Work of Art
DA VINCI, Leonardo, La Cène, 1494 - 1498, fresque, 460 × 880, Milano, Santa Maria delle Grazie.
Courtesy of the Web Gallery of Art
[Consulté le 13/03/2018: https://www.wga.hu/frames-e.html?/html/l/leonardo/03/4lastsu1.html]
Quotation
Je dis donc que si dans les choses naturelles, c’est la forme qui maintient l’estre, & qui est principe de leur durée, il en est tout autrement dans les ouvrages de l’art, où la matière conserve leur forme, & les fait résister plus ou moins à l’effort des années. C’est pourquoy les Peintres qui veulent que leurs ouvrages se conservent plus long-temps, ne doivent pas negliger de travailler sur des fonds durables, & avec des couleurs qui ne passent point. Il est vray qu’ils n’ont pas toujours la liberté de choisir le fond de leurs Tableaux, estant obligez de travailler, tantost sur des murailles, tantost sur du bois, & souvent sur de la toile ; mais il est toujours dans leur pouvoir d’apporter beaucoup de soin à preparer ces divers fonds, & à chercher les couleurs qui sont les meilleures. Ainsi quand on peint à fraisque, c’est au Peintre à prendre garde que l’enduit soit de bonne chaux & de bon sable, & à faire provision des couleurs propres pour ces sortes d’ouvrages, parceque celles qui servent à peindre à huile n’y sont pas toutes également bonnes. Les plus terrestres & les moins composées sont les vrayes couleurs dont on se doit servir à fraisque. Pour travailler à huile il faut encore user des mesmes precautions.
Quotation
Ainsi quand on peint à fraisque, c’est au Peintre à prendre garde que l’enduit soit de bonne chaux & de bon sable, & à faire provision des couleurs propres pour ces sortes d’ouvrages, parceque celles qui servent à peindre à huile n’y sont pas toutes également bonnes. Les plus terrestres & les moins composées sont les vrayes couleurs dont on se doit servir à fraisque. Pour travailler à huile il faut encore user des mesmes precautions.
[...] Les Anciens qui peignoient sur des ais faisoient un choix tout particulier du bois qui estoit le moins sujet à se corrompre. Nous voyons que les Tableaux de Raphaël & des Peintres de son temps, qui estoient sur des fonds de bois, se sont parfaitement bien conservez. Neanmoins comme la toile est plus commode, & se roule aisément quand on veut la transporter, l’on s’en est beaucoup servy, principalement depuis que l’on a peint à huile, & que la fraisque & la detrempe ne sont plus si fort en usage qu’elles estoient anciennement.
Quotation
Je sçay bien, dit Pymandre, que les Peintres ont receu un grand secours de la maniere de peindre à huile, mais ne trouvez-vous pas que ce qui est peint à fraisque a plus d’éclat & de vivacité.
Dans les grands Ouvrages, luy repartis-je, & principalement dans les voutes, où il est malaisé de trouver des jours propres pour bien voir la Peinture à huile, il est certain que la fraisque est plus commode, & plus expeditive, outre qu’elle ne se pert presque jamais que par la ruine des bastimens mesmes contre lesquels on a travaillé, comme vous avez peu voir à Rome dans ces grandes salles du Vatican, dans plusieurs autres Palais, & dans les ruës mesmes de la ville.
[…] Il est vray encore que la vivacité des couleurs se conserve mieux dans la peinture à fraisque que dans la peinture à huile qui est sujette à jaunir & à noircir, & qui se détache quand elle est contre de gros murs à cause de l’humidité, comme il se voit dans le Tableau de la Cene que Leonard de Vinci a peinte à Milan.
Quotation
Whereas in every Work there is some one entire Figure, whereunto all the particulars of the whole History ought to be principally referred, the Painter ought not to imagine, […] that therefore he shall deserve commendation, but rather discredit, for it is most certain that Work will prove offensive, where some inferiour and by matter, is more curiously handled then the principal, and the rather, because the other Parts cannot chuse but loose their Grace. A thing which hath caused divers excellent Painters (as well new) as antient […] to leave their Works imperfect, which they could not remedy any other way, then by utterly defacing that which they had done, were it never so excellent.
A most pregnant example whereof we have in that antient Painter Euphzanor ; who being to draw the Twelve gods in Athens, he began with the Picture of Neptune, which he wrought so exquisitely both for proportion, colour, and all other points ; that purposing afterwards to make Jupiter with far greater perfection, he had so spent his conceit in the First Figure that he was not able afterwards to express any of other gods, much less Jupiter) the like Disgrace happened to Zeuxes by the Naturalness of his Grapes, and the Imperfection of the Boy, not unlike unto which was that of Leon: Vincent of late Dayes, who being to Paint Christ at his last Supper in the middst of his Disciples in the Refectory of St. Maria de Gratia in Milane, and having finished all the other Apostles, he represented the tow James’s with such perfection of Grace and Majesty, that endeavouring afterwards to express Christ, he was not able to perfect and accomplish that sacred Countenance, […]. Whence my Council is ; that for the avoiding of the like Errors, we examine the original thereof, having an especial regard to our proportions ; as the cheif Cause of the grossness, slenderness, clownishness, and daintyness of Bodies : whence all the Beauty and Ill-favourdness of Pictures proceedeth ; wherefore let each Body have his true and particular proportion […].
Quotation
Notwithstanding, I am of Opinion, that it is possible to attain unto this so excellent a faculty [ndr : dans le choix des meilleures actions], (though perhaps not with that special eminency of natural facility,) as by industrious study in the knowledge of these motions ; and the causes whence they proceed. For from hence a Man may easily attain to a certain understanding, which afterwards putting in practice with patience, together with the other points, he may undoubtedly prove a judicious inventor, who never had any extraordinary natural inclination, my meaning is, that such an inventor, as guideth himself by understanding, shall attain to better perfection then the other, who is naturally indued with the dexterity, without industry and patience : for example, if a Man shall diligently peruse the whole History of Christ, out of doubt he shall gather the true Idea and Method, how he ought to represent the motions of Christ, the Apostles, the Jews, and all the rest, who had any part in that cruel Tragedy, so sufficiently, that the Mind of the beholder, shall be no less moved to pitty, tears and sorrow, at the sight of the picture, then Men are usually at the reading of the History, […].
Now amongst the worthy Painters who excelled herein, Raphael Urbine, was not the least, who performed his Works, with a Divine kind of Majesty, neither was Polidore much behind him in his kind, whose Pictures seemed as it were passing furious, nor yet Andreas Montagnea whose vain shewed a very laborious curiosity. Nor yet Leonard del Vincent, in whose doings there was never any errour found in this point : Whereof amongst all other of his works, that admirable last supper of Christ in Refect. St. Mariæ de gratia in Milane, maketh most evident proof, in which he hath so lively expressed the passions of the Apostles minds in their countenances, and the rest of their Body, that a Man may boldly say, the truth was nothing superiour to his representation, and need not be afraid to reckon it amongst the best works of Oyl-painting, […] for in those Apostles, you might distincly perceive admiration, fear, grief, suspition, love &c. all which were sometimes to be seen together in one of them, and Finally in Judas a Treason-plotting countenance, as it were the very true counterfeit of a Traitor, so that therein he hath left a sufficient argument of his rare perfection, in the true understanding of the passions of the Mind, exemplified outwardly in the Body, which because it is the most necessary part of painting, I propose (as I say) to handle in this present Treatise.
I may not omit Michael Angelo in any case, whose skill and paintfulness in this point was so great, that his Pictures carry with them more hard motions, expressed after an unufual manner, but all of them tending to a certain stout boldness. And as for Titian he hath worthily purchased the name of a greater Painter in this matter, as his Pictures do sufficiently witness ; […].
Finally, Gaudentius (though he be not much known) was inferiour unto few, in giving the apt motions to the Saints & Angels, […].
Quotation
Je sçay bien, dit Pymandre, que les Peintres ont receu un grand secours de la maniere de peindre à huile, mais ne trouvez-vous pas que ce qui est peint à fraisque a plus d’éclat & de vivacité.
Dans les grands Ouvrages, luy repartis-je, & principalement dans les voutes, où il est malaisé de trouver des jours propres pour bien voir la Peinture à huile, il est certain que la fraisque est plus commode, & plus expeditive, outre qu’elle ne se pert presque jamais que par la ruine des bastimens mesmes contre lesquels on a travaillé, comme vous avez peu voir à Rome dans ces grandes salles du Vatican, dans plusieurs autres Palais, & dans les ruës mesmes de la ville.
[…] Il est vray encore que la vivacité des couleurs se conserve mieux dans la peinture à fraisque que dans la peinture à huile qui est sujette à jaunir & à noircir, & qui se détache quand elle est contre de gros murs à cause de l’humidité, comme il se voit dans le Tableau de la Cene que Leonard de Vinci a peinte à Milan. Cependant pour ce qui regarde les Tableaux de moyenne grandeur, l’huile est plus commode et fait un meilleur effet ; parce qu’on peut retoucher davantage son ouvrage ; & que les couleurs employées avec l’huile imitent bien mieux le naturel. Si elles ne sont pas si vives ny si fraisches que celles de la peinture à fraisque ou à destrempe, les ombres en recompense en sont bien plus fortes : ce qui fait qu’on peut par ce moyen donner beaucoup plus de relief aux figures, que non pas dans les autres manieres de peindre. Nous voyons mesme de grands ouvrages à huile qui font des effets admirables, quoy que ce soit dans des voutes d’Eglise & des galeries où les jours pouroient n’estre pas si advantageux qu’à la fraisque, comme ce que l’on a peint au Louvre, aux Thuilleries & en divers autres lieux de Paris, sans parler de ces grands Tableaux du Titien & de Paul Veronese qui sont à Venise, & qui sont si merveilleux pour la beauté & la fraischeur du coloris. Car il est certain que l’on manie plus facilement les couleurs à huile ; & que dans la detrempe on ne peut bien finir une chose qu’avec la pointe du pinceau & avec une patience tres-grande ; Mais à huile un Peintre peut empaster de couleurs & retoucher son ouvrage autant de fois qu’il luy plaist : Et quand il entend bien la diminution des teintes, il a beaucoup plus de plaisir & d’avantage dans son travail. Mais il faut auparavent qu’il dispose, comme je croy vous l’avoir desja dit, les matieres propres pour ce qu’il veut faire, afin de ne pas perdre son temps sur un ouvrage qui ne dureroit que peu d’années.
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Whereas in every Work there is some one entire Figure, whereunto all the particulars of the whole History ought to be principally referred, the Painter ought not to imagine, […] that therefore he shall deserve commendation, but rather discredit, for it is most certain that Work will prove offensive, where some inferiour and by matter, is more curiously handled then the principal, and the rather, because the other Parts cannot chuse but loose their Grace. A thing which hath caused divers excellent Painters (as well new) as antient […] to leave their Works imperfect, which they could not remedy any other way, then by utterly defacing that which they had done, were it never so excellent.
A most pregnant example whereof we have in that antient Painter Euphzanor ; who being to draw the Twelve gods in Athens, he began with the Picture of Neptune, which he wrought so exquisitely both for proportion, colour, and all other points ; that purposing afterwards to make Jupiter with far greater perfection, he had so spent his conceit in the First Figure that he was not able afterwards to express any of other gods, much less Jupiter) the like Disgrace happened to Zeuxes by the Naturalness of his Grapes, and the Imperfection of the Boy, not unlike unto which was that of Leon: Vincent of late Dayes, who being to Paint Christ at his last Supper in the middst of his Disciples in the Refectory of St. Maria de Gratia in Milane, and having finished all the other Apostles, he represented the tow James’s with such perfection of Grace and Majesty, that endeavouring afterwards to express Christ, he was not able to perfect and accomplish that sacred Countenance, […]. Whence my Council is ; that for the avoiding of the like Errors, we examine the original thereof, having an especial regard to our proportions ; as the cheif Cause of the grossness, slenderness, clownishness, and daintyness of Bodies : whence all the Beauty and Ill-favourdness of Pictures proceedeth ; wherefore let each Body have his true and particular proportion […].
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Whereas in every Work there is some one entire Figure, whereunto all the particulars of the whole History ought to be principally referred, the Painter ought not to imagine, […] that therefore he shall deserve commendation, but rather discredit, for it is most certain that Work will prove offensive, where some inferiour and by matter, is more curiously handled then the principal, and the rather, because the other Parts cannot chuse but loose their Grace. A thing which hath caused divers excellent Painters (as well new) as antient […] to leave their Works imperfect, which they could not remedy any other way, then by utterly defacing that which they had done, were it never so excellent.
A most pregnant example whereof we have in that antient Painter Euphzanor ; who being to draw the Twelve gods in Athens, he began with the Picture of Neptune, which he wrought so exquisitely both for proportion, colour, and all other points ; that purposing afterwards to make Jupiter with far greater perfection, he had so spent his conceit in the First Figure that he was not able afterwards to express any of other gods, much less Jupiter) the like Disgrace happened to Zeuxes by the Naturalness of his Grapes, and the Imperfection of the Boy, not unlike unto which was that of Leon: Vincent of late Dayes, who being to Paint Christ at his last Supper in the middst of his Disciples in the Refectory of St. Maria de Gratia in Milane, and having finished all the other Apostles, he represented the tow James’s with such perfection of Grace and Majesty, that endeavouring afterwards to express Christ, he was not able to perfect and accomplish that sacred Countenance, […]. Whence my Council is ; that for the avoiding of the like Errors, we examine the original thereof, having an especial regard to our proportions ; as the cheif Cause of the grossness, slenderness, clownishness, and daintyness of Bodies : whence all the Beauty and Ill-favourdness of Pictures proceedeth ; wherefore let each Body have his true and particular proportion […].
Quotation
Notwithstanding, I am of Opinion, that it is possible to attain unto this so excellent a faculty [ndr : dans le choix des meilleures actions], (though perhaps not with that special eminency of natural facility,) as by industrious study in the knowledge of these motions ; and the causes whence they proceed. For from hence a Man may easily attain to a certain understanding, which afterwards putting in practice with patience, together with the other points, he may undoubtedly prove a judicious inventor, who never had any extraordinary natural inclination, my meaning is, that such an inventor, as guideth himself by understanding, shall attain to better perfection then the other, who is naturally indued with the dexterity, without industry and patience : for example, if a Man shall diligently peruse the whole History of Christ, out of doubt he shall gather the true Idea and Method, how he ought to represent the motions of Christ, the Apostles, the Jews, and all the rest, who had any part in that cruel Tragedy, so sufficiently, that the Mind of the beholder, shall be no less moved to pitty, tears and sorrow, at the sight of the picture, then Men are usually at the reading of the History, […].
Now amongst the worthy Painters who excelled herein, Raphael Urbine, was not the least, who performed his Works, with a Divine kind of Majesty, neither was Polidore much behind him in his kind, whose Pictures seemed as it were passing furious, nor yet Andreas Montagnea whose vain shewed a very laborious curiosity. Nor yet Leonard del Vincent, in whose doings there was never any errour found in this point : Whereof amongst all other of his works, that admirable last supper of Christ in Refect. St. Mariæ de gratia in Milane, maketh most evident proof, in which he hath so lively expressed the passions of the Apostles minds in their countenances, and the rest of their Body, that a Man may boldly say, the truth was nothing superiour to his representation, and need not be afraid to reckon it amongst the best works of Oyl-painting, […] for in those Apostles, you might distincly perceive admiration, fear, grief, suspition, love &c. all which were sometimes to be seen together in one of them, and Finally in Judas a Treason-plotting countenance, as it were the very true counterfeit of a Traitor, so that therein he hath left a sufficient argument of his rare perfection, in the true understanding of the passions of the Mind, exemplified outwardly in the Body, which because it is the most necessary part of painting, I propose (as I say) to handle in this present Treatise.
I may not omit Michael Angelo in any case, whose skill and paintfulness in this point was so great, that his Pictures carry with them more hard motions, expressed after an unufual manner, but all of them tending to a certain stout boldness. And as for Titian he hath worthily purchased the name of a greater Painter in this matter, as his Pictures do sufficiently witness ; […].
Finally, Gaudentius (though he be not much known) was inferiour unto few, in giving the apt motions to the Saints & Angels, […].
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Ainsi quand on peint à fraisque, c’est au Peintre à prendre garde que l’enduit soit de bonne chaux & de bon sable, & à faire provision des couleurs propres pour ces sortes d’ouvrages, parceque celles qui servent à peindre à huile n’y sont pas toutes également bonnes. Les plus terrestres & les moins composées sont les vrayes couleurs dont on se doit servir à fraisque. Pour travailler à huile il faut encore user des mesmes precautions.
[...] Les Anciens qui peignoient sur des ais faisoient un choix tout particulier du bois qui estoit le moins sujet à se corrompre. Nous voyons que les Tableaux de Raphaël & des Peintres de son temps, qui estoient sur des fonds de bois, se sont parfaitement bien conservez. Neanmoins comme la toile est plus commode, & se roule aisément quand on veut la transporter, l’on s’en est beaucoup servy, principalement depuis que l’on a peint à huile, & que la fraisque & la detrempe ne sont plus si fort en usage qu’elles estoient anciennement.
Quotation
Je dis donc que si dans les choses naturelles, c’est la forme qui maintient l’estre, & qui est principe de leur durée, il en est tout autrement dans les ouvrages de l’art, où la matière conserve leur forme, & les fait résister plus ou moins à l’effort des années. C’est pourquoy les Peintres qui veulent que leurs ouvrages se conservent plus long-temps, ne doivent pas negliger de travailler sur des fonds durables, & avec des couleurs qui ne passent point. Il est vray qu’ils n’ont pas toujours la liberté de choisir le fond de leurs Tableaux, estant obligez de travailler, tantost sur des murailles, tantost sur du bois, & souvent sur de la toile ; mais il est toujours dans leur pouvoir d’apporter beaucoup de soin à preparer ces divers fonds, & à chercher les couleurs qui sont les meilleures. Ainsi quand on peint à fraisque, c’est au Peintre à prendre garde que l’enduit soit de bonne chaux & de bon sable, & à faire provision des couleurs propres pour ces sortes d’ouvrages, parceque celles qui servent à peindre à huile n’y sont pas toutes également bonnes. Les plus terrestres & les moins composées sont les vrayes couleurs dont on se doit servir à fraisque. Pour travailler à huile il faut encore user des mesmes precautions.
Quotation
Je sçay bien, dit Pymandre, que les Peintres ont receu un grand secours de la maniere de peindre à huile, mais ne trouvez-vous pas que ce qui est peint à fraisque a plus d’éclat & de vivacité.
Dans les grands Ouvrages, luy repartis-je, & principalement dans les voutes, où il est malaisé de trouver des jours propres pour bien voir la Peinture à huile, il est certain que la fraisque est plus commode, & plus expeditive, outre qu’elle ne se pert presque jamais que par la ruine des bastimens mesmes contre lesquels on a travaillé, comme vous avez peu voir à Rome dans ces grandes salles du Vatican, dans plusieurs autres Palais, & dans les ruës mesmes de la ville.
[…] Il est vray encore que la vivacité des couleurs se conserve mieux dans la peinture à fraisque que dans la peinture à huile qui est sujette à jaunir & à noircir, & qui se détache quand elle est contre de gros murs à cause de l’humidité, comme il se voit dans le Tableau de la Cene que Leonard de Vinci a peinte à Milan. Cependant pour ce qui regarde les Tableaux de moyenne grandeur, l’huile est plus commode et fait un meilleur effet ; parce qu’on peut retoucher davantage son ouvrage ; & que les couleurs employées avec l’huile imitent bien mieux le naturel. Si elles ne sont pas si vives ny si fraisches que celles de la peinture à fraisque ou à destrempe, les ombres en recompense en sont bien plus fortes : ce qui fait qu’on peut par ce moyen donner beaucoup plus de relief aux figures, que non pas dans les autres manieres de peindre. Nous voyons mesme de grands ouvrages à huile qui font des effets admirables, quoy que ce soit dans des voutes d’Eglise & des galeries où les jours pouroient n’estre pas si advantageux qu’à la fraisque, comme ce que l’on a peint au Louvre, aux Thuilleries & en divers autres lieux de Paris, sans parler de ces grands Tableaux du Titien & de Paul Veronese qui sont à Venise, & qui sont si merveilleux pour la beauté & la fraischeur du coloris. Car il est certain que l’on manie plus facilement les couleurs à huile ; & que dans la detrempe on ne peut bien finir une chose qu’avec la pointe du pinceau & avec une patience tres-grande ; Mais à huile un Peintre peut empaster de couleurs & retoucher son ouvrage autant de fois qu’il luy plaist : Et quand il entend bien la diminution des teintes, il a beaucoup plus de plaisir & d’avantage dans son travail. Mais il faut auparavent qu’il dispose, comme je croy vous l’avoir desja dit, les matieres propres pour ce qu’il veut faire, afin de ne pas perdre son temps sur un ouvrage qui ne dureroit que peu d’années.
Quotation
Je sçay bien, dit Pymandre, que les Peintres ont receu un grand secours de la maniere de peindre à huile, mais ne trouvez-vous pas que ce qui est peint à fraisque a plus d’éclat & de vivacité.
Dans les grands Ouvrages, luy repartis-je, & principalement dans les voutes, où il est malaisé de trouver des jours propres pour bien voir la Peinture à huile, il est certain que la fraisque est plus commode, & plus expeditive, outre qu’elle ne se pert presque jamais que par la ruine des bastimens mesmes contre lesquels on a travaillé, comme vous avez peu voir à Rome dans ces grandes salles du Vatican, dans plusieurs autres Palais, & dans les ruës mesmes de la ville.
[…] Il est vray encore que la vivacité des couleurs se conserve mieux dans la peinture à fraisque que dans la peinture à huile qui est sujette à jaunir & à noircir, & qui se détache quand elle est contre de gros murs à cause de l’humidité, comme il se voit dans le Tableau de la Cene que Leonard de Vinci a peinte à Milan.