FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes. Seconde partie, Paris, Sébastien Mabre-Cramoisy, 1672, 5 vol., vol. II.
Sa forme littéraire, l’entretien, lui donne une dimension didactique et pédagogique que ne possède pas le genre du traité ou de la biographie. De plus, cela permet de légitimer la plume de l’auteur qui n’est pas un artiste mais qui a acquis son savoir auprès de Poussin et en le regardant peindre. En dressant une histoire des peintres de l’Antiquité jusqu’au XVIIe siècle – les peintres vivants ne sont pas évoqués – l’ouvrage de Félibien aborde les notions fondamentales nécessaire à la compréhension de la théorie de l’art.
Dans le second volume des Entretiens paru en 1672, les notions de grâce et de beauté occupent une place aussi importante que dans le premier. Alors que le troisième entretien concerne le corps humain et retrace les vies de Polidoro da Caravaggio, de Jules Romain et de Sebastiano del Piombo – tout en s’attardant sur le respect du « costume » qui participe du savoir historique – le quatrième entretien traite quant à lui du dessein, incarné par Michel-Ange. Félibien associe cette partie de la peinture – qu’il place au-dessus de la couleur – à l’idée de beauté et prolonge ses réflexions sur le corps en évoquant ses proportions et ses mouvements.
Matthieu Lett et Marianne Freyssinet
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes. Seconde édition, Paris, Sébastien Mabre-Cramoisy, 1685 - 1688, 2 vol.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres, anciens et modernes. Seconde édition, Paris, Florentin et Pierre Delaulne, 1690, 2 vol.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes. Seconde édition, Paris, Denys Mariette, 1696, 2 vol.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes. Nouvelle édition augmentée des Conférences de l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture, avec le Recueil historique de la vie et des ouvrages des plus célèbres architectes, FÉLIBIEN, Jean-François (éd.), Amsterdam, Estienne Roger, 1700, 4 vol.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, par Mr. Félibien, Secrétaire de l'Académie des Sciences & Historiographe du Roi, Nouvelle édition revue, corrigée & augmentée des Conférences de l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture, London, David Mortier, 1705, 4 vol.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, par Mr. Félibien, Secrétaire de l'Académie des Sciences & Historiographe du Roi. Nouvelle édition revue, corrigée et augmentée des Conférences de l'Académie Royale de Peinture & de Sculpture, De l'Idée du Peintre parfait & des Traitez des Desseins, des Estampes, de la Connoissance des Tableaux & du Goût des Nations, Amsterdam, Estienne Roger, 1706, 4 vol.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, avec la Vie des architectes, par Monsieur Félibien. Nouvelle édition revue, corrigée & augmentée des Conférences de l'Académie Royale de Peinture & de Sculpture ; De l'Idée du Peintre parfait, des Traitez de la miniature, des Desseins, des Estamps, de la connoissance des Tableaux, & du Goût des Nations ; De la Description des Maisons de Campagne de Pline, & de celle des Invalides, FÉLIBIEN, Jean-François (éd.), Trévoux, Imprimerie de Son Altesse Sérénissime, 1725, 6 vol.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, avec la vie des architectes; with an introductory note by Sir Anthony F. Blunt, BLUNT, Anthony (éd.), Farnborough, Gregg Press, 1967.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes, Genève, Minkoff Reprint, 1972, 3 vol.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes. Entretiens I et II. Introduction, établissement du texte et notes par René Démoris, DÉMORIS, René (éd.), Paris, Les Belles Lettres, 1987.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes. Entretiens I et II. Introduction, établissement du texte et notes par René Démoris, DÉMORIS, René (éd.), Paris, Les Belles Lettres, 2007.
VAN HELSDINGEN, Hans Willem, « Body and Soul in French Art Theory of the Seventeenth Century after Descartes », Simiolus. Netherlands Quarterly for the History of Art, 11/1, 1980, p. 14-22 [En ligne : http://www.jstor.org/stable/3780510 consulté le 24/10/2016].
THUILLIER, Jacques, « Pour André Félibien », Dix-septième siècle, 138, 1983, p. 65-95.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes. Entretiens I et II. Introduction, établissement du texte et notes par René Démoris, DÉMORIS, René (éd.), Paris, Les Belles Lettres, 1987.
DÉMORIS, René, « Félibien. Biographie, théorie et histoire dans les "Entretiens" », dans WASCHEK, Matthias (éd.), Les vies d’artistes , Actes du colloque de Paris, Paris, Musée du Louvre Éd. - École nationale supérieure des Beaux-Arts, 1996, p. 177-193.
ROSENBERG, Raphael, « André Félibien et la description de tableaux. Naissance d'un genre et professionnalisation d'un discours », Revue d’esthétique. La naissance de la théorie de l’art en France 1640-1720, 31-32, 1997, p. 149-159.
DIONNE, Ugo, « Félibien dialoguiste : les "Entretiens" sur les vies des peintres », Dix-septième siècle, 210, 2001, p. 49-74 [En ligne : www.cairn.info/revue-dix-septieme-siecle-2001-1-page-49.htm consulté le 05/01/2015].
BONFAIT, Olivier, « Félibien lecteur de Bellori : des "Vite de’ pittori moderni" aux "Entretiens sur les plus excellens peintres" », dans BONFAIT, Olivier (éd.), L’idéal classique : les échanges artistiques entre Rome et Paris au temps de Bellori, Actes du colloque de Rome, Roma - Paris, Somogy - Académie de France à Rome, 2002, p. 86-104.
FRICHEAU, Catherine, « L’entretien des arts entre eux », Nouvelle revue d’esthétique, 4, 2009, p. 49-60 [En ligne : www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-d-esthetique-2009-2-page-49.htm consulté le 05/01/2015].
STANIC, Milovan, « Aimer Rome et Paris comme Anvers et Venise ? La peinture vénitienne dans la querelle du coloris au XVIIe siècle », dans HOCHMANN, Michel (éd.), Venise et Paris, 1500 – 1700. La peinture vénitienne de la Renaissance et sa réception en France, Actes du colloques de Bordeaux et Caen, Genève, Droz, 2011, p. 177-192.
MÉROT, Alain, « "Manières" et "modes" chez André Félibien : les premières analyses du style de Nicolas Poussin », dans LE BLANC, Marianne, POUZADOUX, Claude et PRIOUX, Évelyne (éd.), L’Héroïque et le champêtre. Volume I. Les catégories stylistiques dans le discours critique sur les arts, Actes du colloque international de Paris, Paris, Presses universitaires de Paris Ouest, 2014, p. 187-203.
GERMER, Stefan, Art, pouvoir, discours : la carrière intellectuelle d'André Félibien dans la France de Louis XIV, Paris, Éd. de la Maison des sciences de l’homme, 2016.
FILTERS
QUOTATIONS
La plus grande perfection dans la Peinture, luy repartis-je, c'est de faire que toutes les qualitez du corps conviennent à la personne qu'on veut representer, soit dans la force des membres, soit dans la couleur de la chair. Par exemple, une belle femme, ou un jeune homme de condition, doivent avoir le corps blanc, délicat, & gratieux, comme dans le Tableau de Corege, dont je vous ay déja parlé, où il y a un Saint Jean tout nud, qui s'enfuit du Jardin des Olives, & dans celuy du Titien, qui est à l'Hostel de Sourdis, où Venus retient Adonis.
La plus grande perfection dans la Peinture, luy repartis-je, c'est de faire que toutes les qualitez du corps conviennent à la personne qu'on veut representer, soit dans la force des membres, soit dans la couleur de la chair. Par exemple, une belle femme, ou un jeune homme de condition, doivent avoir le corps blanc, délicat, & gratieux, comme dans le Tableau de Corege, dont je vous ay déja parlé, où il y a un Saint Jean tout nud, qui s'enfuit du Jardin des Olives, & dans celuy du Titien, qui est à l'Hostel de Sourdis, où Venus retient Adonis. Car si vous remarquez le Coloris de cette Déesse, vous y verrez une grande tendresse, & dans celuy du Chasseur vous y connoistrez comme un homme moins délicat, & qui s'adonne aux exercices penibles, doit avoir la chair plus haute en couleur : Mais un vieillard qui sera representé plus maigre, & plus décharné, doit avoir la chair plus basannée, & plus brune, de mesme qu'un Soldat, & un Marinier, qui sont ordinairement dans le travail, & qui ont le corps nud, & exposé à l'air, & au Soleil : […].
ANONYME, Antinoüs du Belvédère, le Lantin, v. 117 - v. 138, marbre, h. 195, Vatican, Vatican, Museo Pio-Clementino, MV_907_0_0.
ANONYME, Apollon du Belvédère, v. 130 - v. 140, marbre, h. 224, Vatican, Vatican, Museo Pio-Clementino, inv. 1015.
GLYKON D'ATHÈNES, Hercule Farnèse, Ier siècle après J.-C., marbre, h. 317, Napoli, Museo archeologico nazionale di Napoli, inv. 6001.
TIZIANO (Tiziano Vecellio), Venus et Adonis, 1554, huile sur toile, 186 x 207, Madrid, Museo del Prado, P00422.
Conceptual field(s)
Il y a mesme dans cét Art, comme dans la Peinture, ce qu'on appelle goust ; & chaque Ouvrier a le sien. C'est une disposition de l'esprit, qui, selon sa force, & la netteté de ses pensées, regarde les choses d'une telle maniére, qu'il en voit toûjours le plus beau, & donne un tour agréable à tout ce qu'il veut faire.
La grande facilité qu'il [ndr : Maître Roux, Rosso Fiorentino] avoit à desseigner estoit cause qu'il n'estudioit pas assez l'antique & le naturel. Aussi toutes ses Figures sont, pour user des termes de l'Art, maniérées, & ne sont pas naturelles.
Ce terme est ici appliqué aux figures
Conceptual field(s)
[…] je vous ay parlé des Graveurs en Pierres, qui en effet ont esté les premiers Inventeurs de ce que l'on nomme la Taille-douce. Car son origine vient de MASO FINIGUERRA Florentin, qui travailloit d'Orfévrerie en 1460. Il avoit de coustume de faire une emprainte de terre de toutes les choses qu'il gravoit sur de l'argent, pour émailler. Et comme il jettoit dans ce moule de terre du souffre fondu, ces derniéres empraintes estant frotées d'huile & de noir de fumée, elles representoient la mesme chose que ce qui estoit gravé sur l'argent. Il trouva ensuite moyen d'avoir les mesmes figures sur du papier, en l'humectant, & passant un rouleau bien uni pardessus l'emprainte : ce qui luy réüssit si bien, que non seulement ces figures paroissoient imprimées, mais mesme desseignées avec la plume.
Conceptual field(s)
Francesque Parmesan a aussi gravé plusieurs piéces, où l'on voit qu'il s'est servi du burin & de l'eau forte. La maniére de graver à l’eau forte que l'on trouva alors est une invention tres-avantageuse, & d'une grande utilité ; car quoy que les Estampes n'en soient pas si nettes que des planches qui sont gravées avec le burin, neanmoins il y a beaucoup plus d'art & d'esprit.
J'avouë repartis-je, que la plus grande satisfaction qu'on puisse recevoir en considerant un Tableau, c'est qu'au mesme temps que les yeux voient avec joye le beau mélange des couleurs, & l'artifice du pinceau, l'esprit apprenne quelque chose de nouveau dans l'invention du sujet, & dans la fidelle representation de l'action que le Peintre a prétendu faire voir.
Chez Félibien, la couleur relève de l’œil, par opposition au dessein qui relève davantage de l’esprit.
Conceptual field(s)
Chez Félibien, la couleur relève de l’œil, par opposition au dessein qui relève davantage de l’esprit.
Conceptual field(s)
J'avouë repartis-je, que la plus grande satisfaction qu'on puisse recevoir en considerant un Tableau, c'est qu'au mesme temps que les yeux voient avec joye le beau mélange des couleurs, & l'artifice du pinceau, l'esprit apprenne quelque chose de nouveau dans l'invention du sujet, & dans la fidelle representation de l'action que le Peintre a prétendu faire voir. Et l'on ne peut bien s'instruire, si l'action n'est représentée avec toute la vraysemblance possible. Or cette vraysemblance consiste à rappeler une idée des choses passées, & en former une image, où tout ce qui se pouvoit rencontrer alors soit exactement observé.
Conceptual field(s)
Peut-on dire que ce Peintre [ndr : Michel-Ange] ait eû le moindre talent de la Peinture, puis qu’il ne sçait ni observer la verité de l’Histoire, ni garder une agréable convenance dans les figures, & moins encore l’honnesteté, si necessaire à un tel sujet, ni enfin ce grand mode dans l’Art d’exprimer les choses ?
Que pensez-vous [ndr : Pymandre] que soient en comparaison du dessein toutes les autres parties, dont vous avez parlé avec tant d’éclat ; comme la bienséance, c’est à dire, la maniére de traitter l’Histoire avec toute la vraysemblance qu’elle demande ; la Perspective mesme, si vous voulez ; & j’y ajousteray encore les couleurs, & la maniere de traitter les jours et les ombres que j’estime beaucoup ? Toutes ces choses ne sont rien au prix du dessein, parce qu’elles ne subsistent que sur cette premiére partie, sans laquelle un Ouvrage ne peut estre plein que de grands défauts. [...] Voilà en quoy consiste le dessein : c’est luy qui marque exactement toutes les parties du corps humain, qui découvre ce qu’un Peintre sçait dans la science des os, des muscles, & des veines ; c’est luy qui donne la ponderation aux corps pour les mettre en équilibre, & empescher qu’il ne semblent tomber, & ne pas se soustenir sur leur centre ; c’est luy qui fait paroistre dans les bras, dans les jambes, & dans les autres parties, plus ou moins d’effort, selon les actions plus fortes ou plus foibles qu’ils doivent faire ou souffrir ; c’est luy qui marque sur les traits du visage toutes ces differentes expressions qui découvrent les inclinations & les passions de l’ame ; c’est enfin luy qui sçait disposer les vestemens, & placer toutes les choses qui entrent dans une grande ordonnance, avec cette symmetrie, cette belle entente, & cét Art merveilleux, que l’on admire dans les travaux des plus grands hommes, sans que les couleurs mesmes soient necessaires pour faire comprendre ce qu’ils ont voulu representer.
Conceptual field(s)
Sans les opposer et tout en indiquant bien qu’il a une grande « estime » pour elles, Félibien place ici les couleurs comme une des parties de la peinture, laissant au seul dessin le statut de fondement.
Conceptual field(s)
L'on ne peut pas soustenir qu'il [ndr : Michel-Ange] n'ait eû aucun talent de la Peinture, puis qu'il est certain que jamais homme n'en a mieux possédé les principes, personne n'ayant mieux desseigné que luy, & le dessein estant le fondement de cét Art. Que pensez-vous [ndr : Pymandre] que soient en comparaison du dessein toutes les autres parties, dont vous avez parlé avec tant d’éclat ; comme la bienséance, c’est à dire, la maniére de traitter l’Histoire avec toute la vraysemblance qu’elle demande ; la Perspective mesme, si vous voulez ; & j’y ajousteray encore les couleurs, & la maniere de traitter les jours et les ombres que j’estime beaucoup ? Toutes ces choses ne sont rien au prix du dessein, parce qu’elles ne subsistent que sur cette premiére partie, sans laquelle un Ouvrage ne peut estre plein que de grands défauts. [...] Le grand effort de cét Art est lors que la main exécute heureusement, & par des traits bien formez, ce que l’esprit a conceû, en sorte que ces traits & ces figures exposent à la veüe les vraies images des choses qu’on veut representer ; mais de telle sorte, qu’il y ait une belle proportion dans les corps, & une vive expression dans leurs actions, & dans leurs mouvemens. Voilà en quoy consiste le dessein : c’est luy qui marque exactement toutes les parties du corps humain, qui découvre ce qu’un Peintre sçait dans la science des os, des muscles, & des veines ; c’est luy qui donne la ponderation aux corps pour les mettre en équilibre, & empescher qu’il ne semblent tomber, & ne pas se soustenir sur leur centre ; c’est luy qui fait paroistre dans les bras, dans les jambes, & dans les autres parties, plus ou moins d’effort, selon les actions plus fortes ou plus foibles qu’ils doivent faire ou souffrir ; c’est luy qui marque sur les traits du visage toutes ces differentes expressions qui découvrent les inclinations & les passions de l’ame ; c’est enfin luy qui sçait disposer les vestemens, & placer toutes les choses qui entrent dans une grande ordonnance, avec cette symmetrie, cette belle entente, & cét Art merveilleux, que l’on admire dans les travaux des plus grands hommes, sans que les couleurs mesmes soient necessaires pour faire comprendre ce qu’ils ont voulu representer.
Conceptual field(s)
Que pensez-vous [ndr : Pymandre] que soient en comparaison du dessein toutes les autres parties, dont vous avez parlé avec tant d’éclat ; comme la bienséance, c’est à dire, la maniére de traitter l’Histoire avec toute la vraysemblance qu’elle demande ; la Perspective mesme, si vous voulez ; & j’y ajousteray encore les couleurs, & la maniere de traitter les jours et les ombres que j’estime beaucoup ? Toutes ces choses ne sont rien au prix du dessein, parce qu’elles ne subsistent que sur cette premiére partie, sans laquelle un Ouvrage ne peut estre plein que de grands défauts.
Conceptual field(s)
Que pensez-vous [ndr : Pymandre] que soient en comparaison du dessein toutes les autres parties, dont vous avez parlé avec tant d’éclat ; comme la bienséance, c’est à dire, la maniére de traitter l’Histoire avec toute la vraysemblance qu’elle demande ; la Perspective mesme, si vous voulez ; & j’y ajousteray encore les couleurs, & la maniere de traitter les jours et les ombres que j’estime beaucoup ? Toutes ces choses ne sont rien au prix du dessein, parce qu’elles ne subsistent que sur cette premiére partie, sans laquelle un Ouvrage ne peut estre plein que de grands défauts. On voit assez de gens, qui sans grande étude mettent des Bastimens en Perspective : il ne faut pour cela qu’une regle & un compas ; l’étude, non pas de plusieurs années, mais de peu de jours, voire de quelques heures, & un peu de pratique les rend assez habiles.
Ici, Félibien fait référence à la perspective géométrique.
Conceptual field(s)
Le grand effort de cét Art est lors que la main exécute heureusement, & par des traits bien formez, ce que l’esprit a conceû, en sorte que ces traits & ces figures exposent à la veüe les vraies images des choses qu’on veut representer ; mais de telle sorte, qu’il y ait une belle proportion dans les corps, & une vive expression dans leurs actions, & dans leurs mouvemens.
Conceptual field(s)
Voilà en quoy consiste le dessein : c’est luy qui marque exactement toutes les parties du corps humain, qui découvre ce qu’un Peintre sçait dans la science des os, des muscles, & des veines ; c’est luy qui donne la ponderation aux corps pour les mettre en équilibre, & empescher qu’il ne semblent tomber, & ne pas se soustenir sur leur centre ; c’est luy qui fait paroistre dans les bras, dans les jambes, & dans les autres parties, plus ou moins d’effort, selon les actions plus fortes ou plus foibles qu’ils doivent faire ou souffrir ; c’est luy qui marque sur les traits du visage toutes ces differentes expressions qui découvrent les inclinations & les passions de l’ame ; c’est enfin luy qui sçait disposer les vestemens, & placer toutes les choses qui entrent dans une grande ordonnance, avec cette symmetrie, cette belle entente, & cét Art merveilleux, que l’on admire dans les travaux des plus grands hommes, sans que les couleurs mesmes soient necessaires pour faire comprendre ce qu’ils ont voulu representer.
Conceptual field(s)
Chez Félibien, la symétrie relève du dessein et est l’une des composantes essentielles de la beauté, avec les proportions.
Conceptual field(s)
Le grand effort de cét Art est lors que la main exécute heureusement, & par des traits bien formez, ce que l’esprit a conceû, en sorte que ces traits & ces figures exposent à la veüe les vraies images des choses qu’on veut representer ; mais de telle sorte, qu’il y ait une belle proportion dans les corps, & une vive expression dans leurs actions, & dans leurs mouvemens. Voilà en quoy consiste le dessein : c’est luy qui marque exactement toutes les parties du corps humain, qui découvre ce qu’un Peintre sçait dans la science des os, des muscles, & des veines ; c’est luy qui donne la ponderation aux corps pour les mettre en équilibre, & empescher qu’il ne semblent tomber, & ne pas se soustenir sur leur centre ; c’est luy qui fait paroistre dans les bras, dans les jambes, & dans les autres parties, plus ou moins d’effort, selon les actions plus fortes ou plus foibles qu’ils doivent faire ou souffrir ; c’est luy qui marque sur les traits du visage toutes ces differentes expressions qui découvrent les inclinations & les passions de l’ame ; c’est enfin luy qui sçait disposer les vestemens, & placer toutes les choses qui entrent dans une grande ordonnance, avec cette symmetrie, cette belle entente, & cét Art merveilleux, que l’on admire dans les travaux des plus grands hommes, sans que les couleurs mesmes soient necessaires pour faire comprendre ce qu’ils ont voulu representer.
Il est vray, répondis-je, que ce mot [ndr : dessein] est pris en divers sens parmi les Peintres ; car ils appellent dessein, l’esquisse d’un Tableau, ou le projet de quelque Ouvrage, representé seulement sur du papier avec le crayon, ou à la plume.
Mais le mot de dessein, dans sa plus ordinaire signification, & comme je m’en suis servi en parlant de Michel-Ange, est proprement les traits avec lesquels le Peintre represente les choses qu’il doit imiter, indépendamment du coloris, des jours & des ombres, & cét assemblage de lignes diversement contournées, par le moyen desquelles on forme les figures.
Mais le mot de dessein, dans sa plus ordinaire signification, & comme je m’en suis servi en parlant de Michel-Ange, est proprement les traits avec lesquels le Peintre represente les choses qu’il doit imiter, indépendamment du coloris, des jours & des ombres, & cét assemblage de lignes diversement contournées, par le moyen desquelles on forme les figures. Or il ne faut pas douter que cette partie ne soit, comme je vous ay dit, la premiére & la plus essentielle de la Peinture, puis qu’en vain un Peintre auroit appris ce qui regarde l’histoire, la fable & les expressions, s’il ne sçavoit les representer dignement par le moyen du dessein.
Il y a, comme je vous ay dit, plusieurs choses dans cét Art qui concernent la Theorie, & lesquelles, pour peu de jugement qu’un Peintre puisse avoir, il luy est aisé de s’en servir quand il sçait bien desseigner : Mais le dessein dépend de la pratique ; il faut que la main agisse avec l’esprit ; & c’est une chose tellement difficile, qu’il se trouve des personnes si malheureuses, qu’encore qu’elles ayent une passion tres-grande de bien faire, & qu’elles passent les jours & les nuits à étudier, elles ont néanmoins une main si lourde, & qui répond si peu à la volonté, qu’elles ne peuvent representer ce qui est devant leurs yeux ou dans leur esprit, de la maniére qu’elles le voient, ou qu’il doit estre.
Conceptual field(s)
Mais le dessein dépend de la pratique ; il faut que la main agisse avec l’esprit ; & c’est une chose tellement difficile, qu’il se trouve des personnes si malheureuses, qu’encore qu’elles ayent une passion tres-grande de bien faire, & qu’elles passent les jours & les nuits à étudier, elles ont néanmoins une main si lourde, & qui répond si peu à la volonté, qu’elles ne peuvent representer ce qui est devant leurs yeux ou dans leur esprit, de la maniére qu’elles le voient, ou qu’il doit estre.
Pymandre m’interrompant, Je voy bien, dit-il, qu’en termes de Peinture, le mot de dessein a diverses significations. C’est pourquoi, afin que je tire de nostre entretien toute l’utilité que je desire, souffrez que je vous demande ce que vous entendez particuliérement par le mot dessein, lors qu’il semble que vous en attribuez toute la perfection à Michel-Ange. Il est vray, répondis-je, que ce mot [ndr : dessein] est pris en divers sens parmi les Peintres ; car ils appellent dessein, l’esquisse d’un Tableau, ou le projet de quelque Ouvrage, representé seulement sur du papier avec le crayon, ou à la plume. On appelle encore dessein la pensée, ou la volonté qu’on a de faire quelque chose ; ainsi avant que d’arrester quelque histoire, un Peintre dit qu’il en a formé le dessein dans son esprit. Mais le mot de dessein, dans sa plus ordinaire signification, & comme je m’en suis servi en parlant de Michel-Ange, est proprement les traits avec lesquels le Peintre represente les choses qu’il doit imiter, indépendamment du coloris, des jours & des ombres, & cét assemblage de lignes diversement contournées, par le moyen desquelles on forme les figures. Or il ne faut pas douter que cette partie ne soit, comme je vous ay dit, la premiére & la plus essentielle de la Peinture, puis qu’en vain un Peintre auroit appris ce qui regarde l’histoire, la fable & les expressions, s’il ne sçavoit les representer dignement par le moyen du dessein. Il y a, comme je vous ay dit, plusieurs choses dans cét Art qui concernent la Theorie, & lesquelles, pour peu de jugement qu’un Peintre puisse avoir, il luy est aisé de s’en servir quand il sçait bien desseigner : Mais le dessein dépend de la pratique ; il faut que la main agisse avec l’esprit ; & c’est une chose tellement difficile, qu’il se trouve des personnes si malheureuses, qu’encore qu’elles ayent une passion tres-grande de bien faire, & qu’elles passent les jours & les nuits à étudier, elles ont néanmoins une main si lourde, & qui répond si peu à la volonté, qu’elles ne peuvent representer ce qui est devant leurs yeux ou dans leur esprit, de la maniére qu’elles le voient, ou qu’il doit estre.
Conceptual field(s)
Il [ndr : Albert Durer] n’a pas pensé en étudiant chaque chose en particulier, qu’elles font un autre effet toutes ensemble ; & que dans une grande ordonnance de figures, la distance qu’il faut à l’œil pour les considerer, les fait paroistre d’une autre maniére que quand on les regarde de prés, & separément.
[…] dans le mesme temps qu’on desseigne les parties d’un corps, il faut sçavoir le rapport & la belle proportion qu’elles doivent avoir les unes avec les autres, afin de ne pas manquer dans la composition du tout ensemble.
Car comme ils [ndr : les Peintres] appellent l’ordonnance d’un Tableau cét assemblage de toutes les figures qui le composent, ils nomment aussi l’attitude de la figure, la situation & la disposition de tous ses membres.