GRAND (adj. m.)
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DE PILES, Roger, De l'art de peinture de Charles Alphonse Dufresnoy, Paris, Nicolas Langlois, 1668.
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{LVII. Idée d’un beau Tableau.}
Les choses belles dans le dernier degré, selon la Maxime des Anciens Peintres, *doivent avoir du Grand & les Contours nobles ; elles doivent estre démeslées, pures, & sans alteration, nettes, & liées ensemble, composées de grandes Parties, mais en petit nombre, & enfin distinguées de Couleurs fieres, mais toûjours amies.
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Car tout ce qui est veritablement Sublime, a cela de propre, quand on l’écoute, qu’il esleve l’ame, & lui fait concevoir une plus haute opinion d’elle mesme, la remplissant de joie & de je ne sçais quel noble orgueil, comme si c’estoit elle qui eust produit les choses qu’elle vient simplement d’entendre.
[…]. La marque infaillible du Sublime, c’est quand nous sentons qu’un Discours nous laisse beaucoup à penser, fait d’abord un effet sur nous auquel il est bien difficile, pour ne pas dire impossible, de resister, et qu’ensuite le souvenir nous en dure, & ne s’efface qu’avec peine. En un mot, figurez-vous qu’une chose est veritablement Sublime, quand vous voiez qu’elle plaist universellement & dans toutes ses parties. Car lors qu’en un grand nombre de personnes differentes de profession, & d’âge, & qui n’ont aucun rapport ni d’humeurs ni d’inclinations, tout le monde vient à estre frappé également de quelque endroit d’un discours ; ce jugement & cette approbation uniforme de tant d’esprits, si discordans d’ailleurs, est une preuve certaine & indubitable, qu’il y a là du Merveilleux & du Grand.
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Chap. VI, Des cinq Sources du Grand.
Il y a, pour ainsi dire, cinq Sources principales du Sublime : mais ces cinq Sources présupposent, comme pour fondement commun, une Faculté de bien parler ; sans quoi tout le reste n’est rien.
Cela posé, la premiere & la plus considerable est une certaine Elevation d’esprit qui nous fait penser heureusement les choses […].
La seconde consiste dans le Pathetique : j’entens par Pathetique, cet Enthousiasme, & cette vehemence naturelle qui touche & qui émeut. Au reste à l’égard de ces deux premieres, elles doivent presque tout à la Nature, & il faut qu’elles naissent en nous : au lieu que les autres dépendent de l’Art en partie.
La troisiéme n’est autre chose que les Figures tournées d’une certaine maniere. Or les Fgures sont de deux sortes les Figures de Pensée, & les Figures de Diction.
Nous mettons pour la quatriesme, la Noblesse de l’expression, qui a deux parties, le choix des mots, & la diction elegante & figurée.
Pour la cinquiéme qui est celle, à proprement parler, qui produit le Grand & qui renferme en soi toutes les autres, c’est la Composition & l’arrangement des paroles dans toute leur magnificence & leur dignité.
[…]. Et certainement […] pour avoir creu que le Sublime & le Pathetique naturellement n’alloient jamais l’un sans l’autre, & ne faisoient qu’un, il [ndr : Cecilius] se trompe : puis qu’il y a des Passions qui n’ont rien de Grand ; & et qui ont mesme quelque chose de bas comme l’Affliction, la Peur, la Tristesse : & qu’au contraire il se rencontre quantité de choses grandes & sublimes, où il n’entre point de passion.
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Chap. XII, De la Sublimité qui se tire des Circonstances
Voions si nous n’avons point encore quelque autre moien par où nous puissions rendre un Discours Sublime. Je dis donc, que comme naturellement rien n’arrive au monde qui ne soit toûjours accompagné de certaines Circonstances, ce sera un secret infaillible pour arriver au Grand, si nous sçavons faire à propos le choix des plus considerables, & si en les liant bien ensemble, nous en formons comme un corps. Car d’un costé ce choix, & de l’autre cet amas de Circonstances choisies attachent fortement l’esprit.
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Entre les moiens dont nous avons parlé, qui contribuent au Sublime, il faut aussi donner rang à ce qu’ils appellent Amplification […]. En effet l’Amplification se peut diviser en un nombre infini d’Espèces ; mais l’Orateur doit sçavoir que pas une de ses Espèces n’est parfaite de soi, s’il n’y a du Grand & du Sublime […] si vous ostez l’Amplification ce qu’elle a de Grand, vous lui arrachez, pour ainsi dire, l’ame du corps.
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Au reste vous devez sçavoir que les Images dans la Rhetorique, ont tout un autre usage que parmi les Poëtes. En effet le but qu’on s’y propose dans la Poësie, c’est l’estonnement & la surprise : au lieu que dans la prose c’est de bien peindre les choses, & de les faire voir clairement. Il y a pourtant cela de commun, qu’on tend à emouvoir en l’une & en l’autre rencontre. [...] Et veritablement je ne sçaurois pas bien dire si Euripide est aussi heureux à exprimer les autres passions ; mais pour ce qui regarde l’amour & la fureur, c’est à quoi il s’est estudié particulierement, & il y a fort bien reussi. Et mesme en d’autres rencontres il ne manque pas quelque-fois de hardiesse à peindre les choses. Car bien que son esprit de lui-mesme ne soit pas porté au Grand, il corrige son naturel, & le force d’estre tragique & relevé, principalement dans les grands Sujets.
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Que ne dirons-nous donc point de la Composition, qui est en effet comme l’harmonie du discours dont l’usage est naturel à l’homme, qui ne frappe pas simplement l’oreille mais l’esprit : qui remuë tout à la fois tant de différentes sortes de noms, de pensées, de choses, tant de beautés, & d’elegances avec lesquelles notre ame a comme une espece de liaison & d’affinité : qui par le meslange & la diversité des sons insinuë dans les esprits, inspire à ceux qui écoutent les passions mesmes de l’Orateur, & qui bastit sur ce sublime amas de paroles, ce Grand & ce Merveilleux que nous cherchons ? Pouvons-nous, dis-je, nier qu’elle ne contribuë beaucoup à la grandeur, à la majesté, à la magnificence du discours, & à toutes ces autres beautés qu’elle renferme en soi, & qu’ayant un empire absolu sur les esprits, elle ne puisse en tout temps les ravir & les enlever ? Il y auroit de la folie à douter d’une verité si universellement reconnuë, & l’experience en fait foi.
Au reste il en est de mesme des Discours que des corps, qui doivent ordinairement leur principale excellence à l’assemblage, & à la juste proportion de leurs membres : De sorte mesme qu’encore qu’un membre separé de l’autre n’ait rien en soi de remarquable, tous ensemble ne laissent pas de faire un corps parfait. Ainsi les parties du Sublime estant divisées, le Sublime se dissipe entierement : au lieu que venant à ne former qu’un corps par l’assemblage qu’on en fait, & par cette liaison harmonieuse qui les joint, le seul tour de la Periode leur donne du son & de l’emphase. C’est pourquoi l’on peut comparer le Sublime dans les Periodes à un festin par escot auquel plusieurs ont contribué.
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Cependant, dit Pymandre, il me semble que vous venez de dire que ce qui fait le fort & le foible, & ce que vous appelez l’affoiblissement des teintes, se doit comprendre par les diverses coupes qu’on se peut imaginer à mesure que les corps s’éloignent.
Il est vray, luy repliquay-je, & c’est dont nous avons tantost parlé sur le sujet de la perspective de l’air, Leon Baptiste Albert appelle cette coupe Il taglio. J’avouë que dans la speculation l’on peut comprendre de quelle sorte les objets doivent diminuer de couleur par ces differentes coupes. Mais quand on vient à la pratique, cette speculation, ou le raisonnement qui fait juger combien un corps doit perdre de sa couleur lors qu’on le veut faire paroistre enfoncé dans le tableau dix ou douze pieds plus qu’un autre, ne peut apprendre précisément comment il faut diminuer la teinte de cette couleur, & la proportionner à son éloignement. Avez-vous jamais remarqué un maistre de Musique qui accorde un luth ou une harpe, il vous fera bien connoistre quel ton la premiere corde doit avoir avec la seconde, & ainsi des autres : mais il ne peut vous enseigner à les accorder, en vous disant qu’il faut tourner les chevilles un certain nombre de tours. Il faut que ce soit l’oreille qui juge de l’harmonie lors qu’on les touche. De mesme dans les couleurs on peut dire qu’il en faut diminuer ou augmenter la teinte à mesure qu’elles s’éloignent ou s’approchent ; ou qu’elles reçoivent divers accidents d’ombres & de lumieres : mais c’est à l’œil à juger du plus ou du moins de force qu’on leur donne en les meslant.
Cependant, interrompit Pymandre, si un grand ouvrage est traité avec le mesme art qu’un plus petit, le plus grand ne doit-il pas estre plus estimé ?
Il est vray, répondis-je ; mais c’est en quoy ils trouvoient de la difficulté, demeurant quasi tous d’accord qu’on ne peut faire paroistre tant de force dans une grande disposition d’ouvrage que dans un tableau qui est composé de peu de figures ; & la raison qu’ils en apportoient, est que la Peinture a ses bornes & ses limites […].
Cependant, dit Pymandre, il me semble qu’il faut bien plus de science pour traitter un grand ouvrage, pour le bien disposer, pour le remplir d’une infinité de differentes figures, d’habits, d’accomodemens, & pour y faire paroistre toutes ces parties dont vous m’avez parlé, que pour peindre seulement trois ou quatre figures ensemble.
Je vous avouë, repartis-je, que pour bien representer un grand sujet, il faut beaucoup plus de science, plus de travail, & que c’est-là qu’un Peintre a toute l’estendüe necessaire pour donner des marques de son sçavoir. Mais il y en a qui vous diront que ce n’est pas dans ces rencontres que l’art peut faire paroistre davantage sa puissance & la force de ses charmes.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) et ROMANO, Giulio, La Bataille de Constantin contre Maxence, 1517 - 1524, fresque, 400 x 260, Vatican, Stanze di Raffaello.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , L’incendie de Borgo, 1514 - 1517, fresque, Vatican, Musei Vaticani.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , ROMANO, Giulio et DA UDINE, Giovanni, Sainte Famille avec sainte Élisabeth, le petit saint Jean et deux anges dite La Grande Sainte Famille, 1518, huile sur bois, 207 x 140, Paris, Musée du Louvre, Inv. 604.
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[…] La beauté ne consiste point dans les parures, & dans les ornemens. Un peintre ne doit pas s’arrester aux petits ajustements, sur tout dans les sujets d’histoires, où il pretend representer quelque chose de grand & d’heroïque. Il y doit faire paroistre de la grandeur, de la force, & de la noblesse, mais rien de petit & de delicat, ny de trop recherché.
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Si vous voulez, dit Pymandre, que les Peintres imitent les Poëtes, il faut pourtant, selon le sentiment des doctes qu’il y ait dans leurs tableaux quelque chose d’agreable & de touchant aussi bien que de grand & de fort.
Il est vray, répondis-je, mais cet agreable doit naistre toujours du sujet que l’on traitte, non pas des choses étrangeres : Car l’on ne pretend pas retrancher les choses belles, quand elles sont propres aux lieux où on les met, mais l’on condamne ceux qui gastent un sujet qui de soy est noble et grand, parce qu’ils s’arrestent trop à la recherche des ornemens de certaines parties inutiles.
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D’autres [ndr : Peintres] encore, qui ont eû des considérations plus raisonnables, ont connu qu’ils réussissoient mieux dans les grandes choses que dans les petites, comme il est ordinaire à ceux qui ont beaucoup de feu & de facilité à executer leurs pensées. Telles estoient les qualitez de Pierre de Cortone. Quand il travailloit à de grands Tableaux, la vivacité de son esprit, & une émotion violente qui animoit sa main, & qui luy estoit comme naturelle, l’échaufoit, & l’emportoit hors de luy-mesme : ce qui faisoit que ses productions estoient pleines de chaleur & de vehemence ; au lieu que quand recueïlli dans son cabinet il prenoit le pinceau pour travailler avec plus de repos, cette émotion qui comme un vent impetueux l’agitoit dans les grand lieux, se trouvant plus resserré, affoiblissait le feu de son imagination, & ses pensées demeurant sans vigueur, devenoient laguissantes.
Il n’en est pas de mesme de ceux qui se sont étudiez à travailler avec tranquillité d’une maniere plus correcte & plus arrestée : leur jugement les accompagne toûjours ; ils agissent en toutes choses avec les mesmes lumieres, & par ce moyen conservent une force égale & un semblable caractere, soit qu’ils travaillent à de grands Tableaux, soit qu’ils en peignent de plus petits, soit mesme qu’ils ne fassent que de simples desseins. Comme l’esprit ne peut estre continuellement dans un mesme degré de chaleur, lors que cette chaleur vient à diminuer, il faut que la force, & si j’ose le dire, toute la flamme d’un Peintre s’éteigne. De sorte que c’est seulement dans les grandes productions du Cortone qu’on découvre la beauté de son imagination ; comme au contraire on apperçoit également dans tous les Tableaux du Poussin cette force d’esprit, cette science solide, & ce profond raisonnement qui l’ont rendu superieur à tant d’autres.
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CXXXIII.
N’employez à aucune de ces choses [ndr : les fruits, les poissons, les reptiles, les oiseaux, les animaux, les figures et les fleurs] du Blanc de Plomb, il n’est propre qu’en Huile, & il noircit comme de l’Ancre, n’estant détrempé qu’à la Gomme, partïculierement si vous mettez vostre ouvrage dans un lieu humide ou avec des Parfuns, & la Ceruse de Venise est aussi fine, & d’un aussi grand blanc. De celuy-là, n’en épargnez pas l’usage, sur tout en ébauchant, & faites-en entrer dans tous vos meslanges, afin de leur donner un certain Corps qui empaste vostre ouvrage, & qui le fasse paroistre doux & moileux.
Le goust des Peintres est neanmoins different en ce point, les uns en employent un peu, d’autres point du tout ; mais la maniere de ceux-cy est maigre & seiche, les autres en mettent beaucoup, & c’est sans contredi la meilleure Methode & la plus usitée parmy les habiles Gens ; car outre qu’elle est prompte, c’est que l’on peut en s’en servant (ce qui seroit quasi impossible autrement) copier toutes sortes de Tableaux, nonobstant le sentiment contraire de quelques-uns, qui disent qu’en mignature l’on ne peut donner la Force & toutes les differentes Teintes qu’on void dans les Pieces en Huile, ce qui n’est pas vray, du moins pour les bons Peintres, & les effets le prouvent assez ; car il se void des Figures, des Païsages, des Portraits, & toute autre chose en mignature, touchez d’une aussi grande maniere, aussi vraye & aussi noble, quoy que plus mignonne & delicate qu’en huile.
Je sçay pourtant que cette Peinture a ses avantages, quand ce ne seroit que celuy de rendre plus d’ouvrage, & de consommer moins de temps, elle se deffend mieux aussi contre ses injures, & il faut encore luy ceder le droit d’Ainesse & la gloire de l’Antiquité.
Mais aussi la Mignature a les siens, & sans repeter ceux que j’ay déja montrez, elle est plus propre & plus commode, l’on porte aisément tout son Attirail dans sa poche, vous travaillez par tout quand il vous plaist, sans tant de preparatifs, vous pouvez la quitter & la reprendre quand & autant de fois que vous voulez, ce qui ne se fait pas à la premiere, où l’on ne doit guere travailler à sec.
Mais remarquez qu’il est de l’une & de l’autre, comme de la Comedie, dans laquelle la plus grande ou la moindre perfection des Acteurs ne consiste pas à faire les hauts ou les bas Rolles, mais à faire extremement bien ceux qu’ils font, car si celuy qui aura le dernier personnage, s’en acquitte mieux qu’un autre de celuy de Heraut, il meritera sans doute plus d’approbation & de loüange.
C’est la mesme chose dans l’Art de Peindre, son excellence n’est pas attachée à la Noblesse d’un sujet ; mais à la maniere dont on le traite, avez-vous talent pour celuy-cy, ne vous jettez pas inconsiderément dans celuy-là, & si vous avez receu du Ciel quelque étincelle de ce beau Feu, connoissez pourquoy il vous est donné, & faites-vous-y un chemin facile ; les uns prendront bien les differens airs du Teste, les autres réussiront mieux en Païsages, ceux-cy travaillent en petit, qui ne le pourroient faire en grand, ceux-là sont bons Coloristes, & ne possedent pas le Dessein, d’autres enfin n’ont du Genie que pour les Fleurs : Et les Bassans mémes, se sont acquis un nom par les Animaux, qu’ils ont touchez de tres-bonne maniere, & mieux que toute autre chose.
C’est pour dire que chacun se doit contenter de sa Verve, sans vouloir se revétir du talent d’autruy, […].
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Le style Heroïque est une composition d’objets qui dans leur genre tirent de l’Art & de la Nature tout ce que l’un & l'autre peuvent produire de grand & d’extraordinaire. Les sites en sont tout agreables & tout surprenans : les fabriques n’y sont que temples, que pyramides, que sepultures antiques, qu’autels consacrés aux divinités, que maisons de plaisance d’une reguliere architecture ; & si la Nature n’y est pas exprimée comme le hazard nous la fait voir tous les jours, elle y est du moins representée comme on s’imagine qu’elle devroit être. Ce style est une agreable illusion, & une espece d’enchantement quand il part d’un beau genie & d’un bon esprit, comme étoit celui du Poussin : lui qui s’y est si bien exprimé. Mais ceux qui voudront suivre ce genre de Peinture, & qui n’auront pas le talent de soûtenir le sublime qu’il demande, courent souvent le risque de tomber dans le puerile.
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Le nombre & la grandeur des ouvrages où cet habile Peintre [ndr : Jean Restout] a excellé lui ont fait un nom au dessus des éloges, soit par les routes savantes qu’il a su se fraïer dans le grand où les défauts sont si sensibles, soit dans ses expressions neuves & éloquentes dans les Sujets souvent communs & qui paroissent épuisés.
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Estienne La Belle, qu’on peut regarder comme un modèle de perfection pour la Gravûre en petit, infiniment préférable à Callot pour la gentillesse de son travail, en un mot qui est dans son genre ce que Gerard Audran est dans le grand, ne s’est pas non plus piqué de cette roideur & de cet arrangement de belles tailles que M. Bosse recommande avec tant de soin. Au contraire sa maniere est un composé de petites tailles courtes & mêlées les unes avec les autres avec un goût & un esprit inexprimable, & il est étonnant que se servant du vernis dur, il ait pû graver d’une façon si souple, & éviter l’infléxibilité que l’on aperçoit dans les ouvrages de ses prédécesseurs.
Gerard Audran est ici cité comme modèle exemplaire en ce qui concerne la gravure en grand