BEGAAFTHEID (n. f.)
TERM USED AS TRANSLATIONS IN QUOTATION
TALENT (fra.)TALENT
comme des regles sur l’Ordonnance ne se peuvent donner, & qu’il faut que chacun y agisse selon la disposition & la force de son genie ; aussi cette partie dépendant d’un talent surnaturel, le conseil que peuvent donnez les plus sçavans, se reduit à trois chefs, sçavoir
DE BIEN ETUDIER les Histoires dans les meilleurs Auteurs, afin d’en bien comprendre l’idée principale, & les circonstances essentielles, pour se distinguer des Peintres d’un mediocre merite, & qui ne sont pas moins Peintres sans sçavoir à fond ce qui regarde l’Histoire, de même qu’un homme n’est pas moins homme quelque dépourvû qu’il soit de la vertu qui le doit émouvoir à acquerir les sçiences : ne voyons-nous pas que les Peintres du premier ordre agissans en Maîtres se sont donné des licences d’autant plus imperceptibles qu’elles sont judicieusement raisonnées, avantageusement executées, & que les Histoires autorisent.
DE BIEN MENAGER avec discretion, le contraste en toutes les parties de son dessein, pour en faire comme une agreable harmonie à la vûë ; & enfin
DE S’ATTACHER aux Exemples des plus excellens ouvrages, afin de se remplir l’esprit de belles idées pour s’en servir dans la construction des ordonnances ; & comme vous pouvez avoir eu la curiosité d’apprendre de quelque habile Peintre, ce que c’est que LA COULEUR, & la manière de l’employer, ce ne sera rien de nouveau pour vous, quand je vous diray que les COULEURS se doivent considerer à l’égard de leur employ, soit à huile, ou à l’eau.
Les hommes ont beau travailler pour surmonter les obstacles qui les empêchent d’atteindre à la perfection, s’ils ne sont nés avec un talent particulier pour les Arts qu’ils ont embrassés, ils seront toujours dans l’incertitude d’arriver à la fin qu’ils se proposent. Les Régles de l’Art & les exemples d’autrui peuvent bien leur montrer les moïens d’y parvenir : mais ce n’est point assez que ces moïens soient sûrs, il faut encore qu’ils soient faciles & agréables […]
Le Génie est donc une lumière de l’Esprit, laquelle conduit à la fin par des moïens faciles.
Ceux des Peintres qui ont excellé à peindre l'ame des hommes, & à bien exprimer toutes les passions, ont été des Coloristes médiocres. D'autres ont fait circuler le sang dans la chair de leurs figures ; mais ils n'ont pas sçu l'art des expressions aussi-bien que les Ouvriers médiocres de l'Ecole romaine. Nous avons vu plusieurs Peintres Hollandois, doüez de génie pour la mécanique de leur art, & surtout d’un talent merveilleux pour imiter les effets du clair-obscur dans un petit espace renfermé, talent, dont ils avoient l'obligation à une patience d'esprit singuliere, laquelle leur permettoit de se clouer long-temps sur un même ouvrage, sans être dégoûtez par ce dépit qui s'excite dans les hommes d'un temperament plus vif, quand ils voïent leurs efforts avorter plusieurs fois de suite. Ces Peintres flegmatiques ont donc eu la persévérance de chercher par un nombre infini de tentatives, souvent réïterées sans fruit, les teintes, les demi-teintes, enfin toutes les diminutions de couleurs nécessaires pour dégrader la couleur des objets, & ils sont ainsi parvenus à peindre la lumiere même. On est enchanté par la magie de leur clair-obscur. Les nuances ne sont pas mieux fonduës dans la nature que dans leurs tableaux. Mais ces Peintres ont mal réussi dans les autres parties de l'art, qui ne sont pas les moins importantes. Sans invention dans leurs expressions : incapables de s'élever au-dessus de la nature qu'ils avoient devant les yeux, ils n'ont peint que des passions basses & une nature ignoble. La Scene de leurs tableaux est une boutique, un corps de garde, ou la cuisine d'un païsan : leurs heros sont des faquins. Ceux des Peintres Hollandois, dont je parle, qui ont osé faire des tableaux d'histoire, ont peint des ouvrages admirables pour le clair-obscur, mais ridicules pour le reste. Les vêtemens de leurs personnages sont extravagans, & les expressions de ces personnages sont encore basses & comiques. Ces Peintres peignent Ulisse sans finesse, Susanne sans pudeur, & Scipion sans aucun trait de noblesse ni de courage. Le pinceau de ces froids Artisans, fait perdre à toutes les têtes illustres leur caractere connu. Nos Hollandois, au nombre desquels on voit bien que je ne comprens pas ici les peintres de l'école d'Anvers, ont bien connu la valeur des couleurs locales, mais ils n'en ont pas sçû tirer le même avantage que les peintres de l'école venitienne. Le talent de colorier, comme l'a fait Le Titien, demande de l'invention, & il dépend plus d'une imagination fertile en expedients pour le mêlange des couleurs, que d'une perséverance opiniâtre à refaire dix fois la même chose.
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