FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, Paris, Pierre Le Petit, 1666, 5 vol. , vol. I.

Bibliothèque Nationale de France Paris V-14660 Images in-texte 136 quotations 102 terms
Les Entretiens ont été publiés en cinq volumes de 1666 – quelques mois après la nomination de Félibien à la charge d’historiographe du roi – à 1688. Chaque volume comporte deux entretiens d’une longueur variable ainsi qu’un index. Ce vaste projet éditorial fortement lié à la couronne, trouve sans doute sa source dans le voyage effectué par l’auteur en Italie dans les années 1650 et sa rencontre avec Nicolas Poussin.
Sa forme littéraire, l’entretien, lui donne une dimension didactique et pédagogique que ne possède pas le genre du traité ou de la biographie. De plus, cela permet de légitimiser la plume de l’auteur qui n’est pas un artiste mais qui a acquis son savoir auprès de Poussin et en le regardant peindre. En dressant une histoire des peintres de l’Antiquité jusqu’au XVIIe siècle – les peintres vivants ne sont pas évoqués – l’ouvrage de Félibien aborde les notions fondamentales nécessaires à la compréhension de la théorie de l’art.
Le premier volume des Entretiens, dédié à Colbert, s’ouvre par une préface dans laquelle l’auteur explique sa visée et ses destinataires : « […] ayant jugé que pour mieux donner connoissance de la Peinture aux Gens de lettres aussi bien qu’à ceux qui veulent en faire profession, il falloit parler des Peintres & de leurs Tableaux, j’ay crû devoir faire des entretiens familiers dans lesquels on pust apprendre ce qui regarde les vies de ceux qui ont esté les plus celebres, & où en rapportant quelques uns de leurs Ouvrages j’eusse lieu de faire remarquer tout ce qui appartient à l’excellence de cet Art » (n. p.).
Le Premier entretien, issu du remaniement du livre dédié par Félibien à Fouquet sur L’origine de la peinture paru en 1660, commence par traiter des bâtiments du Louvre et de l’architecture en évoquant les Anciens et les Modernes. Dans cette partie, la plus courte du volume puisqu’elle n’occupe que 89 pages contre 232 pour le Second entretien, Félibien aborde également deux notions fondamentales qui apparaissent dans l’ensemble de l’œuvre : la beauté et la grâce qu’il lie au « je ne sais quoi ». Par ailleurs, il introduit les trois parties de la peinture, à savoir la composition, le dessein et le coloris, avant d’exposer les vies des peintres de l’Antiquité. Le Second entretien traite de la naissance de la peinture en Italie jusqu’à Raphaël. Le contenu théorique, plus pauvre, porte notamment sur les avantages de la peinture.

Matthieu Lett et Marianne Freyssinet
in-4 french

Dedication
Jean-Baptiste Colbert

Structure
Table des matières at n.p.
Dédicace(s) at n.p.
Préface at n.p.
Privilèges at n.p.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes. Seconde édition, Paris, Sébastien Mabre-Cramoisy, 1685 - 1688, 2 vol.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres, anciens et modernes. Seconde édition, Paris, Florentin et Pierre Delaulne, 1690, 2 vol.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes. Seconde édition, Paris, Denys Mariette, 1696, 2 vol.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes. Nouvelle édition augmentée des Conférences de l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture, avec le Recueil historique de la vie et des ouvrages des plus célèbres architectes, FÉLIBIEN, Jean-François (éd.), Amsterdam, Estienne Roger, 1700, 4 vol.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, par Mr. Félibien, Secrétaire de l'Académie des Sciences & Historiographe du Roi, Nouvelle édition revue, corrigée & augmentée des Conférences de l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture, London, David Mortier, 1705, 4 vol.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, par Mr. Félibien, Secrétaire de l'Académie des Sciences & Historiographe du Roi. Nouvelle édition revue, corrigée et augmentée des Conférences de l'Académie Royale de Peinture & de Sculpture, De l'Idée du Peintre parfait & des Traitez des Desseins, des Estampes, de la Connoissance des Tableaux & du Goût des Nations, Amsterdam, Estienne Roger, 1706, 4 vol.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, avec la Vie des architectes, par Monsieur Félibien. Nouvelle édition revue, corrigée & augmentée des Conférences de l'Académie Royale de Peinture & de Sculpture ; De l'Idée du Peintre parfait, des Traitez de la miniature, des Desseins, des Estamps, de la connoissance des Tableaux, & du Goût des Nations ; De la Description des Maisons de Campagne de Pline, & de celle des Invalides, FÉLIBIEN, Jean-François (éd.), Trévoux, Imprimerie de Son Altesse Sérénissime, 1725, 6 vol.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, avec la vie des architectes; with an introductory note by Sir Anthony F. Blunt, BLUNT, Anthony (éd.), Farnborough, Gregg Press, 1967.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes, Genève, Minkoff Reprint, 1972, 3 vol.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes. Entretiens I et II. Introduction, établissement du texte et notes par René Démoris, DÉMORIS, René (éd.), Paris, Les Belles Lettres, 1987.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes. Entretiens I et II. Introduction, établissement du texte et notes par René Démoris, DÉMORIS, René (éd.), Paris, Les Belles Lettres, 2007.

VAN HELSDINGEN, Hans Willem, « Body and Soul in French Art Theory of the Seventeenth Century after Descartes », Simiolus. Netherlands Quarterly for the History of Art, 11/1, 1980, p. 14-22 [En ligne : http://www.jstor.org/stable/3780510 consulté le 24/10/2016].

THUILLIER, Jacques, « Pour André Félibien », Dix-septième siècle, 138, 1983, p. 65-95.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes. Entretiens I et II. Introduction, établissement du texte et notes par René Démoris, DÉMORIS, René (éd.), Paris, Les Belles Lettres, 1987.

DÉMORIS, René, « Félibien. Biographie, théorie et histoire dans les "Entretiens" », dans WASCHEK, Matthias (éd.), Les vies d’artistes , Actes du colloque de Paris, Paris, Musée du Louvre Éd. - École nationale supérieure des Beaux-Arts, 1996, p. 177-193.

ROSENBERG, Raphael, « André Félibien et la description de tableaux. Naissance d'un genre et professionnalisation d'un discours », Revue d’esthétique. La naissance de la théorie de l’art en France 1640-1720, 31-32, 1997, p. 149-159.

DIONNE, Ugo, « Félibien dialoguiste : les "Entretiens" sur les vies des peintres », Dix-septième siècle, 210, 2001, p. 49-74 [En ligne : www.cairn.info/revue-dix-septieme-siecle-2001-1-page-49.htm consulté le 05/01/2015].

BONFAIT, Olivier, « Félibien lecteur de Bellori : des "Vite de’ pittori moderni" aux "Entretiens sur les plus excellens peintres" », dans BONFAIT, Olivier (éd.), L’idéal classique : les échanges artistiques entre Rome et Paris au temps de Bellori, Actes du colloque de Rome, Roma - Paris, Somogy - Académie de France à Rome, 2002, p. 86-104.

HAAS, Bruno, « La méconnaissance du dessin comme fondement d’un discours sur l’art », Nouvelle revue d’esthétique, 4, 2009, p. 29-40 [En ligne : www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-d-esthetique-2009-2-page-29.htm consulté le 05/01/2015].

STANIC, Milovan, « Aimer Rome et Paris comme Anvers et Venise ? La peinture vénitienne dans la querelle du coloris au XVIIe siècle », dans HOCHMANN, Michel (éd.), Venise et Paris, 1500 – 1700. La peinture vénitienne de la Renaissance et sa réception en France, Actes du colloques de Bordeaux et Caen, Genève, Droz, 2011, p. 177-192.

MÉROT, Alain, « "Manières" et "modes" chez André Félibien : les premières analyses du style de Nicolas Poussin », dans LE BLANC, Marianne, POUZADOUX, Claude et PRIOUX, Évelyne (éd.), L’Héroïque et le champêtre. Volume I. Les catégories stylistiques dans le discours critique sur les arts, Actes du colloque international de Paris, Paris, Presses universitaires de Paris Ouest, 2014, p. 187-203.

GERMER, Stefan, Art, pouvoir, discours : la carrière intellectuelle d'André Félibien dans la France de Louis XIV, Paris, Éd. de la Maison des sciences de l’homme, 2016.

FILTERS

QUOTATIONS

[…] je considerois avec un soin tout particulier, comment il [ndr : Poussin] mesloit les couleurs ensemble pour donner cette diminution de teintes necessaire à arondir les corps, à faire paroistre les jours & les ombres, & à produire ces divers degrez d’éloignement qui font fuïr ou avancer toutes les parties d’un Tableau, ce qu’il a sceu executer avec tant d’art & de beauté.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → figure et corps

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → perspective
CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
EFFET PICTURAL → qualité de la lumière

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

[…] quelque theorie qu’on ait de la Peinture, on est incapable de rien executer de parfait sans une grande pratique, & c’est en travaillant que je me suis bien apperceu qu’il se rencontre mille difficultez dans l’execution d’un Ouvrage que tous les préceptes ne sçauroient apprendre à surmonter.

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
L’ARTISTE → règles et préceptes

[…] quelque theorie qu’on ait de la Peinture, on est incapable de rien executer de parfait sans une grande pratique, & c’est en travaillant que je me suis bien apperceu qu’il se rencontre mille difficultez dans l’execution d’un Ouvrage que tous les préceptes ne sçauroient apprendre à surmonter.
Car on ne peut bien dire comment il faut donner plus de force, plus de majesté, & plus de grace aux figures ; tout cela dépend de l’excellence du genie du Peintre. On ne peut encore déterminer une mesure asseurée pour les diverses teintes des couleurs, & pour les effets differens de leurs mélanges. C’est par une longue experience, une grande pratique & un raisonnement solide que toutes ces choses s’apprennent.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → apprentissage
L’ARTISTE → qualités
MANIÈRE ET STYLE → le faire et la main

Car on ne peut bien dire comment il faut donner plus de force, plus de majesté, & plus de grace aux figures ; tout cela dépend de l’excellence du genie du Peintre.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → qualités
CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination

Car on ne peut bien dire comment il faut donner plus de force, plus de majesté, & plus de grace aux figures ; tout cela dépend de l’excellence du genie du Peintre. On ne peut encore déterminer une mesure asseurée pour les diverses teintes des couleurs, & pour les effets differens de leurs mélanges. C’est par une longue experience, une grande pratique & un raisonnement solide que toutes ces choses s’apprennent. S’il y a un moyen pour faire davantage paroistre les parties d’un Tableau, pour leur donner plus de force, plus de beauté & plus de grace ; c’est un moyen qui ne consiste pas en des regles qu’on puisse enseigner, mais qui se découvre par la lumiere de la raison, & où quelquefois il faut se conduire contre les regles ordinaires de l’Art. Et de cela on ne doit point s’en estonner, puis que dans la Nature il se rencontre mille differentes beautez qui ne sont rares & surprenantes, que parce qu’elles sont extraordinaires & bien souvent contre l’ordre naturel.
Qu’on ne s’imagine donc pas qu’en cet Art, non plus qu’en plusieurs autres, toutes les regles en soient aussi certaines comme dans la Geometrie, où l’on peut toûjours travailler avec seureté ; ny qu’un excellent Tableau doive estre censuré de tout le monde, lors que dans une petite partie il semble qu’on n’ait pas observé un je ne sçay quoy d’Optique, principalement quand ce defaut n’est pas considerable, & que l’on a negligé ces moindres choses pour s’attacher à de plus importantes.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → règles et préceptes

Car on ne peut bien dire comment il faut donner plus de force, plus de majesté, & plus de grace aux figures ; tout cela dépend de l’excellence du genie du Peintre. On ne peut encore déterminer une mesure asseurée pour les diverses teintes des couleurs, & pour les effets differens de leurs mélanges. C’est par une longue experience, une grande pratique & un raisonnement solide que toutes ces choses s’apprennent. S’il y a un moyen pour faire davantage paroistre les parties d’un Tableau, pour leur donner plus de force, plus de beauté & plus de grace ; c’est un moyen qui ne consiste pas en des regles qu’on puisse enseigner, mais qui se découvre par la lumiere de la raison, & où quelquefois il faut se conduire contre les regles ordinaires de l’Art. [...] Je sçay bien qu’un excellent Peintre n’est pas loüable si dans ses Ouvrages il y laisse des fautes si grossieres, que tout le monde les aperçoive d’abord, & je sçay bien encore que la perspective est si necessaire à cet Art, que l’on peut dire qu’elle est mesme de son essence ; Cependant cette partie n’entre pas en comparaison avec tant d’autres qu’un Peintre doit sçavoir, & qui sont d’une étude bien plus longue & plus penible, puis que se conduisant en celle-là par le moyen de la regle & du compas, la pratique n’en est pas moins facile que les regles en sont aisées à comprendre, n’y ayant guere d’esprits, pour peu intelligens qu’ils soient, qui ne puissent s’y rendre sçavans en tres-peu de temps.
Des gens neanmoins qui n’ont de connoissance qu’en cela, ne laissent pas quelquefois de blâmer hautement un excellent Tableau, & de vouloir diminuer de l’estime du Peintre, parce qu’il aura omis ou négligé quelque chose qui n’ira pas chercher le point de veuë. Et comme ces Censeurs ont facilement appris la Perspective, mais qu’ils ignorent les parties les plus difficiles de la Peinture, ils se récrient sur ce petit defaut, comme s’ils estoient les Juges souverains des plus beaux Ouvrages ; bien qu’à dire vray, il se trouve beaucoup de telles gens qui sont fort peu capables d’en connoistre tout l’art & toute la perfection.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → qualités
L’ARTISTE → apprentissage

Car on ne peut bien dire comment il faut donner plus de force, plus de majesté, & plus de grace aux figures ; tout cela dépend de l’excellence du genie du Peintre. On ne peut encore déterminer une mesure asseurée pour les diverses teintes des couleurs, & pour les effets differens de leurs mélanges. C’est par une longue experience, une grande pratique & un raisonnement solide que toutes ces choses s’apprennent. S’il y a un moyen pour faire davantage paroistre les parties d’un Tableau, pour leur donner plus de force, plus de beauté & plus de grace ; c’est un moyen qui ne consiste pas en des regles qu’on puisse enseigner, mais qui se découvre par la lumiere de la raison, & où quelquefois il faut se conduire contre les regles ordinaires de l’Art. Et de cela on ne doit point s’en estonner, puis que dans la Nature il se rencontre mille differentes beautez qui ne sont rares & surprenantes, que parce qu’elles sont extraordinaires & bien souvent contre l’ordre naturel.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → qualités

Qu’on ne s’imagine donc pas qu’en cet Art, non plus qu’en plusieurs autres, toutes les regles en soient aussi certaines comme dans la Geometrie, où l’on peut toûjours travailler avec seureté ; ny qu’un excellent Tableau doive estre censuré de tout le monde, lors que dans une petite partie il semble qu’on n’ait pas observé un je ne sçay quoy d’Optique, principalement quand ce defaut n’est pas considerable, & que l’on a negligé ces moindres choses pour s’attacher à de plus importantes.
Je sçay bien qu’un excellent Peintre n’est pas loüable si dans ses Ouvrages il y laisse des fautes si grossieres, que tout le monde les aperçoive d’abord, & je sçay bien encore que la perspective est si necessaire à cet Art, que l’on peut dire qu’elle est mesme de son essence ; Cependant cette partie n’entre pas en comparaison avec tant d’autres qu’un Peintre doit sçavoir, & qui sont d’une étude bien plus longue & plus penible, puis que se conduisant en celle-là par le moyen de la regle & du compas, la pratique n’en est pas moins facile que les regles en sont aisées à comprendre, n’y ayant guere d’esprits, pour peu intelligens qu’ils soient, qui ne puissent s’y rendre sçavans en tres-peu de temps.
Des gens neanmoins qui n’ont de connoissance qu’en cela, ne laissent pas quelquefois de blâmer hautement un excellent Tableau, & de vouloir diminuer de l’estime du Peintre, parce qu’il aura omis ou négligé quelque chose qui n’ira pas chercher le point de veuë. Et comme ces Censeurs ont facilement appris la Perspective, mais qu’ils ignorent les parties les plus difficiles de la Peinture, ils se récrient sur ce petit defaut, comme s’ils estoient les Juges souverains des plus beaux Ouvrages ; bien qu’à dire vray, il se trouve beaucoup de telles gens qui sont fort peu capables d’en connoistre tout l’art & toute la perfection.

Il s’agit ici de perspective géométrique. Félibien critique la conception de la perspective d’Abraham Bosse, principal théoricien de la perspective au sein de l’Académie, et celle de ses partisans. Surtout, il condamne le jugement de l’œuvre d’art selon la seule observation de la perspective.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → règles et préceptes
EFFET PICTURAL → perspective

Je sçay bien qu’un excellent Peintre n’est pas loüable si dans ses Ouvrages il y laisse des fautes si grossieres, que tout le monde les aperçoive d’abord, & je sçay bien encore que la perspective est si necessaire à cet Art, que l’on peut dire qu’elle est mesme de son essence ; Cependant cette partie n’entre pas en comparaison avec tant d’autres qu’un Peintre doit sçavoir, & qui sont d’une étude bien plus longue & plus penible, puis que se conduisant en celle-là par le moyen de la regle & du compas, la pratique n’en est pas moins facile que les regles en sont aisées à comprendre, n’y ayant guere d’esprits, pour peu intelligens qu’ils soient, qui ne puissent s’y rendre sçavans en tres-peu de temps.
Des gens neanmoins qui n’ont de connoissance qu’en cela, ne laissent pas quelquefois de blâmer hautement un excellent Tableau, & de vouloir diminuer de l’estime du Peintre, parce qu’il aura omis ou négligé quelque chose qui n’ira pas chercher le point de veuë. Et comme ces Censeurs ont facilement appris la Perspective, mais qu’ils ignorent les parties les plus difficiles de la Peinture, ils se récrient sur ce petit defaut, comme s’ils estoient les Juges souverains des plus beaux Ouvrages ; bien qu’à dire vray, il se trouve beaucoup de telles gens qui sont fort peu capables d’en connoistre tout l’art & toute la perfection.

censeur

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → jugement

Ils [ndr : les Anciens] ont connu que la beauté ne paroist que par la convenance des parties ; Et aprés avoir bien compris de quelle sorte on peut proportionner toutes ces differentes parties pour rendre visible cette beauté ; Ils en ont establi des maximes generales pour servir à ceux qui veulent se conduire selon leurs principes.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Encore que les proportions engendrent la beauté, on ne peut pas dire neanmoins que les hommes ayent sceu la proportion des choses avant que d’en avoir connu la beauté. Au contraire ç’a esté sur la beauté des corps qu’on a observé les proportions […].

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → proportion
CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Encore que les proportions engendrent la beauté, on ne peut pas dire neanmoins que les hommes ayent sceu la proportion des choses avant que d’en avoir connu la beauté. Au contraire ç’a esté sur la beauté des corps qu’on a observé les proportions […]. C’est de ces observations que les plus intelligens ont fait un art & des règles pour servir à ceux qui d’eux-mesmes ne peuvent pas penetrer dans ces premières raisons de beauté, qui ne se laissent voir qu’aux esprits les plus subtils. Car il est certain que la beauté n’est pas apperceuë de tout le monde ; qu’on ne la découvre qu’avec bien du temps, & qu’on ne la represente pas sans beaucoup de difficultez.

Félibien définit ici la beauté par rapport à la proportion. La beauté résulte de la proportion mais c’est elle, en même temps – parce qu’elle est antérieure au corps – qui en fonde les canons.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Mais si nous ne pouvons jamais bien exprimer les Idées des choses comme nous les concevons, parce que la plus grande partie des especes s’en perd avant que nous puissions les representer ; Il ne faut pas douter que celuy qui invente & qui produit ses pensées, ne doive luy-mesme les executer, puis qu’il est bien difficile que ceux qui voudroient travailler aprés luy peussent connoistre ses intentions & suivre les mouvemens de son esprit.
Car s’il a beaucoup de peine luy-mesme à mettre au jour ses conceptions, & si ce qu’il fait approche si peu de l’excellence de ce qu’il a imaginé, comment ceux qui pretendroient de l’imiter ne diminuroient-ils point encore de la grandeur & de la beauté de son dessein ?

idée · pensée · intention · dessein

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → dessin
CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition
CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination

conception · idée · intention · pensée

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → dessin
CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition
L’ARTISTE → qualités

dessein · intention · pensée · conception

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → dessin

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → statut de l'oeuvre : copie, original...
L’ARTISTE → qualités

[…] ceux qui ne font que copier les ouvrages des autres, & qui n’entrent point dans les secrets de la science & de l’art, ne sont point assurez de bien reüssir dans ce qu’ils entreprennent, & ne sont passablement bien qu’autant qu’ils sont exacts à imiter avec justesse ce qu’ils prennent pour modelle.

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
L’ARTISTE → qualités

imiter

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → qualités
L’ARTISTE → apprentissage

copier

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → qualités
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → statut de l'oeuvre : copie, original...
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
L’ARTISTE → qualités

Car comme les hommes sont facilement ébloüis par les inventions nouvelles & extraordinaires des Ouvriers, ils ont besoin de quelque estude pour conduire leur jugement, & discerner si les choses sont faites avec raison & avec ordre.

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → connaissance

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → jugement
SPECTATEUR → perception et regard

Car si dans les choses naturelles c’est la forme qui maintient l’estre & qui est le principe de la durée ; dans les ouvrages de l’art c’est la matiere qui conserve la forme.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique du dessin
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quelle difference, reprit Pymandre, mettez-vous donc entre la grace et la beauté, & comment les separez-vous l’une de l’autre ? Car si la beauté vient de la proportion des parties, la grace peut-elle se trouver dans des sujets qui ne sont ny beaux ny proportionnez ?
Je puis vous dire en peu de mots, lui repartis-je, la difference qu’il y a entre ces deux charmantes qualitez. C’est que la beauté naist de la proportion & de la symetrie qui se rencontre entre les parties corporelles & materielles. Et la grace s’engendre de l’uniformité des mouvemens interieurs causés par les affections et les sentiments de l’ame.

affection · mouvement intérieur

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → expression des passions

Quelle difference, reprit Pymandre, mettez-vous donc entre la grace et la beauté, & comment les separez-vous l’une de l’autre ? Car si la beauté vient de la proportion des parties, la grace peut-elle se trouver dans des sujets qui ne sont ny beaux ny proportionnez ?
Je puis vous dire en peu de mots, lui repartis-je, la difference qu’il y a entre ces deux charmantes qualitez. C’est que la beauté naist de la proportion & de la symetrie qui se rencontre entre les parties corporelles & materielles. Et la grace s’engendre de l’uniformité des mouvemens interieurs causés par les affections et les sentiments de l’ame.
Ainsi quand il n’y a qu’une symetrie des parties corporelles les unes avec les autres, la beauté qui en resulte, est une beauté sans grace. Mais lors qu’à cette belle proportion on voit encore un rapport & une harmonie de tous les mouvemens interieurs, qui non seulement s’unissent avec les autres parties du corps, mais qui les animent & les font agir avec un certain accord & une cadence tres juste & tres-uniforme ; Alors il s’en engendre cette grace que l’on admire dans les personnes les plus accomplies, & sans laquelle la plus belle proportion des membres n’est point dans sa dernière perfection.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → proportion

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → proportion
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude

Quelle difference, reprit Pymandre, mettez-vous donc entre la grace et la beauté, & comment les separez-vous l’une de l’autre ? Car si la beauté vient de la proportion des parties, la grace peut-elle se trouver dans des sujets qui ne sont ny beaux ny proportionnez ?
Je puis vous dire en peu de mots, lui repartis-je, la difference qu’il y a entre ces deux charmantes qualitez. C’est que la beauté naist de la proportion & de la symetrie qui se rencontre entre les parties corporelles & materielles. Et la grace s’engendre de l’uniformité des mouvemens interieurs causés par les affections et les sentiments de l’ame.
Ainsi quand il n’y a qu’une symetrie des parties corporelles les unes avec les autres, la beauté qui en resulte, est une beauté sans grace. Mais lors qu’à cette belle proportion on voit encore un rapport & une harmonie de tous les mouvemens interieurs, qui non seulement s’unissent avec les autres parties du corps, mais qui les animent & les font agir avec un certain accord & une cadence tres juste & tres-uniforme ; Alors il s’en engendre cette grace que l’on admire dans les personnes les plus accomplies, & sans laquelle la plus belle proportion des membres n’est point dans sa dernière perfection. Et mesme lors qu’il arrive que cette uniformité de mouvemens vient à paroistre sur des visages moins beaux, & dont les traits ne sont pas achevez, on ne laisse pas de les admirer, parce qu’on y voit de la grace ; [...] Pour vous faire voir que la grace est un mouvement de l’ame, c’est qu’en voyant une belle femme on juge bien d’abord de sa beauté par le juste rapport qu’il y a entre toutes les parties de son corps ; mais on ne juge point de sa grace, si elle ne parle, si elle ne rit, ou si elle ne fait quelque mouvement.
Il en est de mesme des Ouvrages de Sculture & de Peinture, où la grace ne paroist point si les Ouvriers ne sçavent donner à leurs figures un tour & un mouvement conforme à la beauté de leurs membres & à l'action qu'elles doivent faire ; C'est pourquoy quand il y en a quelques-unes où ils ont heureusement exprimé ces mouvemens, on les admire, quoy que d'ailleurs elles n'ayent pas cette proportion qui les rendroient accomplies.
Que s'il en sort de la main des plus excellens Maistres où l'on rencontre une juste convenance de toutes les parties du corps & une belle uniformité de mouvemens qui concourent à une mesme fin, c'est alors qu'on admire comme quoy la beauté, & la grace forment un ouvrage parfait.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Et la grace s’engendre de l’uniformité des mouvemens interieurs causés par les affections et les sentiments de l’ame.

sentiments de l'âme · mouvement intérieur

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → expression des passions

Je puis vous dire en peu de mots, lui repartis-je, la difference qu’il y a entre ces deux charmantes qualitez. C’est que la beauté naist de la proportion & de la symetrie qui se rencontre entre les parties corporelles & materielles. Et la grace s’engendre de l’uniformité des mouvemens interieurs causés par les affections et les sentiments de l’ame.
Ainsi quand il n’y a qu’une symetrie des parties corporelles les unes avec les autres, la beauté qui en resulte, est une beauté sans grace. Mais lors qu’à cette belle proportion on voit encore un rapport & une harmonie de tous les mouvemens interieurs, qui non seulement s’unissent avec les autres parties du corps, mais qui les animent & les font agir avec un certain accord & une cadence tres juste & tres-uniforme ; Alors il s’en engendre cette grace que l’on admire dans les personnes les plus accomplies, & sans laquelle la plus belle proportion des membres n’est point dans sa dernière perfection. [...] Pour vous faire voir que la grace est un mouvement de l’ame, c’est qu’en voyant une belle femme on juge bien d’abord de sa beauté par le juste rapport qu’il y a entre toutes les parties de son corps ; mais on ne juge point de sa grace, si elle ne parle, si elle ne rit, ou si elle ne fait quelque mouvement.
Il en est de mesme des Ouvrages de Sculture & de Peinture, où la grace ne paroist point si les Ouvriers ne sçavent donner à leurs figures un tour & un mouvement conforme à la beauté de leurs membres & à l'action qu'elles doivent faire ; C'est pourquoy quand il y en a quelques-unes où ils ont heureusement exprimé ces mouvemens, on les admire, quoy que d'ailleurs elles n'ayent pas cette proportion qui les rendroient accomplies.
Que s'il en sort de la main des plus excellens Maistres où l'on rencontre une juste convenance de toutes les parties du corps & une belle uniformité de mouvemens qui concourent à une mesme fin, c'est alors qu'on admire comme quoy la beauté, & la grace forment un ouvrage parfait.

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → expression des passions

Ainsi quand il n’y a qu’une symetrie des parties corporelles les unes avec les autres, la beauté qui en resulte, est une beauté sans grace. Mais lors qu’à cette belle proportion on voit encore un rapport & une harmonie de tous les mouvemens interieurs, qui non seulement s’unissent avec les autres parties du corps, mais qui les animent & les font agir avec un certain accord & une cadence tres juste & tres-uniforme ; Alors il s’en engendre cette grace que l’on admire dans les personnes les plus accomplies, & sans laquelle la plus belle proportion des membres n’est point dans sa dernière perfection.

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude

rapport · accord

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → expression des passions
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude

Ainsi quand il n’y a qu’une symetrie des parties corporelles les unes avec les autres, la beauté qui en resulte, est une beauté sans grace. Mais lors qu’à cette belle proportion on voit encore un rapport & une harmonie de tous les mouvemens interieurs, qui non seulement s’unissent avec les autres parties du corps, mais qui les animent & les font agir avec un certain accord & une cadence tres juste & tres-uniforme ; Alors il s’en engendre cette grace que l’on admire dans les personnes les plus accomplies, & sans laquelle la plus belle proportion des membres n’est point dans sa dernière perfection. Et mesme lors qu’il arrive que cette uniformité de mouvemens vient à paroistre sur des visages moins beaux, & dont les traits ne sont pas achevez, on ne laisse pas de les admirer, parce qu’on y voit de la grace

rapport · harmonie

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude

Que s'il en sort de la main des plus excellens Maistres où l'on rencontre une juste convenance de toutes les parties du corps & une belle uniformité de mouvemens qui concourent à une mesme fin, c'est alors qu'on admire comme quoy la beauté, & la grace forment un ouvrage parfait.

Pour Félibien, la perfection résulte de l’association de la beauté et de la grâce.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Ce je ne sçay quoy qu’on a toûjours à la bouche, & qu’on ne peut bien exprimer, est comme le nœud secret qui assemble ces deux parties du corps & de l’esprit. C’est ce qui resulte de la belle symetrie des membres & de l’accord des mouvemens ; Et comme cet assemblage se fait par un moyen extremement subtil & caché, on ne peut le voir assez ny le bien connoistre pour le representer & l’exprimer comme l’on voudroit. Cependant on peut dire qu’il se remarque sur un visage de la mesme sorte que cette fraischeur & ce feu que l’on voit au matin sur une rose qui commence à s’épanouïr, dont la forme & la beauté de ses couleurs est comme le siege de cette fraischeur & de cet éclat qui paroist d’une maniere toute spirituelle. Car Ce je ne sçay quoy n’est autre chose qu’une splendeur toute divine qui naist de la beauté & de la grace.

splendeur

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Car pour bien expliquer toutes les choses que j’ay apprises des plus sçavants Peintres, il faudroit faire un Ouvrage dont le corps fust divisé en trois principales parties. La premiere qui traiteroit de la COMPOSITION comprendroit presque toute la theorie de l’Art, à cause que l’operation s’en fait dans l’imagination du Peintre, qui doit avoir disposé tout son Ouvrage dans son esprit & le posseder parfaitement avant que d’en venir à l’execution. Les deux autres parties, qui parleroient du DESSEIN et du COLORIS, ne regardent que la Pratique, & appartiennent à l’Ouvrier ; ce qui les rend moins nobles que la premiere qui est toute libre, & que l’on peut sçavoir sans estre Peintre. Pour bien composer un Tableau le Peintre doit donc avoir une science & generale & particuliere de toutes les parties qui y entrent.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
MANIÈRE ET STYLE → le faire et la main

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → dessin

L’imagination relève de la théorie et est le siège de la composition.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination

Chez Félibien, la notion d’ouvrier s’oppose à celle de peintre savant en ce que le premier ne maîtrise que la pratique.

Conceptual field(s)

MANIÈRE ET STYLE → le faire et la main
L’ARTISTE → qualités

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → dessin
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

ouvrier

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → qualités
L’ARTISTE → règles et préceptes

exécution

Conceptual field(s)

MANIÈRE ET STYLE → le faire et la main

La peinture ou l'art de "bien composer un tableau" est ici définie par Fléibien comme une science à part entière, permettant dès lors de distinguer le peintre savant qui domine toutes les parties de cet art, de l'ouvrier alors relegué au seul rang d'exécutant.

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition
CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination

Et comme il n'y a rien dans la nature qu'il [ndr : le peintre] ne doive quelquefois representer, il faut aussi qu'il ait une connoissance parfaite de tous les corps naturels avant que d'entreprendre d'en faire l'image. Mais il doit se souvenir qu'encore que l'art de portraire s'étende sur tous les sujets naturels tant beaux que difformes ; Toutefois quand il viendra à l'execution s'il veut tenir rang entre les plus habiles ; il est obligé de faire choix de ce qu'il y a de plus beau, parce qu'encore que les corps naturels luy servent de modele, neanmoins comme ils ne sont pas tous également beaux, il ne doit considerer que ceux qui sont les plus parfaits.
Mais parce que souvent on peut se tromper dans ce choix de belles choses ; il me semble qu'il faudroit dire en premier lieu ce que c'est que la Beauté, & en quoy elle consiste, principalement dans le Corps humain, qui est le plus parfait ouvrage que Dieu ait fait sur la terre. Et comme il est constant qu'elle procede de la proportion des parties comme je vous disois tantost, il faudroit parler ensuite de ce qui est necessaire dans chacune de ces parties pour produire cette Proportion admirable, afin que le Peintre en ayant une exacte connoissance, puisse égaler à son sujet la beauté de ses Figures lors qu'il viendra à desseigner sur le naturel : Et l'on se reserveroit à traiter des mesures dans la seconde partie, où l'on parleroit du Dessein.

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix
L’ARTISTE → qualités

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → figure et corps

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → dessin

Mais parce que souvent on peut se tromper dans ce choix de belles choses ; il me semble qu'il faudroit dire en premier lieu ce que c'est que la Beauté, & en quoy elle consiste, principalement dans le Corps humain, qui est le plus parfait ouvrage que Dieu ait fait sur la terre. Et comme il est constant qu'elle procede de la proportion des parties comme je vous disois tantost, il faudroit parler ensuite de ce qui est necessaire dans chacune de ces parties pour produire cette Proportion admirable, afin que le Peintre en ayant une exacte connoissance, puisse égaler à son sujet la beauté de ses Figures lors qu'il viendra à desseigner sur le naturel : Et l'on se reserveroit à traiter des mesures dans la seconde partie, où l'on parleroit du Dessein.

Félibien reprend ici une définition de la beauté déjà énoncée plus haut (p. 36-37) qui repose sur les proportions et prend notamment pour modèle le corps humain. Il amorce en même temps son propos sur le dessin, qui à travers les proportions et les mesures, est intimement liée au concept de beauté.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Le lien entre les proportions, le corps humain et la beauté était déjà posé un peu plus haut par Félibien (p. 36-37). Ici, le dessin est annoncé comme le moyen d'exprimer à la fois les proportions et leurs mesures, et donc de parvenir à la beauté.

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → proportion

Comme un Tableau est l'Image d'une Action particuliere, le Peintre doit ordonner son Sujet & distribuer ses Figures selon la nature de l'Action qu'il entreprend de representer. Et parce que ce Tableau est, ou une Invention nouvelle du Peintre, ou une Histoire, ou une Fable déja décrite par les Historiens ou par les Poëtes ; il faudroit faire voir de quelle sorte il doit traiter tous ces differens Sujets ; & comme il y doit exprimer les mouvemens du corps & de l'esprit.

sujet

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude

ordonner

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix

tableau

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination

distribuer

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix

action

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix

image

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

Il auroit encore à faire voir, de quelle sorte le Peintre doit se rendre sçavant dans cette partie de l’Anatomie qui regarde la connoissance des muscles, des nerfs, des os, des ligamens, & des apparences des uns & des autres.

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → figure et corps
L’ARTISTE → règles et préceptes
L’ARTISTE → apprentissage

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → qualités
L’ARTISTE → apprentissage

Il [ndr : le peintre] expliqueroit comme le Dessein ayant pour partage la proportion, il la doit garder dans toutes les parties de son ouvrage ; que c’est à luy à juger de leur convenance, & de la juste égalité qui doit estre entre elles ; & que de luy dépend la position des Figures pour estre mises sur leur plan, ou pour mieux dire sur leur centre, avec la ponderation ou équilibre qui les peut tenir en estat : Taschant de faire concevoir autant qu’il est possible de quelle sorte se forme cette Beauté & cette Grace si excellentes, dont nous venons de parler, ce Je ne sçay quoy qui ne se peut exprimer, & qui consiste entierement dans le Dessein.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Conceptual field(s)

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → dessin

pondération

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → proportion
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude

je-ne-sais-quoi

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

grâce

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

équilibre

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → proportion
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → groupe

Il faudroit traiter de cette Perspective qu’on appelle aërienne, qui n’est autre chose que l’affoiblissement des couleurs par l’interposition de l’air […].

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → perspective

Pymandre relevoit encore le merite de la Peinture par cette merveilleuse puissance qu’elle a de nous mettre devant les yeux une image veritable des personnes que nous cherissons, & de les representer si parfaitement, qu’il nous semble, quoy qu’éloignez d’elles, les avoir comme presentes & jouïr de leur compagnie.
Ces diverses reflexions servirent à nous entretenir agreablement. Car demeurant d’accord que la Peinture estoit née pour tenir lieu d’une chose reelle, & qu’elle s’estoit mise en estime par l’avantage qu’elle a de si bien representer les personnes absentes ; Je dis à Pymandre qu’elle avoit pourtant acquis sa principale reputation de ce qu’on n’a point trouvé de plus beau moyen pour recompenser les vertus des grands hommes & pour rendre leur nom immortel, qu’en laissant leur image à la postérité.

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

image

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Et c’est à celui-cy [ndr : Masaccio] qu’on donne la gloire d’avoir comme ouvert la porte à ceux qui l’ont suivy, pour les faire entrer dans la bonne & veritable maniere de peindre. Il surmonta ce qu’il y a de plus rude & de plus difficile dans cet art, & fut le premier qui fit paroistre ses figures dans de belles attitudes ; qui leur donna de la force, du mouvement, du relief & de la grace. Il representa aussi les racourcissemens mieux que tous les Peintres qui l’avoient précedé.

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude
EFFET PICTURAL → qualité du dessin

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude

Conceptual field(s)

MANIÈRE ET STYLE → le faire et la main
MANIÈRE ET STYLE → école

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → perspective
EFFET PICTURAL → trompe-l’œil

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude
EFFET PICTURAL → qualité du dessin

Vous remarquerez s’il vous plaist que de tous les Peintres dont j’ay parlé jusqu’à present, il n’y en a pas un qui ait eu l’usage de peindre à huile, & que tous leur Tableaux estoient à fraisque ou à détrempe. Ce n’est pas qu’ils ne connussent bien qu’il manquoit quelque chose à la perfection de cet Art, & que leur maniere de peindre estoit tres-imparfaite & tres-incommode, parce qu’ils ne pouvoient pas transporter leurs Ouvrages ny les nettoyer sans se mettre au hazard de les gâter. Cependant ils n’avoient pû encore y trouver de remede, bien que plusieurs d’entre eux eussent employé beaucoup de temps à en faire la recherche.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la peinture

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la peinture

Vous remarquerez s’il vous plaist que de tous les Peintres dont j’ay parlé jusqu’à present, il n’y en a pas un qui ait eu l’usage de peindre à huile, & que tous leur Tableaux estoient à fraisque ou à détrempe. Ce n’est pas qu’ils ne connussent bien qu’il manquoit quelque chose à la perfection de cet Art, & que leur maniere de peindre estoit tres-imparfaite & tres-incommode, parce qu’ils ne pouvoient pas transporter leurs Ouvrages ny les nettoyer sans se mettre au hazard de les gâter. Cependant ils n’avoient pû encore y trouver de remede, bien que plusieurs d’entre eux eussent employé beaucoup de temps à en faire la recherche.
Lors qu’en Flandre un Peintre [ndr : Van Eyck] qui estoit en assez grande reputation en ce païs-là, & qui se plaisoit dans les secrets de la Chymie, reconnoissant aussi bien que les autres l’incommodité qu’il y avoit de travailler à détrempe, s’apperceut aprés plusieurs essais & diverses experiences, qu’en broyant les couleurs avec de l’huile de noix ou de lin, il s’en faisoit une Peinture solide, qui non seulement resistoit à l’eau, mais encore qui conservoit une vivacité & un lustre qui n’avoit pas besoin de vernix. Il vit de plus, que le mélange & les teintes des couleurs se faisant bien mieux avec de l’huile qu’autrement, les Tableaux avoient beaucoup plus d’union, plus de force & plus de douceur.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la peinture

Lors qu’en Flandre un Peintre [ndr : Van Eyck] qui estoit en assez grande reputation en ce païs-là, & qui se plaisoit dans les secrets de la Chymie, reconnoissant aussi bien que les autres l’incommodité qu’il y avoit de travailler à détrempe, s’apperceut aprés plusieurs essais & diverses experiences, qu’en broyant les couleurs avec de l’huile de noix ou de lin, il s’en faisoit une Peinture solide, qui non seulement resistoit à l’eau, mais encore qui conservoit une vivacité & un lustre qui n’avoit pas besoin de vernix. Il vit de plus, que le mélange & les teintes des couleurs se faisant bien mieux avec de l’huile qu’autrement, les Tableaux avoient beaucoup plus d’union, plus de force & plus de douceur.
Comme il fut extrémement joyeux d’avoir fait une découverte si utile & si avantageuse, il acheva plusieurs Ouvrages dans cette nouvelle maniere ; entre lesquels il y eut un Tableau qu’il jugea digne d’être présenté à Alfonce I. Roy de Naples. Il estoit composé de plusieurs Figures assez bien travaillées. Mais son coloris tout extraordinaire fut ce qui agrea le plus au Roy, et qui surprit tous les sçavants de ces quartiers-là.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la peinture

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la peinture
MANIÈRE ET STYLE → le faire et la main

Lors qu’en Flandre un Peintre [ndr : Van Eyck] qui estoit en assez grande reputation en ce païs-là, & qui se plaisoit dans les secrets de la Chymie, reconnoissant aussi bien que les autres l’incommodité qu’il y avoit de travailler à détrempe, s’apperceut aprés plusieurs essais & diverses experiences, qu’en broyant les couleurs avec de l’huile de noix ou de lin, il s’en faisoit une Peinture solide, qui non seulement resistoit à l’eau, mais encore qui conservoit une vivacité & un lustre qui n’avoit pas besoin de vernix. Il vit de plus, que le mélange & les teintes des couleurs se faisant bien mieux avec de l’huile qu’autrement, les Tableaux avoient beaucoup plus d’union, plus de force & plus de douceur.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la peinture
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la peinture

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la peinture
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la peinture
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la peinture

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la peinture
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Dans un autre Tableau il [ndr : Gentile Bellini] peignit le Doge couvert de ses armes, qui accompagné de plusieurs Soldats, va recevoir la benediction du Pape. Ce Tableau fut estimé un des plus excellens que Gentil eust fait, tant pour l’expression du sujet, que pour la disposition des figures.

Le cycle de tableaux auquel fait ici référence Félibien, était destiné à décorer la salle du Grand Conseil du Palais des Doges et dédiés à l’histoire de Venise, plus précisément au Traité de Venise qui mit fin, en 1177 à la lutte opposant l’empereur Frédéric Barberousse et le pape Alexandre III. Les descriptions livrées dans ce passage par Félibien s’inspirent de celles de Vasari.

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → groupe
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude
CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition

Le cycle de tableaux auquel fait ici référence Félibien était destiné à décorer la salle du Grand Conseil du Palais des Doges et dédiés à l’histoire de Venise, plus précisément au Traité de Venise qui mit fin, en 1177 à la lutte opposant l’empereur Frédéric Barberousse et le pape Alexandre III. Les descriptions livrées par Félibien dans ce passage s’inspirent de celles de Vasari.

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix
CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition

Il me souvient d’avoir veu à Rome dans la Vigne Aldobrandine, une Baccanale que ce mesme Peintre [ndr : Bellini] avoit commencée pour Alfonse I. Duc de Ferrare ; mais sa mort l’ayant empesché de la finir, le Titian y fit un païsage admirable. Il est vray que les Figures de Bellin paroissent d’une maniere fort seiche auprés de l’Ouvrage du Titian, & on voit que Jean n’avoit pas encore acquis cette tendresse & cette belle façon de peindre, qui depuis a rendu la pluspart des Peintres de Lombardie si recommandables.

Comme le souligne René Démoris dans sa réédition des Entretiens I et II (Paris, Les Belles Lettres, 1987, p. 234 et p. 342 note 54), le tableau mentionné ici par Félibien est selon toute vraisemblance Le festin des Dieux, conservé à la National Gallery de Washington et effectivement attribué à Bellini et Titien.

Conceptual field(s)

MANIÈRE ET STYLE → école

Comme le souligne René Démoris dans sa réédition des Entretiens I et II (Paris, Les Belles Lettres, 1987, p. 234 et p. 342 note 54), le tableau mentionné ici par Félibien est selon toute vraisemblance Le festin des Dieux, conservé à la National Gallery de Washington et effectivement attribué à Bellini et Titien.

Conceptual field(s)

MANIÈRE ET STYLE → le faire et la main
MANIÈRE ET STYLE → école

Remarquez plûtost, luy repartis-je, combien il importe à un excellent homme d’avoir pour Juge de son travail des personnes connoissantes, qui sçachent en quoy consiste la perfection de l’Art, & qui ne s’arrestent pas à la superficie des choses.
Il y a peu de gens, reprit Pymandre, capables de cette haute connoissance, & cependant il faut qu’un Peintre fasse des Tableaux qui soient agreables à tout le monde.
Je sçay bien, luy dis-je, que tous ceux qui regardent un Ouvrage n’en connoissent pas le merite. Mais ne m’avoüerez-vous pas qu’il vaut mieux faire quelque chose dont les sçavants soient satisfaits, que de plaire à une multitude d’ignorans ? Vous sçavez bien que le Poëte Anthimachus ayant assemblé un jour quantité de personnes pour lire en leur présence une piece qu’il avait composée, & voyant que ses Auditeurs l’avoient tous quitté, à la reserve de Platon : « Je ne laisseray pas, dit-il, de continuer ma lecture, parce que Platon vaut tout seul des milliers d’Auditeurs. » En effet un Poëme & un Tableau sont des productions dont tous les hommes ne sçavent pas le prix qui dépend de l’approbation d’un petit nombre de personnes sçavantes.

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → connaissance
SPECTATEUR → jugement
SPECTATEUR → perception et regard

ignorant

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → connaissance
SPECTATEUR → jugement

Il est vray aussi que ces grandes idées qu’il [ndr : Léonard de Vinci] avoit de la perfection & de la beauté des choses, a esté cause que voulant terminer ses Ouvrages au delà de ce que peut l’Art, il a fait des figures qui ne sont pas tout-à-fait naturelles. Il en marquoit beaucoup les contours, il s’arrestoit à finir les plus petites choses, & mettoit trop de noir dans les ombres ; En cela il ne laissoit pas de faire connoistre sa science dans le dessein & dans l’entente des lumieres, par le moyen desquelles il donnoit à tous les corps un relief qui trompe la veuë.
Mais sa [ndr : Léonard de Vinci] maniere de travailler les carnations ne represente point une veritable chair, comme le Titien faisoit dans ses Tableaux. On voit plûtost qu’à force de finir son Ouvrage & d’y arrester le pinceau trop-longtemps, il a fait des choses si achevées & si polies qu’elles semblent de marbre.

chair

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → figure et corps
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → touche
EFFET PICTURAL → qualité du dessin

Conceptual field(s)

MANIÈRE ET STYLE → le faire et la main

achevé

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → touche
EFFET PICTURAL → qualité du dessin

Il est vray aussi que ces grandes idées qu’il [ndr : Léonard de Vinci] avoit de la perfection & de la beauté des choses, a esté cause que voulant terminer ses Ouvrages au delà de ce que peut l’Art, il a fait des figures qui ne sont pas tout-à-fait naturelles. Il en marquoit beaucoup les contours, il s’arrestoit à finir les plus petites choses, & mettoit trop de noir dans les ombres ; En cela il ne laissoit pas de faire connoistre sa science dans le dessein & dans l’entente des lumieres, par le moyen desquelles il donnoit à tous les corps un relief qui trompe la veuë.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → dessin
EFFET PICTURAL → qualité du dessin

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière
EFFET PICTURAL → qualité de la lumière

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière
EFFET PICTURAL → qualité de la lumière
EFFET PICTURAL → trompe-l’œil

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → dessin
EFFET PICTURAL → qualité du dessin

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → trompe-l’œil
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → figure et corps
CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → qualités
EFFET PICTURAL → qualité du dessin
EFFET PICTURAL → qualité de la lumière

Comme l’esprit de l’homme est limité & qu’il ne peut posseder toutes choses souverainement, on doit cependant avoir une haute estime pour Leonard, puis qu’il a eu une connoissance si grande de son Art, qu’il n’a fait de fautes que quand il a voulu mettre les choses dans une trop grande perfection.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection
L’ARTISTE → qualités

Il est vray, me dit-il [ndr : Pymandre], que j’ay remarqué souvent des curieux qui ne considerent les Tableaux que quand ils sçavent le nom de ceux qui les ont faits, et ne les estiment que par la reputation de leurs Auteurs, sans regarder ce qu’il y a de bon ou de mauvais.
Ce que vous dites, repris-je alors, est le defaut de ceux qui ne se connoissent point ou que fort peu en Peinture : car les bons Peintres & les personnes intelligentes dans cet Art, ne s’informent pas toûjours si exactement du nom de celuy qui a fait un Ouvrage qu’on leur monstre ; ils l’estiment par son propre merite & selon les beautez qu’ils y remarquent. Vous avez veu je m’asseure cet Ecce Homo d’André Salario, qui est dans le cabinet de M. le Duc de Liancourt ; Quoy qu’il ne soit que du disciple de Leonard, neanmoins on en fait beaucoup plus de cas que de plusieurs autres Tableaux qui sont de la main de Leonard. Mais cet abus qui se trouve parmy la pluspart des curieux ne se reformera pas si-tost ; il semble mesme qu’il y a quelque sorte de raison de laisser dans l’esprit des moins connoissans l’estime qu’ils ont pour le nom de ces grands hommes, quand ils n’ont pas assez de lumiere pour juger plus particulierement de l’excellence des Ouvrages.

Il existe une autre version de l’Ecce homo de Solario, conservée au Philadelphia Museum of Art de Philadelphie. Celle issue de la collection de Roger du Plessis de Liancourt évoquée ici par Félibien correspond à l’œuvre de Leipzig – elle est ensuite passée dans la collection de François de la Rochefoucauld, qui épouse la fille du duc de Liancourt et hérite ainsi de sa collection. Voir FAGNART Laure, Léonard de Vinci en France : collections et collectionneurs. XVe-XVIIe siècles, Rome, L’Erma, 2009, p. 211-212, 280-281 et 323. Ce même tableau est aussi mentionné par Evelyn en 1644 – EVELYN John, Diary, 1644 (éd. par W. BRAY, The diary of John Evelyn, 2 vol., Londres, 1907-1914 et précisément BRAY, I, 1907, p. 57).

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → jugement
SPECTATEUR → connaissance
SPECTATEUR → perception et regard

Le Giorgion, comme je vous ay dit, surpassa par la beauté & par le maniement de son pinceau tous ceux qui l’avoient precedé. Il sceut si bien mesler les couleurs les unes avec les autres, & en ménager la force, que ses Tableaux parurent plus beaux que tous ceux qu’on avoit veus auparavant.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Le Giorgion, comme je vous ay dit, surpassa par la beauté & par le maniement de son pinceau tous ceux qui l’avoient precedé. Il sceut si bien mesler les couleurs les unes avec les autres, & en ménager la force, que ses Tableaux parurent plus beaux que tous ceux qu’on avoit veus auparavant. Il disposa et vestit ses portraits d’une maniere avantageuse, & trouvant l’art de manier les cheveux, il leur donna une mollesse & un certain tour qui est assez difficile à bien representer.

Conceptual field(s)

MANIÈRE ET STYLE → le faire et la main
EFFET PICTURAL → touche

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → figure et corps
GENRES PICTURAUX → portrait
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

GENRES PICTURAUX → portrait
MANIÈRE ET STYLE → le faire et la main

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → figure et corps

Quant au Corege sa maniere est differente de celle du Titien, en ce qu’il n’a pas sceu cette harmonie de couleurs, cette belle conduite de lumieres, & cette fraischeur de teintes si admirable qu’on remarque dans les Tableaux du Titien, où il semble qu’on voye du sang dans ses carnations, tant il les represente naturelles.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité de la lumière
CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière

Quant au Corege sa maniere est differente de celle du Titien, en ce qu’il n’a pas sceu cette harmonie de couleurs, cette belle conduite de lumieres, & cette fraischeur de teintes si admirable qu’on remarque dans les Tableaux du Titien, où il semble qu’on voye du sang dans ses carnations, tant il les represente naturelles. Mais en recompense le Corege a eu l’imagination plus forte, & a desseigné d’un goust beaucoup plus grand & plus exquis

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quant au Corege sa maniere est differente de celle du Titien, en ce qu’il n’a pas sceu cette harmonie de couleurs, cette belle conduite de lumieres, & cette fraischeur de teintes si admirable qu’on remarque dans les Tableaux du Titien, où il semble qu’on voye du sang dans ses carnations, tant il les represente naturelles. Mais en recompense le Corege a eu l’imagination plus forte, & a desseigné d’un goust beaucoup plus grand & plus exquis ; Et quoy qu’il ne fust pas tout-à-fait correcte dans son dessein, il y a neanmoins de la force & de la noblesse dans tout ce qu’il a fait.

teinte

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → grandeur et noblesse
L’ARTISTE → qualités

S’il [ndr : Le Corrège] fust sorti de son pays et qu’il eust esté à Rome, dont l’Ecole estoit beaucoup plus excellente pour le dessein que celle de Lombardie, on ne doute pas qu’il ne se fust formé une maniere qui l’auroit rendu égal à tous les plus grands Peintres de ces temps-là, puis que sans avoir veu ces belles Antiques de Rome, ny profité des exemples que les autres Peintres ont eus, il s’est tellement perfectionné dans son Art, que personne depuis luy n’a si bien peint, ny donné à ses figures tant de rondeur, tant de force, & tant de cette beauté que les Italiens appellent morbidezza, qu’il y en a dans les Peintures qu’il a faites.

École lombarde
École romaine
IL CORREGGIO (Antonio Allegri)

Conceptual field(s)

MANIÈRE ET STYLE → école

École lombarde
École romaine
IL CORREGGIO (Antonio Allegri)

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude

Et quoy qu’il ne fust pas tout-à-fait correcte dans son dessein, il y a neanmoins de la force & de la noblesse dans tout ce qu’il a fait. S’il [ndr : Le Corrège] fust sorti de son pays et qu’il eust esté à Rome, dont l’Ecole estoit beaucoup plus excellente pour le dessein que celle de Lombardie, on ne doute pas qu’il ne se fust formé une maniere qui l’auroit rendu égal à tous les plus grands Peintres de ces temps-là, puis que sans avoir veu ces belles Antiques de Rome, ny profité des exemples que les autres Peintres ont eus, il s’est tellement perfectionné dans son Art, que personne depuis luy n’a si bien peint, ny donné à ses figures tant de rondeur, tant de force, & tant de cette beauté que les Italiens appellent morbidezza, qu’il y en a dans les Peintures qu’il a faites.

morbidezza

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude

beauté

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Quant au Corege sa maniere est differente de celle du Titien, en ce qu’il n’a pas sceu cette harmonie de couleurs, cette belle conduite de lumieres, & cette fraischeur de teintes si admirable qu’on remarque dans les Tableaux du Titien, où il semble qu’on voye du sang dans ses carnations, tant il les represente naturelles. Mais en recompense le Corege a eu l’imagination plus forte, & a desseigné d’un goust beaucoup plus grand & plus exquis ; Et quoy qu’il ne fust pas tout-à-fait correcte dans son dessein, il y a neanmoins de la force & de la noblesse dans tout ce qu’il a fait. S’il [ndr : Le Corrège] fust sorti de son pays et qu’il eust esté à Rome, dont l’Ecole estoit beaucoup plus excellente pour le dessein que celle de Lombardie, on ne doute pas qu’il ne se fust formé une maniere qui l’auroit rendu égal à tous les plus grands Peintres de ces temps-là, puis que sans avoir veu ces belles Antiques de Rome, ny profité des exemples que les autres Peintres ont eus, il s’est tellement perfectionné dans son Art, que personne depuis luy n’a si bien peint, ny donné à ses figures tant de rondeur, tant de force, & tant de cette beauté que les Italiens appellent morbidezza, qu’il y en a dans les Peintures qu’il a faites.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → dessin
EFFET PICTURAL → qualité du dessin

Dans cette citation, la notion de "force" sert d'une part de qualificatif pour définir la manière du Corrège et se rapproche en ce sens des concepts de noblesse et de grandeur ; et le terme permet d'autre part de définir la qualité avec laquelle il a su représenter ses figures.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → grandeur et noblesse
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude
CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Conceptual field(s)

MANIÈRE ET STYLE → école
EFFET PICTURAL → qualité du dessin

Conceptual field(s)

MANIÈRE ET STYLE → école
MANIÈRE ET STYLE → le faire et la main

Il [ndr : Raphael] a toûjours conservé de la force & de la douceur dans tout ce qu'il a representé, il a sceu traiter ces sujets avec toute la convenance necessaire, soit en representant les coûtumes differentes des nations, soit dans les habits, dans les armes, dans les ornemens, dans le choix des lieux, & enfin dans tout de qui regarde cette partie de bien-seance, que Castelvetro nomme dans sa Poëtique il costume, & qui doit estre commune aux grands Poëtes & aux sçavans Peintres.

il costume · convenance

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → convenance, bienséance
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → ornement

bienséance · il costume

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → convenance, bienséance
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → ornement

bienséance · convenance

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → convenance, bienséance
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → ornement