FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, Paris, Pierre Le Petit, 1666, 5 vol. , vol. I.

Bibliothèque Nationale de France Paris V-14660 Images in-texte 136 quotations 102 terms
Les Entretiens ont été publiés en cinq volumes de 1666 – quelques mois après la nomination de Félibien à la charge d’historiographe du roi – à 1688. Chaque volume comporte deux entretiens d’une longueur variable ainsi qu’un index. Ce vaste projet éditorial fortement lié à la couronne, trouve sans doute sa source dans le voyage effectué par l’auteur en Italie dans les années 1650 et sa rencontre avec Nicolas Poussin.
Sa forme littéraire, l’entretien, lui donne une dimension didactique et pédagogique que ne possède pas le genre du traité ou de la biographie. De plus, cela permet de légitimiser la plume de l’auteur qui n’est pas un artiste mais qui a acquis son savoir auprès de Poussin et en le regardant peindre. En dressant une histoire des peintres de l’Antiquité jusqu’au XVIIe siècle – les peintres vivants ne sont pas évoqués – l’ouvrage de Félibien aborde les notions fondamentales nécessaires à la compréhension de la théorie de l’art.
Le premier volume des Entretiens, dédié à Colbert, s’ouvre par une préface dans laquelle l’auteur explique sa visée et ses destinataires : « […] ayant jugé que pour mieux donner connoissance de la Peinture aux Gens de lettres aussi bien qu’à ceux qui veulent en faire profession, il falloit parler des Peintres & de leurs Tableaux, j’ay crû devoir faire des entretiens familiers dans lesquels on pust apprendre ce qui regarde les vies de ceux qui ont esté les plus celebres, & où en rapportant quelques uns de leurs Ouvrages j’eusse lieu de faire remarquer tout ce qui appartient à l’excellence de cet Art » (n. p.).
Le Premier entretien, issu du remaniement du livre dédié par Félibien à Fouquet sur L’origine de la peinture paru en 1660, commence par traiter des bâtiments du Louvre et de l’architecture en évoquant les Anciens et les Modernes. Dans cette partie, la plus courte du volume puisqu’elle n’occupe que 89 pages contre 232 pour le Second entretien, Félibien aborde également deux notions fondamentales qui apparaissent dans l’ensemble de l’œuvre : la beauté et la grâce qu’il lie au « je ne sais quoi ». Par ailleurs, il introduit les trois parties de la peinture, à savoir la composition, le dessein et le coloris, avant d’exposer les vies des peintres de l’Antiquité. Le Second entretien traite de la naissance de la peinture en Italie jusqu’à Raphaël. Le contenu théorique, plus pauvre, porte notamment sur les avantages de la peinture.

Matthieu Lett et Marianne Freyssinet
in-4 french

Dedication
Jean-Baptiste Colbert

Structure
Table des matières at n.p.
Dédicace(s) at n.p.
Préface at n.p.
Privilèges at n.p.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes. Seconde édition, Paris, Sébastien Mabre-Cramoisy, 1685 - 1688, 2 vol.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres, anciens et modernes. Seconde édition, Paris, Florentin et Pierre Delaulne, 1690, 2 vol.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes. Seconde édition, Paris, Denys Mariette, 1696, 2 vol.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes. Nouvelle édition augmentée des Conférences de l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture, avec le Recueil historique de la vie et des ouvrages des plus célèbres architectes, FÉLIBIEN, Jean-François (éd.), Amsterdam, Estienne Roger, 1700, 4 vol.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, par Mr. Félibien, Secrétaire de l'Académie des Sciences & Historiographe du Roi, Nouvelle édition revue, corrigée & augmentée des Conférences de l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture, London, David Mortier, 1705, 4 vol.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, par Mr. Félibien, Secrétaire de l'Académie des Sciences & Historiographe du Roi. Nouvelle édition revue, corrigée et augmentée des Conférences de l'Académie Royale de Peinture & de Sculpture, De l'Idée du Peintre parfait & des Traitez des Desseins, des Estampes, de la Connoissance des Tableaux & du Goût des Nations, Amsterdam, Estienne Roger, 1706, 4 vol.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, avec la Vie des architectes, par Monsieur Félibien. Nouvelle édition revue, corrigée & augmentée des Conférences de l'Académie Royale de Peinture & de Sculpture ; De l'Idée du Peintre parfait, des Traitez de la miniature, des Desseins, des Estamps, de la connoissance des Tableaux, & du Goût des Nations ; De la Description des Maisons de Campagne de Pline, & de celle des Invalides, FÉLIBIEN, Jean-François (éd.), Trévoux, Imprimerie de Son Altesse Sérénissime, 1725, 6 vol.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, avec la vie des architectes; with an introductory note by Sir Anthony F. Blunt, BLUNT, Anthony (éd.), Farnborough, Gregg Press, 1967.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes, Genève, Minkoff Reprint, 1972, 3 vol.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes. Entretiens I et II. Introduction, établissement du texte et notes par René Démoris, DÉMORIS, René (éd.), Paris, Les Belles Lettres, 1987.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes. Entretiens I et II. Introduction, établissement du texte et notes par René Démoris, DÉMORIS, René (éd.), Paris, Les Belles Lettres, 2007.

VAN HELSDINGEN, Hans Willem, « Body and Soul in French Art Theory of the Seventeenth Century after Descartes », Simiolus. Netherlands Quarterly for the History of Art, 11/1, 1980, p. 14-22 [En ligne : http://www.jstor.org/stable/3780510 consulté le 24/10/2016].

THUILLIER, Jacques, « Pour André Félibien », Dix-septième siècle, 138, 1983, p. 65-95.

FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes. Entretiens I et II. Introduction, établissement du texte et notes par René Démoris, DÉMORIS, René (éd.), Paris, Les Belles Lettres, 1987.

DÉMORIS, René, « Félibien. Biographie, théorie et histoire dans les "Entretiens" », dans WASCHEK, Matthias (éd.), Les vies d’artistes , Actes du colloque de Paris, Paris, Musée du Louvre Éd. - École nationale supérieure des Beaux-Arts, 1996, p. 177-193.

ROSENBERG, Raphael, « André Félibien et la description de tableaux. Naissance d'un genre et professionnalisation d'un discours », Revue d’esthétique. La naissance de la théorie de l’art en France 1640-1720, 31-32, 1997, p. 149-159.

DIONNE, Ugo, « Félibien dialoguiste : les "Entretiens" sur les vies des peintres », Dix-septième siècle, 210, 2001, p. 49-74 [En ligne : www.cairn.info/revue-dix-septieme-siecle-2001-1-page-49.htm consulté le 05/01/2015].

BONFAIT, Olivier, « Félibien lecteur de Bellori : des "Vite de’ pittori moderni" aux "Entretiens sur les plus excellens peintres" », dans BONFAIT, Olivier (éd.), L’idéal classique : les échanges artistiques entre Rome et Paris au temps de Bellori, Actes du colloque de Rome, Roma - Paris, Somogy - Académie de France à Rome, 2002, p. 86-104.

HAAS, Bruno, « La méconnaissance du dessin comme fondement d’un discours sur l’art », Nouvelle revue d’esthétique, 4, 2009, p. 29-40 [En ligne : www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-d-esthetique-2009-2-page-29.htm consulté le 05/01/2015].

STANIC, Milovan, « Aimer Rome et Paris comme Anvers et Venise ? La peinture vénitienne dans la querelle du coloris au XVIIe siècle », dans HOCHMANN, Michel (éd.), Venise et Paris, 1500 – 1700. La peinture vénitienne de la Renaissance et sa réception en France, Actes du colloques de Bordeaux et Caen, Genève, Droz, 2011, p. 177-192.

MÉROT, Alain, « "Manières" et "modes" chez André Félibien : les premières analyses du style de Nicolas Poussin », dans LE BLANC, Marianne, POUZADOUX, Claude et PRIOUX, Évelyne (éd.), L’Héroïque et le champêtre. Volume I. Les catégories stylistiques dans le discours critique sur les arts, Actes du colloque international de Paris, Paris, Presses universitaires de Paris Ouest, 2014, p. 187-203.

GERMER, Stefan, Art, pouvoir, discours : la carrière intellectuelle d'André Félibien dans la France de Louis XIV, Paris, Éd. de la Maison des sciences de l’homme, 2016.

FILTERS

QUOTATIONS

[…] je considerois avec un soin tout particulier, comment il [ndr : Poussin] mesloit les couleurs ensemble pour donner cette diminution de teintes necessaire à arondir les corps, à faire paroistre les jours & les ombres, & à produire ces divers degrez d’éloignement qui font fuïr ou avancer toutes les parties d’un Tableau, ce qu’il a sceu executer avec tant d’art & de beauté.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → figure et corps

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → perspective
CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
EFFET PICTURAL → qualité de la lumière

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

[…] quelque theorie qu’on ait de la Peinture, on est incapable de rien executer de parfait sans une grande pratique, & c’est en travaillant que je me suis bien apperceu qu’il se rencontre mille difficultez dans l’execution d’un Ouvrage que tous les préceptes ne sçauroient apprendre à surmonter.

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
L’ARTISTE → règles et préceptes

[…] quelque theorie qu’on ait de la Peinture, on est incapable de rien executer de parfait sans une grande pratique, & c’est en travaillant que je me suis bien apperceu qu’il se rencontre mille difficultez dans l’execution d’un Ouvrage que tous les préceptes ne sçauroient apprendre à surmonter.
Car on ne peut bien dire comment il faut donner plus de force, plus de majesté, & plus de grace aux figures ; tout cela dépend de l’excellence du genie du Peintre. On ne peut encore déterminer une mesure asseurée pour les diverses teintes des couleurs, & pour les effets differens de leurs mélanges. C’est par une longue experience, une grande pratique & un raisonnement solide que toutes ces choses s’apprennent.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → apprentissage
L’ARTISTE → qualités
MANIÈRE ET STYLE → le faire et la main

Car on ne peut bien dire comment il faut donner plus de force, plus de majesté, & plus de grace aux figures ; tout cela dépend de l’excellence du genie du Peintre.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → qualités
CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination

Car on ne peut bien dire comment il faut donner plus de force, plus de majesté, & plus de grace aux figures ; tout cela dépend de l’excellence du genie du Peintre. On ne peut encore déterminer une mesure asseurée pour les diverses teintes des couleurs, & pour les effets differens de leurs mélanges. C’est par une longue experience, une grande pratique & un raisonnement solide que toutes ces choses s’apprennent. S’il y a un moyen pour faire davantage paroistre les parties d’un Tableau, pour leur donner plus de force, plus de beauté & plus de grace ; c’est un moyen qui ne consiste pas en des regles qu’on puisse enseigner, mais qui se découvre par la lumiere de la raison, & où quelquefois il faut se conduire contre les regles ordinaires de l’Art. Et de cela on ne doit point s’en estonner, puis que dans la Nature il se rencontre mille differentes beautez qui ne sont rares & surprenantes, que parce qu’elles sont extraordinaires & bien souvent contre l’ordre naturel.
Qu’on ne s’imagine donc pas qu’en cet Art, non plus qu’en plusieurs autres, toutes les regles en soient aussi certaines comme dans la Geometrie, où l’on peut toûjours travailler avec seureté ; ny qu’un excellent Tableau doive estre censuré de tout le monde, lors que dans une petite partie il semble qu’on n’ait pas observé un je ne sçay quoy d’Optique, principalement quand ce defaut n’est pas considerable, & que l’on a negligé ces moindres choses pour s’attacher à de plus importantes.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → règles et préceptes

Car on ne peut bien dire comment il faut donner plus de force, plus de majesté, & plus de grace aux figures ; tout cela dépend de l’excellence du genie du Peintre. On ne peut encore déterminer une mesure asseurée pour les diverses teintes des couleurs, & pour les effets differens de leurs mélanges. C’est par une longue experience, une grande pratique & un raisonnement solide que toutes ces choses s’apprennent. S’il y a un moyen pour faire davantage paroistre les parties d’un Tableau, pour leur donner plus de force, plus de beauté & plus de grace ; c’est un moyen qui ne consiste pas en des regles qu’on puisse enseigner, mais qui se découvre par la lumiere de la raison, & où quelquefois il faut se conduire contre les regles ordinaires de l’Art. [...] Je sçay bien qu’un excellent Peintre n’est pas loüable si dans ses Ouvrages il y laisse des fautes si grossieres, que tout le monde les aperçoive d’abord, & je sçay bien encore que la perspective est si necessaire à cet Art, que l’on peut dire qu’elle est mesme de son essence ; Cependant cette partie n’entre pas en comparaison avec tant d’autres qu’un Peintre doit sçavoir, & qui sont d’une étude bien plus longue & plus penible, puis que se conduisant en celle-là par le moyen de la regle & du compas, la pratique n’en est pas moins facile que les regles en sont aisées à comprendre, n’y ayant guere d’esprits, pour peu intelligens qu’ils soient, qui ne puissent s’y rendre sçavans en tres-peu de temps.
Des gens neanmoins qui n’ont de connoissance qu’en cela, ne laissent pas quelquefois de blâmer hautement un excellent Tableau, & de vouloir diminuer de l’estime du Peintre, parce qu’il aura omis ou négligé quelque chose qui n’ira pas chercher le point de veuë. Et comme ces Censeurs ont facilement appris la Perspective, mais qu’ils ignorent les parties les plus difficiles de la Peinture, ils se récrient sur ce petit defaut, comme s’ils estoient les Juges souverains des plus beaux Ouvrages ; bien qu’à dire vray, il se trouve beaucoup de telles gens qui sont fort peu capables d’en connoistre tout l’art & toute la perfection.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → qualités
L’ARTISTE → apprentissage

Car on ne peut bien dire comment il faut donner plus de force, plus de majesté, & plus de grace aux figures ; tout cela dépend de l’excellence du genie du Peintre. On ne peut encore déterminer une mesure asseurée pour les diverses teintes des couleurs, & pour les effets differens de leurs mélanges. C’est par une longue experience, une grande pratique & un raisonnement solide que toutes ces choses s’apprennent. S’il y a un moyen pour faire davantage paroistre les parties d’un Tableau, pour leur donner plus de force, plus de beauté & plus de grace ; c’est un moyen qui ne consiste pas en des regles qu’on puisse enseigner, mais qui se découvre par la lumiere de la raison, & où quelquefois il faut se conduire contre les regles ordinaires de l’Art. Et de cela on ne doit point s’en estonner, puis que dans la Nature il se rencontre mille differentes beautez qui ne sont rares & surprenantes, que parce qu’elles sont extraordinaires & bien souvent contre l’ordre naturel.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → qualités

Qu’on ne s’imagine donc pas qu’en cet Art, non plus qu’en plusieurs autres, toutes les regles en soient aussi certaines comme dans la Geometrie, où l’on peut toûjours travailler avec seureté ; ny qu’un excellent Tableau doive estre censuré de tout le monde, lors que dans une petite partie il semble qu’on n’ait pas observé un je ne sçay quoy d’Optique, principalement quand ce defaut n’est pas considerable, & que l’on a negligé ces moindres choses pour s’attacher à de plus importantes.
Je sçay bien qu’un excellent Peintre n’est pas loüable si dans ses Ouvrages il y laisse des fautes si grossieres, que tout le monde les aperçoive d’abord, & je sçay bien encore que la perspective est si necessaire à cet Art, que l’on peut dire qu’elle est mesme de son essence ; Cependant cette partie n’entre pas en comparaison avec tant d’autres qu’un Peintre doit sçavoir, & qui sont d’une étude bien plus longue & plus penible, puis que se conduisant en celle-là par le moyen de la regle & du compas, la pratique n’en est pas moins facile que les regles en sont aisées à comprendre, n’y ayant guere d’esprits, pour peu intelligens qu’ils soient, qui ne puissent s’y rendre sçavans en tres-peu de temps.
Des gens neanmoins qui n’ont de connoissance qu’en cela, ne laissent pas quelquefois de blâmer hautement un excellent Tableau, & de vouloir diminuer de l’estime du Peintre, parce qu’il aura omis ou négligé quelque chose qui n’ira pas chercher le point de veuë. Et comme ces Censeurs ont facilement appris la Perspective, mais qu’ils ignorent les parties les plus difficiles de la Peinture, ils se récrient sur ce petit defaut, comme s’ils estoient les Juges souverains des plus beaux Ouvrages ; bien qu’à dire vray, il se trouve beaucoup de telles gens qui sont fort peu capables d’en connoistre tout l’art & toute la perfection.

Il s’agit ici de perspective géométrique. Félibien critique la conception de la perspective d’Abraham Bosse, principal théoricien de la perspective au sein de l’Académie, et celle de ses partisans. Surtout, il condamne le jugement de l’œuvre d’art selon la seule observation de la perspective.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → règles et préceptes
EFFET PICTURAL → perspective

Je sçay bien qu’un excellent Peintre n’est pas loüable si dans ses Ouvrages il y laisse des fautes si grossieres, que tout le monde les aperçoive d’abord, & je sçay bien encore que la perspective est si necessaire à cet Art, que l’on peut dire qu’elle est mesme de son essence ; Cependant cette partie n’entre pas en comparaison avec tant d’autres qu’un Peintre doit sçavoir, & qui sont d’une étude bien plus longue & plus penible, puis que se conduisant en celle-là par le moyen de la regle & du compas, la pratique n’en est pas moins facile que les regles en sont aisées à comprendre, n’y ayant guere d’esprits, pour peu intelligens qu’ils soient, qui ne puissent s’y rendre sçavans en tres-peu de temps.
Des gens neanmoins qui n’ont de connoissance qu’en cela, ne laissent pas quelquefois de blâmer hautement un excellent Tableau, & de vouloir diminuer de l’estime du Peintre, parce qu’il aura omis ou négligé quelque chose qui n’ira pas chercher le point de veuë. Et comme ces Censeurs ont facilement appris la Perspective, mais qu’ils ignorent les parties les plus difficiles de la Peinture, ils se récrient sur ce petit defaut, comme s’ils estoient les Juges souverains des plus beaux Ouvrages ; bien qu’à dire vray, il se trouve beaucoup de telles gens qui sont fort peu capables d’en connoistre tout l’art & toute la perfection.

censeur

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → jugement

Ils [ndr : les Anciens] ont connu que la beauté ne paroist que par la convenance des parties ; Et aprés avoir bien compris de quelle sorte on peut proportionner toutes ces differentes parties pour rendre visible cette beauté ; Ils en ont establi des maximes generales pour servir à ceux qui veulent se conduire selon leurs principes.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Encore que les proportions engendrent la beauté, on ne peut pas dire neanmoins que les hommes ayent sceu la proportion des choses avant que d’en avoir connu la beauté. Au contraire ç’a esté sur la beauté des corps qu’on a observé les proportions […].

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → proportion
CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Encore que les proportions engendrent la beauté, on ne peut pas dire neanmoins que les hommes ayent sceu la proportion des choses avant que d’en avoir connu la beauté. Au contraire ç’a esté sur la beauté des corps qu’on a observé les proportions […]. C’est de ces observations que les plus intelligens ont fait un art & des règles pour servir à ceux qui d’eux-mesmes ne peuvent pas penetrer dans ces premières raisons de beauté, qui ne se laissent voir qu’aux esprits les plus subtils. Car il est certain que la beauté n’est pas apperceuë de tout le monde ; qu’on ne la découvre qu’avec bien du temps, & qu’on ne la represente pas sans beaucoup de difficultez.

Félibien définit ici la beauté par rapport à la proportion. La beauté résulte de la proportion mais c’est elle, en même temps – parce qu’elle est antérieure au corps – qui en fonde les canons.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Mais si nous ne pouvons jamais bien exprimer les Idées des choses comme nous les concevons, parce que la plus grande partie des especes s’en perd avant que nous puissions les representer ; Il ne faut pas douter que celuy qui invente & qui produit ses pensées, ne doive luy-mesme les executer, puis qu’il est bien difficile que ceux qui voudroient travailler aprés luy peussent connoistre ses intentions & suivre les mouvemens de son esprit.
Car s’il a beaucoup de peine luy-mesme à mettre au jour ses conceptions, & si ce qu’il fait approche si peu de l’excellence de ce qu’il a imaginé, comment ceux qui pretendroient de l’imiter ne diminuroient-ils point encore de la grandeur & de la beauté de son dessein ?

idée · pensée · intention · dessein

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → dessin
CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition
CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination

conception · idée · intention · pensée

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → dessin
CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition
L’ARTISTE → qualités

dessein · intention · pensée · conception

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → dessin

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → statut de l'oeuvre : copie, original...
L’ARTISTE → qualités

[…] ceux qui ne font que copier les ouvrages des autres, & qui n’entrent point dans les secrets de la science & de l’art, ne sont point assurez de bien reüssir dans ce qu’ils entreprennent, & ne sont passablement bien qu’autant qu’ils sont exacts à imiter avec justesse ce qu’ils prennent pour modelle.

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
L’ARTISTE → qualités

imiter

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → qualités
L’ARTISTE → apprentissage

copier

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → qualités
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → statut de l'oeuvre : copie, original...
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
L’ARTISTE → qualités

Car comme les hommes sont facilement ébloüis par les inventions nouvelles & extraordinaires des Ouvriers, ils ont besoin de quelque estude pour conduire leur jugement, & discerner si les choses sont faites avec raison & avec ordre.

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → connaissance

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → jugement
SPECTATEUR → perception et regard

Car si dans les choses naturelles c’est la forme qui maintient l’estre & qui est le principe de la durée ; dans les ouvrages de l’art c’est la matiere qui conserve la forme.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique du dessin
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quelle difference, reprit Pymandre, mettez-vous donc entre la grace et la beauté, & comment les separez-vous l’une de l’autre ? Car si la beauté vient de la proportion des parties, la grace peut-elle se trouver dans des sujets qui ne sont ny beaux ny proportionnez ?
Je puis vous dire en peu de mots, lui repartis-je, la difference qu’il y a entre ces deux charmantes qualitez. C’est que la beauté naist de la proportion & de la symetrie qui se rencontre entre les parties corporelles & materielles. Et la grace s’engendre de l’uniformité des mouvemens interieurs causés par les affections et les sentiments de l’ame.

affection · mouvement intérieur

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → expression des passions

Quelle difference, reprit Pymandre, mettez-vous donc entre la grace et la beauté, & comment les separez-vous l’une de l’autre ? Car si la beauté vient de la proportion des parties, la grace peut-elle se trouver dans des sujets qui ne sont ny beaux ny proportionnez ?
Je puis vous dire en peu de mots, lui repartis-je, la difference qu’il y a entre ces deux charmantes qualitez. C’est que la beauté naist de la proportion & de la symetrie qui se rencontre entre les parties corporelles & materielles. Et la grace s’engendre de l’uniformité des mouvemens interieurs causés par les affections et les sentiments de l’ame.
Ainsi quand il n’y a qu’une symetrie des parties corporelles les unes avec les autres, la beauté qui en resulte, est une beauté sans grace. Mais lors qu’à cette belle proportion on voit encore un rapport & une harmonie de tous les mouvemens interieurs, qui non seulement s’unissent avec les autres parties du corps, mais qui les animent & les font agir avec un certain accord & une cadence tres juste & tres-uniforme ; Alors il s’en engendre cette grace que l’on admire dans les personnes les plus accomplies, & sans laquelle la plus belle proportion des membres n’est point dans sa dernière perfection.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → proportion

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → proportion
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude

Quelle difference, reprit Pymandre, mettez-vous donc entre la grace et la beauté, & comment les separez-vous l’une de l’autre ? Car si la beauté vient de la proportion des parties, la grace peut-elle se trouver dans des sujets qui ne sont ny beaux ny proportionnez ?
Je puis vous dire en peu de mots, lui repartis-je, la difference qu’il y a entre ces deux charmantes qualitez. C’est que la beauté naist de la proportion & de la symetrie qui se rencontre entre les parties corporelles & materielles. Et la grace s’engendre de l’uniformité des mouvemens interieurs causés par les affections et les sentiments de l’ame.
Ainsi quand il n’y a qu’une symetrie des parties corporelles les unes avec les autres, la beauté qui en resulte, est une beauté sans grace. Mais lors qu’à cette belle proportion on voit encore un rapport & une harmonie de tous les mouvemens interieurs, qui non seulement s’unissent avec les autres parties du corps, mais qui les animent & les font agir avec un certain accord & une cadence tres juste & tres-uniforme ; Alors il s’en engendre cette grace que l’on admire dans les personnes les plus accomplies, & sans laquelle la plus belle proportion des membres n’est point dans sa dernière perfection. Et mesme lors qu’il arrive que cette uniformité de mouvemens vient à paroistre sur des visages moins beaux, & dont les traits ne sont pas achevez, on ne laisse pas de les admirer, parce qu’on y voit de la grace ; [...] Pour vous faire voir que la grace est un mouvement de l’ame, c’est qu’en voyant une belle femme on juge bien d’abord de sa beauté par le juste rapport qu’il y a entre toutes les parties de son corps ; mais on ne juge point de sa grace, si elle ne parle, si elle ne rit, ou si elle ne fait quelque mouvement.
Il en est de mesme des Ouvrages de Sculture & de Peinture, où la grace ne paroist point si les Ouvriers ne sçavent donner à leurs figures un tour & un mouvement conforme à la beauté de leurs membres & à l'action qu'elles doivent faire ; C'est pourquoy quand il y en a quelques-unes où ils ont heureusement exprimé ces mouvemens, on les admire, quoy que d'ailleurs elles n'ayent pas cette proportion qui les rendroient accomplies.
Que s'il en sort de la main des plus excellens Maistres où l'on rencontre une juste convenance de toutes les parties du corps & une belle uniformité de mouvemens qui concourent à une mesme fin, c'est alors qu'on admire comme quoy la beauté, & la grace forment un ouvrage parfait.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Et la grace s’engendre de l’uniformité des mouvemens interieurs causés par les affections et les sentiments de l’ame.

sentiments de l'âme · mouvement intérieur

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → expression des passions

Je puis vous dire en peu de mots, lui repartis-je, la difference qu’il y a entre ces deux charmantes qualitez. C’est que la beauté naist de la proportion & de la symetrie qui se rencontre entre les parties corporelles & materielles. Et la grace s’engendre de l’uniformité des mouvemens interieurs causés par les affections et les sentiments de l’ame.
Ainsi quand il n’y a qu’une symetrie des parties corporelles les unes avec les autres, la beauté qui en resulte, est une beauté sans grace. Mais lors qu’à cette belle proportion on voit encore un rapport & une harmonie de tous les mouvemens interieurs, qui non seulement s’unissent avec les autres parties du corps, mais qui les animent & les font agir avec un certain accord & une cadence tres juste & tres-uniforme ; Alors il s’en engendre cette grace que l’on admire dans les personnes les plus accomplies, & sans laquelle la plus belle proportion des membres n’est point dans sa dernière perfection. [...] Pour vous faire voir que la grace est un mouvement de l’ame, c’est qu’en voyant une belle femme on juge bien d’abord de sa beauté par le juste rapport qu’il y a entre toutes les parties de son corps ; mais on ne juge point de sa grace, si elle ne parle, si elle ne rit, ou si elle ne fait quelque mouvement.
Il en est de mesme des Ouvrages de Sculture & de Peinture, où la grace ne paroist point si les Ouvriers ne sçavent donner à leurs figures un tour & un mouvement conforme à la beauté de leurs membres & à l'action qu'elles doivent faire ; C'est pourquoy quand il y en a quelques-unes où ils ont heureusement exprimé ces mouvemens, on les admire, quoy que d'ailleurs elles n'ayent pas cette proportion qui les rendroient accomplies.
Que s'il en sort de la main des plus excellens Maistres où l'on rencontre une juste convenance de toutes les parties du corps & une belle uniformité de mouvemens qui concourent à une mesme fin, c'est alors qu'on admire comme quoy la beauté, & la grace forment un ouvrage parfait.

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → expression des passions

Ainsi quand il n’y a qu’une symetrie des parties corporelles les unes avec les autres, la beauté qui en resulte, est une beauté sans grace. Mais lors qu’à cette belle proportion on voit encore un rapport & une harmonie de tous les mouvemens interieurs, qui non seulement s’unissent avec les autres parties du corps, mais qui les animent & les font agir avec un certain accord & une cadence tres juste & tres-uniforme ; Alors il s’en engendre cette grace que l’on admire dans les personnes les plus accomplies, & sans laquelle la plus belle proportion des membres n’est point dans sa dernière perfection.

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude

rapport · accord

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → expression des passions
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude

Ainsi quand il n’y a qu’une symetrie des parties corporelles les unes avec les autres, la beauté qui en resulte, est une beauté sans grace. Mais lors qu’à cette belle proportion on voit encore un rapport & une harmonie de tous les mouvemens interieurs, qui non seulement s’unissent avec les autres parties du corps, mais qui les animent & les font agir avec un certain accord & une cadence tres juste & tres-uniforme ; Alors il s’en engendre cette grace que l’on admire dans les personnes les plus accomplies, & sans laquelle la plus belle proportion des membres n’est point dans sa dernière perfection. Et mesme lors qu’il arrive que cette uniformité de mouvemens vient à paroistre sur des visages moins beaux, & dont les traits ne sont pas achevez, on ne laisse pas de les admirer, parce qu’on y voit de la grace

rapport · harmonie

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude

Que s'il en sort de la main des plus excellens Maistres où l'on rencontre une juste convenance de toutes les parties du corps & une belle uniformité de mouvemens qui concourent à une mesme fin, c'est alors qu'on admire comme quoy la beauté, & la grace forment un ouvrage parfait.

Pour Félibien, la perfection résulte de l’association de la beauté et de la grâce.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Ce je ne sçay quoy qu’on a toûjours à la bouche, & qu’on ne peut bien exprimer, est comme le nœud secret qui assemble ces deux parties du corps & de l’esprit. C’est ce qui resulte de la belle symetrie des membres & de l’accord des mouvemens ; Et comme cet assemblage se fait par un moyen extremement subtil & caché, on ne peut le voir assez ny le bien connoistre pour le representer & l’exprimer comme l’on voudroit. Cependant on peut dire qu’il se remarque sur un visage de la mesme sorte que cette fraischeur & ce feu que l’on voit au matin sur une rose qui commence à s’épanouïr, dont la forme & la beauté de ses couleurs est comme le siege de cette fraischeur & de cet éclat qui paroist d’une maniere toute spirituelle. Car Ce je ne sçay quoy n’est autre chose qu’une splendeur toute divine qui naist de la beauté & de la grace.

splendeur

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Car pour bien expliquer toutes les choses que j’ay apprises des plus sçavants Peintres, il faudroit faire un Ouvrage dont le corps fust divisé en trois principales parties. La premiere qui traiteroit de la COMPOSITION comprendroit presque toute la theorie de l’Art, à cause que l’operation s’en fait dans l’imagination du Peintre, qui doit avoir disposé tout son Ouvrage dans son esprit & le posseder parfaitement avant que d’en venir à l’execution. Les deux autres parties, qui parleroient du DESSEIN et du COLORIS, ne regardent que la Pratique, & appartiennent à l’Ouvrier ; ce qui les rend moins nobles que la premiere qui est toute libre, & que l’on peut sçavoir sans estre Peintre. Pour bien composer un Tableau le Peintre doit donc avoir une science & generale & particuliere de toutes les parties qui y entrent.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
MANIÈRE ET STYLE → le faire et la main

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → dessin

L’imagination relève de la théorie et est le siège de la composition.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination

Chez Félibien, la notion d’ouvrier s’oppose à celle de peintre savant en ce que le premier ne maîtrise que la pratique.