BAILLET DE SAINT-JULIEN, Louis-Guillaume, Réflexions sur quelques circonstances présentes. Contenant deux lettres sur l’exposition des tableaux au Louvre cette année 1748. A.M. le Comte de R***. Et une autre lettre à Monsieur de Voltaire au sujet de la Tragédie de Semiramis, s. l., s.n., s.d.
Les Réflexions… composent un recueil hétéroclite : deux lettres rendant compte de l’exposition organisée en 1748 par l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture dans le Salon carré du Louvre, dont la première est pourvue de notes (« Remarques servant d’éclaircissemens … ») ; une troisième lettre qui livre un éloge en vers de la dernière pièce de Voltaire. Bien qu’aucune publication antérieure ne nous soit parvenue, il est possible que ces différents éléments aient d’abord été diffusés séparément (Manceau, 2014, p. 98).
Au début de la première lettre, Baillet prétend rapporter l’avis du « Public », suivre l’ordre de l’exposition (p. 3), et privilégier l’éloge au blâme en se focalisant sur les « morceaux de choix ». Toutefois, à l'instar de La Font de Saint-Yenne, il rejette la veine exclusivement louangeuse adoptée jusque-là par la critique de salon, pour pointer aussi bien les qualités que les défauts des œuvres. Dans ses commentaires critiques, Baillet recourt à un vocabulaire riche et précis, mais qu’il prend rarement la peine de définir. La sélection de passages que nous avons retenue n’est donc que partiellement révélatrice des conceptions sur l’art qui sont alors celles de Baillet de Saint-Julien : elle ne concerne que les aspects qu’il a jugé nécessaire d’expliciter.
Le commentaire critique s’accompagne ici et là de descriptions plus ou moins longues, rédigées en prose ou en vers et parfois empruntées à d’autres auteurs. Comme les ekphraseis antiques dont elles sont les lointaines héritières, les descriptions s’attachent en particulier au sujet des œuvres. Concernant la manière, elles se bornent ainsi à noter l’effet trompeur lié à la ressemblance d’un portrait, sans enrichir l’appréciation grâce au lexique exploité par l’auteur dans les jugements de valeur qu’il porte sur les œuvres.
Mathilde Bert
- Réflexions sur l’Exposition des Tableaux cette année 1748, à Monsieur le Comte de R***, p. 3-16
- Seconde Lettre à Monsieur le Comte de R***. Sur le même sujet, p. 17-25
- Remarques servant d’éclaircissemens ou de preuves à différens endroits de ces Réflexions, p. 26-30
- Lettre à Monsieur de Voltaire, p. 31
- Vers. Sur la Tragédie de Sémiramis, p. 32
BAILLET DE SAINT-JULIEN, Louis-Guillaume, Réflexions sur quelques circonstances présentes contenant deux lettres sur l’exposition des tableaux au Louvre cette année 1748, Lettre sur la peinture, la sculpture et l’architecture, Lettres sur la peinture à un amateur, Lettre à Mr. Ch. (Chardin) sur les caractères en peinture, La peinture : poème suivi des caractères des peintres actuellement vivants, Genève, Minkoff Reprint, 1972.
ZMIJEWSKA, Hélène, « La critique des Salons en France avant Diderot », Gazette des Beaux-Arts, LXXVI, 1970, p. 1-144.
MANCEAU, Nathalie, « De la critique d’art à la collection : Baillet de Saint-Julien ou le parcours d’un amateur », Diderot Studies, 2009, p. 345-367 [En ligne : http://www.jstor.org/stable/23390538 consulté le 15/02/2018].
MANCEAU, Nathalie, « Baillet de Saint-Julien, la théorie d'une peinture pour un spectateur exigeant », dans MICHEL, Christian et MAGNUSSON, Carl (éd.), Penser l’art dans la seconde moitié du XVIIIe siècle : théorie, critique, philosophie, histoire, Actes du colloque de Lausanne, Paris, Somogy, 2013, p. 221-234.
MANCEAU, Nathalie, Guillaume Baillet de Saint-Julien, 1726-1795 : un amateur d’art au XVIIIe siècle, Paris, Honoré Champion, 2014.
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QUOTATIONS
Le Sallon a offert cette année cent dix-sept Tableaux […]. Comme toute description doit être extrêmement bornée, pour ne point ennuyer, je ne vous entretiendrai que des morceaux de choix & qui m’ont frappé avec tout le Public ; de cette façon, vous le voyez, je ne décide rien & c’est le mieux. Je me servirai de la critique, parce qu’elle honore les talens ausquels elle s’attache, & par la méme raison j’en ferai grace à d’autres ouvrages, qui ne la méritent pas.
Remarquons que Baillet ne se réclame plus du public en 1755 : « Ce n’est pas l’avis du Public que je donne ici, c’est le mien » (Lettre sur le Sallon de 1755, adressée à ceux qui la liront [Amsterdam, 1755])
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M. Aved […] a exposé différens Portraits, tous également bien touchés, & qui soutiennent parfaitement le grand nom qu’il s’est acquit dans ce genre.
M. Aved […] a exposé différens Portraits, tous également bien touchés, & qui soutiennent parfaitement le grand nom qu’il s’est acquit dans ce genre. Il n’est point pour ces attitudes fieres & de recherche, qui le plus souvent sortent de la nature, ou du moins empêchent de la reconnoître : une élégante & noble simplicité est plus de son goût, très-louable en cela. Je n’ai trouvé d’imperfection que dans son coloris, il m’a semblé trop cru ;
M. Aved […] a exposé différens Portraits, tous également bien touchés, & qui soutiennent parfaitement le grand nom qu’il s’est acquit dans ce genre. Il n’est point pour ces attitudes fieres & de recherche, qui le plus souvent sortent de la nature, ou du moins empêchent de la reconnoître : une élégante & noble simplicité est plus de son goût, très-louable en cela. Je n’ai trouvé d’imperfection que dans son coloris, il m’a semblé trop cru ; je n’y ai point reconnu des chairs telles qu’en offre la nature. Les portraits de M. Le Sueur acheveront d’éclaircir ma réflexion […] ; la chair y est mieux exprimée & ils ont un bien plus grand air de vérité.
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M. Venet [sic] a envoyé de Rome quatre Tableaux, entr’autres deux marines. Dans la premiere est représenté un clair de Lune & dans l’autre un embrasement. Ce seroit peu de vous dire qu’ils sont admirables, ils sont divins ; C’est le non plus ultra de l’art, c’est tout ce que nous peut faire produire de plus beau ce génie, qui est si nécessaire, & qui malheureusement est si rare. Le Tableau qui peint l’incendie, sur-tout, est un Chef-d’œuvre des plus parfaits […]. Soyez persuadé d’avance que ma description est infiniment au-dessous des beautés qu’elle représente, & regardez la comme une très-foible copie du plus excellent Original.
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Se présente un portrait qu’on peut dire vivant ; c’est un Jesuite ayant une table devant lui, la tête appuyée sur la main droite & les yeux fixés sur un manuscrit. Il représenta le R. P. Nonotte, peint par son frere, (2) & si ressemblant qu’on y est trompé.
L’Original a jadis été mon Préfet, * ainsi j’en puis parler avec connoissance.
(2) La réflexion qu’on a faite au sujet des portraits de M. Aved, convient également à celui dont il s’agit & le choix d’une attitude aussi naturelle, n’a pas peu contribué à sa grande perfection. Que ceci soit dit pour ceux qui y aspirent, ils doivent la chercher dans la nature, c’est là son unique source.
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M. Nattoire n’étoit point dans son genre, qui est le tendre & le gracieux, & non pas des boucheries de Saints. autant en est arrivé à M. Retout. (5) qui a voulu sortir de son caractere de dévotion pour faire le galand. Sa toilette de Vénus est tout ce qu’on peut de moins agreable & de plus forcé.
Dans les "Remarques servant d’éclaircissemens ou de preuves à différens endroits de ces Réflexions" (p. 28), Baillet invite M. Restout « à ne plus peindre de graces ».
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Dans les Remarques servant d’éclaircissemens ou de preuves à différens endroits de ces Réflexions, p. 28, Baillet invite M. Restout « à ne plus peindre de graces ».
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Dans les Remarques servant d’éclaircissemens ou de preuves à différens endroits de ces Réflexions, p. 28, Baillet invite M. Restout « à ne plus peindre de graces ».
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Dans les Remarques servant d’éclaircissemens ou de preuves à différens endroits de ces Réflexions, p. 28, Baillet invite M. Restout « à ne plus peindre de graces ».
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Dans les Remarques servant d’éclaircissemens ou de preuves à différens endroits de ces Réflexions, p. 28, Baillet invite M. Restout « à ne plus peindre de graces ».
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Dans les Remarques servant d’éclaircissemens ou de preuves à différens endroits de ces Réflexions, p. 28, Baillet invite M. Restout « à ne plus peindre de graces ».
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Dans les Remarques servant d’éclaircissemens ou de preuves à différens endroits de ces Réflexions, p. 28, Baillet invite M. Restout « à ne plus peindre de graces ».
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M. Oudry, après différens morceaux considérables pour la grandeur (quand à la richesse & à la vérité de la composition cela va s’en dire) a voulu s’essayer dans le petit & a donné de cette façon deux pendans de 7 pouces de large sur 6 de haut. Son feu ne s’est point ralenti dans des bornes aussi étroites, & on l’y retrouve tout entier ; quoique ces deux morceaux soient aussi finis que de Mienis ou de Girard d’Ow.
DOU, Gerard
OUDRY, Jean-Baptiste
VAN MIERIS, les
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DOU, Gerard
OUDRY, Jean-Baptiste
VAN MIERIS, les
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DOU, Gerard
OUDRY, Jean-Baptiste
VAN MIERIS, les
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J’accorde sans balancer […] le titre de Peintre des graces à M. Nattier.
Chacun de ces Portraits mérite en particulier de grands éloges mais celui de la Reine est au dessus de tout ceux qu’on peut lui donner. On n’a jamais vû saisir, plus parfaitement, l’exacte ressemblance ; & quant au détail, c’est tout ce qu’on peut de mieux traité & de plus brillant.
M. La Tour a ajouté à ses autres Portraits celui de M. Dumont le Romain. […] Il est habillé d’une Robbe de Chambre légere, rayée de différentes couleurs & cassées de plis artistement variés. Son air de tête est du meilleur choix du monde. On est étonné de la vie, de la finesse, & en même-tems de la liberté qui paroissent dans ce Portrait, si c’en est un.
Je préfererois sans balancer ce Tableau à tous les autres pour sa belle couleur, son dessein, son entente & l’union qui régne en toutes ses parties.
[…] Le Tableau de M. de Troy, manque par plus d’un endroit. La figure de Creüse n’a ni beauté ni noblesse, elle est grande seulement, ce qui fait que ces deux défauts s’en remarquent d’autant mieux. […] Ce qui fait encore un autre tort à ce Tableau, c’est que beaucoup de figures accessoires y ont beaucoup de Majesté & font mieux appercevoir celle qui manque aux deux principales […].
Le sixiéme, qui représente les effets cruels du funeste présent de Médée, l’emporte par le frapant de son coloris. C’est un prestige qui lui a fait donner la préferance sur les six autres par grand nombre de personnes […].
L’on doit remarquer en celui-ci la Majesté des Figures qui le composent, leur belle harmonie & un fond d’Architecture de la derniere élégance. Jason s’y fait beaucoup plus regarder que dans les autres, par la richesse de sa taille & sa grande expression.
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…] Le Tableau de M. de Troy, manque par plus d’un endroit. La figure de Creüse n’a ni beauté ni noblesse, elle est grande seulement, ce qui fait que ces deux défauts s’en remarquent d’autant mieux. […] Ce qui fait encore un autre tort à ce Tableau, c’est que beaucoup de figures accessoires y ont beaucoup de Majesté & font mieux appercevoir celle qui manque aux deux principales […].
Le sixiéme, qui représente les effets cruels du funeste présent de Médée, l’emporte par le frapant de son coloris. C’est un prestige qui lui a fait donner la préferance sur les six autres par grand nombre de personnes […].
L’on doit remarquer en celui-ci la Majesté des Figures qui le composent, leur belle harmonie & un fond d’Architecture de la derniere élégance. Jason s’y fait beaucoup plus regarder que dans les autres, par la richesse de sa taille & sa grande expression.
[...] le Peintre a imité la pensée sublime de Timante qui dans son Sacrifice d’Iphigenie ayant porté de figures en figures la douleur à son dernier comble, & ne pouvant aller plus loin pour représenter toute celle d’Agamemnon, couvrit d’un des pans de sa Robbe la tête de ce Pere infortuné.
Ici Jason porte la main sur ses yeux, & cachant par là la moitié de son désespoir, fait que notre imagination en conçoit mieux tout l’excès.
J’ajouterai que ses fonds [ndr : De Troy] sont riches & magnifiques, & qu’il est un grand décorateur quand il le faut.
Je ne le [ndr : De Troy] chicanne uniquement que sur l’expression. Dans son dernier tableau, par exemple, j’avoue que la principale passion, qui remplit Médée, est le contentement, mais aussi quel est-il ? Devoit-on le représenter aussi froid ? Ne falloit-il pas y ajouter un dédain triomphant & la cruelle joye que ressentoit Médée à la vûe du désespoir de son perfide ? d’ailleurs Jason est agité dans cette circonstance de tous les transports les plus violens, de l’amour, de la tendresse paternelle, de l’horreur du plus noir forfait, dont même il est témoin… Est-ce qu’il ne devoit pas porter l’empreinte de ces différentes passions ? Loin delà les couleurs de son visage ne sont aucunement altérées, il paroît précisément le même que dans les Tableaux précédens, &c.
(2) La réflexion qu’on a faite au sujet des portraits de M. Aved, convient également à celui dont il s’agit & le choix d’une attitude aussi naturelle, n’a pas peu contribué à sa grande perfection. Que ceci soit dit pour ceux qui y aspirent, ils doivent la chercher dans la nature, c’est là son unique source.
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[…] la disposition qu’il [ndr : M. le Bel] donne à ses Paysages n’est point suffisamment variée ; les mêmes Sites semblent y revenir quelquefois. Sa grande liberté de faire & la hardiesse de son pinceau paroîtroient encore de reste, quand il ne releveroit point ses Tableaux de tant de couleurs. On sait qu’il faut empâter, mais jusqu’à un certain point. Pour bien faire, il faudroit qu’il mît dans sa composition le feu que sa touche a de trop.