TEINTE (n. f.)
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Quotation
Teinte, & Demie Teinte,
Doivent estre entendus de la diminution de force, ou affoiblissement d’une Couleur à une autre, tant de celles qui sont Esclairées, que des Ombrées & Ombragées.
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Quotation
Des figures separées qui semblent conjointes
Faites en sorte que les couleurs dont vous habillerez vos figures soient tellement assorties qu’elles s’entredonnent de la grace, & quand l’une des couleurs sert de champ à l’autre, que ce soit avec une telle discretion, qu’elles ne paroissent point unies et attachées l’une à l’autre, bien qu’elles fussent d’une mesme espece de couleur, mais que la diversité de leur teinte foible ou forte proportionnée à la distance qui les separe, & à l’espaisseur de l’air qui est entre deux, & que par la mesme regle les contours se trouvent aussi proportionnez, c’est-à-dire, soient plus ou moinz terminez, selon leur distance ou proximité.
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Quotation
En quelle partie la mesme couleur paroistra plus belle en peinture
Il faut remarquer ici qu’elle est la teinte en peinture, ou une mesme couleur se monstre plus belle, ou celle qui prend le rehaut ou la plus vive lumiere du jour, ou bien la simple lumiere, ou celle de la demi-teinte, où l’ombre, ou bien le reflect sur l’ombre pour cela il est besoin de sçavoir determinément, de quelle couleur il s’agit, parce que plusieurs couleurs sont bien differentes à cet esgard, & ont leur beauté fort diversement appropriée : car nous voyons que la perfection du noir est au fort de l’ombre : le blanc au contraire le reçoit en ses rehauts, & son plus grand clair : l’azur & le verd aux demi-teintes, le jaune & le rouge dans leur principale lumiere : l’air dans les reflects, & la lacque aux demi-teintes.
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De l’horizon qui paroist dans l’eau
Par la 6e. proposition de nostre traitté de Perspective, on verra paroistre l'horizon, ainsi que dans un miroir […] le peintre ayant à representer quelque estenduë d’eau, se doit souvenir, que la couleur de cette eau ne sçauroit avoir une autre teinte, soit claire ou obscure, que celle du lieu circonvoisin dans lequel elle est, meslée des couleurs des autres choses qui sont encore derriere luy.
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Lors qu’en Flandre un Peintre [ndr : Van Eyck] qui estoit en assez grande reputation en ce païs-là, & qui se plaisoit dans les secrets de la Chymie, reconnoissant aussi bien que les autres l’incommodité qu’il y avoit de travailler à détrempe, s’apperceut aprés plusieurs essais & diverses experiences, qu’en broyant les couleurs avec de l’huile de noix ou de lin, il s’en faisoit une Peinture solide, qui non seulement resistoit à l’eau, mais encore qui conservoit une vivacité & un lustre qui n’avoit pas besoin de vernix. Il vit de plus, que le mélange & les teintes des couleurs se faisant bien mieux avec de l’huile qu’autrement, les Tableaux avoient beaucoup plus d’union, plus de force & plus de douceur.
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LE PEINTRE.
En voicy encore [ndr : cf. le disciple montre ses peintures au peintre] qui ne sont pas mal, estans assez bien Colorez, mais en general deux choses y manquent, premierement l’union du Coloris, car vos jours, vos demies teintes, & teintes, puis les ombres & reflections, ne sont pas bien passées ou mélées les unes dans les autres vers leurs extremitez, qui fait qu’en s’en reculant de plus en plus, elles paroissent toutes separées les unes des autres, & tranchées en leur separations, & de plus vos demies teintes & teintes trop verdastres ; & aussi devez vous prendre garde de ne point en voulant imiter un Coloris d’une personne bazanée & rougeastre la faire comme de couleur de Brique ou de Rouge brun pur.
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[ndr : LE DISCIPLE]
Pour donc, Monsieur, en revenir à ce maniement de Peinceau & de Couleurs, afin de bien exprimer cette rondeur de Boule , Monsieur Bosse me fit entendre que pour representer de Peinture une supperficie ou surface platte, on couche d'ordinaire sa Couleur en menant le Peinceau de plat parallellement aux costez d'icelle, du droit tirant vers le gauche, ou de haut vers le bas, & le plus uniement & également noury de Couleur que l'on peut ; mais qu'il n'en estoit pas ainsi d'une Boule ou autre objet, qui tient du courbe ; car supposant comme j'ay dit, que la ligne Horizontale ou du Plan de l’œil, passe environ en la moitié de cette Boule, de force qu'il y ait autant ou approchant au dessus d'icelle ligne, qu'en dessous ; il faut premierement appliquer en sa place la couleur claire, puis celle des demies teintes, teintes, & ombres ; en maniant le Peinceau ou Broisse, du sens Perspectif que vont les Cercles Perspectifs que l'on peut concevoir tracez sur ladite Boule
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[…] les couleurs principalles dont nous nous servons, sont le blanc de plomb, qui est le plus beau de tous, la terre rouge, la terre jaune, la terre verte, la laque, le stil de grum, le noir d’os & de charbon, par le mélange desquelles on fait des teintes admirables qui approchent de la chair. On se sert aussi d’outremer, qui est une couleur excellente, non seulement pour les draperies, mais aussi pour la carnation, ayant la propriété de conserver l’éclat et la vivacité de toutes les autres couleurs, avec quoy on la mesle. La lasque fine & le vermillon sont encore fort bons pour bien imiter la chair, & sur toute la chair des femmes qui est plus fraische et plus delicate que celle des hommes. […]
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Après avoir fait le fonds du Tableau, qui est pour l’ordinaire un Ciel, un Paysage, quelque Drapperie, ou quelque Architecture afin d’unir les figures, notre disciple fera la principale la première, ou bien il commencera par celles qui doivent paroistre les plus éloignées de la veüe prenant garde que les teintes ne soient trop fortes & qu’elles tiennent un peu du fonds, & reservant ses plus vives couleurs pour les figures les plus proches de la veüe, & ses plus riches pour la principale, qui doit donner plus d’éclat au Tableau.
Si les figures les plus proches doivent estre éclairées, il y appliquera son clair plus fort qu’à tout le reste du Tableau ; & si elles doivent estre ombrées, il y employra de mesme son brun le plus fort, & le plus agreable à la veüe, adoucissant cét excez de force avec jugement : car ce n’est ny le grand clair, ny le grand brun, qui font ce bel effet qu’on admire dans les Tableaux, mais le meslange judicieux des couleurs, & la conduite du Peintre à les appliquer selon la convenance naturelle de son sujet.
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Dans l’art de traiter les couleurs, & dans le meslange que l’on fait des unes avec les autres, il se rencontre beaucoup de choses à considerer. Car il y a le meslange des couleurs qui se fait sur la palette avec le couteau lors que l’on compose les principales teintes dont on croit avoir besoin : Et le meslange qui se fait avec le pinceau sur la palette ou sur le Tableau mesme pour joindre ensemble toutes les couleurs & pour les noyer les unes avec les autres. De tous ces differents meslanges de couleurs s’engendre cette multitude de differentes teintes qui se rencontrent dans les tableaux, sans lesquelles le Peintre ne peut bien imiter, ny les carnations, ny les draperies, ny generallement toutes les autres choses qu’il veut representer. Et comme il doit faire le meslange de ses teintes sur sa palette ou sur son tableau selon les couleurs qui luy paroissent dans le naturel, il faut qu’il soit extraordinairement soigneux d’observer dans la Nature de quelle maniere elles y paroissent : c’est à dire qu’il doit, en considerant les corps des hommes, regarder de quelle façon ils sont colorez ; quelles parties sont plus vives, & quelles parties sont plus claires ; celles qui sont plus rouges & celles qui ont une apparence un peu bluastre, comme sont d’ordinaire les chairs plus délicates ; & prendre bien garde comment toutes ces differentes couleurs s’unissent & se meslent si bien ensemble, qu’il semble qu’une infinité de diverses teintes ne fassent qu’une seule couleur.
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Et parce que les lumieres & les ombres apportent du changement dans les couleurs, il faut donc que le Peintre fasse le plus d’observations qu’il pourra pour remarquer ces sortes d’alterations ; & qu’en premier lieu il se souvienne que la Peinture ne luy fournit que le noir & le blanc pour representer l’ombre & la lumiere, & que c’est avec ces deux couleurs qu’il peut rendre toutes les autres plus ou moins sensibles. Mais il doit estre fort judicieux & retenu quand il employe le blanc & le noir dans ses ouvrages, parce que comme les jours & les ombres donnent le relief & les enfoncemens aux corps, & aident à en faire paroistre les parties ou plus proches ou plus éloignées, il ne reussira jamais bien dans ce qu’il entreprendra, s’il ne sçait temperer ses bruns & ses clairs, en sorte qu’ils fassent le mesme effet qui paroist dans les choses de relief. Pour cela il faut qu’en peignant la superficie d’un corps, sa couleur soit plus claire & plus lumineuse dans l’endroit où les rayons de lumiere doivent frapper davantage. Et comme la lumiere viendra peu à peu à s’éteindre & à manquer, il faut aussi qu’il affoiblisse peu à peu la force de ses teintes.
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Cependant, dit Pymandre, il me semble que vous venez de dire que ce qui fait le fort & le foible, & ce que vous appelez l’affoiblissement des teintes, se doit comprendre par les diverses coupes qu’on se peut imaginer à mesure que les corps s’éloignent.
Il est vray, luy repliquay-je, & c’est dont nous avons tantost parlé sur le sujet de la perspective de l’air, Leon Baptiste Albert appelle cette coupe Il taglio. J’avouë que dans la speculation l’on peut comprendre de quelle sorte les objets doivent diminuer de couleur par ces differentes coupes. Mais quand on vient à la pratique, cette speculation, ou le raisonnement qui fait juger combien un corps doit perdre de sa couleur lors qu’on le veut faire paroistre enfoncé dans le tableau dix ou douze pieds plus qu’un autre, ne peut apprendre précisément comment il faut diminuer la teinte de cette couleur, & la proportionner à son éloignement. Avez-vous jamais remarqué un maistre de Musique qui accorde un luth ou une harpe, il vous fera bien connoistre quel ton la premiere corde doit avoir avec la seconde, & ainsi des autres : mais il ne peut vous enseigner à les accorder, en vous disant qu’il faut tourner les chevilles un certain nombre de tours. Il faut que ce soit l’oreille qui juge de l’harmonie lors qu’on les touche. De mesme dans les couleurs on peut dire qu’il en faut diminuer ou augmenter la teinte à mesure qu’elles s’éloignent ou s’approchent ; ou qu’elles reçoivent divers accidents d’ombres & de lumieres : mais c’est à l’œil à juger du plus ou du moins de force qu’on leur donne en les meslant.
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Quand on veut peindre quelque chose, il faut, pour une plus grande facilité faire les Teintes des Couleurs que l’on veut imiter en prenant avec le Couteau des Couleurs simples & capitales qui sont sur la Palette ce qu’il en faut, soit en qualité soit en quantité, & les mêler ensemble, pour en avoir la Teinte que l’on cherche. Les corps naturels ont ordinairement leurs jours, leurs Ombres, & leurs demies teintes ; & c’est pour les imiter en ces trois differens degrez, que le Peintre par le Mélange de ses Couleurs fait des Teintes sur sa Palette.
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Pour en imiter les Jours, on fait ordinairement quatre Teintes claires ; dont la premiere est composée de Blanc & d’un peu de Jaune, la seconde de Blanc, de Vermillon & de Laque : de ces deux dernieres également & tres peu. La troisième se fait comme la seconde : en y mettant un tres peu plus de Laque et de Vermillon, & la quatrième comme la troisième en y mélant encore un peu plus de ces deux dernières Couleurs Vermillon & Laque. On peut en faire encore, si l’on veut, une cinquième encore plus chargée : ces Teintes se mettent de suite dans un même rang.
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Les Teintes pour les Ombres se peuvent fort bien mettre en suite des demies teintes. Il suffira d’en faire deux. La première sera composée de Laque, d’Ocre jaune & d’Outremer, en sorte que le Jaune y soit en plus grande quantité que les deux autres, dont on mettra également. La seconde sera tres-bonne avec du stil-de-grain fin, de la Laque & un peu de Noir d’os.
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Les Couleurs à huile ont cela pardessus les autres, que les Teintes s'en peuvent mêler facilement par le manîment du Pinceau : mais il est à craindre aussi qu'à force de les tourmenter on n'en fasse perdre la fraicheur surtout dans les Carnations, & qu'elles ne deviennent sales et terrestres. Pour obvier à cela, il y a deux choses à faire ; la première est de s'accoûtumer à peindre & à mêler ses Couleurs avec promptitude & légèreté de Pinceau, en sorte que, s'il y avoit moyen, l'on ne passât point deux fois sur le même endroit, & la seconde est, qu'après avoir ainsi meslé légèrement ses Couleurs ensemble on prenne le soin de retoucher par-dessus avec des Couleurs vierges & fraîches lesquelles conviennent aux endroits où on le met, & soient de même ton que celles qui auront été déjà peintes & mêlées par dessous. Pour apprendre à peindre de cette sorte je ne sais rien de meilleur que de copier d'après le Corrège & Van Dyck pour la légèreté de pinceau, & d'après Paul Veronese & Rubens pour les Teintes vierges.
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[...] Il [ndr : Rembrandt] a si bien placé les teintes & les demi-teintes les unes auprés des autres, & si bien entendu les lumieres & les ombres, que ce qu’il a peint, d’une maniere grossiere, & qui mesme ne semble souvent qu’ébauché, ne laisse pas de réüssir, lors, comme je vous ay dit, qu’on n’en est pas trop prés. Car par l’éloignement, les coups de pinceau fortement donnez, & cette épaisseur de couleurs que vous avez remarquée, diminuënt à la veüë, & se noyant & meslant ensemble, font l’effet qu’on souhaite. La distance qu’on demande pour bien voir un tableau, n’est pas seulement afin que les yeux ayent plus d’espace & plus de commodité pour embrasser les objets et pour les mieux voir ensemble : c’est encore afin qu’il se trouve davantage d’air entre l’œil & l’objet.
Vous voulez dire, interrompit Pymandre, que par le moyen d’une plus grande densité d’air, toutes les couleurs d’un tableau paroissent noyées & comme fonduës, s’il faut me servir de vos termes, les unes avec les autres.
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C’est répondis-je, que quelque soin qu’on apporte à bien peindre un ouvrage, toutes ses parties estant composées d’une infinité de differentes teintes, qui demeurent toûjours en quelque façon distinctes & separées, ces teintes n’ont garde d’estre meslées ensemble, de la mesme sorte que sont celles des corps naturels. Il est bien vray que quand un tableau est peint dans la derniere perfection, il peut estre consideré dans une moindre distance ; & il a cet avantage de paroistre avec plus de force & de rondeur, comme sont ceux du Corége. C’est pourquoi je vous ay fait remarquer que la grande union & le mélange des couleurs sert beaucoup à donner aux tableaux plus de force & de vérité ; & qu’aussi plus ou moins de distance contribuë infiniment à cette union.
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Mais revenons à la Peinture. Je puis encore prouver le peu de suffisance des Peintres anciens par quelques morceaux de peinture antique qu'on voit à Rome en deux ou trois en-droits ; car quoy que ces ouvrages ne soient pas tout à fait du temps d’Appelle & de Zeuxis, ils sont apparemment dans la mesme manière ; & tout ce qu'il peut y avoir de difference, c'est que les Maistres qui les ont faits estant un peu moins anciens, pourroient avoir sçû quelque chose davantage dans la peinture. J’ay vû celuy des Nopces qui est dans la Vigne Aldobrandine, & celuy qu'on appelle le Tombeau d'Ovide. Les figures en sont bien dessinées, les attitudes sages & naturelles, & il y a beaucoup de noblesse & de dignité dans les airs de teste, mais il y a tres-peu d'entente dans le mélange des couleurs ; & point du tout dans la perspective ny dans l’ordonnance. Toutes les teintes sont aussi fortes les unes que les autres, rien n'avance, rien ne recule dans le tableau, & toutes les figures sont presque sur la mesme ligne, en sorte que c’est bien moins un tableau qu'un bas relief antique coloré, tout y est sec & immobile sans union, sans liaison, & sans cette mollesse des corps vivans qui les distingue du marbre & de la bronze qui les représentent.
ANONYME, Les Noces Aldobrandines, Ier siècle avant J.-C. - Ier siècle après J.-C., fresque, 95 x 255, Vatican, Musei Vaticani, Inv. 79631.
ANONYME, Rape of Proserpina, IIe siècle après J.-C. - IIIe siècle après J.-C., peinture murale, 71 x 98 , London, British Museum, 1883,0505.1.
Il est fort probable que le Tombeau d'Ovide évoqué ici par Perrault soit en réalité celui des Nasonii, retrouvé en 1674 à Rome, et orné de peintures. Parmi elles, on retrouve par exemple L'enlèvement de Proserpine (The Rape of Proserpina) conservé au British Museum. Des reproductions dans Le pitture antiche del sepolcro de Nasonii nella Via Flaminia : disegnate, ed intagliate alla similitudine degli antichi originali de Bellori, paru en 1680, doivent également être signalées (planche XII pour l'oeuvre du British Museum par exemple). À ce sujet, voir notamment, Delphine Burlot. Peintures romaines antiques et faussaires. Sources et techniques. Archéologie et Préhistoire. Université Paris-Sorbonne - Paris IV, 2007, p. 68 et suivantes.
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C’est en effet un des plus important presceptes qu’on puisse tirer du raisonnement de ces Conferences pour faire en Peinture une juste representation des beaux effets du naturel, car comme on ne sauroit appercevoir les objets que par la lumiere, & qu’il n’y a aucun Corps de quelque forme que ce soit qui ne porte son ombre en soi-même par son propre relief, ou sur quelqu’autre Corps voisin, il est constant qu’on ne sauroit imiter la belle union qui se rencontre naturellement dans l’opposition de ces deux contraires qu’en les regardant perspectivement, c’est à dire d’un seul coup d’œil ; mais pour y réüssir il est necessaire d’y apporter un jugement bien épuré & dégagé de toute affectation pour observer les divers degrez de force entre les teintes & les reflex, tant sur les parties éclairées que sur celles qui sont ombrées, pour cet effet il faut observer les differents effets de la vûe fixée sur des objets opposez à une grande lumiere, ou bien à une forte obscurité (non pas pour dire comme ont fait quelques Traducteurs, qui ont voulu exprimer les sentimens d’un tres sçavant Peintre) que la prunelle s’élargit ou s’étraicit ; […]
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Au reste chacun demeure bien d’accord que l’opposition de ces choses [ndr : le clair et le brun] se servent mutuellement pour dégager les parties singulieres. Quand aux grandes parties generales qui sont ces grands ports d’ombres par lesquels on fait rencontrer les accords des divers dégrez de clair & d’obscur, qui font comme une agreable harmonie de lumiere dans les belles Ordonnances, le Peintre doit soigneusement étudier les beaux effets du naturel pour disposer prudamment les grande parties, qui sont comme des masses en quoi consiste ce que l’on appelle la grande & belle maniere. Sur cela quelqu’un fit observer une maxime dont l’Academie demeura d’accord, à sçavoir que dans les figures qui se rencontrent dans la partie ombrée ou éclairées ; ce qui sert de teinte en la partie éclairée doit faire le rehaût en la partie ombrée, & ce qui est une teinte en la partie ombrée peut servir d’ombre en la partie éclairée.
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L’on dit qu’à la verité, l’on ne pouvoit pas avec des couleurs artificielles imiter le grand éclat des lumieres naturelles, que par l’opposition des obscurités n’y faire paroitre le relief, que par les divers degrez des Teintes & des Ombres, mais aussi qu’il y auroit de la temerité d’entreprendre l’impossible : que pour cette raison l’on étoit convenu dans les conferences precedentes de ne point faire paroître en un Tableau le Corps de quelque lumiere que ce soit, & que ne pouvant atteindre à l’éclat du naturel, il se falloit contenter d’en approcher autant par les moyens de l’art le pouvoient permettre proportionnant le brun au clair, & tenant avec une sage mediocrité le milieu, entre les manieres qui sont outrées, comme en l’Ecole des Lombards, & celles qui sont fades & mesquines, ainsi que dans les manieres Gottiques qui affectoient d’éviter les ombres.
École lombarde
LE COMTE, Florent
Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Testelin est repris par Florent Le Comte dans son Cabinet des singularitez (...), plus précisément aux pages 75-76 de son édition de 1699-1700 (Paris, Etienne Picart & Nicolas Le Clerc).
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Des Carnations.
LXVI.
Il y a dans les Carnations tant de differens coloris qu’il seroit mal-aisé de donner sur des sujets si particuliers des regles generales, aussi n’en garde-t’on point quand on a acquis par l’usage d’habitude de travailler aisément, & ceux qui sont arrivez à ce degré s’attachent à copier leurs Originaux, où bien ils travaillent sur leurs idées sans sçavoir comment ; De sorte que les plus habiles qui le font avec moins de reflexion & de peine que les autres, en auroient aussi d’avantage à rendre raison de leur Doctrine eu fait de Peinture, si on leur demandoit de quelles couleurs ils se servent pour faire un tel ou un tel Coloris, une Teinte icy, & là une autre.
Cependant comme les commençans à qui je destine ce petit Ouvrage ont besoin de quelque instruction d’abord. Je dirai icy en general de quelle maniere il faut faire diverses carnations.
LXVII.
Premierement aprés avoir desseigné sa Figure avec du Carmin, & ordonné sa piece, l’on applique pour les Femmes, les Enfans, & generalement pour tous les coloris tendres, une couche de blanc, meslé avec tant soit peu de ce bleu fait pour les visages dont j’ay dit la composition ; mais qu’il ne paroisse quasi pas.
LXVIII.
Et pour les Hommes, au lieu de bleu on met dans cette premiere couche un peu de Vermillon, & lors qu’ils sont vieux on y méle de l’Occre.
LXIX.
En suite on recherche tous les traits avec du Vermillon, du Carmin, & du blanc, mélez ensemble, & l’on ébauche toutes les ombres de ce mélange, ajoûtant du blanc à proportion qu’ils sont foibles, & n’en mettant guere aux plus bruns […].
LXX.
Après avoir ébauché de rouge, l’on fait des teintes bleuës avec de l’Outremer & beaucoup de blanc, sur les parties qui fuïent, c’est à dire, sur les tempes, au dessous, & aux coins des yeux, […] & aux autres endroits où la chair a je ne sçay quel œil bleu.
L’on fait encore des teintes jaunâtres avec de l’Occre, ou de l’Orpin, & un peu de Vermillon meslé de blanc au dessus des soucis, aux costez du nez vers le bas, un peu au dessous des joües, & sur les autres parties qui approchent.
C’est particulierement pour ces Teintes qu’ils faut observer le naturel, afin de le prendre, car la peinture estant une imitation de la Nature, la perfection de l’Art consiste en la justesse & en la naïveté de cette representation, sur tout pour le portrait.
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LXXIII.
Il faut pointiller sur les clairs avec un peu de Vermillon ou de Carmin meslé de beaucoup de blanc, & de tant si peu d’Occre, pour les faire perdre dans les ombres, & pour faire mourir les Teintes les unes dans les autres imperceptiblement, prenant garde en pointillant ou hachant de faire que vos traits suivent le contour des chairs, car bien qu’il faille croiser de tous sens, celuy-là doit paroistre un peu d’avantage parce qu’il arrondit les parties.
Et comme ce mélange pourroit faire un Coloris trop rouge si l’on s’en servoit toûjours, on travaille aussi par tout pour confondre les teintes & les ombres avec du bleu, un peu de verd, & beaucoup de blanc, en sorte que ce mélange soit fort pâle, excepté pourtant qu’il ne faut point mettre de cette couleur sur les jouës ; ny sur l’extremité des clairs, non plus que de l’autre mélange sur ces derniers qu’il fait laisser avec tout leur jour, comme de certains endroits du menton, du nez, & du front, & au dessus des jouës ; lesquelles & le Menton doivent neantmoins estre plus rouges que le reste, aussi-bien que les pieds, le dedans des mains, & les doigts des uns & des autres.
Remarquez que ces deux derniers mélanges doivent estre si pâles, qu’à peine en puisse-t’on voir le travail, n’estant que pour adoucir l’Ouvrage, & faire l’union des teintes les unes dans les autres, des ombres dans les clairs, & faire perdre les traits : Il faut prendre garde aussi de ne pas trop travailler du mélange rouge sur les teintes bleuës, ny du bleu sur les autres, mais changer de temps en temps de couleur, quand on voit que l’on fait trop bleu ou trop rouge, jusques à ce que l’ouvrage soit finy.
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Quotation
LXXIX.
Mais le plus important est d’adoucir son Ouvrage, de mesler ses teintes les unes dans les autres, aussi bien que la barbe & les cheveux, qui sont sur le front avec les autres Cheveux, & la Carnation, prenant garde sur tout de ne pas faire sec, & dur, & que les Traits & Contours des Carnations ne soient pas coupez.
Il faut aussi s’accoûtumer à ne mettre du Blanc dans vos Couleurs qu’à proportion que vous faites Clair ou Brun ; car il faut que la Couleur dont on travaille la seconde fois, soit toûjours un peu plus forte que la premiere, à moins que ce ne soit pour adoucir.
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Quotation
[…] une teinte qui de près paroît separée & d’une certaine couleur, paroîtra d’une autre couleur dans sa distance, & se confondra dans la masse dont elle fait partie. Si vous voulez donc que votre ouvrage fasse un bon effet du lieu d’où il doit être vû, il faut que les couleurs & les lumieres en soient un peu exagerées ; mais savamment & avec une grande discretion. Voyez la maniere dont Titien, Rubens, Vandeik, & Rembrant en ont usé : car leur artifice est merveilleux.
REMBRANDT (Rembrandt Harmensz van Rijn)
RUBENS, Peter Paul
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
VAN DYCK, Antoon
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Quotation
Dans le Païsage, la figure y tient le premier rang ; pour pouvoir la peindre au nature, il faut sçavoir les carnations, parce que les teintes des visages se trouvent differentes, même les chairs ; ce qui m’oblige de vous les distinguer.
Pour faire les chairs ordinaires, prenez un peu de vermillon & de carmin […].
Pour faire une teinte de chairs plus delicates, […].