Carache, de Callot, &c.
Une belle
charge, une charge ridicule. 

Quotation

Le Peintre allant à la campagne, doit estre fourny de Tablettes & de Crayon, pour remarquer les choses qu’il voit estre dignes, comme ont fait le Titien, les Caraches, & autres bons Maistres, comme il se voit entre les mains des Curieux de Peinture, quantité d’Estudes & Remarques que ses grands Hommes ont faites sur des fuëilles [sic] & sur des Livres en tablettes qu’ils portoient toûjours sur eux.
Je ne parle point icy des premiers commencemens du dessein, comme du maniement du Crayon, du juste rapport que doit avoir la copie avec son original.
Je suppose avant que de commencer ses Estudes, que l’on doit avoir une facilité dans la main, pour imiter les beaux Desseins, les beau [sic] Tableaux & la Ronde-bosse : Que l’on doit enfin avoir la Clef du dessein, pour en profiter selon nos soins & nostre genie.

Quotation

Mais lorsqu’il s’agit de copier les Tableaux des grands Maîtres, il faut que le Graveur se détache entierement de la propre maniere qu’il pourroit avoir de dessiner, pour se conformer à celle des ouvrages qu’il veut imiter & s’y conserver le caractere qui fait distinguer les manieres les unes des autres : & pour cet effet l’on doit beaucoup dessiner & bien du soin d’après les peintures de Rapahaël, des Carraches, du Dominiquain, du Poussin, &c. que si l’occasion ne se présente pas de pouvoir copier ces ouvrages, & qu’on ne puisse que les voir, il faut en remarquer toutes les beautés & les saisir dans la mémoire par une forte application d’esprit, & s’efforcer de reconnoître la différence de chacun dans la manière de tracer les contours.
Il est très-nécessaire qu’un Graveur sache l’Architecture & la Perspective. L’Architecture pour [p. 99 153] garder les proportions que les habiles Peintres quelquefois ne se donnent pas la peine de terminer dans leurs desseins ; surtout quand on grave d’après des croquis ou des tableaux peu finis. La Perspective, par les dégradations du fort au foible, lui donnera beaucoup de facilité pour faire fuir ou avancer les figures & autres corps représentés dans le Tableau qu’il doit imiter.

Quotation

Il est inutile de dire que le Dessein est le fondement de cet Art, & qu’il est nécessaire qu’un Graveur sache dessiner correctement, car sans cela il ne pourra jamais bien imiter aucun Tableau ni Dessein, parce que son [p. 98 152] ouvrage ne sera fait qu’en tâtonnant : il pourra même être fait avec soin & d’une gravûre fort douce, mais sans esprit, sans art & sans intelligence.
On passe sous silence la maniere de dessiner du Graveur, qui doit être la même que celle du Peintre : on dira seulement qu’il doit s’appliquer fortement à dessiner long-tems des pieds & des mains d’après l’antique, sur le naturel, & d’après les Tableaux & les Desseins d’habiles gens, & qu’il ne doit point négliger de voir les Estampes gravées d’Augustin Carrache, & de Villamene, qui ont parfaitement & facilement dessiné ces extrémités.

Quotation

Pour aprendre à bien manier la plume, rien n'est meilleur que de copier des Estampes des Caraches, & de faire avec la plume les contours & les hachures que le burin à tracez: car pour leurs desseins à la plume il faut estre déja fort avancé pour en profiter, ils sont touchez avec esprit et d’un goust merveilleux.

Quotation

Le Peintre allant à la campagne, doit estre fourny de Tablettes & de Crayon, pour remarquer les choses qu’il voit estre dignes, comme ont fait le Titien, les Caraches, & autres bons Maistres, comme il se voit entre les mains des Curieux de Peinture, quantité d’Estudes & Remarques que ses grands Hommes ont faites sur des fuëilles [sic] & sur des Livres en tablettes qu’ils portoient toûjours sur eux.
Je ne parle point icy des premiers commencemens du dessein, comme du maniement du Crayon, du juste rapport que doit avoir la copie avec son original.
Je suppose avant que de commencer ses Estudes, que l’on doit avoir une facilité dans la main, pour imiter les beaux Desseins, les beau [sic] Tableaux & la Ronde-bosse : Que l’on doit enfin avoir la Clef du dessein, pour en profiter selon nos soins & nostre genie.

Quotation

ECOLE. On distingue cinq Ecoles ou cinq Classes de Peintres.
L’Ecole Romaine ou Florentine.
L’Ecole Venitienne.
L’Ecole de Lombardie.
L’Ecole Flamande & Allemande
L’Ecole Françoise.
On entend par ces noms les peintres Romains, Venitiens, Lombards, Flamands & François, 
Les autres nations n’ont point d’
Ecole qui porte leur nom ; ainsi l’on ne doit pas l’Ecole d’Espagne, l’Ecole d’Angleterre. 
[...] 
L’Ecole de Rome s’est principalement attachée au dessein.
L’
Ecole de Venise au coloris.
L’
Ecole de Lombardie à l’expression.
Et l’
Ecole Flamande au naturel. 
L’
Ecole Françoise a varié dans ses principes. 
Plusieurs Peintres célébres ont fondé des
Ecoles particulieres qui portent leur nom : l’Ecole  de Raphaël, l’Ecole des Carraches, l’Ecole du Titien. 
On entend par-là, les Peintres qui ont été les éléves de ces grands hommes, ou qui ont travaillé dans leur maniére.

Quotation

Il ne serait pas moins téméraire de décider la question sur ce que nos tableaux ne sont point ces effets prodigieux que les tableaux des anciens peintres ont fait quelquefois ; suivant les apparences, les récits des Ecrivains qui nous racontent ces effets sont exagérez, & nous ne savons pas même ce qu'il en faudrait rabattre pour les réduire à l'exacte vérité. Nous ignorons quelle part de la nouveauté de l'art de la Peinture peut avoir euë dans l'impression qu'on veut que certains tableaux aïent fait sur les Spectateurs. Les premiers tableaux, quoique grossiers, ont dû paroître des ouvrages divins. L'admiration pour un art naissant, fait tomber aisément dans l'exagération ceux qui parlent de ses productions ; & et la tradition en recueillant ces récits outrez, aime encore les rendre plus merveilleux qu'elle ne les a reçus. On trouve même dans les Ecrivains anciens des choses impossibles données pour vraies, & des choses ordinaires traitées de prodiges. […]
Enfin on ne sçaurait donner une idée un peu précise des tableaux à ceux qui ne les ont pas vus absolument, & qui ne connaissent pas la manière du Peintre qui les a faits, que par voies de comparaison. […]
Les Ecrivains modernes qui ont traité de la peinture antique, nous rendent plus sçavans, sans nous rendre plus capables de juger la question de la supériorité des Peintres de l'antiquité sur les Peintres modernes. Ces Ecrivains se sont contentez de ramasser les passages des Auteurs anciens qui parlent de la peinture & de les commenter en Philologues, sans les expliquer par l'examen de ce que nos Peintres font de nos jours, & même sans appliquer ces passages aux morceaux de la peinture antique qui subsistent encore. Je pense donc que pour se former une idée aussi distincte de la peinture antique qu'il soit possible de l'avoir, il faut considérer séparément ce que nous pouvons sçavoir de certain sur la composition, sur l'expression & sur le coloris des Peintres de l'antiquité.     
[…] Quant à la composition Pittoresque, il faut avoüer que dans les monumens qui nous restent, les Peintres anciens ne paroissent pas superieurs, ni même égaux à Raphaël, à Rubens, à Paul Véronèse, ni à M. Le Brun. […]
Quant à la composition Poëtique, les anciens se piquoient beaucoup d'exceller dans ses inventions, & comme ils étoient grands dessinateurs, ils avoient toutes sortes de facilité pour y réussir. Pour donner une idée du progrès  que les anciens avoient faits dans cette partie de la peinture qui comprend le grand art des expressions, nous rapporterons ce qu'en disent les Ecrivains de l'antiquité. De toute les parties de la peinture, la composition Poëtique est celle dont il est le plus facile de donner une idée avec des paroles. C'est celle qui se décrit le mieux.
[…]
Comme le temps a éteint les couleurs, & confondu les nuances dans les fragmens qui nous restent de la peinture antique faite au pinceau, nous ne sçaurions juger à quel point les Peintres de l'antiquité ont excellé dans le coloris, ni s'ils ont égalé ou surpassé les grands Maîtres de l'Ecole Lombarde dans cette aimable partie de la peinture.[…] On ne sçaurait décider notre question sur des récits. Il faut pour la juger, avoir des pièces de comparaison. Elles nous manquent. 
On ne sçauroit former un préjugé contre le coloris des anciens, de ce qu'ils ignoroient l'invention de détremper les couleurs avec de l'huile […]
Quant au clair-obscur & à la distribution enchanteresse des lumières & des ombres, ce que Pline &  les autres Ecrivains de l'antiquité en disent, est si positif, leurs récits sont si bien circonstanciez & si vrai-semblables, qu'on ne sçauroit disconvenir que les anciens n'égalassent du moins dans cette partie de l'Art, les plus grands peintres modernes. Les passages de ces Auteurs que nous ne comprenions pas bien, quand les Peintres modernes ignoroient encore quel prestige on peut faire avec le secours de cette magie, ne sont plus si embroüillez & si difficiles, depuis que Rubens, ses Eleves, Polidore de Caravage, & d'autres Peintres les ont expliquez bien mieux, les pinceaux à la main, que les commentateurs les plus érudits ne le pouvoient faire dans des livres. 
[…] je dis, que les Peintres qui ont travaillé depuis la renaissance des Arts, que Raphaël & ses contemporains n'ont point eu aucun avantage sur nos Artisans. Ces derniers sçavent toutes les couleurs dont les premiers se sont servis. 

Quotation

Le Peintre allant à la campagne, doit estre fourny de Tablettes & de Crayon, pour remarquer les choses qu’il voit estre dignes, comme ont fait le Titien, les Caraches, & autres bons Maistres, comme il se voit entre les mains des Curieux de Peinture, quantité d’Estudes & Remarques que ses grands Hommes ont faites sur des fuëilles [sic] & sur des Livres en tablettes qu’ils portoient toûjours sur eux.
Je ne parle point icy des premiers commencemens du dessein, comme du maniement du Crayon, du juste rapport que doit avoir la copie avec son original.
Je suppose avant que de commencer ses Estudes, que l’on doit avoir une facilité dans la main, pour imiter les beaux Desseins, les beau [sic] Tableaux & la Ronde-bosse : Que l’on doit enfin avoir la Clef du dessein, pour en profiter selon nos soins & nostre genie.

Quotation

Et après avoir beaucoup étudié & copié à la plume ou au crayon le Titien & les Caraches, leurs Estampes premierement, puis leurs Desseins, si l’on en peut avoir, il faut tâcher d’imiter avec le pinceau les touches que ces grands Hommes ont le plus nettement specifiées. Mais comme les Tableaux du Titien & ceux des Caraches sont fort rares, on peut leur en substituer d’autres qui ont eu un bon caractere dans leur touche, parmi lesquels on peut suivre Fouquier, comme un très-excellent modèle : Paul Bril, Breugle, & Bourdon sont encore très-bons, leur touche est nette, vive, & legere.

Quotation

Mais il y a de la difference de cette manière de passer d’une couleur à une autre, à cette autre union & à ce passage de couleurs dont nous venons de parler. Quoy que ce soit une chose tres-estimable de bien unir ensemble les couleurs pour joindre des corps de differentes especes, ce n’est rien neanmoins en comparaison de sçavoir peindre les contours & les extremitez de tous les corps en general, & faire qu’ils se perdent par une suite & un détour insensible, qui trompe la veuë de telle sorte qu’on ne laisse pas d’y comprendre ce qui ne se voit point. Parrhasius fut celui des Peintres anciens qui posseda parfaitement cette science. Pline, qui en a fait la remarque, considere cette partie comme la plus difficile & la plus importante de la Peinture, parce, dit-il, qu’encore qu’il soit toujours avantageux de bien peindre le milieu des corps, c’est pourtant une chose ou plusieurs ont acquis de la gloire ; mais d’en bien tracer les contours ; les faire fuir, & par le moyen de ces affoiblissemens, faire en sorte qu’il semble qu’on aille voir d’une figure ce qui est caché ; c’est en quoy consiste la perfection de l’art, & ce qui ne s’apprend pas sans beaucoup de peine.
C’est aussi ce qui donne du relief aux corps, & qui dépend non seulement de l’affoiblissement des couleurs, mais encore de celuy des lumieres & des ombres. Les Anciens avoient raison de priser cette partie, parce qu’il faut beaucoup de connoissance pour la posseder. Si vous me demandez quels moyens les Peintres peuvent avoir pour l’acquerir, je vous diray que je n’en voy point de plus propre que les continuelles observations des differens effets de la lumiere & de l’ombre, qu’ils peuvent faire sur le naturel ; & en suitte d’imiter ces effets dans leurs tableaux par le moyen des couleurs & des teintes qu’il faut fortifier ou affoiblir selon qu’ils le jugeront necessaire.

Quotation

Tout devient palettes & pinceaux entre les mains d'un enfant doüé du génie de la Peinture. Ils fait connoître aux autres pour ce qu'il est, quand lui-même ne le sçait pas encore. Les Annalistes de la Peinture rapportent une infinité de faits qui confirment ce que j'avance. La plûpart des grands Peintres ne sont pas nez dans les atteliers. Très-peu sont des fils de Peintres, qui, suivant l'usage ordinaire, auroient été élevez dans la profession de leurs peres. Parmi les Artisans illustres qui font tant d'honneur aux deux derniers siècles, le seul Raphaël, autant qu'il m'en souvient, fut le fils d'un Peintre. Le pere du Georgeon & celui du Titien, ne manierent jamais ni pinceaux ni cizeaux, Leonard De Vinci, & Paul Veronése, n'eurent point de Peintres pour peres. Les parens de Michel-Ange vivoient, comme on dit, noblement, c'est-à-dire, sans exercer aucune profession lucrative. André Del Sarte étoit fils d'un Tailleur, & Le Tintoret d'un Tinturier. Le pere des Caraches, n'étoit pas d'une profession où l'on manie le craïon. Michel-Ange De Caravage étoit fils d'un Masson, & Le Correge fils d'un Laboureur. Le Guide étoit fils d'un Musicien, Le Dominiquin d'un Cordonnier, & L'Albane d'un Marchand de Soïe. Lanfranc étoit un enfant trouvé, à qui son génie enseigna la peinture, à peu près comme le génie de M Pascal lui enseigna les Mathématiques. Le pere de Rubens, qui étoit dans la Magistrature d'Anvers, n'avoit ni attelier ni boutique dans sa maison. Le pere de Vandick n'étoit ni Peintre ni Sculpteur. Du Fresnoy, dont nous avons un poëme sur la Peinture, qui a mérité d'être traduit & commenté par M. De Piles, & dont nous avons aussi des tableaux au-dessus du médiocre, avoit étudié pour être Médecin. Les peres des quatre meilleurs Peintres François du dernier siècle, Le Valentin, Le Sueur, Le Poussin & Le Brun, n'étoient pas des peintres. C'est le génie de ces grands hommes qui les a été chercher, pour ainsi dire, dans la maison de leurs parens, afin de les conduire sur le Parnasse. Les Peintres montent sur le Parnasse, aussi-bien que les Poëtes.

Quotation

Pour aprendre à bien manier la plume, rien n'est meilleur que de copier des Estampes des Caraches, & de faire avec la plume les contours & les hachures que le burin à tracez: car pour leurs desseins à la plume il faut estre déja fort avancé pour en profiter, ils sont touchez avec esprit et d’un goust merveilleux.

Quotation

Les autres, comme les Carraces, Barroche, le Carravage, & plusieurs cy devant nommez, sont aussi tous differens en gousts, toutefois leurs desseins, ordonnances, expressions, & manieres de Peindre, beaucoup moins artistes ou croquées, que celles de ceux [ndr : Le Tintoret, Veronèse, Bassan] dont je viens de parler ; Le Carravage imitoit la Nature en son air & en son trait, telle qu’il en avoit le goust ; [...]

Quotation

Davantage plusieurs Excellents Peintres, quoy qu’ils n’ayent entierement eu la connoissance de ce qu’on appelle forte ou grande maniere, où ce grand Goust de l’air & de proportion des beaux Antiques, ont fait des Ouvrages qui peuvent passer en quelques particularitez au delà de celles des Peintres ci-devant nommez [ndr : Titien, Raphaël, Jules Romain] , principalement quand ils ont choisi dans la nature & dans leur imagination, les plus belles Figures humaines & mieux proportionnées qu'ils avoient peu, ainsi qu'on fait les Carraces entr'autres principalement Annibal, duquel on voit entre diverses Tailles Douces ou Stampes à l'eau forte, une d'une Aumosne de Sainct Roc, & une petite Descente de Croix qui veritablement meritent d'estre estimées, & de plus aussi sa maniere de peindre, laquelle est à mes yeux extremement franche, pleine & libre, faisant expression d'une chair ferme, mais non à la vérité si tendre, fraiche, vermeille & delicate, que celle du Titian.

Quotation

Et comme on remarqua sur les Desseins des Etudians une diversité de manieres, les uns imitant le naturel dans la simplicité de sa forme, les autres affectant un embellissement par le renforcement des contours, qu'on appelle charger les contours & y donner le grand goût, cela donna l'occasion à l'Académie de s'entretenir sur ces differentes manieres. Ceux qui oppinoient pour les charges d'agrement alleguoient la beauté des figures Antiques, le grand Dessein de Michel l'Ange, des Caraches, & autres grands peintres de l'Antiquité, & soûtenoient qu'il falloit de bon heure se remplir l'esprit de ces grandes idées, pour se conformer à ces beaux exemples ; et se faire une habitude de ses belles & grandes manières [...]. [...] car il faut bien sçavoir toutes ses choses pour donner bien à propos ses charges dagremens, en quoi consiste ce que l'on appelle le grand goût, l'on observa que la force des bras procede des muscles forts qui les attachent aux épaules, en laissant les joinctures bien nouées, en quoi les foibles Etudians se peuvent tromper mettant ces grosseurs affectées dans les emboëtemens des bras & des cuisses, au lieu de bien observer la naissance & la fin des plus grands muscles, ce qui fait la veritable beauté des contours, où l'on doit observer que les muscles exterieurs étant agitez par ses mouvemens differens, font un espece de Contraste qui cause une douce opposition dans la rencontre des contours, tellement qu'on ne voit point deux contours enflez ou enfonsés se rencontrer à l'opposite l'un de l'autre, mais ils se coulent comme en ondoyant doucement [...].

Quotation

Principes de la Gravûre au Burin.
Il est inutile de dire que le Dessein est le fondement de cet Art, & qu’il est nécessaire qu’un Graveur sache dessiner correctement, car sans cela il ne pourra jamais bien imiter aucun Tableau ni Dessein, parce que son [p. 98 152] ouvrage ne sera fait qu’en tâtonnant : il pourra même être fait avec soin & d’une gravûre fort douce, mais sans esprit, sans art & sans intelligence.
On passe sous silence la maniere de dessiner du Graveur, qui doit être la même que celle du Peintre : on dira seulement qu’il doit s’appliquer fortement à dessiner long-tems des pieds & des mains d’après l’antique, sur le naturel, & d’après les Tableaux & les Desseins d’habiles gens, & qu’il ne doit point négliger de voir les Estampes gravées d’Augustin Carrache, & de Villamene, qui ont parfaitement & facilement dessiné ces extrémités.
Je dis ceci afin que le Graveur se donne par ce moyen une liberté de les faire de bon goût pour s’en servir dans des occasions qui se rencontrent quelquefois de travailler d’après des Peintres médiocres, ou des Desseins qui ne sont pas finis.
Mais lorsqu’il s’agit de copier les Tableaux des grands Maîtres, il faut que le Graveur se détache entierement de la propre maniere qu’il pourroit avoir de dessiner, pour se conformer à celle des ouvrages qu’il veut imiter & s’y conserver le caractere qui fait distinguer les manieres les unes des autres : & pour cet effet l’on doit beaucoup dessiner & bien du soin d’après les peintures de Rapahaël, des Carraches, du Dominiquain, du Poussin, &c. que si l’occasion ne se présente pas de pouvoir copier ces ouvrages, & qu’on ne puisse que les voir, il faut en remarquer toutes les beautés & les saisir dans la mémoire par une forte application d’esprit, & s’efforcer de reconnoître la différence de chacun dans la manière de tracer les contours.

Quotation

Pour aprendre à bien manier la plume, rien n'est meilleur que de copier des Estampes des Caraches, & de faire avec la plume les contours & les hachures que le burin à tracez: car pour leurs desseins à la plume il faut estre déja fort avancé pour en profiter, ils sont touchez avec esprit et d’un goust merveilleux.

Quotation

Mais lorsqu’il s’agit de copier les Tableaux des grands Maîtres, il faut que le Graveur se détache entierement de la propre maniere qu’il pourroit avoir de dessiner, pour se conformer à celle des ouvrages qu’il veut imiter & s’y conserver le caractere qui fait distinguer les manieres les unes des autres : & pour cet effet l’on doit beaucoup dessiner & bien du soin d’après les peintures de Rapahaël, des Carraches, du Dominiquain, du Poussin, &c. que si l’occasion ne se présente pas de pouvoir copier ces ouvrages, & qu’on ne puisse que les voir, il faut en remarquer toutes les beautés & les saisir dans la mémoire par une forte application d’esprit, & s’efforcer de reconnoître la différence de chacun dans la manière de tracer les contours.
Il est très-nécessaire qu’un Graveur sache l’Architecture & la Perspective. L’Architecture pour [p. 99 153] garder les proportions que les habiles Peintres quelquefois ne se donnent pas la peine de terminer dans leurs desseins ; surtout quand on grave d’après des croquis ou des tableaux peu finis. La Perspective, par les dégradations du fort au foible, lui donnera beaucoup de facilité pour faire fuir ou avancer les figures & autres corps représentés dans le Tableau qu’il doit imiter.

Quotation

Et comme on remarqua sur les Desseins des Etudians une diversité de manieres, les uns imitant le naturel dans la simplicité de sa forme, les autres affectant un embellissement par le renforcement des contours, qu'on appelle charger les contours & y donner le grand goût, cela donna l'occasion à l'Académie de s'entretenir sur ces differentes manieres. Ceux qui oppinoient pour les charges d'agrement alleguoient la beauté des figures Antiques, le grand Dessein de Michel l'Ange, des Caraches, & autres grands peintres de l'Antiquité, & soûtenoient qu'il falloit de bon heure se remplir l'esprit de ces grandes idées, pour se conformer à ces beaux exemples ; et se faire une habitude de ses belles & grandes manières [...]. L'oppinion opposée qu'on appelle naturaliste, parce que qu'ils estiment necessaire l'imitation exacte du naturel en toutes choses, étoit d'assujettir le Dessignateur à imiter les objets avec simplicité & pressisement comme ils sont. Leurs raisons à l'égard des Etudians étoit pour les dresser à une habitude de justesse & de precision ; & pour les avancés une expression nayve & convenable à toute sorte de sujets [...].
[...] l'étude des belles figures Antiques étoit très necessaire dans le commencement, & même plus avantageuse que le naturel, mais l'on assura qu'en l'un & en l'autre on étoit obligé de s'assujettir à imiter exactement son objet pour en receuillir le fruit qu'on en desire, & s'habituer l'oeil & la main à la justesse & precision, ce qui est le fondement de la Pratique de la Peinture [...]. [...] Quant à l'imitation precise des modelles, l'on avoüa enfin que même les plus habiles hommes doivent observer cette regle de dessigner le naturel justement & precisement, comme ils le voient pour ne s'écarter point de la verité, quand ils étudient leurs morceaux sur le naturel ; afin que s'en voulant servir en l'execution de l'Ouvrage, ses Desseins representent la verité du naturel, les laissant dans la liberté de donner à leurs figures tels caracteres de force ou de foiblesse convenables à leurs sujets, ce qui est la principale fin à laquelle toutes leurs études ce doivent raporter.

Quotation

De tous ces differents meslanges de couleurs s’engendre cette multitude de differentes teintes qui se rencontrent dans les tableaux, sans lesquelles le Peintre ne peut bien imiter, ny les carnations, ny les draperies, ny generallement toutes les autres choses qu’il veut representer. Et comme il doit faire le meslange de ses teintes sur sa palette ou sur son tableau selon les couleurs qui luy paroissent dans le naturel, il faut qu’il soit extraordinairement soigneux d’observer dans la Nature de quelle maniere elles y paroissent : c’est à dire qu’il doit, en considerant les corps des hommes, regarder de quelle façon ils sont colorez ; quelles parties sont plus vives, & quelles parties sont plus claires ; celles qui sont plus rouges & celles qui ont une apparence un peu bluastre, comme sont d’ordinaire les chairs plus délicates ; & prendre bien garde comment toutes ces differentes couleurs s’unissent & se meslent si bien ensemble, qu’il semble qu’une infinité de diverses teintes ne fassent qu’une seule couleur.
Quand un Peintre sçait mesler ses couleurs, les lier & noyer tendrement, on appelle cela bien peindre ; C’est la partie qu’avoit le Corege, comme je vous ay dit assez de fois, & ce beau meslange de couleurs non seulement se doit faire dans les superficies égales en clarté, mais encore dans la jonction ou nouëment des parties claires avec les brunes.
Ce nouëment, interrompit Pymandre, & ce meslange de couleurs qui se fait avec tendresse, est-ce point ce que Pline appelle
commissura & transitus colorum ? Et ce qu’Ovide entend lors qu’il parle des couleurs de l’arc-en-ciel, quand il dit :
In quo diversiniteant cum mille colores,
Transitus ipse tamen spectantia lumina fallit,
Usque adeo quod tangit idem & tamen ultima distant. {Ovid. 6. Meth. v. 65.}
Je ne croy pas qu’on puisse mieux exprimer le passage presqu’insensible qui se fait d’une couleur à une autre. Il me souvient que Philostrate traitant de l’education d’Achilles, observe que ce qui paroissoit de plus merveilleux dans la representation de Chiron peint en Centaure, estoit l’assemblage de la Nature humaine avec celle du cheval, que le Peintre avoit si adroitement jointes ensemble, qu’on ne pouvoit connoistre la separation de l’une d’avec l’autre, ny s’apercevoir où elle commençoit, & où elle finissoit.

Les plus beaux exemples qu’un en voye dans la peinture, repartis-je sont dans la Gallerie de Farnese, où  les Caraches ont representé Persée qui change des hommes en pierres : Et dans le Cabinet du Roy, où le Guide a peint le Cantaure Nesse qui enleve Dejanire.

Quotation

Il ne serait pas moins téméraire de décider la question sur ce que nos tableaux ne sont point ces effets prodigieux que les tableaux des anciens peintres ont fait quelquefois ; suivant les apparences, les récits des Ecrivains qui nous racontent ces effets sont exagérez, & nous ne savons pas même ce qu'il en faudrait rabattre pour les réduire à l'exacte vérité. Nous ignorons quelle part de la nouveauté de l'art de la Peinture peut avoir euë dans l'impression qu'on veut que certains tableaux aïent fait sur les Spectateurs. Les premiers tableaux, quoique grossiers, ont dû paroître des ouvrages divins. L'admiration pour un art naissant, fait tomber aisément dans l'exagération ceux qui parlent de ses productions ; & et la tradition en recueillant ces récits outrez, aime encore les rendre plus merveilleux qu'elle ne les a reçus. On trouve même dans les Ecrivains anciens des choses impossibles données pour vraies, & des choses ordinaires traitées de prodiges. […]
Enfin on ne sçaurait donner une idée un peu précise des tableaux à ceux qui ne les ont pas vus absolument, & qui ne connaissent pas la manière du Peintre qui les a faits, que par voies de comparaison. […]
Les Ecrivains modernes qui ont traité de la peinture antique, nous rendent plus sçavans, sans nous rendre plus capables de juger la question de la supériorité des Peintres de l'antiquité sur les Peintres modernes. Ces Ecrivains se sont contentez de ramasser les passages des Auteurs anciens qui parlent de la peinture & de les commenter en Philologues, sans les expliquer par l'examen de ce que nos Peintres font de nos jours, & même sans appliquer ces passages aux morceaux de la peinture antique qui subsistent encore. Je pense donc que pour se former une idée aussi distincte de la peinture antique qu'il soit possible de l'avoir, il faut considérer séparément ce que nous pouvons sçavoir de certain sur la composition, sur l'expression & sur le coloris des Peintres de l'antiquité.     
[…] Quant à la composition Pittoresque, il faut avoüer que dans les monumens qui nous restent, les Peintres anciens ne paroissent pas superieurs, ni même égaux à Raphaël, à Rubens, à Paul Véronèse, ni à M. Le Brun. […]
Quant à la composition Poëtique, les anciens se piquoient beaucoup d'exceller dans ses inventions, & comme ils étoient grands dessinateurs, ils avoient toutes sortes de facilité pour y réussir. Pour donner une idée du progrès  que les anciens avoient faits dans cette partie de la peinture qui comprend le grand art des expressions, nous rapporterons ce qu'en disent les Ecrivains de l'antiquité. De toute les parties de la peinture, la composition Poëtique est celle dont il est le plus facile de donner une idée avec des paroles. C'est celle qui se décrit le mieux.
[…]
Comme le temps a éteint les couleurs, & confondu les nuances dans les fragmens qui nous restent de la peinture antique faite au pinceau, nous ne sçaurions juger à quel point les Peintres de l'antiquité ont excellé dans le coloris, ni s'ils ont égalé ou surpassé les grands Maîtres de l'Ecole Lombarde dans cette aimable partie de la peinture.[…] On ne sçaurait décider notre question sur des récits. Il faut pour la juger, avoir des pièces de comparaison. Elles nous manquent. 
On ne sçauroit former un préjugé contre le coloris des anciens, de ce qu'ils ignoroient l'invention de détremper les couleurs avec de l'huile […]
Quant au clair-obscur & à la distribution enchanteresse des lumières & des ombres, ce que Pline &  les autres Ecrivains de l'antiquité en disent, est si positif, leurs récits sont si bien circonstanciez & si vrai-semblables, qu'on ne sçauroit disconvenir que les anciens n'égalassent du moins dans cette partie de l'Art, les plus grands peintres modernes. Les passages de ces Auteurs que nous ne comprenions pas bien, quand les Peintres modernes ignoroient encore quel prestige on peut faire avec le secours de cette magie, ne sont plus si embroüillez & si difficiles, depuis que Rubens, ses Eleves, Polidore de Caravage, & d'autres Peintres les ont expliquez bien mieux, les pinceaux à la main, que les commentateurs les plus érudits ne le pouvoient faire dans des livres. 
[…] je dis, que les Peintres qui ont travaillé depuis la renaissance des Arts, que Raphaël & ses contemporains n'ont point eu aucun avantage sur nos Artisans. Ces derniers sçavent toutes les couleurs dont les premiers se sont servis. 

Quotation

Quand un Peintre sçait mesler ses couleurs, les lier & noyer tendrement, on appelle cela bien peindre ; C’est la partie qu’avoit le Corege, comme je vous ay dit assez de fois, & ce beau meslange de couleurs non seulement se doit faire dans les superficies égales en clarté, mais encore dans la jonction ou nouëment des parties claires avec les brunes.
Ce nouëment, interrompit Pymandre, & ce meslange de couleurs qui se fait avec tendresse, est-ce point ce que Pline appelle
commissura & transitus colorum ? Et ce qu’Ovide entend lors qu’il parle des couleurs de l’arc-en-ciel, quand il dit :
In quo diversiniteant cum mille colores,
Transitus ipse tamen spectantia lumina fallit,
Usque adeo quod tangit idem & tamen ultima distant. {Ovid. 6. Meth. v. 65.}
Je ne croy pas qu’on puisse mieux exprimer le passage presqu’insensible qui se fait d’une couleur à une autre. Il me souvient que Philostrate traitant de l’education d’Achilles, observe que ce qui paroissoit de plus merveilleux dans la representation de Chiron peint en Centaure, estoit l’assemblage de la Nature humaine avec celle du cheval, que le Peintre avoit si adroitement jointes ensemble, qu’on ne pouvoit connoistre la separation de l’une d’avec l’autre, ny s’apercevoir où elle commençoit, & où elle finissoit.

Les plus beaux exemples qu’un en voye dans la peinture, repartis-je sont dans la Gallerie de Farnese, où  les Caraches ont representé Persée qui change des hommes en pierres : Et dans le Cabinet du Roy, où le Guide a peint le Cantaure Nesse qui enleve Dejanire.

Quotation

Mais lorsqu’il s’agit de copier les Tableaux des grands Maîtres, il faut que le Graveur se détache entierement de la propre maniere qu’il pourroit avoir de dessiner, pour se conformer à celle des ouvrages qu’il veut imiter & s’y conserver le caractere qui fait distinguer les manieres les unes des autres : & pour cet effet l’on doit beaucoup dessiner & bien du soin d’après les peintures de Rapahaël, des Carraches, du Dominiquain, du Poussin, &c. que si l’occasion ne se présente pas de pouvoir copier ces ouvrages, & qu’on ne puisse que les voir, il faut en remarquer toutes les beautés & les saisir dans la mémoire par une forte application d’esprit, & s’efforcer de reconnoître la différence de chacun dans la manière de tracer les contours.

Quotation

Croïez qu’il y a tel homme d’esprit, qui sera plus capable de sentir les grandes beautez d’un tableau, que quantité de prétendus connoisseurs, qui vous imposent par leur jargon ; de ces gens qui ont passé leur vie à étudier les differentes manieres de tels & tels, sans s’appliquer à connoître quelle partie a rendu celui-ci plus fameux que cet autre. Il leur suffit de reconnoître la touche du Titien, ou du Carrache dans un tableau, pour le declarer merveilleux.

Quotation

Davantage plusieurs Excellents Peintres, quoy qu’ils n’ayent entierement eu la connoissance de ce qu’on appelle forte ou grande maniere, où ce grand Goust de l’air & de proportion des beaux Antiques, ont fait des Ouvrages qui peuvent passer en quelques particularitez au delà de celles des Peintres ci-devant nommez [ndr : Titien, Raphaël, Jules Romain] , principalement quand ils ont choisi dans la nature & dans leur imagination, les plus belles Figures humaines & mieux proportionnées qu'ils avoient peu, ainsi qu'on fait les Carraces entr'autres principalement Annibal, duquel on voit entre diverses Tailles Douces ou Stampes à l'eau forte, une d'une Aumosne de Sainct Roc, & une petite Descente de Croix qui veritablement meritent d'estre estimées, & de plus aussi sa maniere de peindre, laquelle est à mes yeux extremement franche, pleine & libre, faisant expression d'une chair ferme, mais non à la vérité si tendre, fraiche, vermeille & delicate, que celle du Titian.

Quotation

Et comme on remarqua sur les Desseins des Etudians une diversité de manieres, les uns imitant le naturel dans la simplicité de sa forme, les autres affectant un embellissement par le renforcement des contours, qu'on appelle charger les contours & y donner le grand goût, cela donna l'occasion à l'Académie de s'entretenir sur ces differentes manieres. Ceux qui oppinoient pour les charges d'agrement alleguoient la beauté des figures Antiques, le grand Dessein de Michel l'Ange, des Caraches, & autres grands peintres de l'Antiquité, & soûtenoient qu'il falloit de bon heure se remplir l'esprit de ces grandes idées, pour se conformer à ces beaux exemples ; et se faire une habitude de ses belles & grandes manières [...]. L'oppinion opposée qu'on appelle naturaliste, parce que qu'ils estiment necessaire l'imitation exacte du naturel en toutes choses, étoit d'assujettir le Dessignateur à imiter les objets avec simplicité & pressisement comme ils sont. Leurs raisons à l'égard des Etudians étoit pour les dresser à une habitude de justesse & de precision ; & pour les avancés une expression nayve & convenable à toute sorte de sujets [...].

Quotation

Davantage plusieurs Excellents Peintres, quoy qu’ils n’ayent entierement eu la connoissance de ce qu’on appelle forte ou grande maniere, où ce grand Goust de l’air & de proportion des beaux Antiques, ont fait des Ouvrages qui peuvent passer en quelques particularitez au delà de celles des Peintres ci-devant nommez [ndr : Titien, Raphaël, Jules Romain] , principalement quand ils ont choisi dans la nature & dans leur imagination, les plus belles Figures humaines & mieux proportionnées qu'ils avoient peu, ainsi qu'on fait les Carraces entr'autres principalement Annibal, duquel on voit entre diverses Tailles Douces ou Stampes à l'eau forte, une d'une Aumosne de Sainct Roc, & une petite Descente de Croix qui veritablement meritent d'estre estimées, & de plus aussi sa maniere de peindre, laquelle est à mes yeux extremement franche, pleine & libre, faisant expression d'une chair ferme, mais non à la vérité si tendre, fraiche, vermeille & delicate, que celle du Titian.

Quotation

Davantage plusieurs Excellents Peintres, quoy qu’ils n’ayent entierement eu la connoissance de ce qu’on appelle forte ou grande maniere, où ce grand Goust de l’air & de proportion des beaux Antiques, ont fait des Ouvrages qui peuvent passer en quelques particularitez au delà de celles des Peintres ci-devant nommez [ndr : Titien, Raphaël, Jules Romain] , principalement quand ils ont choisi dans la nature & dans leur imagination, les plus belles Figures humaines & mieux proportionnées qu'ils avoient peu, ainsi qu'on fait les Carraces entr'autres principalement Annibal, duquel on voit entre diverses Tailles Douces ou Stampes à l'eau forte, une d'une Aumosne de Sainct Roc, & une petite Descente de Croix qui veritablement meritent d'estre estimées, & de plus aussi sa maniere de peindre, laquelle est à mes yeux extremement franche, pleine & libre, faisant expression d'une chair ferme, mais non à la vérité si tendre, fraiche, vermeille & delicate, que celle du Titian.

Quotation

En suitte nous avons eu les Carraces principalement Anibal ; Puis le Barroche, le Carravage, l’Espagnolet, Guide Bollognez, le Valentin, & bon nombre d’autres, lesquels quoy que differents en manieres ont toujours esté en grande estime, & dont la pluspart ont tres-bien Peint & d’une maniere franche, libre, & agreable.

Quotation

Croïez qu’il y a tel homme d’esprit, qui sera plus capable de sentir les grandes beautez d’un tableau, que quantité de prétendus connoisseurs, qui vous imposent par leur jargon ; de ces gens qui ont passé leur vie à étudier les differentes manieres de tels & tels, sans s’appliquer à connoître quelle partie a rendu celui-ci plus fameux que cet autre. Il leur suffit de reconnoître la touche du Titien, ou du Carrache dans un tableau, pour le declarer merveilleux.

Quotation

[ndr : LE PEINTRE]
Depuis nous avons eu les Carraces, & sur tous Anibal, le Dominicain, le Guide, & autres Excellens Naturalistes, lesquels quoy qu’ils n’ayent pas tout à fait donné comme Raphaël dans ce grand goust de l’antique, ils n’ont pas laissé de choisir de tres-belles natures, & telles seront toûjours bien cheries, estimées & suivies.

Quotation

[ndr : LE PEINTRE]
Depuis nous avons eu les Carraces, & sur tous Anibal, le Dominicain, le Guide, & autres Excellens Naturalistes, lesquels quoy qu’ils n’ayent pas tout à fait donné comme Raphaël dans ce grand goust de l’antique, ils n’ont pas laissé de choisir de tres-belles natures, & telles seront toûjours bien cheries, estimées & suivies.

Mais comme un recit plus étendu sur toutes ces belles natures, & manieres de dessiner & peindre de ces grands hommes, feroit bien un tres-gros Volume ; je parleray de nostre moderne Raphaël, l’incomparable feu Monsieur le Poussin de nostre nation ; lequel sans contredit est celuy qui a le plus donné dans ce Goust & diversité des proportions antiques, airs de testes, & expressions de ses figures & Architectures suivant l’histoire; non seulement par celles des yeux & du toucher, mais par l’oüye & le sentiment du cœur et de l’ame ;
je diray encore, qu’il a esté le plus universel en representation de tous les objets de la belle nature, le plus égal & le plus achevé sans contredit qu’aucun dont on puisse voir des ouvrages.

Quotation

Quand un Peintre sçait mesler ses couleurs, les lier & noyer tendrement, on appelle cela bien peindre ; C’est la partie qu’avoit le Corege, comme je vous ay dit assez de fois, & ce beau meslange de couleurs non seulement se doit faire dans les superficies égales en clarté, mais encore dans la jonction ou nouëment des parties claires avec les brunes.
Ce nouëment, interrompit Pymandre, & ce meslange de couleurs qui se fait avec tendresse, est-ce point ce que Pline appelle
commissura & transitus colorum ? Et ce qu’Ovide entend lors qu’il parle des couleurs de l’arc-en-ciel, quand il dit :
In quo diversiniteant cum mille colores,
Transitus ipse tamen spectantia lumina fallit,
Usque adeo quod tangit idem & tamen ultima distant. {Ovid. 6. Meth. v. 65.}
Je ne croy pas qu’on puisse mieux exprimer le passage presqu’insensible qui se fait d’une couleur à une autre. Il me souvient que Philostrate traitant de l’education d’Achilles, observe que ce qui paroissoit de plus merveilleux dans la representation de Chiron peint en Centaure, estoit l’assemblage de la Nature humaine avec celle du cheval, que le Peintre avoit si adroitement jointes ensemble, qu’on ne pouvoit connoistre la separation de l’une d’avec l’autre, ny s’apercevoir où elle commençoit, & où elle finissoit.

Quotation

Dans l’art de traiter les couleurs, & dans le meslange que l’on fait des unes avec les autres, il se rencontre beaucoup de choses à considerer. Car il y a le meslange des couleurs qui se fait sur la palette avec le couteau lors que l’on compose les principales teintes dont on croit avoir besoin : Et le meslange qui se fait avec le pinceau sur la palette ou sur le Tableau mesme pour joindre ensemble toutes les couleurs & pour les noyer les unes avec les autres. De tous ces differents meslanges de couleurs s’engendre cette multitude de differentes teintes qui se rencontrent dans les tableaux, sans lesquelles le Peintre ne peut bien imiter, ny les carnations, ny les draperies, ny generallement toutes les autres choses qu’il veut representer. Et comme il doit faire le meslange de ses teintes sur sa palette ou sur son tableau selon les couleurs qui luy paroissent dans le naturel, il faut qu’il soit extraordinairement soigneux d’observer dans la Nature de quelle maniere elles y paroissent : c’est à dire qu’il doit, en considerant les corps des hommes, regarder de quelle façon ils sont colorez ; quelles parties sont plus vives, & quelles parties sont plus claires ; celles qui sont plus rouges & celles qui ont une apparence un peu bluastre, comme sont d’ordinaire les chairs plus délicates ; & prendre bien garde comment toutes ces differentes couleurs s’unissent & se meslent si bien ensemble, qu’il semble qu’une infinité de diverses teintes ne fassent qu’une seule couleur.
Quand un Peintre sçait mesler ses couleurs, les lier & noyer tendrement, on appelle cela bien peindre ; C’est la partie qu’avoit le Corege, comme je vous ay dit assez de fois, & ce beau meslange de couleurs non seulement se doit faire dans les superficies égales en clarté, mais encore dans la jonction ou nouëment des parties claires avec les brunes.
Ce nouëment, interrompit Pymandre, & ce meslange de couleurs qui se fait avec tendresse, est-ce point ce que Pline appelle
commissura & transitus colorum ? Et ce qu’Ovide entend lors qu’il parle des couleurs de l’arc-en-ciel, quand il dit :
In quo diversiniteant cum mille colores,
Transitus ipse tamen spectantia lumina fallit,
Usque adeo quod tangit idem & tamen ultima distant. {Ovid. 6. Meth. v. 65.}
Je ne croy pas qu’on puisse mieux exprimer le passage presqu’insensible qui se fait d’une couleur à une autre. Il me souvient que Philostrate traitant de l’education d’Achilles, observe que ce qui paroissoit de plus merveilleux dans la representation de Chiron peint en Centaure, estoit l’assemblage de la Nature humaine avec celle du cheval, que le Peintre avoit si adroitement jointes ensemble, qu’on ne pouvoit connoistre la separation de l’une d’avec l’autre, ny s’apercevoir où elle commençoit, & où elle finissoit.

Les plus beaux exemples qu’un en voye dans la peinture, repartis-je sont dans la Gallerie de Farnese, où  les Caraches ont representé Persée qui change des hommes en pierres : Et dans le Cabinet du Roy, où le Guide a peint le Cantaure Nesse qui enleve Dejanire.

Quotation

Tout devient palettes & pinceaux entre les mains d'un enfant doüé du génie de la Peinture. Ils fait connoître aux autres pour ce qu'il est, quand lui-même ne le sçait pas encore. Les Annalistes de la Peinture rapportent une infinité de faits qui confirment ce que j'avance. La plûpart des grands Peintres ne sont pas nez dans les atteliers. Très-peu sont des fils de Peintres, qui, suivant l'usage ordinaire, auroient été élevez dans la profession de leurs peres. Parmi les Artisans illustres qui font tant d'honneur aux deux derniers siècles, le seul Raphaël, autant qu'il m'en souvient, fut le fils d'un Peintre. Le pere du Georgeon & celui du Titien, ne manierent jamais ni pinceaux ni cizeaux, Leonard De Vinci, & Paul Veronése, n'eurent point de Peintres pour peres. Les parens de Michel-Ange vivoient, comme on dit, noblement, c'est-à-dire, sans exercer aucune profession lucrative. André Del Sarte étoit fils d'un Tailleur, & Le Tintoret d'un Tinturier. Le pere des Caraches, n'étoit pas d'une profession où l'on manie le craïon. Michel-Ange De Caravage étoit fils d'un Masson, & Le Correge fils d'un Laboureur. Le Guide étoit fils d'un Musicien, Le Dominiquin d'un Cordonnier, & L'Albane d'un Marchand de Soïe. Lanfranc étoit un enfant trouvé, à qui son génie enseigna la peinture, à peu près comme le génie de M Pascal lui enseigna les Mathématiques. Le pere de Rubens, qui étoit dans la Magistrature d'Anvers, n'avoit ni attelier ni boutique dans sa maison. Le pere de Vandick n'étoit ni Peintre ni Sculpteur. Du Fresnoy, dont nous avons un poëme sur la Peinture, qui a mérité d'être traduit & commenté par M. De Piles, & dont nous avons aussi des tableaux au-dessus du médiocre, avoit étudié pour être Médecin. Les peres des quatre meilleurs Peintres François du dernier siècle, Le Valentin, Le Sueur, Le Poussin & Le Brun, n'étoient pas des peintres. C'est le génie de ces grands hommes qui les a été chercher, pour ainsi dire, dans la maison de leurs parens, afin de les conduire sur le Parnasse. Les Peintres montent sur le Parnasse, aussi-bien que les Poëtes.

Quotation

Il est inutile de dire que le Dessein est le fondement de cet Art, & qu’il est nécessaire qu’un Graveur sache dessiner correctement, car sans cela il ne pourra jamais bien imiter aucun Tableau ni Dessein, parce que son [p. 98 152] ouvrage ne sera fait qu’en tâtonnant : il pourra même être fait avec soin & d’une gravûre fort douce, mais sans esprit, sans art & sans intelligence.

Quotation

Il ne serait pas moins téméraire de décider la question sur ce que nos tableaux ne sont point ces effets prodigieux que les tableaux des anciens peintres ont fait quelquefois ; suivant les apparences, les récits des Ecrivains qui nous racontent ces effets sont exagérez, & nous ne savons pas même ce qu'il en faudrait rabattre pour les réduire à l'exacte vérité. Nous ignorons quelle part de la nouveauté de l'art de la Peinture peut avoir euë dans l'impression qu'on veut que certains tableaux aïent fait sur les Spectateurs. Les premiers tableaux, quoique grossiers, ont dû paroître des ouvrages divins. L'admiration pour un art naissant, fait tomber aisément dans l'exagération ceux qui parlent de ses productions ; & et la tradition en recueillant ces récits outrez, aime encore les rendre plus merveilleux qu'elle ne les a reçus. On trouve même dans les Ecrivains anciens des choses impossibles données pour vraies, & des choses ordinaires traitées de prodiges. […]
Enfin on ne sçaurait donner une idée un peu précise des tableaux à ceux qui ne les ont pas vus absolument, & qui ne connaissent pas la manière du Peintre qui les a faits, que par voies de comparaison. […]
Les Ecrivains modernes qui ont traité de la peinture antique, nous rendent plus sçavans, sans nous rendre plus capables de juger la question de la supériorité des Peintres de l'antiquité sur les Peintres modernes. Ces Ecrivains se sont contentez de ramasser les passages des Auteurs anciens qui parlent de la peinture & de les commenter en Philologues, sans les expliquer par l'examen de ce que nos Peintres font de nos jours, & même sans appliquer ces passages aux morceaux de la peinture antique qui subsistent encore. Je pense donc que pour se former une idée aussi distincte de la peinture antique qu'il soit possible de l'avoir, il faut considérer séparément ce que nous pouvons sçavoir de certain sur la composition, sur l'expression & sur le coloris des Peintres de l'antiquité.     
[…] Quant à la composition Pittoresque, il faut avoüer que dans les monumens qui nous restent, les Peintres anciens ne paroissent pas superieurs, ni même égaux à Raphaël, à Rubens, à Paul Véronèse, ni à M. Le Brun. […]
Quant à la composition Poëtique, les anciens se piquoient beaucoup d'exceller dans ses inventions, & comme ils étoient grands dessinateurs, ils avoient toutes sortes de facilité pour y réussir. Pour donner une idée du progrès  que les anciens avoient faits dans cette partie de la peinture qui comprend le grand art des expressions, nous rapporterons ce qu'en disent les Ecrivains de l'antiquité. De toute les parties de la peinture, la composition Poëtique est celle dont il est le plus facile de donner une idée avec des paroles. C'est celle qui se décrit le mieux.
[…]
Comme le temps a éteint les couleurs, & confondu les nuances dans les fragmens qui nous restent de la peinture antique faite au pinceau, nous ne sçaurions juger à quel point les Peintres de l'antiquité ont excellé dans le coloris, ni s'ils ont égalé ou surpassé les grands Maîtres de l'Ecole Lombarde dans cette aimable partie de la peinture.[…] On ne sçaurait décider notre question sur des récits. Il faut pour la juger, avoir des pièces de comparaison. Elles nous manquent. 
On ne sçauroit former un préjugé contre le coloris des anciens, de ce qu'ils ignoroient l'invention de détremper les couleurs avec de l'huile […]
Quant au clair-obscur & à la distribution enchanteresse des lumières & des ombres, ce que Pline &  les autres Ecrivains de l'antiquité en disent, est si positif, leurs récits sont si bien circonstanciez & si vrai-semblables, qu'on ne sçauroit disconvenir que les anciens n'égalassent du moins dans cette partie de l'Art, les plus grands peintres modernes. Les passages de ces Auteurs que nous ne comprenions pas bien, quand les Peintres modernes ignoroient encore quel prestige on peut faire avec le secours de cette magie, ne sont plus si embroüillez & si difficiles, depuis que Rubens, ses Eleves, Polidore de Caravage, & d'autres Peintres les ont expliquez bien mieux, les pinceaux à la main, que les commentateurs les plus érudits ne le pouvoient faire dans des livres. 
[…] je dis, que les Peintres qui ont travaillé depuis la renaissance des Arts, que Raphaël & ses contemporains n'ont point eu aucun avantage sur nos Artisans. Ces derniers sçavent toutes les couleurs dont les premiers se sont servis. 

Quotation

Croïez qu’il y a tel homme d’esprit, qui sera plus capable de sentir les grandes beautez d’un tableau, que quantité de prétendus connoisseurs, qui vous imposent par leur jargon ; de ces gens qui ont passé leur vie à étudier les differentes manieres de tels & tels, sans s’appliquer à connoître quelle partie a rendu celui-ci plus fameux que cet autre. Il leur suffit de reconnoître la touche du Titien, ou du Carrache dans un tableau, pour le declarer merveilleux.

Quotation

472. [Soyez prompt à mettre sur vos Tablettes, &c.] Comme ont fait le Titien & les Caraches. L'on voit entre les mains des Curieux de Peinture quantité de Remarques que ces grands Hommes ont faites sur des feüilles, & sur des Livres en Tablettes qu'ils portoient toûjours sur eux.

Quotation

Quand un Peintre sçait mesler ses couleurs, les lier & noyer tendrement, on appelle cela bien peindre ; C’est la partie qu’avoit le Corege, comme je vous ay dit assez de fois, & ce beau meslange de couleurs non seulement se doit faire dans les superficies égales en clarté, mais encore dans la jonction ou nouëment des parties claires avec les brunes.
Ce nouëment, interrompit Pymandre, & ce meslange de couleurs qui se fait avec tendresse, est-ce point ce que Pline appelle
commissura & transitus colorum ? Et ce qu’Ovide entend lors qu’il parle des couleurs de l’arc-en-ciel, quand il dit :
In quo diversiniteant cum mille colores,
Transitus ipse tamen spectantia lumina fallit,
Usque adeo quod tangit idem & tamen ultima distant. {Ovid. 6. Meth. v. 65.}

Quotation

Quand un Peintre sçait mesler ses couleurs, les lier & noyer tendrement, on appelle cela bien peindre ; C’est la partie qu’avoit le Corege, comme je vous ay dit assez de fois, & ce beau meslange de couleurs non seulement se doit faire dans les superficies égales en clarté, mais encore dans la jonction ou nouëment des parties claires avec les brunes.
Ce nouëment, interrompit Pymandre, & ce meslange de couleurs qui se fait avec tendresse, est-ce point ce que Pline appelle
commissura & transitus colorum ? Et ce qu’Ovide entend lors qu’il parle des couleurs de l’arc-en-ciel, quand il dit :
In quo diversiniteant cum mille colores,
Transitus ipse tamen spectantia lumina fallit,
Usque adeo quod tangit idem & tamen ultima distant. {Ovid. 6. Meth. v. 65.}

Quotation

Croïez qu’il y a tel homme d’esprit, qui sera plus capable de sentir les grandes beautez d’un tableau, que quantité de prétendus connoisseurs, qui vous imposent par leur jargon ; de ces gens qui ont passé leur vie à étudier les differentes manieres de tels & tels, sans s’appliquer à connoître quelle partie a rendu celui-ci plus fameux que cet autre. Il leur suffit de reconnoître la touche du Titien, ou du Carrache dans un tableau, pour le declarer merveilleux.

Quotation

Et après avoir beaucoup étudié & copié à la plume ou au crayon le Titien & les Caraches, leurs Estampes premierement, puis leurs Desseins, si l’on en peut avoir, il faut tâcher d’imiter avec le pinceau les touches que ces grands Hommes ont le plus nettement specifiées. Mais comme les Tableaux du Titien & ceux des Caraches sont fort rares, on peut leur en substituer d’autres qui ont eu un bon caractere dans leur touche, parmi lesquels on peut suivre Fouquier, comme un très-excellent modèle : Paul Bril, Breugle, & Bourdon sont encore très-bons, leur touche est nette, vive, & legere.

Quotation

Dans l’art de traiter les couleurs, & dans le meslange que l’on fait des unes avec les autres, il se rencontre beaucoup de choses à considerer. Car il y a le meslange des couleurs qui se fait sur la palette avec le couteau lors que l’on compose les principales teintes dont on croit avoir besoin : Et le meslange qui se fait avec le pinceau sur la palette ou sur le Tableau mesme pour joindre ensemble toutes les couleurs & pour les noyer les unes avec les autres. De tous ces differents meslanges de couleurs s’engendre cette multitude de differentes teintes qui se rencontrent dans les tableaux, sans lesquelles le Peintre ne peut bien imiter, ny les carnations, ny les draperies, ny generallement toutes les autres choses qu’il veut representer. Et comme il doit faire le meslange de ses teintes sur sa palette ou sur son tableau selon les couleurs qui luy paroissent dans le naturel, il faut qu’il soit extraordinairement soigneux d’observer dans la Nature de quelle maniere elles y paroissent : c’est à dire qu’il doit, en considerant les corps des hommes, regarder de quelle façon ils sont colorez ; quelles parties sont plus vives, & quelles parties sont plus claires ; celles qui sont plus rouges & celles qui ont une apparence un peu bluastre, comme sont d’ordinaire les chairs plus délicates ; & prendre bien garde comment toutes ces differentes couleurs s’unissent & se meslent si bien ensemble, qu’il semble qu’une infinité de diverses teintes ne fassent qu’une seule couleur.
Quand un Peintre sçait mesler ses couleurs, les lier & noyer tendrement, on appelle cela bien peindre ; C’est la partie qu’avoit le Corege, comme je vous ay dit assez de fois, & ce beau meslange de couleurs non seulement se doit faire dans les superficies égales en clarté, mais encore dans la jonction ou nouëment des parties claires avec les brunes.
Ce nouëment, interrompit Pymandre, & ce meslange de couleurs qui se fait avec tendresse, est-ce point ce que Pline appelle
commissura & transitus colorum ? Et ce qu’Ovide entend lors qu’il parle des couleurs de l’arc-en-ciel, quand il dit :
In quo diversiniteant cum mille colores,
Transitus ipse tamen spectantia lumina fallit,
Usque adeo quod tangit idem & tamen ultima distant. {Ovid. 6. Meth. v. 65.}
Je ne croy pas qu’on puisse mieux exprimer le passage presqu’insensible qui se fait d’une couleur à une autre. Il me souvient que Philostrate traitant de l’education d’Achilles, observe que ce qui paroissoit de plus merveilleux dans la representation de Chiron peint en Centaure, estoit l’assemblage de la Nature humaine avec celle du cheval, que le Peintre avoit si adroitement jointes ensemble, qu’on ne pouvoit connoistre la separation de l’une d’avec l’autre, ny s’apercevoir où elle commençoit, & où elle finissoit.

Les plus beaux exemples qu’un en voye dans la peinture, repartis-je sont dans la Gallerie de Farnese, où  les Caraches ont representé Persée qui change des hommes en pierres : Et dans le Cabinet du Roy, où le Guide a peint le Cantaure Nesse qui enleve Dejanire.

Quotation

Mais il y a de la difference de cette manière de passer d’une couleur à une autre, à cette autre union & à ce passage de couleurs dont nous venons de parler. Quoy que ce soit une chose tres-estimable de bien unir ensemble les couleurs pour joindre des corps de differentes especes, ce n’est rien neanmoins en comparaison de sçavoir peindre les contours & les extremitez de tous les corps en general, & faire qu’ils se perdent par une suite & un détour insensible, qui trompe la veuë de telle sorte qu’on ne laisse pas d’y comprendre ce qui ne se voit point.

Quotation

[ndr : LE PEINTRE]
Depuis nous avons eu les Carraces, & sur tous Anibal, le Dominicain, le Guide, & autres Excellens Naturalistes, lesquels quoy qu’ils n’ayent pas tout à fait donné comme Raphaël dans ce grand goust de l’antique, ils n’ont pas laissé de choisir de tres-belles natures, & telles seront toûjours bien cheries, estimées & suivies.

Mais comme un recit plus étendu sur toutes ces belles natures, & manieres de dessiner & peindre de ces grands hommes, feroit bien un tres-gros Volume ; je parleray de nostre moderne Raphaël, l’incomparable feu Monsieur le Poussin de nostre nation ; lequel sans contredit est celuy qui a le plus donné dans ce Goust & diversité des proportions antiques, airs de testes, & expressions de ses figures & Architectures suivant l’histoire; non seulement par celles des yeux & du toucher, mais par l’oüye & le sentiment du cœur et de l’ame ;
je diray encore, qu’il a esté le plus universel en representation de tous les objets de la belle nature, le plus égal & le plus achevé sans contredit qu’aucun dont on puisse voir des ouvrages.

Quotation

Dergleichen Unterschiedlichkeit [ndr: im gerecht-mahlen] ware auch und ist noch bey den Italiänern/ Hoch-und Nieder-Teutschen zu finden/ und zwar mit größerer Vollkommenheit/ sonderlich im gerecht-mahlen/ und darzu gehörenden Kräften der Farben: welches aus der natürlichen applicirung/ vollkommenen Erhebung und sonderbaren Geschwindigkeit der Mahler von unsern Zeiten abzunehmen. {Die alte und neue Italiäner.} Solche waren/ Cimabue der große Wieder-Erfinder dieser Kunst/ Gaddo sein Nachfolger/ und Giotto. Also waren fürtreflich/ Giovan Bellini, in Sauberkeit; Michaël Angelo in Bildern und hohem Verstand; Leonardo da Vinci, in vernünftigen affecten; Andrea del Sarto, in Angenemheit; Raphaël d'Urbino in meisterlicher invention ; Julius Romanus, in ungemeinen Gedanken;Titian, in Anmutigkeit/ sonderlich der Coloriten; Corregio , in gratiositeten; Verones in reichen Gedanken; Tintoreti, in Seltsamkeit; Carazo, in fresco; Caravaggio und Manfredo , in Lebhaftigkeit ; Guido Bolognse in Holdseligkeit; Albano in zierlicher invention; Bernini Bernini in der Bild- und Bau Kunst; Francisco du Quesnoy, in scultur-Warheit; Algardon,in Geschicklichkeit; Peter Corton in fresco; La Franch in Geschwindigkeit; Domenicho in Tieffsinnigkeit; Claudio Gilli in Landschaften.
{Die alte Hoch-Teutschen} Nächst diesen/ machten sich auch verwunderbar unsere Teutschen: als Martin Schön/ im hochsteigen; Matthias von Aschaffenburg/ in zierlichem Geist; Albrecht Dürer/ im universal-Verstand; Hans Holbein/ in glückseliger Hand; Amberger/ in der Warheit; Pocksberger/ im Geistreichtum; Schwarz/ in Erfahrenheit; Adam Elzheimer/ in verwunderlichem Verstand.
{und Nieder-Teutschen} Gleichfalls waren fürberühmt die Niederländer/ in Erfindung der Oelfarben/ Johann und Hubert von Eyk; Lucas von Leyden/ im Fleiß; der alte Bruegel, im Verstand; also auch Sotte Clef und Johann von Calcar/ in der Hand; Floris, in der Meisterschaft; Brauer/ in bildung der Bauren; Fochiers, in Landschaft-Bäumen; Rubens in Geistreichheit; der von Dick/ in Zierlichkeit; Hundhorst in Wolgemälden; Rembrand/ in Arbeitsamkeit; Perselles in Schiffahrten und Wassern; Pulenburg/ in kleinen Bildlein; Bambotio, in Bildung der Bettler ; Botte, in Landschaften; auch der Gerhart Daro und, Mires hoch-preiswürdig in kleinen Oelfarben.
{Von des Autoris [ndr: Joachim von Sandrart ] Werken/ in dieser Kunst.} […]

Quotation

Davantage plusieurs Excellents Peintres, quoy qu’ils n’ayent entierement eu la connoissance de ce qu’on appelle forte ou grande maniere, où ce grand Goust de l’air & de proportion des beaux Antiques, ont fait des Ouvrages qui peuvent passer en quelques particularitez au delà de celles des Peintres ci-devant nommez [ndr : Titien, Raphaël, Jules Romain] , principalement quand ils ont choisi dans la nature & dans leur imagination, les plus belles Figures humaines & mieux proportionnées qu'ils avoient peu, ainsi qu'on fait les Carraces entr'autres principalement Annibal, duquel on voit entre diverses Tailles Douces ou Stampes à l'eau forte, une d'une Aumosne de Sainct Roc, & une petite Descente de Croix qui veritablement meritent d'estre estimées, & de plus aussi sa maniere de peindre, laquelle est à mes yeux extremement franche, pleine & libre, faisant expression d'une chair ferme, mais non à la vérité si tendre, fraiche, vermeille & delicate, que celle du Titian.

Quotation

En suitte nous avons eu les Carraces principalement Anibal ; Puis le Barroche, le Carravage, l’Espagnolet, Guide Bollognez, le Valentin, & bon nombre d’autres, lesquels quoy que differents en manieres ont toujours esté en grande estime, & dont la pluspart ont tres-bien Peint & d’une maniere franche, libre, & agreable.

Quotation

Les autres, comme les Carraces, Barroche, le Carravage, & plusieurs cy devant nommez, sont aussi tous differens en gousts, toutefois leurs desseins, ordonnances, expressions, & manieres de Peindre, beaucoup moins artistes ou croquées, que celles de ceux [ndr : Le Tintoret, Veronèse, Bassan] dont je viens de parler ; Le Carravage imitoit la Nature en son air & en son trait, telle qu’il en avoit le goust ; [...]

Quotation

[ndr : LE PEINTRE]
Depuis nous avons eu les Carraces, & sur tous Anibal, le Dominicain, le Guide, & autres Excellens Naturalistes, lesquels quoy qu’ils n’ayent pas tout à fait donné comme Raphaël dans ce grand goust de l’antique, ils n’ont pas laissé de choisir de tres-belles natures, & telles seront toûjours bien cheries, estimées & suivies.

Mais comme un recit plus étendu sur toutes ces belles natures, & manieres de dessiner & peindre de ces grands hommes, feroit bien un tres-gros Volume ; je parleray de nostre moderne Raphaël, l’incomparable feu Monsieur le Poussin de nostre nation ; lequel sans contredit est celuy qui a le plus donné dans ce Goust & diversité des proportions antiques, airs de testes, & expressions de ses figures & Architectures suivant l’histoire; non seulement par celles des yeux & du toucher, mais par l’oüye & le sentiment du cœur et de l’ame ;
je diray encore, qu’il a esté le plus universel en representation de tous les objets de la belle nature, le plus égal & le plus achevé sans contredit qu’aucun dont on puisse voir des ouvrages.

Quotation

472. [Soyez prompt à mettre sur vos Tablettes, &c.] Comme ont fait le Titien & les Caraches. L'on voit entre les mains des Curieux de Peinture quantité de Remarques que ces grands Hommes ont faites sur des feüilles, & sur des Livres en Tablettes qu'ils portoient toûjours sur eux.

Quotation

Dergleichen Unterschiedlichkeit [ndr: im gerecht-mahlen] ware auch und ist noch bey den Italiänern/ Hoch-und Nieder-Teutschen zu finden/ und zwar mit größerer Vollkommenheit/ sonderlich im gerecht-mahlen/ und darzu gehörenden Kräften der Farben: welches aus der natürlichen applicirung/ vollkommenen Erhebung und sonderbaren Geschwindigkeit der Mahler von unsern Zeiten abzunehmen. {Die alte und neue Italiäner.} Solche waren/ Cimabue der große Wieder-Erfinder dieser Kunst/ Gaddo sein Nachfolger/ und Giotto. Also waren fürtreflich/ Giovan Bellini, in Sauberkeit; Michaël Angelo in Bildern und hohem Verstand; Leonardo da Vinci, in vernünftigen affecten; Andrea del Sarto, in Angenemheit; Raphaël d'Urbino in meisterlicher invention ; Julius Romanus, in ungemeinen Gedanken;Titian, in Anmutigkeit/ sonderlich der Coloriten; Corregio , in gratiositeten; Verones in reichen Gedanken; Tintoreti, in Seltsamkeit; Carazo, in fresco; Caravaggio und Manfredo , in Lebhaftigkeit ; Guido Bolognse in Holdseligkeit; Albano in zierlicher invention; Bernini Bernini in der Bild- und Bau Kunst; Francisco du Quesnoy, in scultur-Warheit; Algardon,in Geschicklichkeit; Peter Corton in fresco; La Franch in Geschwindigkeit; Domenicho in Tieffsinnigkeit; Claudio Gilli in Landschaften.
{Die alte Hoch-Teutschen} Nächst diesen/ machten sich auch verwunderbar unsere Teutschen: als Martin Schön/ im hochsteigen; Matthias von Aschaffenburg/ in zierlichem Geist; Albrecht Dürer/ im universal-Verstand; Hans Holbein/ in glückseliger Hand; Amberger/ in der Warheit; Pocksberger/ im Geistreichtum; Schwarz/ in Erfahrenheit; Adam Elzheimer/ in verwunderlichem Verstand.
{und Nieder-Teutschen} Gleichfalls waren fürberühmt die Niederländer/ in Erfindung der Oelfarben/ Johann und Hubert von Eyk; Lucas von Leyden/ im Fleiß; der alte Bruegel, im Verstand; also auch Sotte Clef und Johann von Calcar/ in der Hand; Floris, in der Meisterschaft; Brauer/ in bildung der Bauren; Fochiers, in Landschaft-Bäumen; Rubens in Geistreichheit; der von Dick/ in Zierlichkeit; Hundhorst in Wolgemälden; Rembrand/ in Arbeitsamkeit; Perselles in Schiffahrten und Wassern; Pulenburg/ in kleinen Bildlein; Bambotio, in Bildung der Bettler ; Botte, in Landschaften; auch der Gerhart Daro und, Mires hoch-preiswürdig in kleinen Oelfarben.
{Von des Autoris [ndr: Joachim von Sandrart ] Werken/ in dieser Kunst.} […]

Quotation

Le Peintre allant à la campagne, doit estre fourny de Tablettes & de Crayon, pour remarquer les choses qu’il voit estre dignes, comme ont fait le Titien, les Caraches, & autres bons Maistres, comme il se voit entre les mains des Curieux de Peinture, quantité d’Estudes & Remarques que ses grands Hommes ont faites sur des fuëilles [sic] & sur des Livres en tablettes qu’ils portoient toûjours sur eux.
Je ne parle point icy des premiers commencemens du dessein, comme du maniement du Crayon, du juste rapport que doit avoir la copie avec son original.
Je suppose avant que de commencer ses Estudes, que l’on doit avoir une facilité dans la main, pour imiter les beaux Desseins, les beau [sic] Tableaux & la Ronde-bosse : Que l’on doit enfin avoir la Clef du dessein, pour en profiter selon nos soins & nostre genie.

Quotation

{Von In Fresco, oder auf nassen Kalch zumahlen.} […]

Quotation

De tous ces differents meslanges de couleurs s’engendre cette multitude de differentes teintes qui se rencontrent dans les tableaux, sans lesquelles le Peintre ne peut bien imiter, ny les carnations, ny les draperies, ny generallement toutes les autres choses qu’il veut representer. Et comme il doit faire le meslange de ses teintes sur sa palette ou sur son tableau selon les couleurs qui luy paroissent dans le naturel, il faut qu’il soit extraordinairement soigneux d’observer dans la Nature de quelle maniere elles y paroissent : c’est à dire qu’il doit, en considerant les corps des hommes, regarder de quelle façon ils sont colorez ; quelles parties sont plus vives, & quelles parties sont plus claires ; celles qui sont plus rouges & celles qui ont une apparence un peu bluastre, comme sont d’ordinaire les chairs plus délicates ; & prendre bien garde comment toutes ces differentes couleurs s’unissent & se meslent si bien ensemble, qu’il semble qu’une infinité de diverses teintes ne fassent qu’une seule couleur.
Quand un Peintre sçait mesler ses couleurs, les lier & noyer tendrement, on appelle cela bien peindre ; C’est la partie qu’avoit le Corege, comme je vous ay dit assez de fois, & ce beau meslange de couleurs non seulement se doit faire dans les superficies égales en clarté, mais encore dans la jonction ou nouëment des parties claires avec les brunes.
Ce nouëment, interrompit Pymandre, & ce meslange de couleurs qui se fait avec tendresse, est-ce point ce que Pline appelle
commissura & transitus colorum ? Et ce qu’Ovide entend lors qu’il parle des couleurs de l’arc-en-ciel, quand il dit :
In quo diversiniteant cum mille colores,
Transitus ipse tamen spectantia lumina fallit,
Usque adeo quod tangit idem & tamen ultima distant. {Ovid. 6. Meth. v. 65.}
Je ne croy pas qu’on puisse mieux exprimer le passage presqu’insensible qui se fait d’une couleur à une autre. Il me souvient que Philostrate traitant de l’education d’Achilles, observe que ce qui paroissoit de plus merveilleux dans la representation de Chiron peint en Centaure, estoit l’assemblage de la Nature humaine avec celle du cheval, que le Peintre avoit si adroitement jointes ensemble, qu’on ne pouvoit connoistre la separation de l’une d’avec l’autre, ny s’apercevoir où elle commençoit, & où elle finissoit.

Les plus beaux exemples qu’un en voye dans la peinture, repartis-je sont dans la Gallerie de Farnese, où  les Caraches ont representé Persée qui change des hommes en pierres : Et dans le Cabinet du Roy, où le Guide a peint le Cantaure Nesse qui enleve Dejanire.

Quotation

Quand un Peintre sçait mesler ses couleurs, les lier & noyer tendrement, on appelle cela bien peindre ; C’est la partie qu’avoit le Corege, comme je vous ay dit assez de fois, & ce beau meslange de couleurs non seulement se doit faire dans les superficies égales en clarté, mais encore dans la jonction ou nouëment des parties claires avec les brunes.
Ce nouëment, interrompit Pymandre, & ce meslange de couleurs qui se fait avec tendresse, est-ce point ce que Pline appelle
commissura & transitus colorum ? Et ce qu’Ovide entend lors qu’il parle des couleurs de l’arc-en-ciel, quand il dit :
In quo diversiniteant cum mille colores,
Transitus ipse tamen spectantia lumina fallit,
Usque adeo quod tangit idem & tamen ultima distant. {Ovid. 6. Meth. v. 65.}

Quotation

Quand un Peintre sçait mesler ses couleurs, les lier & noyer tendrement, on appelle cela bien peindre ; C’est la partie qu’avoit le Corege, comme je vous ay dit assez de fois, & ce beau meslange de couleurs non seulement se doit faire dans les superficies égales en clarté, mais encore dans la jonction ou nouëment des parties claires avec les brunes.
Ce nouëment, interrompit Pymandre, & ce meslange de couleurs qui se fait avec tendresse, est-ce point ce que Pline appelle
commissura & transitus colorum ? Et ce qu’Ovide entend lors qu’il parle des couleurs de l’arc-en-ciel, quand il dit :
In quo diversiniteant cum mille colores,
Transitus ipse tamen spectantia lumina fallit,
Usque adeo quod tangit idem & tamen ultima distant. {Ovid. 6. Meth. v. 65.}
Je ne croy pas qu’on puisse mieux exprimer le passage presqu’insensible qui se fait d’une couleur à une autre. Il me souvient que Philostrate traitant de l’education d’Achilles, observe que ce qui paroissoit de plus merveilleux dans la representation de Chiron peint en Centaure, estoit l’assemblage de la Nature humaine avec celle du cheval, que le Peintre avoit si adroitement jointes ensemble, qu’on ne pouvoit connoistre la separation de l’une d’avec l’autre, ny s’apercevoir où elle commençoit, & où elle finissoit.

Les plus beaux exemples qu’un en voye dans la peinture, repartis-je sont dans la Gallerie de Farnese, où  les Caraches ont representé Persée qui change des hommes en pierres : Et dans le Cabinet du Roy, où le Guide a peint le Cantaure Nesse qui enleve Dejanire.

Quotation

Mais il y a de la difference de cette manière de passer d’une couleur à une autre, à cette autre union & à ce passage de couleurs dont nous venons de parler. Quoy que ce soit une chose tres-estimable de bien unir ensemble les couleurs pour joindre des corps de differentes especes, ce n’est rien neanmoins en comparaison de sçavoir peindre les contours & les extremitez de tous les corps en general, & faire qu’ils se perdent par une suite & un détour insensible, qui trompe la veuë de telle sorte qu’on ne laisse pas d’y comprendre ce qui ne se voit point.

Quotation

Mais il y a de la difference de cette manière de passer d’une couleur à une autre, à cette autre union & à ce passage de couleurs dont nous venons de parler. Quoy que ce soit une chose tres-estimable de bien unir ensemble les couleurs pour joindre des corps de differentes especes, ce n’est rien neanmoins en comparaison de sçavoir peindre les contours & les extremitez de tous les corps en general, & faire qu’ils se perdent par une suite & un détour insensible, qui trompe la veuë de telle sorte qu’on ne laisse pas d’y comprendre ce qui ne se voit point. Parrhasius fut celui des Peintres anciens qui posseda parfaitement cette science. Pline, qui en a fait la remarque, considere cette partie comme la plus difficile & la plus importante de la Peinture, parce, dit-il, qu’encore qu’il soit toujours avantageux de bien peindre le milieu des corps, c’est pourtant une chose ou plusieurs ont acquis de la gloire ; mais d’en bien tracer les contours ; les faire fuir, & par le moyen de ces affoiblissemens, faire en sorte qu’il semble qu’on aille voir d’une figure ce qui est caché ; c’est en quoy consiste la perfection de l’art, & ce qui ne s’apprend pas sans beaucoup de peine.
C’est aussi ce qui donne du relief aux corps, & qui dépend non seulement de l’affoiblissement des couleurs, mais encore de celuy des lumieres & des ombres. Les Anciens avoient raison de priser cette partie, parce qu’il faut beaucoup de connoissance pour la posseder. Si vous me demandez quels moyens les Peintres peuvent avoir pour l’acquerir, je vous diray que je n’en voy point de plus propre que les continuelles observations des differens effets de la lumiere & de l’ombre, qu’ils peuvent faire sur le naturel ; & en suitte d’imiter ces effets dans leurs tableaux par le moyen des couleurs & des teintes qu’il faut fortifier ou affoiblir selon qu’ils le jugeront necessaire.

Quotation

Pour aprendre à bien manier la plume, rien n'est meilleur que de copier des Estampes des Caraches, & de faire avec la plume les contours & les hachures que le burin à tracez: car pour leurs desseins à la plume il faut estre déja fort avancé pour en profiter, ils sont touchez avec esprit et d’un goust merveilleux.

Quotation

Pour aprendre à bien manier la plume, rien n'est meilleur que de copier des Estampes des Caraches, & de faire avec la plume les contours & les hachures que le burin à tracez: car pour leurs desseins à la plume il faut estre déja fort avancé pour en profiter, ils sont touchez avec esprit et d’un goust merveilleux.

Quotation

Et comme on remarqua sur les Desseins des Etudians une diversité de manieres, les uns imitant le naturel dans la simplicité de sa forme, les autres affectant un embellissement par le renforcement des contours, qu'on appelle charger les contours & y donner le grand goût, cela donna l'occasion à l'Académie de s'entretenir sur ces differentes manieres. Ceux qui oppinoient pour les charges d'agrement alleguoient la beauté des figures Antiques, le grand Dessein de Michel l'Ange, des Caraches, & autres grands peintres de l'Antiquité, & soûtenoient qu'il falloit de bon heure se remplir l'esprit de ces grandes idées, pour se conformer à ces beaux exemples ; et se faire une habitude de ses belles & grandes manières [...]. L'oppinion opposée qu'on appelle naturaliste, parce que qu'ils estiment necessaire l'imitation exacte du naturel en toutes choses, étoit d'assujettir le Dessignateur à imiter les objets avec simplicité & pressisement comme ils sont. Leurs raisons à l'égard des Etudians étoit pour les dresser à une habitude de justesse & de precision ; & pour les avancés une expression nayve & convenable à toute sorte de sujets [...].
[...] l'étude des belles figures Antiques étoit très necessaire dans le commencement, & même plus avantageuse que le naturel, mais l'on assura qu'en l'un & en l'autre on étoit obligé de s'assujettir à imiter exactement son objet pour en receuillir le fruit qu'on en desire, & s'habituer l'oeil & la main à la justesse & precision, ce qui est le fondement de la Pratique de la Peinture [...]. [...] Quant à l'imitation precise des modelles, l'on avoüa enfin que même les plus habiles hommes doivent observer cette regle de dessigner le naturel justement & precisement, comme ils le voient pour ne s'écarter point de la verité, quand ils étudient leurs morceaux sur le naturel ; afin que s'en voulant servir en l'execution de l'Ouvrage, ses Desseins representent la verité du naturel, les laissant dans la liberté de donner à leurs figures tels caracteres de force ou de foiblesse convenables à leurs sujets, ce qui est la principale fin à laquelle toutes leurs études ce doivent raporter.

Quotation

Et comme on remarqua sur les Desseins des Etudians une diversité de manieres, les uns imitant le naturel dans la simplicité de sa forme, les autres affectant un embellissement par le renforcement des contours, qu'on appelle charger les contours & y donner le grand goût, cela donna l'occasion à l'Académie de s'entretenir sur ces differentes manieres. Ceux qui oppinoient pour les charges d'agrement alleguoient la beauté des figures Antiques, le grand Dessein de Michel l'Ange, des Caraches, & autres grands peintres de l'Antiquité, & soûtenoient qu'il falloit de bon heure se remplir l'esprit de ces grandes idées, pour se conformer à ces beaux exemples ; et se faire une habitude de ses belles & grandes manières [...]. L'oppinion opposée qu'on appelle naturaliste, parce que qu'ils estiment necessaire l'imitation exacte du naturel en toutes choses, étoit d'assujettir le Dessignateur à imiter les objets avec simplicité & pressisement comme ils sont. Leurs raisons à l'égard des Etudians étoit pour les dresser à une habitude de justesse & de precision ; & pour les avancés une expression nayve & convenable à toute sorte de sujets [...].

Quotation

Et après avoir beaucoup étudié & copié à la plume ou au crayon le Titien & les Caraches, leurs Estampes premierement, puis leurs Desseins, si l’on en peut avoir, il faut tâcher d’imiter avec le pinceau les touches que ces grands Hommes ont le plus nettement specifiées. Mais comme les Tableaux du Titien & ceux des Caraches sont fort rares, on peut leur en substituer d’autres qui ont eu un bon caractere dans leur touche, parmi lesquels on peut suivre Fouquier, comme un très-excellent modèle : Paul Bril, Breugle, & Bourdon sont encore très-bons, leur touche est nette, vive, & legere.

Quotation

Croïez qu’il y a tel homme d’esprit, qui sera plus capable de sentir les grandes beautez d’un tableau, que quantité de prétendus connoisseurs, qui vous imposent par leur jargon ; de ces gens qui ont passé leur vie à étudier les differentes manieres de tels & tels, sans s’appliquer à connoître quelle partie a rendu celui-ci plus fameux que cet autre. Il leur suffit de reconnoître la touche du Titien, ou du Carrache dans un tableau, pour le declarer merveilleux.

Quotation

Il ne serait pas moins téméraire de décider la question sur ce que nos tableaux ne sont point ces effets prodigieux que les tableaux des anciens peintres ont fait quelquefois ; suivant les apparences, les récits des Ecrivains qui nous racontent ces effets sont exagérez, & nous ne savons pas même ce qu'il en faudrait rabattre pour les réduire à l'exacte vérité. Nous ignorons quelle part de la nouveauté de l'art de la Peinture peut avoir euë dans l'impression qu'on veut que certains tableaux aïent fait sur les Spectateurs. Les premiers tableaux, quoique grossiers, ont dû paroître des ouvrages divins. L'admiration pour un art naissant, fait tomber aisément dans l'exagération ceux qui parlent de ses productions ; & et la tradition en recueillant ces récits outrez, aime encore les rendre plus merveilleux qu'elle ne les a reçus. On trouve même dans les Ecrivains anciens des choses impossibles données pour vraies, & des choses ordinaires traitées de prodiges. […]
Enfin on ne sçaurait donner une idée un peu précise des tableaux à ceux qui ne les ont pas vus absolument, & qui ne connaissent pas la manière du Peintre qui les a faits, que par voies de comparaison. […]
Les Ecrivains modernes qui ont traité de la peinture antique, nous rendent plus sçavans, sans nous rendre plus capables de juger la question de la supériorité des Peintres de l'antiquité sur les Peintres modernes. Ces Ecrivains se sont contentez de ramasser les passages des Auteurs anciens qui parlent de la peinture & de les commenter en Philologues, sans les expliquer par l'examen de ce que nos Peintres font de nos jours, & même sans appliquer ces passages aux morceaux de la peinture antique qui subsistent encore. Je pense donc que pour se former une idée aussi distincte de la peinture antique qu'il soit possible de l'avoir, il faut considérer séparément ce que nous pouvons sçavoir de certain sur la composition, sur l'expression & sur le coloris des Peintres de l'antiquité.     
[…] Quant à la composition Pittoresque, il faut avoüer que dans les monumens qui nous restent, les Peintres anciens ne paroissent pas superieurs, ni même égaux à Raphaël, à Rubens, à Paul Véronèse, ni à M. Le Brun. […]
Quant à la composition Poëtique, les anciens se piquoient beaucoup d'exceller dans ses inventions, & comme ils étoient grands dessinateurs, ils avoient toutes sortes de facilité pour y réussir. Pour donner une idée du progrès  que les anciens avoient faits dans cette partie de la peinture qui comprend le grand art des expressions, nous rapporterons ce qu'en disent les Ecrivains de l'antiquité. De toute les parties de la peinture, la composition Poëtique est celle dont il est le plus facile de donner une idée avec des paroles. C'est celle qui se décrit le mieux.
[…]
Comme le temps a éteint les couleurs, & confondu les nuances dans les fragmens qui nous restent de la peinture antique faite au pinceau, nous ne sçaurions juger à quel point les Peintres de l'antiquité ont excellé dans le coloris, ni s'ils ont égalé ou surpassé les grands Maîtres de l'Ecole Lombarde dans cette aimable partie de la peinture.[…] On ne sçaurait décider notre question sur des récits. Il faut pour la juger, avoir des pièces de comparaison. Elles nous manquent. 
On ne sçauroit former un préjugé contre le coloris des anciens, de ce qu'ils ignoroient l'invention de détremper les couleurs avec de l'huile […]
Quant au clair-obscur & à la distribution enchanteresse des lumières & des ombres, ce que Pline &  les autres Ecrivains de l'antiquité en disent, est si positif, leurs récits sont si bien circonstanciez & si vrai-semblables, qu'on ne sçauroit disconvenir que les anciens n'égalassent du moins dans cette partie de l'Art, les plus grands peintres modernes. Les passages de ces Auteurs que nous ne comprenions pas bien, quand les Peintres modernes ignoroient encore quel prestige on peut faire avec le secours de cette magie, ne sont plus si embroüillez & si difficiles, depuis que Rubens, ses Eleves, Polidore de Caravage, & d'autres Peintres les ont expliquez bien mieux, les pinceaux à la main, que les commentateurs les plus érudits ne le pouvoient faire dans des livres. 
[…] je dis, que les Peintres qui ont travaillé depuis la renaissance des Arts, que Raphaël & ses contemporains n'ont point eu aucun avantage sur nos Artisans. Ces derniers sçavent toutes les couleurs dont les premiers se sont servis. 

Quotation

CHARGE, CHARGER. On appelle proprement charges ou tableaux chargés, des représentations où l’on exagére les choses en bien ou en mal, mais plûtôt ordinairement en mal. 
Un Peintre satyrique en trois ou quatre coups de pinceau, fait un portrait ridicule, mais fort ressemblant, quoiqu’en laid, en exagérant la difformité de la personne qu’il représente. 
On appelle encore
charges certains caprices, & certaines figures grotesques : par éxemple, des animaux avec une figure humaine, des hommes avec des pieds d’animaux, des femmes sous la figure d’un pot ou de quelqu’autre vase. 
C’est une espéce de genre burlesque que le mauvais goût, qui corrompt tous les Arts, a introduit dans la Peinture.  
[...] Il est une troisième espéce de
charges, qui sont à la vérité contre l’éxactitude du dessein, mais ce sont des licences permises aux Peintres, & même nécessaires en certains cas. Dans certaines distances, il faut nécessairement charger les objets : c’est la premiere régle de la perspective. « Il y a des contours chargés, qui plaisent, dit Mr de Piles... On ne peut s’empêcher de louer dans quelques grands ouvrages les choses chargées, quand une raisonnable distance, d’où on les voit les adoucit à nos yeux. »
On dit
charger un portrait, faire des charges, charger des contours ; les charges d’Annibal Carache, de Callot, &c.
Une belle
charge, une charge ridicule. 

Quotation

ECOLE. On distingue cinq Ecoles ou cinq Classes de Peintres.
L’Ecole Romaine ou Florentine.
L’Ecole Venitienne.
L’Ecole de Lombardie.
L’Ecole Flamande & Allemande
L’Ecole Françoise.
On entend par ces noms les peintres Romains, Venitiens, Lombards, Flamands & François, 
Les autres nations n’ont point d’
Ecole qui porte leur nom ; ainsi l’on ne doit pas l’Ecole d’Espagne, l’Ecole d’Angleterre. 
[...] 
L’Ecole de Rome s’est principalement attachée au dessein.
L’
Ecole de Venise au coloris.
L’
Ecole de Lombardie à l’expression.
Et l’
Ecole Flamande au naturel. 
L’
Ecole Françoise a varié dans ses principes. 
Plusieurs Peintres célébres ont fondé des
Ecoles particulieres qui portent leur nom : l’Ecole  de Raphaël, l’Ecole des Carraches, l’Ecole du Titien. 
On entend par-là, les Peintres qui ont été les éléves de ces grands hommes, ou qui ont travaillé dans leur maniére.

Quotation

Principes de la Gravûre au Burin.
Il est inutile de dire que le Dessein est le fondement de cet Art, & qu’il est nécessaire qu’un Graveur sache dessiner correctement, car sans cela il ne pourra jamais bien imiter aucun Tableau ni Dessein, parce que son [p. 98 152] ouvrage ne sera fait qu’en tâtonnant : il pourra même être fait avec soin & d’une gravûre fort douce, mais sans esprit, sans art & sans intelligence.
On passe sous silence la maniere de dessiner du Graveur, qui doit être la même que celle du Peintre : on dira seulement qu’il doit s’appliquer fortement à dessiner long-tems des pieds & des mains d’après l’antique, sur le naturel, & d’après les Tableaux & les Desseins d’habiles gens, & qu’il ne doit point négliger de voir les Estampes gravées d’Augustin Carrache, & de Villamene, qui ont parfaitement & facilement dessiné ces extrémités.
Je dis ceci afin que le Graveur se donne par ce moyen une liberté de les faire de bon goût pour s’en servir dans des occasions qui se rencontrent quelquefois de travailler d’après des Peintres médiocres, ou des Desseins qui ne sont pas finis.
Mais lorsqu’il s’agit de copier les Tableaux des grands Maîtres, il faut que le Graveur se détache entierement de la propre maniere qu’il pourroit avoir de dessiner, pour se conformer à celle des ouvrages qu’il veut imiter & s’y conserver le caractere qui fait distinguer les manieres les unes des autres : & pour cet effet l’on doit beaucoup dessiner & bien du soin d’après les peintures de Rapahaël, des Carraches, du Dominiquain, du Poussin, &c. que si l’occasion ne se présente pas de pouvoir copier ces ouvrages, & qu’on ne puisse que les voir, il faut en remarquer toutes les beautés & les saisir dans la mémoire par une forte application d’esprit, & s’efforcer de reconnoître la différence de chacun dans la manière de tracer les contours.

Quotation

Mais lorsqu’il s’agit de copier les Tableaux des grands Maîtres, il faut que le Graveur se détache entierement de la propre maniere qu’il pourroit avoir de dessiner, pour se conformer à celle des ouvrages qu’il veut imiter & s’y conserver le caractere qui fait distinguer les manieres les unes des autres : & pour cet effet l’on doit beaucoup dessiner & bien du soin d’après les peintures de Rapahaël, des Carraches, du Dominiquain, du Poussin, &c. que si l’occasion ne se présente pas de pouvoir copier ces ouvrages, & qu’on ne puisse que les voir, il faut en remarquer toutes les beautés & les saisir dans la mémoire par une forte application d’esprit, & s’efforcer de reconnoître la différence de chacun dans la manière de tracer les contours.
Il est très-nécessaire qu’un Graveur sache l’Architecture & la Perspective. L’Architecture pour [p. 99 153] garder les proportions que les habiles Peintres quelquefois ne se donnent pas la peine de terminer dans leurs desseins ; surtout quand on grave d’après des croquis ou des tableaux peu finis. La Perspective, par les dégradations du fort au foible, lui donnera beaucoup de facilité pour faire fuir ou avancer les figures & autres corps représentés dans le Tableau qu’il doit imiter.

Quotation

Mais lorsqu’il s’agit de copier les Tableaux des grands Maîtres, il faut que le Graveur se détache entierement de la propre maniere qu’il pourroit avoir de dessiner, pour se conformer à celle des ouvrages qu’il veut imiter & s’y conserver le caractere qui fait distinguer les manieres les unes des autres : & pour cet effet l’on doit beaucoup dessiner & bien du soin d’après les peintures de Rapahaël, des Carraches, du Dominiquain, du Poussin, &c. que si l’occasion ne se présente pas de pouvoir copier ces ouvrages, & qu’on ne puisse que les voir, il faut en remarquer toutes les beautés & les saisir dans la mémoire par une forte application d’esprit, & s’efforcer de reconnoître la différence de chacun dans la manière de tracer les contours.
Il est très-nécessaire qu’un Graveur sache l’Architecture & la Perspective. L’Architecture pour [p. 99 153] garder les proportions que les habiles Peintres quelquefois ne se donnent pas la peine de terminer dans leurs desseins ; surtout quand on grave d’après des croquis ou des tableaux peu finis. La Perspective, par les dégradations du fort au foible, lui donnera beaucoup de facilité pour faire fuir ou avancer les figures & autres corps représentés dans le Tableau qu’il doit imiter.

Quotation

Mais lorsqu’il s’agit de copier les Tableaux des grands Maîtres, il faut que le Graveur se détache entierement de la propre maniere qu’il pourroit avoir de dessiner, pour se conformer à celle des ouvrages qu’il veut imiter & s’y conserver le caractere qui fait distinguer les manieres les unes des autres : & pour cet effet l’on doit beaucoup dessiner & bien du soin d’après les peintures de Rapahaël, des Carraches, du Dominiquain, du Poussin, &c. que si l’occasion ne se présente pas de pouvoir copier ces ouvrages, & qu’on ne puisse que les voir, il faut en remarquer toutes les beautés & les saisir dans la mémoire par une forte application d’esprit, & s’efforcer de reconnoître la différence de chacun dans la manière de tracer les contours.

Quotation

Es ist noch übrig, daß ich auch zeige, wie eine bekleidete Figur vollends gar im Schatten und Licht auszuführen. […]