TALENT (n.)
TERM USED AS TRANSLATIONS IN QUOTATION
APTITUDE (fra.)APTITUDE
Il est donc également important aux nobles Artisans, dont je parle, de connoître à quel genre de poësie & de peinture leurs talens les destinent, & de se borner au genre pour lequel ils sont nez propres. L'art ne sçauroit faire autre chose que de perfectionner l'aptitude ou le talent que nous avons apporté en naissant ; mais l'art ne sçauroit nous donner le talent que la nature nous a refusé. L'art ajoûte beaucoup aux talens naturels, mais c'est quand on étudie un art pour lequel on est né. [...] Tel Peintre demeure confondu dans la foule qui seroit au rang des Peintres illustres, s'il ne se fût point laissé entraîner par une émulation aveugle, qui lui a fait entreprendre de se rendre habile dans des genres de la Peinture, pour lesquels il n'étoit point né, & qui lui a fait négliger les genres de la peinture ausquels il étoit propre. Les ouvrages qu'il a tenté de faire sont, si l'on veut, d'une classe supérieure. Mais ne vaut-il pas mieux être un des premiers parmi les Païsagistes que le dernier des peintres d'histoire ? Ne vaut-il pas mieux être cité pour un des premiers faiseurs de portraits de son temps, que pour un miserable arrangeur de figures ignobles & estropiées.
Section VII. Que les génies sont limitez. p. 72-73TALENT
FRÉART de CHAMBRAY, Roland, An Idea of the Perfection of Painting: demonstrated from the Principles of Art, and by examples conformable to the observations , which Pliny and Quintilian have made upon the most celebrated pieces of Ancient painters parallel’d with some Works of the most Modern Painters, Leonardo da Vinci, Raphael, Julio Romano and N. Poussin, trad. par EVELYN, John, London, Henry Herringman, 1668.
L’Invention, ou le Genïe d’historier et de concevoir une belle Idée sur le Sujet qu’on veut peindre est un Talent naturel qui ne s’acquièrt ny par l’estude, ny par le travail : c’est proprement le Feu de l’esprit, lequel excite l’Imagination et la fait agir. Or comme cette partie de l’Invention tient naturellement le premier lieu dans l’ordre des choses […] aussi montre-t-elle plus qu’aucune autre la qualité de l’esprit ; s’il est Fecond, Judicieux, & Relevé : ou au contraire, s’il est sterile, confus, et bas.
DE L'INVENTION, I. Partie, p. 11Mais parce qu’il ne suffit pas encore, pour former un peintre, de l’avoir instruit de ces deux parties [Perspective et Geometrie], qui se peuvent acquerir facilement par l’estude, & qu’il a besoin, outre cela de trois ou quatre autres qualitez plus rares, qui ne luy sçauroient venir que d’une saveur singulière de la nature : cela fait que dans cette profession, parmy un grand nombre d’ouvriers, il s’y rencontrent toûjours fort peu de vrays Peintres : si bien qu’on peut dire d’eux, comme des Poëtes, qu’il faut naistre Peintre : car en effet leur genïe est si semblable, qu’il a passé en commun proverbe, que la Peinture est une poësie muette, et la poësie une Peinture parlante. La raison s’en connoistra manifestement des divers Talents d’esprit qui doivent tous necessairement concourir à la formation d’un Peintre parfait.
DE L'INVENTION, I. Partie, p. 11Mais parce qu’il ne suffit pas encore, pour former un peintre, de l’avoir instruit de ces deux parties [Perspective et Geometrie], qui se peuvent acquerir facilement par l’estude, & qu’il a besoin, outre cela de trois ou quatre autres qualitez plus rares, qui ne luy sçauroient venir que d’une saveur singulière de la nature : cela fait que dans cette profession, parmy un grand nombre d’ouvriers, il s’y rencontrent toûjours fort peu de vrays Peintres : si bien qu’on peut dire d’eux, comme des Poëtes, qu’il faut naistre Peintre : car en effet leur genïe est si semblable, qu’il a passé en commun proverbe, que la Peinture est une poësie muette, et la poësie une Peinture parlante. La raison s’en connoistra manifestement des divers Talents d’esprit qui doivent tous necessairement concourir à la formation d’un Peintre parfait.
p. 9
Car puisque la Poësie et la Peinture ne sont qu’une mesme Forme de Genïe, et qu’il est certain que, pour estres Poëte, il ne suffit pas de faire des Vers bien mesurez, avec des paroles agreables à l’oreille, si ce qu’on dit n’est encore quelque chose de sçavant et d’ingénieux : il s’ensuit aussi que dans l’Escole de la Peinture, celuy qui n’applique son esprit qu’à desseigner d’après un Modelle, et qui appuye toute son estude sur le Pinceau, ne sera jamais qu’un Ouvrier mechanique, trés-indigne de la Qualité de peintre, comme cét autre ne passe que pour un simple versificateur.
Si bien qu’au service de cette Noble et Glorieuse Princesse des Arts de la Peinture, qui est tout Esprit, il faut avoir des Talents et des Connaissances extraordinaires pour oser pretendre à l’honneur de ses bonnes graces ; et ceux qui par la bassesse et la pesanteur de leur Nature ne se peuvent eslever plus haut que la partie mechanique ressemblent à ces mauvais Courtisans de Penelope lesquels n’ayant pas l’esprit de s’insinuer favorablement sans son entretien particulier, ny assez d’addresse ou de merite pour se rendre considerable auprés d’Elle, demeuroient derrière les plus galants, et estoient reduits à faire la Cour à ses Suivantes.
p. 133
{Il faut se connoistre.}
[…] afin de cultiver les Talens qui font son Génie, & qu'il a receus de la Nature, & de ne perdre point mal-heureusement le temps à la recherche de ceux qu'elle lui a refusez.
BOUTET, Claude, The Art of Painting in Miniature: Teaching The speedy and perfect Acquisition of that Art without a Master. By Rules so easy, and in a Method so natural as to render this charming Accomplishment universally attainable. Containing I. The Difference between Painting in Miniature, and other Kinds of Painting. II. The Management of Colours in Draperies, Linnen, Lace, Furrs, &c. III. The Method of mixing Colours for Carnations ; for painting of Architecture, or any Building of Stone or Wood ; for Landskips, Terrasses, Water, Ruins, Rocks, &c. IV. The Art of Painting all Sorts of Flowers, with the proper Colours required to represent Nature to the highest Perfection. V. The various Methods of Painting. Translated from the Original French. The Fourth Edition. To which are now added, I. Certain Secrets of one of the greatest Italian Painters for making the finest Colours, Burnished Gold, Shell Gold, &c. II. Some general instructive Lessons for the Art of Drawing. And III. The Usefulness and Benefit of Prints, London, J. Hodges - J. James - T. Cooper, 1739.
CXXXIII.
N’employez à aucune de ces choses [ndr : les fruits, les poissons, les reptiles, les oiseaux, les animaux, les figures et les fleurs] du Blanc de Plomb, il n’est propre qu’en Huile, & il noircit comme de l’Ancre, n’estant détrempé qu’à la Gomme, partïculierement si vous mettez vostre ouvrage dans un lieu humide ou avec des Parfuns, & la Ceruse de Venise est aussi fine, & d’un aussi grand blanc. De celuy-là, n’en épargnez pas l’usage, sur tout en ébauchant, & faites-en entrer dans tous vos meslanges, afin de leur donner un certain Corps qui empaste vostre ouvrage, & qui le fasse paroistre doux & moileux.
Le goust des Peintres est neanmoins different en ce point, les uns en employent un peu, d’autres point du tout ; mais la maniere de ceux-cy est maigre & seiche, les autres en mettent beaucoup, & c’est sans contredi la meilleure Methode & la plus usitée parmy les habiles Gens ; car outre qu’elle est prompte, c’est que l’on peut en s’en servant (ce qui seroit quasi impossible autrement) copier toutes sortes de Tableaux, nonobstant le sentiment contraire de quelques-uns, qui disent qu’en mignature l’on ne peut donner la Force & toutes les differentes Teintes qu’on void dans les Pieces en Huile, ce qui n’est pas vray, du moins pour les bons Peintres, & les effets le prouvent assez ; car il se void des Figures, des Païsages, des Portraits, & toute autre chose en mignature, touchez d’une aussi grande maniere, aussi vraye & aussi noble, quoy que plus mignonne & delicate qu’en huile.
Je sçay pourtant que cette Peinture a ses avantages, quand ce ne seroit que celuy de rendre plus d’ouvrage, & de consommer moins de temps, elle se deffend mieux aussi contre ses injures, & il faut encore luy ceder le droit d’Ainesse & la gloire de l’Antiquité.
Mais aussi la Mignature a les siens, & sans repeter ceux que j’ay déja montrez, elle est plus propre & plus commode, l’on porte aisément tout son Attirail dans sa poche, vous travaillez par tout quand il vous plaist, sans tant de preparatifs, vous pouvez la quitter & la reprendre quand & autant de fois que vous voulez, ce qui ne se fait pas à la premiere, où l’on ne doit guere travailler à sec.
Mais remarquez qu’il est de l’une & de l’autre, comme de la Comedie, dans laquelle la plus grande ou la moindre perfection des Acteurs ne consiste pas à faire les hauts ou les bas Rolles, mais à faire extremement bien ceux qu’ils font, car si celuy qui aura le dernier personnage, s’en acquitte mieux qu’un autre de celuy de Heraut, il meritera sans doute plus d’approbation & de loüange.
C’est la mesme chose dans l’Art de Peindre, son excellence n’est pas attachée à la Noblesse d’un sujet ; mais à la maniere dont on le traite, avez-vous talent pour celuy-cy, ne vous jettez pas inconsiderément dans celuy-là, & si vous avez receu du Ciel quelque étincelle de ce beau Feu, connoissez pourquoy il vous est donné, & faites-vous-y un chemin facile ; les uns prendront bien les differens airs du Teste, les autres réussiront mieux en Païsages, ceux-cy travaillent en petit, qui ne le pourroient faire en grand, ceux-là sont bons Coloristes, & ne possedent pas le Dessein, d’autres enfin n’ont du Genie que pour les Fleurs : Et les Bassans mémes, se sont acquis un nom par les Animaux, qu’ils ont touchez de tres-bonne maniere, & mieux que toute autre chose.
C’est pour dire que chacun se doit contenter de sa Verve, sans vouloir se revétir du talent d’autruy, […].
Il semble même que la providence n'ait voulu rendre certains talens & certaines inclinations plus communes parmi un certain peuple que parmi d'autres peuples, qu'afin de mettre entre les Nations la dépendance réciproque qu'elle a pris tant de soin d'établir entre les particuliers. Les besoins qui engagent les particuliers d'entrer en societé les uns avec les autres, engagent aussi les Nations à lier entre elles une societé. La Providence a donc voulu que les nations fussent obligées de faire les unes avec les autres, un échange de talens & d'industrie, comme elles font échange des fruits differens de leurs païs, afin qu'elles se recherchassent réciproquement, par le même motif qui fait que les particuliers se joignent ensemble pour composer un même peuple : le desir d'être bien, ou l'envie d'être mieux.
De la difference des génies, naît la diversité des inclinations des hommes, que la nature a pris la précaution de porter aux emplois, pour lesquels elles les destine, avec plus ou moins d'impétuosité, suivant qu'ils doivent avoir plus ou moins d'obstacles à surmonter, pour se rendre capables de remplir cette vocation. Les inclinations des hommes ne sont si differentes que parce qu'ils suivent tous le même mobile, je veux dire l'impulsion de leur génie.
C'est en vain qu'un pareil sujet fait son apprentissage sous le meilleur maître, il ne sçauroit faire dans une pareille école les mêmes progrès qu'un homme de génie fait dans l'école d'un maître médiocre. Celui qui enseigne, comme le dit Quintilien, ne sçauroit communiquer à son disciple le talent de produire & l'art d'inventer, qui font le plus grand mérite des Peintres & des Orateurs. [...] Le Peintre peut donc faire part des secrets de sa pratique, mais il ne sçauroit faire part de ses talens pour la composition & pour l'expression. Souvent même l'Eleve dépourvu du génie, ne peut atteindre la perfection où son maître est parvenu dans la mécanique de l'art. L'imitateur servile doit demeurer au-dessous de son modele, parce qu'il joint ses propres défauts aux défauts de celui qu'il imite. D'ailleurs si le maître est homme de génie, il se dégoûte bien-tôt d'enseigner un pareil sujet. Il est au supplice quand il voit que son éleve n'entend qu'avec peine ce qu'il comprenoit d'abord, lorsque lui-même il étoit Eleve. [...]
On ne trouve rien de nouveau dans les compositions des peintres sans génie, on ne voit rien de singulier dans leurs expressions. Ils sont si stériles qu'après avoir long-temps copié les autres, ils en viennent enfin à se copier eux-mêmes ; & quand on sçait le tableau qu'ils ont promis, on devine la plus grande partie des figures de l'ouvrage.
Ceux des Peintres qui ont excellé à peindre l'ame des hommes, & à bien exprimer toutes les passions, ont été des Coloristes médiocres. D'autres ont fait circuler le sang dans la chair de leurs figures ; mais ils n'ont pas sçu l'art des expressions aussi-bien que les Ouvriers médiocres de l'Ecole romaine. Nous avons vu plusieurs Peintres Hollandois, doüez de génie pour la mécanique de leur art, & surtout d’un talent merveilleux pour imiter les effets du clair-obscur dans un petit espace renfermé, talent, dont ils avoient l'obligation à une patience d'esprit singuliere, laquelle leur permettoit de se clouer long-temps sur un même ouvrage, sans être dégoûtez par ce dépit qui s'excite dans les hommes d'un temperament plus vif, quand ils voïent leurs efforts avorter plusieurs fois de suite. Ces Peintres flegmatiques ont donc eu la persévérance de chercher par un nombre infini de tentatives, souvent réïterées sans fruit, les teintes, les demi-teintes, enfin toutes les diminutions de couleurs nécessaires pour dégrader la couleur des objets, & ils sont ainsi parvenus à peindre la lumiere même. On est enchanté par la magie de leur clair-obscur. Les nuances ne sont pas mieux fonduës dans la nature que dans leurs tableaux. Mais ces Peintres ont mal réussi dans les autres parties de l'art, qui ne sont pas les moins importantes. Sans invention dans leurs expressions : incapables de s'élever au-dessus de la nature qu'ils avoient devant les yeux, ils n'ont peint que des passions basses & une nature ignoble. La Scene de leurs tableaux est une boutique, un corps de garde, ou la cuisine d'un païsan : leurs heros sont des faquins. Ceux des Peintres Hollandois, dont je parle, qui ont osé faire des tableaux d'histoire, ont peint des ouvrages admirables pour le clair-obscur, mais ridicules pour le reste. Les vêtemens de leurs personnages sont extravagans, & les expressions de ces personnages sont encore basses & comiques. Ces Peintres peignent Ulisse sans finesse, Susanne sans pudeur, & Scipion sans aucun trait de noblesse ni de courage. Le pinceau de ces froids Artisans, fait perdre à toutes les têtes illustres leur caractere connu. Nos Hollandois, au nombre desquels on voit bien que je ne comprens pas ici les peintres de l'école d'Anvers, ont bien connu la valeur des couleurs locales, mais ils n'en ont pas sçû tirer le même avantage que les peintres de l'école venitienne. Le talent de colorier, comme l'a fait Le Titien, demande de l'invention, & il dépend plus d'une imagination fertile en expedients pour le mêlange des couleurs, que d'une perséverance opiniâtre à refaire dix fois la même chose.
[...]
Le talent de la composition poëtique & le talent de la composition pittoresque sont tellement séparez, que nous voïons des Peintres excellens dans l'une, être grossiers dans l'autre. […]
Monsieur De Piles grand amateur de la peinture, et qui lui-même manioit le pinceau, nous a laissé plusieurs écrits touchant cet art, qui meritent d'être connus de tout le monde ; mais un de ces écrits merite toutes les loüanges qui sont dûës aux livres originaux : c'est sa balance des peintres.