PADER, Hilaire, La Peinture parlante de H. Pader P. P., dédiée A Messieurs les Peintres de l'Accademie Royale de Paris, Toulouse, Arnaud Colomiez, 1657.
Tout à réitérant les préceptes du théoricie italien, le traité dialogique qu’est la Peinture parlante présente une structure discontinue, manque souvent de cohérence dans l’exposition des idées. Comme dans sa traduction de Lomazzo de 1649, le travail de Pader paraît inachevé. Le dialogue se termine avec la note « Fin de la première Partie » ; la seconde correspondant au Songe énigmatique sur la peinture universelle (1658).
Antonella Feneck Kroke
Dedication
A Messieurs les peintres de l'Accademie royale de Paris
Épître(s) at n.p.
Explication des mots et termes de la peinture at n.p.
Avis au lecteur at n.p.
Dédicace(s) at n.p.
Privilèges at n.p.
Rimes et anagrammes at n.p.
Lettre at p. 62
PADER, Hilaire, La Peinture parlante dédiée à Messieurs les peintres de l'Académie royale de Paris ; (suivi du) Songe énigmatique sur la peinture universelle, Genève, Minkoff Reprint, 1973.
CHENNEVIÈRES-POINTEL, Charles-Philippe de, Recherches sur la vie et les ouvrages de quelques peintres provinciaux de l'ancienne France, Paris, Dumoulin, 1847 - 1862, 4 vol., vol. IV [En ligne : http://bibliotheque-numerique.inha.fr/idurl/1/5783 consulté le 04/04/2018].
LESTRADE, Jean, « Hilaire Pader, peintre toulousain du XVIIe siècle d’après des documents inédits », Revue des Pyrénées, 13, 1901, p. 253-269.
DÉMORIS, René, « Le Sueur et la théorie de son temps : Abraham Bosse et Hilaire Pader », dans SERROY, Jean (éd.), Littérature et Peinture au temps de Le Sueur, Actes du colloque de Grenoble, Grenoble, Musée de Grenoble, 2003, p. 25-34.
TROUVÉ, Stéphanie, Des ténèbres de la matière aux pures lumières de la science : la peinture à Toulouse au XVIIe siècle et ses rapports avec l'art italien, Thèse de doctorat, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, 2004.
TROUVÉ, Stéphanie, « Les écrits de Molinier, Pader et Vendages de Malapeire et la peinture à Toulouse au XVIIe siècle », Dix-septième siècle, 230, 2006, p. 101-115 [En ligne : dx.doi.org/10.3917/dss.061.0101 consulté le 30/03/2018].
TROUVÉ, Stéphanie, Peinture et discours. La construction de l’école de Toulouse XVIIe-XVIIIe siècles, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016.
FILTERS
QUOTATIONS
Contours, Ce sont les lineaments (que les Peintres appellent par fois simple traict) par le moyen desquels l'œil distingue toutes les choses que l'ouvrier veut representer, et qui sans ombre & sans couleurs font paroistre sur une plate superficie, la troisiéme dimention, qui n'y est point, a sçavoir la profondeur, ce qu'ils font à l'aide des racourciments, & de la perspective
Contours, Ce sont les lineaments (que les Peintres appellent par fois simple traict) par le moyen desquels l'œil distingue toutes les choses que l'ouvrier veut representer, et qui sans ombre & sans couleurs font paroistre sur une plate superficie, la troisiéme dimention, qui n'y est point, a sçavoir la profondeur, ce qu'ils font à l'aide des racourciments, & de la perspective.
Contours, Ce sont les lineaments (que les Peintres appellent par fois simple traict) par le moyen desquels l'œil distingue toutes les choses que l'ouvrier veut representer, et qui sans ombre & sans couleurs font paroistre sur une plate superficie, la troisiéme dimention, qui n'y est point, a sçavoir la profondeur, ce qu'ils font à l'aide des racourciments, & de la perspective. De sorte que les Contours sont le premier élement de la Peinture, & du reste des Arts qui dependent du Dessein. C'est par eux qu'on discerne non seulement les choses tant naturelles qu'artificielles, mais de surcroit la différence des phisionomies, & les passions de l'âme ; à la faveur des mouvements exterieurs. Or si les susdits Contours doivent estre marquez ou non, quand on peint, c'est un poinct tres delicat : puis que les Venitiens, & la plus part des Lombards les confondent dans le champ, & que les Romains Sectateurs du dessein les affectent. C'est pourquoy je renvoye le curieux aux riches Traicté de la peinture du Lomasse. Et neanmoint je diray en passant, que si la lumiere esclaire le corps opaque terminé, plus par derriere que par devant, il faut que le Contour soit net du costé que la lumiere frape ; ce qui doit estre entendu des corps Spheriques, & non de la plus part de ceux de l'Architecture qui ont leurs bornes (quelque disposition qu'ait la lumiere) nettes & sans cette confusion, ou pour mieux dire, savant mélangé que les italiens appellent Abagliamento.
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Et neanmoint je diray en passant, que si la lumiere esclaire le corps opaque terminé, plus par derriere que par devant, il faut que le Contour soit net du costé que la lumiere frape ; ce qui doit estre entendu des corps Spheriques, & non de la plus part de ceux de l'Architecture qui ont leurs bornes (quelque disposition qu'ait la lumiere) nettes & sans cette confusion, ou pour mieux dire, savant mélangé que les italiens appellent Abagliamento.
C'est qu'auparavant que le Peintre mette la main au Crayon, il faut que le premier Dessein ait precedé, qui est l'intention de ce qu’il veut representer, & en suite que le Dessein idéal de la mesme histoire qu'il veut faire soit tracé au blanc de son esprit avant qu'il le couche sur le papier
C'est qu'auparavant que le Peintre mette la main au Crayon, il faut que le premier Dessein ait precedé, qui est l'intention de ce qu’il veut representer, & en suite que le Dessein idéal de la mesme histoire qu'il veut faire soit tracé au blanc de son esprit avant qu'il le couche sur le papier : si c'est une fuite en Egypte & que l'Ouvrier ait l'intention de la representer à la descente d'une Montaigne, au passage d'une Riviere, ou qu’ils se reposent. Chacune de ces intentions fait un Dessein en blot [sic], qu'il faut enfanter par le moyen des parties qui le composent. Si c'est la descente par la representation de la Vierge qui porte avec grande précaution, le petit Jesus entre ses bras, tandis que Joseph conduit la Mule, & que les Anges leur rendent de bons offices, & les escortent en ce voyage. Les beaux esprits des hommes seulement litterez peuvent mesmes arriver jusqu’icy, touchant les Desseins ideals
Dessein, Le mien en cet endroit est de faire connoistre qu'il y en a de deux façons, dont les premiers sont universels, veu que personne n'agit sans dessein, & les seconds sont particuliers, & appartiennent proprement aux Peintres. […] le second qui appartient purement aux Peintres, ne peut estre executé que par ceux qui sçavent portraire. Voicy le rapport que je trouve avec le premier. C'est qu'auparavant que le Peintre mette la main au Crayon, il faut que le premier Dessein ait precedé, qui est l'intention de ce qu’il veut representer, & en suite que le Dessein idéal de la mesme histoire qu'il veut faire soit tracé au blanc de son esprit avant qu'il le couche sur le papier : si c'est une fuite en Egypte & que l'Ouvrier ait l'intention de la representer à la descente d'une Montaigne, au passage d'une Riviere, ou qu’ils se reposent. Chacune de ces intentions fait un Dessein en blot [sic], qu'il faut enfanter par le moyen des parties qui le composent. Si c'est la descente par la representation de la Vierge qui porte avec grande précaution, le petit Jesus entre ses bras, tandis que Joseph conduit la Mule, & que les Anges leur rendent de bons offices, & les escortent en ce voyage. Les beaux esprits des hommes seulement litterez peuvent mesmes arriver jusqu’icy, touchant les Desseins ideals ; Mais ce qui suit appartient purement au Peintre (quoy qu'il soit sous la mesme Cathegorie des Idées). Et c'est l'arrangement historique des figures qu’on a arresté de representer, c’est-à-dire l’Assiette, & Ies gestes qu'on leur veut donner. Apres il faut exprimer sur le papier promptement, (afin qu'en recherchant les parties, la belle disposition du total n'eschape,) ce qui a esté imaginé. Et ces premiers Desseins s'appellent Esquis, ou Broüillards, apres lesquels on fait un autre dessein, qu’on acheve jusqu’à ses moindres parties, et ou nous espreuvons la verité de ce Proverbe Italien, qui dit del dir al fatto ch’é grand tratto, Veu que le plus souvent il ne nous reussit pas comme nous nous l’estions proposé, ou les estropiements & autres deffauts, sont les fourvoyements & autres mauvais accidents qui arrivent à ceux qui ont entrepris un voyage, ou autre affaire, sous la premiere sorte de desseins que j'ay nommés universels, & desquels je n'ay pas entendu parler en mes vers, ains [sic] de ceux qui sont faits avec du Crayon, sur le papier.
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[…] ce qui suit appartient purement au Peintre (quoy qu'il soit sous la mesme Cathegorie des Idées). Et c'est l'arrangement historique des figures qu’on a arresté de representer, c’est-à-dire l’Assiette, & les gestes qu'on leur veut donner. Apres il faut exprimer sur le papier promptement, (afin qu'en recherchant les parties, la belle disposition du total n'eschape) ce qui a esté imaginé. Et ces premiers Desseins s'appellent Esquis, ou Broüillards, apres lesquels on fait un autre dessein, qu’on acheve jusqu’à ses moindres parties […].
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Cartons, ce sont des Desseins aussi grands que l’ouvrage qu'on veut peindre à Frais, & pour l'ordinaire, on n'y fait que les seuls Traits ou Contours, fort corrects pourtant, ce qu'on fait sur de grandes feuilles de papier, proprement jointes ensemble, jusqu’à ce qu’elles fassent la juste grandeur de la piece qu'on veut peindre, & de la vient leur nom.
Cartons, ce sont des Desseins aussi grands que l’ouvrage qu'on veut peindre à Frais, & pour l'ordinaire, on n'y fait que les seuls Traits ou Contours, fort corrects pourtant, ce qu'on fait sur de grandes feuilles de papier, proprement jointes ensemble, jusqu’à ce qu’elles fassent la juste grandeur de la piece qu'on veut peindre, & de la vient leur nom. Parce que CARTA, en Italien veut dire Papier : l'Enduite estant faite par le Masson sur la muraille, de ce que le Peintre juge pouvoir achever cette journée, il attache son Carton dessus, calque les Contours (qui demeurent imprimez sur l'enduite) avec l’Ante du pinceau (c’est le manche) […].
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l'Enduite estant faite par le Masson sur la muraille, de ce que le Peintre juge pouvoir achever cette journée, il attache son Carton dessus, calque les Contours (qui demeurent imprimez sur l'enduite) avec l’Ante du pinceau (c’est le manche) […].
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Flouet, c'est tenir sa Peinture bien nourrie de couleurs, & arrondie qui est le vray moyen de representer la chair potelée, & proprement ce qu'on dit en Italien Morbido e Pastoso.
Pastel, ce sont des crayons, composez de toutes les couleurs dont on se sert pour peindre, broyées à destrempe en y adjoustant un peu de Plastre. On se sert de dits crayons pour desseigner, sur le papier gris ou bleu, Et la Noblesse se peut fort bien servir d'iceux, pour faire des Portraits colorez au naturel & autres choses, sans estre obligez à se mesler parmy les huilles. Léonard d’Avince, selon le grand Lomasse excella en cette façon de desseigner.
Maniere, c’est comme le Stille parmy les Poëtes & comme ils sont divers, les Manieres le sont aussi ; De telle sorte que je trouve qu'il y a grande relation des Peintres aux Poëtes. Le Docte Lomasse fait voir la conformité qui se trouve entre les Ouvrages des plus fameux Peintres d’Italie & les Stiles des plus excellents Poëtes de la mesme nation ; […] En un mot autant de Stiles parmy les Poëtes, autant de manieres entre les Peintres. On dit, je cognois que ce tableau est de telle main par la maniere. Un tel suie la maniere d'un tel, &c.
L’Anatomie, c’est une figure de plastre ou de cire, qui represente le corps humain escorché, ou l’Anatomie exterieure. On la fait pour avoir une plus nette cognoissance des muscles & de leurs scituations : Celle de Baccius Bandinelli est estimée : celle d’un Medecin Italien, bon Sculpteur, encore plus, Et celle que l'Academie de Peintres garde a Rome, encore audelà des precedentes, estant grande comme nature, aussi fut elle moulée sur le naturel, les Peintres ayant eu permission de ce faire par le Sénat, qui leur fit delivrer le corps d'un patient tres bien proportionné, sur lequel les Creux furent faits, & ensuite le plastre jetté dans iceux, d'où sortit la figure Anatomique, que le Seigneur Dom Domaso Saltarelli Prieur des trois fontaines m'avoit proposé de faire modeller du temps que j’estois à Rome, chez le sieur Nicolo Tornioli Peintre du Prince Cardinal de Savoye.
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Ronde-bosse, est proprement les Statuës destachées de la muraille, & achevées de tous les costez, où la demy-bosse n'a que quelques parties d'estachées du champ. Le Bas-relief est encore plus plat : & la Basse-taille l'est à tel point que c'est la Peinture des Sculpturs [sic], aussi nomment ils leurs Tableaux cette sorte d’ouvrages, qui font tous jours plus secs, que les nostres, c’est-à-dire plus rudes.
Un Academie, c'est une figure desseignée conformement au Modelle qui est un homme que les Peintres payent pour les servir en le despoüillant tout nud, & qu'ils mettent en Acte, c'est-à-dire en posture, d'où ledit Modelle ne doit bouger sans en advertir les Escoliers qui desseignent dans l’Academie, d'où leurs figures tirent leur nom.
L’Outremer, est un azur tres fin, & le plus beau que le Peintre puisse employer, il s'en fait de si riche qu'il couste au delà de l’or, veu qu'il y en a, de quarante à cinquante escus l'once : On le tire par un grand artifice du l'Apis Lazuli qui est marquetée de petites estoilles d'or, aussi dit-on que c'est la mere veine de ce Roy des métaux ; Ce qui est croyable; puis qu’elle a beaucoup de raport avec l'or, & sur tout en ce qu'elle resiste à l'examen du feu d'où elle sort avec sa premiere beauté. Voyla pourquoy les Peintres experts font rougir la lame d'un couteau lorsqu'ils veulent achepter l'Outremer, & en mettent un peu dessus, observant s'il change de couleur, auquel cas il est falsifié Ou il faut remarquer, que toutes les pierres d'où sont tirez les Azurs, se trouvent dans les mines, ou au voisinage de celles des metaux, & que selon l'imperfection d’iceux, les Azurs qui en proviennent le sont aussi, quelque belle monstre qu'ils ayent en apparence ; Voyla pourquoy ils deviennent livides & obscurs au susdit examen, s'ils sont d'une mine où il y ait de Plomb : Si de l'estaing, sandrés : Si de celle du fer, jaune ou rouge sale : & vert si c'est des mines de cuyvre, à cause du Vitriol qui y abonde selon les Philosophes Chimiques. De sorte que la longueur du temps fait sur les Tableaux une partie des effects que la lame rougie fait en peu d'espace ausdits Azurs, ce qui n'arrive point au vray Outremarin qui morgue le temps & les flammes; les bons Peintres (j’entens les grands Coloristes & qui sont bien payez) en mettent dans les carnations pour les rendre plus nobles & les faire tenir. Quelques-uns l'appellent Azur-d'Acre, d'où sans doubte a esté tiré celuy d'Outremer, parce qu'anciennement cet Azur estoit apporté d'Acre, ville sur le bord de la mer de ludée, & que les voyages qui se font en ces lieux font appeliez d'outremer.
La Draperie, est un terme de Peinture, pour exprimer en général toute sorte d'habits, ou pour les bien faire les Peintres s'aydent d’un homme de bois qui est le Manequin, […] un Peintre adroit en tire un grand soulagement pour bien Draper, c'est parler en Peintre, pour exprimer qu'on fait bien touttes estoffes, qui peuvent estre achevées avec loisir parce que l'action estant arrestée, & le Manequin habillé rien ne bouge
La Draperie, est un terme de Peinture, pour exprimer en général toute sorte d'habits, ou pour les bien faire les Peintres s'aydent d’un homme de bois qui est le Manequin, […] un Peintre adroit en tire un grand soulagement pour bien Draper, c'est parler en Peintre, pour exprimer qu'on fait bien touttes estoffes, qui peuvent estre achevées avec loisir parce que l'action estant arrestée, & le Manequin habillé rien ne bouge, si les Vis de fer pressent fort les boules : ll est vray que la grande chaleur de l'Esté est contraire, parce que le bois venant à le restraindre les boules tournent quelque-fois d'elles mesmes, se trouvant au large : Voylà pourquoy le Peintre doit estre commode pour avoir les choses qui luy sont necessaires, à sçavoir un lieu humide pour l'Esté, & un chaud pour l'Hiver.
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le Peintre doit estre commode pour avoir les choses qui luy sont necessaires, à sçavoir un lieu humide pour l'Esté, & un chaud pour l'Hiver. Lieux escartez & solitaires, afin que par la distraction des visites, il n'interrompe son estude : Ou avant de commencer son ouvrage il doit conferer avec ceux qui sont entendus en la Peinture, pourvoir si la disposition de son Histoire est noble, & l'arrangement des figures qui la composent tel que l’Art le requiert, & apres avoir examiné leur conseil, le prendre s'il le juge à propos (parce qu'il y a bien souvent des envieux). Le Dessein estant arrêté l’Ouvrier doit commencer, poursuivre & achever son ouvrage en repos, & ne point souffrir qu'on voye son Tableau qu'il ne soit fini, au peril de passer pour fantasque, & capricieux ; autrement il fera contraint d’essuyer mille affronts, mais je dis de si sensibles qu'ils le desgouteront de poursuivre à bien faire.
Le coloris est une partie tres importante en la Peinture, les discourents médiocrement versez en cét Art confondent le Coloris avec le maniment du Pinceau, & s'imaginent que le bien Peindre fait le bon Coloriste. Ils se trompent pourtant ; puis qu'un Tableau peut estre bien peint de blanc & noir, que nous appelions grisaille, où l'on ne peut pas dire qu'il y ait cette belle partie du Coloris ; surquoy il faut observer qu'un grand maniment de Pinceau est différent d'un grand maniment de couleurs, & qu'un Tableau peut estre bien nourry de couleurs, & partir d'un pinceau franc & net, sans estre ny bien coloré, ny bien Desseigné, de mesme il peut estre bien Desseigné, mal peint, & mal coloré.
Cru, C'est lors que les corps sont allumez d'un grand jour & que neantmoins l'Ouvrier fait les ombres extrêmement fortes, & qui coupent contre les lumières, sans cet arrondissement & meslange imperceptible qui cause l'agréement a l'œil, aussi telles manieres de peindre offensent la veüe des spectateurs. Il ne se faut pas mesprendre quand on parle des Tableaux & croire que Sec & Crû, soit la mesme chose ; Veu que la maniere seiche est non seulement celle qui a le Dessein descharné, mais qui de surcroit n'est pas chargée de couleurs, le Tableau ayant esté peu couvert de couleurs, avec des stompes (qui sont des Pinceaux esmoussez,) & des broüesses courtes : Où la maniere crue peut estre dite telle, quoy que bien nourrie de couleurs, le deffaut provenait de l'intelligence des lumieres & des ombres.
Il ne se faut pas mesprendre quand on parle des Tableaux & croire que Sec & Crû, soit la mesme chose ; Veu que la maniere seiche est non seulement celle qui a le Dessein descharné, mais qui de surcroit n'est pas chargée de couleurs, le Tableau ayant esté peu couvert de couleurs, avec des stompes (qui sont des Pinceaux esmoussez,) & des broüesses courtes : Où la maniere crue peut estre dite telle, quoy que bien nourrie de couleurs, le deffaut provenait de l'intelligence des lumieres & des ombres.
S’actionner, c'est faire quelque posture hardie & violente: quand les Academistes de la Peinture parlent des Modelles, ils disent qu’un tel modelle s'actionne mieux qu'un tel.
Apres, c’est un pur terme de Peinture. Nous disons cette teste, ce corps, cette draperie, &c. est apres nature, ou apres le Vif, ce Tableau vient d’Apres le tel, cette figure vient d'Apres la bosse, &c.
La Lacque est une couleur qui se tire de la tondure d'Escarlate, aussi fait elle un rouge tres vif, celle qu'on faisoit autrefois estoit meilleure que celle qu'on vend presentement, aussi les Escarlates estoient plus visves & moins communes, l'avidité du gain cause tous ces desordres, puis que le desir de s'enrichir tout à coup, fait que les hommes ne donnent plus à ces marchandises que l'apparence de la bonte qu'elles ont eu autrefois.
Ressentis les Peintres usent de cette façon de parler pour exprimer qu'un corps est fort musclé ; & quand les dits muscles ne paroissent point, ils disent, il n'est point ressenti (parlant du Modelle) ou si au contraire, il a les muscles ressentis,
Le Fils Monsieur, si ces Contours dès le commencement,
Me font voir que je fais si peu d’avancement,
Si je suis déja las et n’ay fait que portraire,
Si je travaille tant à suivre un exemplaire,
Quelle sera ma peine à mesme que les Ans
De mes difficultez se rendront partisans ?
Ne pouvant acquerir la simple Portraiture,
Certes je perds courage, et ces difficultez
Bornent de mon esprit les nobles facultez.
[ndr : Le Père] Tu dois doncques mon fils d’un jugement plus sain
Des yeux de ton esprit penetrer mon dessin,
[…]
Pour bien Peindre il te faut suivre le naturel
Marchant sur un chemin droit et continuel.
[ndr : Le Père] Tu dois doncques mon fils d’un jugement plus sain
Des yeux de ton esprit penetrer mon dessin,
[…]
Pour bien Peindre il te faut suivre le naturel
Marchant sur un chemin droit et continuel.
Le F. Me faut-il simplement imiter la nature
Pour devenir fameux en l’Art de la Peinture ?
{2. Precepte très important}
Le P. Il la faut imiter, mais c’est adroitement ;
Car il ne suffit pas d’imiter simplement ;
Puis qu’il n’est rien de beau, rare, charmant, & juste
Qui n’ai quelque defaut, & que l’Art ne l’ajuste.
Pour bien Peindre il te faut suivre le naturel
Marchant sur un chemin droit et continuel.
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Pour bien Peindre il te faut suivre le naturel
Marchant sur un chemin droit et continuel.
Le F. Me faut-il simplement imiter la nature
Pour devenir fameux en l’Art de la Peinture ?
{2. Precepte très important}
Le P. Il la faut imiter, mais c’est adroitement ;
Car il ne suffit pas d’imiter simplement ;
Puis qu’il n’est rien de beau, rare, charmant, & juste
Qui n’ai quelque defaut, & que l’Art ne l’ajuste.
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{3. Que la proportion est la premiere classe de la Peinture.}
Si tu veux parvenir à la Perfection
Jette tes fondements sur la Proportion. […]
Et pour y reüssir ne te figure pas
Qu’il faille abandonner la reigle & le compas.
{4. Qu’elle a besoin de la Geometrie & de l’Arithmetique.}
Sois un peu Geometre et dans cette pratique
Observe que son fonds vient de l’Arithmetique,
Dont les nombres font voir que cét Art precieux
Pour ouvrir nostre esprit fut envoyé des Cieux,
Prends garde toutefois que l’excés de ses charmes
Ne t’arrache des mains de plus utiles armes,
Et si ton soin luy donne un jour d’attention
Qu’il en consacre trois à la proportion.
La proportion est une des parties de la peinture pour Pader (qui reprend Lomazzo)
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Suy le docte Lomasse, admire ce grand homme,
Puis qu’il sert de conduite aux plus grands sçavants de Rome,
Et ne m’allegue pas un tas de Peintrillons
Qui sans Art, ni raison, ne sont que de broüillons :
Vrais broüillons, barboüilleurs de tables et de toiles
Quand bien leur nom fameux iroit jusqu’aux Etoiles,
Imite ce qui peut leur avoir reussi ;
Mais quant à leurs erreurs n’en use pas ainsi.
{5. Divers talents des Peintres}
Quelques-uns au Dessein ont esté consommez ;
Mesmes quand au dessein, les uns par leur addresse
Ont marié la force à la molle tendresse.
D’autres à qui le Ciel versa le haut Talent
D’un genie inventif, resolu, violent,
N’ont manqué d’autre choses en cette promptitude
Que de la temperer par le poids de l’estude :
Et d’un raisonnement prudent, sage, discret
Du Stille plus pompeux attraper le secret.
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{5. Divers talents des Peintres}
Quelques-uns au Dessein ont esté consommez ;
Mesmes quand au dessein, les uns par leur addresse
Ont marié la force à la molle tendresse.
D’autres à qui le Ciel versa le haut Talent
D’un genie inventif, resolu, violent,
N’ont manqué d’autre choses en cette promptitude
Que de la temperer par le poids de l’estude :
Et d’un raisonnement prudent, sage, discret
Du Stille plus pompeux attraper le secret.
[…]
Cangiasio [ndr : Luca Cambiaso] fut le nom de cét Ouvrier habile
Dont le Pinceau fecond ne fut jamais debile :
J’ay veu de grands palais qu’il peignit des deux mains
Sans faire les Cartons, Traçant tous les Desseins
De l’ante du pinceau, et presque sans estude
Son pinceau paroissoit voler de Promptitude,
L’escurial de luy tint les corps renversez,
Bisarres, furieux, l’un sur l’autre entassez,
Luy qui dans ce caprice espouvantable et sombre
Fait un grand pelotton de figures sans nombre.
[…]
{Cangiasio & Tintoret extraordinairement prompts dans leur Peinture.}
Tel fut du Titien le Disciple admirable
Dont le pinceau ronflant fut presque inimitable,
Car si Lucas fut viste on dit que Tintoret
Ne luy ceda jamais et qu’il fut plus correct.
Cangiasio [ndr : Luca Cambiaso] fut le nom de cét Ouvrier habile
Dont le Pinceau fecond ne fut jamais debile :
J’ay veu de grands palais qu’il peignit des deux mains
Sans faire les Cartons, Traçant tous les Desseins
De l’ante du pinceau, et presque sans estude
Son pinceau paroissoit voler de Promptitude,
L’escurial de luy tint les corps renversez,
Bisarres, furieux, l’un sur l’autre entassez,
Luy qui dans ce caprice espouvantable et sombre
Fait un grand pelotton de figures sans nombre.
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Les Lombards […]
Paroissent absolus pour le grand Coloris,
Leur pinceau franc et net d’une force discrette
Charme nostre intellect par sa vertu secrette,
Icy le Ticien et l’Illustre d’Urbin
Font paroistre l’esclat de leur stille divin.
{7. Correge Peintre autant excellant qu’infortuné.}
Mais sans les offenser, celuy qui sous la rouë
De l’aveugle deesse accable de la bouë
A peine peut hausser et sa teste et ses mains
Surmonta les Lombards et ravit les Romains :
[…]
Correge corrigeant tous les deffauts des corps
Obligea la nature à de pareils efforts,
Nature le Cœur gros de dépit et de honte
De voir qu’un seul mortel ses ouvrages surmonte
École lombarde
École romaine
IL CORREGGIO (Antonio Allegri)
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
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Correge corrigeant tous les deffauts des corps
Obligea la nature à de pareils efforts,
Nature le Cœur gros de dépit et de honte
De voir qu’un seul mortel ses ouvrages surmonte
Par d’imparfaits desseins à des parfaits Tableaux
Soûleve lâchement un deluge de maux,
Mais contre leur attaque, il sçeut bien se deffendre
Et sortit du Combat comme un autre Alexandre.
Dans le riche traité de la proportion [ndr : de Lomazzo]
Expliquant sa Doctrine et son intention,
[ndr : Lomazzo] Nous dit que la prudence des bons Peintres ordonne
{10. Precepte important pour l’optique]
De joindre autant et plus qu’un object abandonne
De sa juste grandeur, par son esloignement ;
Si l’on veut esviter un lourd achoppement ;
Puis qu’a mesme que l’œil s’éloigne d’une chose
L’Angle Pyramidal dont le Conus repose
Au centre de la veuë amoindrit peu a peu,
Tant, que finalement cét object n’est plus veu.
La Peinture Parlante
p. 15-16 [PDF 43-44]
{11. Le mouvement seconde classe de la Peinture}
Le P. De la proportion comme du fondement
Il te faudra passer dedans le Mouvement,
Et des secrets ressorts que son secret nous porte
La Figure animer qui s’embloit estre morte.
[…]
L’on s’abuse en effet de donner l’action
Si c’est au detriment de la proportion
Dans le riche traité de la proportion [ndr : de Lomazzo]
Expliquant sa Doctrine et son intention,
[ndr : Lomazzo] Nous dit que la prudence des bons Peintres ordonne
{10. Precepte important pour l’optique]
De joindre autant et plus qu’un object abandonne
De sa juste grandeur, par son esloignement ;
Si l’on veut esviter un lourd achoppement ;
Puis qu’a mesme que l’œil s’éloigne d’une chose
L’Angle Pyramidal dont le Conus repose
Au centre de la veuë amoindrit peu a peu,
Tant, que finalement cét object n’est plus veu.
La Peinture Parlante
p. 15-16 [PDF 43-44]
{11. Le mouvement seconde classe de la Peinture}
Le P. De la proportion comme du fondement
Il te faudra passer dedans le Mouvement,
Et des secrets ressorts que son secret nous porte
La Figure animer qui s’embloit estre morte.
[…]
L’on s’abuse en effet de donner l’action
Si c’est au detriment de la proportion
Outre que la plus part en cet endroit se trompent,
Et foibles Esquifs sur ce rocher se rompent ;
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Outre que la plus part en cet endroit se trompent,
Et foibles Esquifs sur ce rocher se rompent ;
{12. Prudence avoir en la distribution du mouvement.}
N’est-ce pas ce tromper de faire violent
Le geste d’un craintif, lors qu’il doit estre lent :
N’est-ce pas s’égarer et peindre à l’aventure,
De croire d’exceller en la rare Peinture,
En donnant de la force à tous genres de corps.
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{12. Prudence avoir en la distribution du mouvement.}
N’est-ce pas ce tromper de faire violent
Le geste d’un craintif, lors qu’il doit estre lent :
N’est-ce pas s’égarer et peindre à l’aventure,
De croire d’exceller en la rare Peinture,
En donnant de la force à tous genres de corps.
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[ndr : le Père] Si le pinceau se meut sous une docte main,
Il nous fait distinguer l’Ibere du germain :
L’Irlandais blanc & blond, de ceux de la contrée
Où l’eau sans de grains d’or n’est jamais rencontrée :
Le barbare Affriquain, du noir More frizé
Et le Mahometan, du peuple Baptizé
Donnant l’air, la couleur, la Phisionomie.
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Le F. Dois-je pas consulter plustost l’Anatomie ?
Le P. Il te la faut sçavoir, mon fils, legerement,
Le F. Je Croyais que ce fust le premier Element.
Qu’il nous falut de là commencer la Carrière,
Et par l’ombre d’un corps en avoir la Lumière :
Que ce corps despoüillé des graces de la peau
Fut la source pourtant de celles d’un Tableau
[…]
Le P. Il nous suffit pourtant d’une seule Figure ;
Puis que les muscles ont mesme forme et figure
Tant au Corps gresle et long qu’au corps robuste et court
Et qui gros et quarré paroist terrestre et lourd
[…]
Icy la Ronde-bosse amene son secours,
Et nous monstre en tous sens la force des contours :
[…]
Prens garde toutes-fois que par l’Anatomie
Tels Corps ne soient pas trop secs en ton Academie ;
Fay chois d’un beau Modelle, et pour le mouvement,
Mets l’Acte avec ardeur, et par fois mollement,
Selon la passion qui dans le Corps domine
Changeant suivant le temps, l’âge, le poil, la mine.
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Le P. Il nous suffit pourtant d’une seule Figure ;
Puis que les muscles ont mesme forme et figure
Tant au Corps gresle et long qu’au corps robuste et court
Et qui gros et quarré paroist terrestre et lourd
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Icy la Ronde-bosse amene son secours,
Et nous monstre en tous sens la force des contours
Prens garde toutes-fois que par l’Anatomie
Tels Corps ne soient pas trop secs en ton Academie ;
Fay chois d’un beau Modelle, et pour le mouvement,
Mets l’Acte avec ardeur, et par fois mollement,
Selon la passion qui dans le Corps domine
Changeant suivant le temps, l’âge, le poil, la mine.
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Le mouvement se réfère ici aussi bien aux mouvements de l'âme qu'à ceux du corps.
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{14. L’actitude qui aproche de la forme endoiante de la flamme donne un grand esprit aux figures.}
Ce n’est pas que le geste approchant de la flame
Qui rend le corps sujet aux passions de l’âme
Comme le principal ne soit fort à propos ;
Mais puis que certains corps panchent vers le repos,
Et que pour exceller en la rare Peinture
Nous devons imiter les effets de la nature ;
C’est chopper lourdement et manquer de discours,
De faire en tous les corps l’enflure des contours
D’une pareille force, et pour paroistre habile,
Monstrer evidemment qu’on a l’esprit debile.
{14. L’actitude qui aproche de la forme endoiante de la flamme donne un grand esprit aux figures.}
Ce n’est pas que le geste approchant de la flame
Qui rend le corps sujet aux passions de l’âme
Comme le principal ne soit fort à propos ;
Mais puis que certains corps panchent vers le repos,
Et que pour exceller en la rare Peinture
Nous devons imiter les effets de la nature ;
Et que pour exceller en la rare Peinture
Nous devons imiter les effets de la nature
{Des Nudités}
Lors qu’il [ndr : Nicolas Poussin] fait des Vénus nos sens sont interdits :
Par le raport des yeux il charme nos esprits,
Une vertu secrette incontinent enflame
Le sang plus espuré qui sert de loge à l’ame.
Que si ses nudités causent l’émotion,
Il nous porte d’ailleurs à la devotion,
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{Des Nudités}
Lors qu’il [ndr : Nicolas Poussin] fait des Vénus nos sens sont interdits :
Par le raport des yeux il charme nos esprits,
Une vertu secrette incontinent enflame
Le sang plus espuré qui sert de loge à l’ame.
Que si ses nudités causent l’émotion,
Il nous porte d’ailleurs à la devotion,
Et le mesme lien qu’il employe au martyre,
Nous esloignant du monde, au firmament nous tire.
{Des Tableaux de Devotion.}
S’il represente un Christ environné de Juifs,
Les secrets mouvemens d’une telle peinture
Portent dans nostre sein une saincte pointure
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{Des Mysteres joyeux.}
Si ce qu’il [ndr : Nicolas Poussin] nous dépeint touchant la passion
Donne aux cœurs moins devots de la compassion,
Les mystères joyeux que sa main nous presente
Sont faits d’une manière agreable et sçavante.
La face de la Vierge [ndr : peinte par Nicolas Poussin] invite le Chrestien
D’admirer de son corps le pudique maintien ;
Puis que ce rare ouvrier l’a mise avec aisance,
Sans que rien soit forcé, dedans la bien-seance.
Le manteau qu’elle porte a droit de nous charmer ;
Non parce qu’il paroist coloré d’Outremer,
Ma d’autant que les plis sont faits avec adresse,
Et font voir tout à coup, la force et la tendresse.
Certes c’est un chef-d’œuvre, et ce chef-d’œuvre est tel
Qu’il merite à bon droit qu’on l’ait mis sur l’Autel ;
Il n’est point de Tableau, qui d’abord ne luy cede
Et les beautés de cent luy tout seul les possede.
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J’ay veu de ses Tableaux [ndr : de Nicolas Poussin], et voudrois bien sçavoir
Si pour la draperie il faut tout sans rien voir ;
Ou si le Manequin propre à tant de postures
Luy sert de prototype à drapper ses figures.
{16. Le Manequin inutile à draper les figures qui sont dans des postures agitées.}
[…]
Car bien qu’un manequin, sur les jointures roule
À la faveur des Vis qui serrent chaque boule :
Si nous voyons pourtant malgré tous leurs efforts
Que les gestes qu’il fait sont languissants et morts.
[…]
Et puis qu’un bon ouvrier le grand secret attrape,
Et les ruses de l’art, quand sa figure il drape,
S’il marque par les plis la rare nudité,
Esvitant du faux jour la fiere Crudité ;
N’est-on pas dans l’abus, alors qu’on se figure
De bien marquer le Nû, apres telle figure.
J’ay veu de ses Tableaux [ndr : de Nicolas Poussin], et voudrois bien sçavoir
Si pour la draperie il faut tout sans rien voir ;
Ou si le Manequin propre à tant de postures
Luy sert de prototype à drapper ses figures.
{16. Le Manequin inutile à draper les figures qui sont dans des postures agitées.}
[…]
Car bien qu’un manequin, sur les jointures roule
À la faveur des Vis qui serrent chaque boule :
Si nous voyons pourtant malgré tous leurs efforts
Que les gestes qu’il fait sont languissants et morts.
Conceptual field(s)
Et puis qu’un bon ouvrier le grand secret attrape,
Et les ruses de l’art, quand sa figure il drape,
S’il marque par les plis la rare nudité,
Esvitant du faux jour la fiere Crudité ;
N’est-on pas dans l’abus, alors qu’on se figure
De bien marquer le Nû, apres telle figure.
[…] je te dis que le drap doit suivre les contours :
Hormis qu’il fut si gros que par sa lourde masse
Le ply sans quelque effort ne bougeat de sa place ;
Car selon que le geste est faible ou violent
Et que le drap est gros, le ply vient prompt ou lent
Il faut rendre l’effet conforme à la matiere,
Et le faire grossier si l’estoffe est grossiere.
Mille et mille Tableaux d’excessive valeur
Ont pour fondement, l’esclat de la couleur :
Qui n’est qu’un accident qui peut, ou ne peut estre
En un mesme sujet sans qu’il change son estre […]
{La seule couleur ne suffit pas pour exprimer les passions.}
{La seule couleur ne suffit pas pour exprimer les passions.}
{19. Que l’actitude est la principale piece.}
C’est par le mouvement que nous pouvons connoistre
Le Roy dans son Palais, le moine dans son Cloistre,
Par le geste l’on voit le Soldat genereux
Se rendre different du bon Bourgeois peureux :
Tout despend du dessein dont la douce manie
Du Peintre intelligent le rare esprit manie
D’autant qu’il connoist bien sa grace et ses appas
Qui prend pour fondement la regle et le compas,
Les nombres, les raisons, d’où provient l’Eurithmie
De la sombre laideur la plus grande ennemie ;
C’est elle qui paroist comme un divin flambeau
Et répend ses clartez sur le front d’un tableau ;
C’est elle qui fait voir mesme au milieu des armes
Au throsne de la mort, les attraits et les charmes.
C’est par elle qu’un monstre affreux, horrible et laid
Soûs un cuir escaillé nous estonne et nous plait ;
Rendant par ses accords son harmonie telle
Que l’horreur s’apprivoise, et la laideur vient belle,
Son pouvoir se découvre encore mieux aux corps nuds
Et fait voir son esclat en celuy de Venus :
Il y faut plus de grace et beaucoup plus d’estude ;
L’esprit du sçavant Peintre icy doit s’éveiller
Et s’aider des escrits pour la bien habiller.
Choisissant des Latins le Prince des Poètes.
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Tout despend du dessein dont la douce manie
Du Peintre intelligent le rare esprit manie
D’autant qu’il connoist bien sa grace et ses appas
Qui prend pour fondement la regle et le compas,
Les nombres, les raisons, d’où provient l’Eurithmie
De la sombre laideur la plus grande ennemie ;
C’est elle qui paroist comme un divin flambeau
Et répend ses clartez sur le front d’un tableau ;
C’est elle qui fait voir mesme au milieu des armes
Au throsne de la mort, les attraits et les charmes.
C’est par elle qu’un monstre affreux, horrible et laid
Soûs un cuir escaillé nous estonne et nous plait ;
Rendant par ses accords son harmonie telle
Que l’horreur s’apprivoise, et la laideur vient belle,
Son pouvoir se découvre encore mieux aux corps nuds
Et fait voir son esclat en celuy de Venus
Conceptual field(s)
Tout despend du dessein dont la douce manie
Du Peintre intelligent le rare esprit manie
D’autant qu’il connoist bien sa grace et ses appas
Qui prend pour fondement la regle et le compas,
Les nombres, les raisons, d’où provient l’Eurithmie
De la sombre laideur la plus grande ennemie ;
C’est elle qui paroist comme un divin flambeau
Et répend ses clartez sur le front d’un tableau ;
C’est elle qui fait voir mesme au milieu des armes
Au throsne de la mort, les attraits et les charmes.
C’est par elle qu’un monstre affreux, horrible et laid
Soûs un cuir escaillé nous estonne et nous plait ;
Rendant par ses accords son harmonie telle
Que l’horreur s’apprivoise, et la laideur vient belle,
Son pouvoir se découvre encore mieux aux corps nuds
Et fait voir son esclat en celuy de Venus :
Il y faut plus de grace et beaucoup plus d’estude ;
L’esprit du sçavant Peintre icy doit s’éveiller
Et s’aider des escrits pour la bien habiller.
Choisissant des Latins le Prince des Poètes.
Tout despend du dessein dont la douce manie
Du Peintre intelligent le rare esprit manie
D’autant qu’il connoist bien sa grace et ses appas
Qui prend pour fondement la regle et le compas,
Les nombres, les raisons, d’où provient l’Eurithmie
De la sombre laideur la plus grande ennemie ;
Conceptual field(s)
{21. Modelles habillés de papier sont à rejetter.}
Le F. Dois-je mouiller le linge à bien marquer le Nû ?
Le P. Fort bien. Le F. Et le papier ?
Le P. Non, car il fait trop Crû,
Ses plis sont mal-suivis, fiers, rudes, Angulaires
Et les surfaces sont aspres, triangulaires ;
Outre que la clarté perçant ce foible corps
Fait des ombrages doux et tout joignant des forts ;
De façon que notre œil par cét effet contraire
Méprise la copie autant que l’exemplaire.
Ces petits Marmousets de bois et de papier
Par leur oppacité sont crus comme l’assier,
Et leurs habits flottants que la clarté penetre
Son comme des chassis mis sur une fenestre.
{22. Contre le Manequin.}
[Le F.] Adieu lourd attirail, et de fer et de bois,
Manequin importun qui m’as [sic] lassé les doigts
Lors que le triste Hyver de sa moite froidure
Enfloit trop chaque boulle en sa juste enboiture
Et qui souvent trop lasche au milieu des estés
Contre l’ordre prescrit tournois de tous costés.
[…]
[ndr : Le P.] Mais non qu’il [ndr : le Manequin] fut pourtant tout à fait inutile,
[…]
Ainsi le Manequin cét homme fait de bois
Pourra du moins servir pour faire un sainct François,
D’ont l’acte modéré, devot, melancolique
Doit estre d’un vray sage et non d’un frenetique.
Il nous offrira encor son soing officieux
Pour faire les habits d’autres Religieux.
[…]
Croy moy le Manequin quoy qu’il soit peu dispos,
Et que toute sa chaire soit dure comme un os ;
Nous rend un bon office à peindre les estoffes,
Des Moines, des Prelats, des Roys, des Philosophes,
Et sur tout le Brocat, qui comme je t’ay dis,
Un damas assez fort d’or et d’argent roidit.
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{27. Des Prelats & des autres personnes serieuses.}
[ndr : Le P.] On ne doit jamais peindre une action bizarre
Sous l’hermine Royale et moins sous la Tyarre.
Sans cette bien-seance un excez de chaleur
Sous le bandeau Royal feroient [sic] un basteleur ;
[…]
Prens donc garde mon fils, ce que je dis,
Et fuy, si tu les peins, les gestes estourdis.
Voy comme la posture affable et temperée
Accompagne un Prelat dans sous sa chappe dorée.
[…]
Leur maintien [ndr : du pape et et du roi] grave et doux doit par nostre artifice
Paroistre magnanime et non plein de caprice.
La plus part du beau monde a dans ses fonctions
De la grace en son geste et dans ses actions.
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Leur maintien [ndr : du pape et et du roi] grave et doux doit par nostre artifice
Paroistre magnanime et non plein de caprice.
La plus part du beau monde a dans ses fonctions
De la grace en son geste et dans ses actions.
L’homme qui naist sous elle [Lune] a les yeux presque noirs,
Et pour réver tout seul cherche des promenoirs.
Sa stature est fort haute et pour sa chaire poupine
Mesle à beaucoup de blanc un peu de Lacquefine.
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C’est en ce beau traité [Lomazzo] sans autre Academie
Que l’on se rend sçavant en Phisionomie,
Les coloris des chaires, les inégalités
Qui des quatre Elements tirent leurs qualités.
{29. Pour peindre la Melancholie.}
Là pour un bel exemple à la Melancholie
Il [Lomazzo] represente Adam tombé dans la folie