Illustration
TESTELIN, Henry, [Le Grand Saint Michel d'après Raphaël], estampe, dans TESTELIN, Henry, Sentimens des plus habiles peintres du tems, sur la pratique de la peinture et sculpture, Recueillis & mis en Tables de Preceptes. Avec six discours academiques, Extraits des Conferences tenuës en l’Académie Royale desdits Arts & prononcés en presence de deffunt Monsieur Colbert, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, Controleur General des Finances, Surintendant & Ordonnateur des Bâtiments du Roi, Jardins, Arts & Manufactures de France, protecteur de ladite Academie, assemblée generalement en des jours solemnels pour la delivrance du Prix Royal, par Henry Testelin, Peintre du Roi, Professeur & Secretaire en ladite Academie, La Haye, Matthieu Rogguet, s.d. [1693 ou 1694], n.p. [après p. 29].
Cette gravure est exécutée d'après l'oeuvre de Raphaël (1483-1520), Saint Michel terrassant le démon, dit Le Grand Saint Michel (1518, musée du Louvre). Avec La Grande Sainte Famille, également de Raphaël, et La manne de Poussin (toutes deux conservées au Louvre), ces gravures servent d'exemple et d'illustration au discours de Testelin et plus précisément à la partie consacrée à l'ordonnance.
Quotation
A l'égard des plus avancés on les exorta de joindre la Theorie à la Pratique, d'examiner les raisons qu'ont observé les Autheurs des beaux ouvrages Antiques qui se sont servis de la Geometrie pour les proportions, l'Anathomie, pour apprendre l'Ostologie, la situation, la forme & le mouvement des muscles exterieurs seulement, la Perspective, la Physique & la Phisionomie pour connoître les divers caracteres des complections & des passions, car il faut bien sçavoir toutes ses choses pour donner bien à propos ses charges dagremens, en quoi consiste ce que l'on appelle le grand goût, l'on observa que la force des bras procede des muscles forts qui les attachent aux épaules, en laissant les joinctures bien nouées, en quoi les foibles Etudians se peuvent tromper mettant ces grosseurs affectées dans les emboëtemens des bras & des cuisses, au lieu de bien observer la naissance & la fin des plus grands muscles, ce qui fait la veritable beauté des contours, où l'on doit observer que les muscles exterieurs étant agitez par ses mouvemens differens, font un espece de Contraste qui cause une douce opposition dans la rencontre des contours, tellement qu'on ne voit point deux contours enflez ou enfonsés se rencontrer à l'opposite l'un de l'autre, mais ils se coulent comme en ondoyant doucement [...].
Quotation
Et comme on remarqua sur les Desseins des Etudians une diversité de manieres, les uns imitant le naturel dans la simplicité de sa forme, les autres affectant un embellissement par le renforcement des contours, qu'on appelle charger les contours & y donner le grand goût, cela donna l'occasion à l'Académie de s'entretenir sur ces differentes manieres. Ceux qui oppinoient pour les charges d'agrement alleguoient la beauté des figures Antiques, le grand Dessein de Michel l'Ange, des Caraches, & autres grands peintres de l'Antiquité, & soûtenoient qu'il falloit de bon heure se remplir l'esprit de ces grandes idées, pour se conformer à ces beaux exemples ; et se faire une habitude de ses belles & grandes manières [...]. L'oppinion opposée qu'on appelle naturaliste, parce que qu'ils estiment necessaire l'imitation exacte du naturel en toutes choses, étoit d'assujettir le Dessignateur à imiter les objets avec simplicité & pressisement comme ils sont. Leurs raisons à l'égard des Etudians étoit pour les dresser à une habitude de justesse & de precision ; & pour les avancés une expression nayve & convenable à toute sorte de sujets [...].
Quotation
Et comme on remarqua sur les Desseins des Etudians une diversité de manieres, les uns imitant le naturel dans la simplicité de sa forme, les autres affectant un embellissement par le renforcement des contours, qu'on appelle charger les contours & y donner le grand goût, cela donna l'occasion à l'Académie de s'entretenir sur ces differentes manieres. [...] ce qui fait la veritable beauté des contours, où l'on doit observer que les muscles exterieurs étant agitez par ses mouvemens differens, font un espece de Contraste qui cause une douce opposition dans la rencontre des contours, tellement qu'on ne voit point deux contours enflez ou enfonsés se rencontrer à l'opposite l'un de l'autre, mais ils se coulent comme en ondoyant doucement [...]. [...] Toutes ces observations furent demonstrées & authorisées par l'exemple de cet admirable Tableau de Raphaël, où l'on remarqua deux sortes de contours. La premiere en celle de la figure de l'Ange qui paroît comme d'un jeune Heraut, dont les contours sont d'une maniere noble & coulante ; les muscles n'y sont aparans que pour faire connoître la beauté de la forme corporelle ; car encore que son action semble être de vouloir fraper un grand coup, c'est sans donner aucune marque d'émotion paroissant dans une parfaite transquilité, ce qui a beaucoup de raport à la figure Antique de l'Apollon. La seconde, plus grossiere, que ce grand Peintre a judicieusement appliquée à la figure monstrueuse du Demon, dont les contours paroissent plus incertains, les muscles plus gonflez & ondoyans, semblables à la figure Antique appellée le petit Faune.
Les Etudians furent exhortés de s'attacher soigneusement à l'imitation de ce bel exemple prenant garde de former les contours precisement suivant le caractere des personnes, comme a fait ce grand maître, évitant de les faire aigrement tranchés quelque fini que soit l'Ouvrage.
Quotation
On a dit en d'autres entrêtiens, que cette difference des proportions pouvoit être causée par la diversité des exercices, celui qui travaille son corps en des mouvemens libres & forts, [...], ce qui les rend beaucoup plus marqués que ceux qui vivent en un doux repos & dans l'oisiveté. [...] L'on representa que toutes les differences remarquées dans les proportions ce doivent aussi observer à l'égard des contours, puisque c'est par leur moyen que l'on peut former leur diversité. Ce qui fit considérer de quatre sortes de sujets qui forment autant de difference de proportions & de contours, que l'on nomma vulgaires, Pastoralles & Champestres, dont on dit que les contours doivent être grossiers, ondoyants & incertains, appellant ondoyants la maniere de dessigner, où l'on ne voit aucuns muscles, qui commande à lautre, mais qui s'entresuivent également, que les grossiers & incertains sont tels, que les muscles paroissent confondus avec les tendons & les artères, & où rien n'est articulé, ce qui est pour des sujets simples & des gens grossiers.
En des sujets serieux, où la nature doit être representée belle & agreable, les contours doivent être nobles & certains, passant doucement de l'un à l'autre, en formant les parties grandes & precises, comme il paroît aux figures des jeunes hommes & des filles, où l'on ne voit rien d'aigu, mais au contraire les contours bien coulants.
La troisiéme sorte de contours que l'on a nommé grands, forts, resolus & arrêtés sont ceux auxquels ne se trouvent rien de douteux, [...] où il n'y a rien de choisi & de bien ordonné, ce qui est propre à representer des Heros qui ne doivent avoir rien que de parfait, car comme les Poëtes leur ont attribué, des vertus surnaturelles, les Peintres & Sculpteurs de l'Antiquité en avoient fait de même, choisissant en plusieurs corps, ce qu'il y avoit de plus beau pour en composer un, qui fût propre à de telles expressions & capable d'entrer en des sujets heroïques & extraordinaires.
En quatriéme lieu, l'on considera une maniere de contours artistes excedants le naturel, que l'on nomma puissans, austeres & terribles, puissans pour ce qu'ils font paroître les figures grandes & majestueuses, & qu'ils forment de grandes parties ; austeres parce qu'ils n'ont rien que de solide & de necessaire & qu'ils ne soustrent point de choses inutiles, [...], cette manière n'étant propre qu'à representer des divinités, que c'étoit ce que les anciens avoient soigneusement pratiqué [...].
Les contours terribles sont pour les Ouvrages éloignés de la vûë, & pour representer des geans.
[...] un Peintre doit éviter autant qu'il sera possible les contours petits & chetifs, à moins d'y être obligé par la necessité des sujets & la varieté du contraste, que l'oeconomie des contours doit servir à dégager la taille & la proportion, [...]. L'on trouva dans le Tableau de Raphaël un illustre exemple [...], qui fit dire que les proportions & les contours ont du rapport avec le mouvement des esprits, qui donna lieu de parler de lexpression, [...]
Quotation
A l'égard des plus avancés on les exorta de joindre la Theorie à la Pratique, d'examiner les raisons qu'ont observé les Autheurs des beaux ouvrages Antiques qui se sont servis de la Geometrie pour les proportions, l'Anathomie, pour apprendre l'Ostologie, la situation, la forme & le mouvement des muscles exterieurs seulement, la Perspective, la Physique & la Phisionomie pour connoître les divers caracteres des complections & des passions, car il faut bien sçavoir toutes ses choses pour donner bien à propos ses charges dagremens, en quoi consiste ce que l'on appelle le grand goût, l'on observa que la force des bras procede des muscles forts qui les attachent aux épaules, en laissant les joinctures bien nouées, en quoi les foibles Etudians se peuvent tromper mettant ces grosseurs affectées dans les emboëtemens des bras & des cuisses, au lieu de bien observer la naissance & la fin des plus grands muscles, ce qui fait la veritable beauté des contours, où l'on doit observer que les muscles exterieurs étant agitez par ses mouvemens differens, font un espece de Contraste qui cause une douce opposition dans la rencontre des contours, tellement qu'on ne voit point deux contours enflez ou enfonsés se rencontrer à l'opposite l'un de l'autre, mais ils se coulent comme en ondoyant doucement [...].
Quotation
Sur le premier [ndr : Raphaël, Saint Michel terrassant le démon dit Le Grand Saint Michel] on remarqua que la disposition de ces deux figures fait ensemble comme un armonieux Contraste, lequel y est si judicieusement observé
Quotation
[...] elle [ndr : l'Académie] commança par un entretien sur le Saint Michel de Raphaël, & comme en cet excellent Ouvrage la partie du Dessein est l'une des plus considerables, & d'où l'on peut tirer les plus solides, les plus corrects, & les plus avantageux exemples que l'on puisse proposer aux Etudians ; on s'y étendit premierement en faisant une definition du Trait en toute son étenduë, qui fut ; Que le Trait n'est autre chose qu'une ligne Phisique, ou une demonstration Mechanique, qui a toûjours quelque dimention en sa largeur quelque déliée qu'elle puisse être ; Que c'est ce qui borne & termine l'étenduë de la surface exterieure d'un sujet, & qui marque les diverses parties qu'elle referme ; Ce sont des lignes qui servent à exprimer la forme des Corps selon leurs differents aspects & situations. Que le trait est le père de tous les Arts & de toutes les superficies, lesquelles ne peuvent avoir d'être sans avoir un terme ; qu'il a des mouvemens droits, circulaires, & mixtes, que sa pratique est d'une merveilleuse étenduë, d'autant qu'il parcourt toutes les choses visibles de la nature, mais son plus glorieux & plus laborieux sujet est le Corps Humain par la multiplicité de ses mouvemens & de ses actions, qu'il est si vaste, que non seulement il entreprend de representer toutes les actions exterieures, & de faire le discernement du sexe & de l'âge, mais qu'il séforce encore d'exprimer les mouvemens de l'ame, enfin que l'oeil n'aperçoit rien, & l'imagination ne peut rien concevoir que le Trait ne puisse representer.
Quotation
[...] un Peintre doit éviter autant qu'il sera possible les contours petits & chetifs, à moins d'y être obligé par la necessité des sujets & la varieté du contraste, que l'oeconomie des contours doit servir à dégager la taille & la proportion, [...]. L'on trouva dans le Tableau de Raphaël un illustre exemple [...], qui fit dire que les proportions & les contours ont du rapport avec le mouvement des esprits, qui donna lieu de parler de lexpression, [...].
Quotation
Toutes ces observations, […] furent jugées tres dignes d’être établies en forme de Preceptes certains & octorisez, mais on conclu neanmoins qu’il n’étoit pas possible de prescrire des regles sur la forme des Ordonnances, parce que chacun y doit agir selon la disposition & la force de son genie, & dans toute la liberté de ses propres conceptions & de son esprit, que cette partie depandoit donc d’un talent surnaturel, & que le conseil qu’on pouvoit donner aux Etudians se reduisoit à ces trois chefs, à sçavoir premierement de bien étudier les Histoires dans les meilleurs Auteurs, afin d’en bien comprendre l’idée principale & les circonstances essentielles : Secondement de menager discretement le Contraste en toutes les parties de son Dessein, pour en former comme un agreable harmonie à la vûe, & enfin s’attacher aux beaux exemples des plus excellens Ouvrages afin de se remplir l’esprit des belles idées pour s’en servir dans la construction des Ordonnances.
Quotation
A l’égard du raport qui peut y avoir entre une seule tête & l’ordonnance de plusieurs figures ensemble, il consiste en l’effet du jour & de l’ombre, en l’unité du point perspectif, au fuyant ou diminution des parties reculées & dans la conformité qu’elles doivent avoir pour concourir en l’expression d’une même passion comme à l’idée d’un seul sujet. C’est à quoi aussi ce peut fort bien rapporter la comparaison qu’on fait ordinairement d’une grape de Raisin à l’Ordonnance d’un Tableau, tant pour la disposition des groupes & des figures que pour la distribution de la lumiere ; les groupes étant en l’Ordonnance comme des petites branches ou grapilions, qui bien qu’ils soient distincts & comme separés s’unisent neanmoins comme pour ne faire qu’un tout ensemble : ainsi la lumiere doit jetter son principal éclat en un seul endroit, & aller toûjours en diminuant sur les parties qui s’en éloignent.
Quotation
A l’égard du raport qui peut y avoir entre une seule tête & l’ordonnance de plusieurs figures ensemble, il consiste en l’effet du jour & de l’ombre, en l’unité du point perspectif, au fuyant ou diminution des parties reculées & dans la conformité qu’elles doivent avoir pour concourir en l’expression d’une même passion comme à l’idée d’un seul sujet. C’est à quoi aussi ce peut fort bien rapporter la comparaison qu’on fait ordinairement d’une grape de Raisin à l’Ordonnance d’un Tableau, tant pour la disposition des groupes & des figures que pour la distribution de la lumiere ; les groupes étant en l’Ordonnance comme des petites branches ou grapilions, qui bien qu’ils soient distincts & comme separés s’unisent neanmoins comme pour ne faire qu’un tout ensemble : ainsi la lumiere doit jetter son principal éclat en un seul endroit, & aller toûjours en diminuant sur les parties qui s’en éloignent.
Quotation
Et comme on remarqua sur les Desseins des Etudians une diversité de manieres, les uns imitant le naturel dans la simplicité de sa forme, les autres affectant un embellissement par le renforcement des contours, qu'on appelle charger les contours & y donner le grand goût, cela donna l'occasion à l'Académie de s'entretenir sur ces differentes manieres. Ceux qui oppinoient pour les charges d'agrement alleguoient la beauté des figures Antiques, le grand Dessein de Michel l'Ange, des Caraches, & autres grands peintres de l'Antiquité, & soûtenoient qu'il falloit de bon heure se remplir l'esprit de ces grandes idées, pour se conformer à ces beaux exemples ; et se faire une habitude de ses belles & grandes manières [...]. L'oppinion opposée qu'on appelle naturaliste, parce que qu'ils estiment necessaire l'imitation exacte du naturel en toutes choses, étoit d'assujettir le Dessignateur à imiter les objets avec simplicité & pressisement comme ils sont. Leurs raisons à l'égard des Etudians étoit pour les dresser à une habitude de justesse & de precision ; & pour les avancés une expression nayve & convenable à toute sorte de sujets [...].
[...] l'étude des belles figures Antiques étoit très necessaire dans le commencement, & même plus avantageuse que le naturel, mais l'on assura qu'en l'un & en l'autre on étoit obligé de s'assujettir à imiter exactement son objet pour en receuillir le fruit qu'on en desire, & s'habituer l'oeil & la main à la justesse & precision, ce qui est le fondement de la Pratique de la Peinture [...]. [...] Quant à l'imitation precise des modelles, l'on avoüa enfin que même les plus habiles hommes doivent observer cette regle de dessigner le naturel justement & precisement, comme ils le voient pour ne s'écarter point de la verité, quand ils étudient leurs morceaux sur le naturel ; afin que s'en voulant servir en l'execution de l'Ouvrage, ses Desseins representent la verité du naturel, les laissant dans la liberté de donner à leurs figures tels caracteres de force ou de foiblesse convenables à leurs sujets, ce qui est la principale fin à laquelle toutes leurs études ce doivent raporter.
Quotation
on s'y étendit premierement en faisant une definition du Trait en toute son étenduë, qui fut ; Que le Trait n'est autre chose qu'une ligne Phisique, ou une demonstration Mechanique, qui a toûjours quelque dimention en sa largeur quelque déliée qu'elle puisse être ; Que c'est ce qui borne & termine l'étenduë de la surface exterieure d'un sujet, & qui marque les diverses parties qu'elle referme ; Ce sont des lignes qui servent à exprimer la forme des Corps selon leurs differents aspects & situations.
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A l’égard du raport qui peut y avoir entre une seule tête & l’ordonnance de plusieurs figures ensemble, il consiste en l’effet du jour & de l’ombre, en l’unité du point perspectif, au fuyant ou diminution des parties reculées & dans la conformité qu’elles doivent avoir pour concourir en l’expression d’une même passion comme à l’idée d’un seul sujet. C’est à quoi aussi ce peut fort bien rapporter la comparaison qu’on fait ordinairement d’une grape de Raisin à l’Ordonnance d’un Tableau, tant pour la disposition des groupes & des figures que pour la distribution de la lumiere ; les groupes étant en l’Ordonnance comme des petites branches ou grapilions, qui bien qu’ils soient distincts & comme separés s’unisent neanmoins comme pour ne faire qu’un tout ensemble : ainsi la lumiere doit jetter son principal éclat en un seul endroit, & aller toûjours en diminuant sur les parties qui s’en éloignent.
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Et comme on remarqua sur les Desseins des Etudians une diversité de manieres, les uns imitant le naturel dans la simplicité de sa forme, les autres affectant un embellissement par le renforcement des contours, qu'on appelle charger les contours & y donner le grand goût, cela donna l'occasion à l'Académie de s'entretenir sur ces differentes manieres. Ceux qui oppinoient pour les charges d'agrement alleguoient la beauté des figures Antiques, le grand Dessein de Michel l'Ange, des Caraches, & autres grands peintres de l'Antiquité, & soûtenoient qu'il falloit de bon heure se remplir l'esprit de ces grandes idées, pour se conformer à ces beaux exemples ; et se faire une habitude de ses belles & grandes manières [...]. L'oppinion opposée qu'on appelle naturaliste, parce que qu'ils estiment necessaire l'imitation exacte du naturel en toutes choses, étoit d'assujettir le Dessignateur à imiter les objets avec simplicité & pressisement comme ils sont. Leurs raisons à l'égard des Etudians étoit pour les dresser à une habitude de justesse & de precision ; & pour les avancés une expression nayve & convenable à toute sorte de sujets [...].
Quotation
Ce qui fit considérer de quatre sortes de sujets qui forment autant de difference de proportions & de contours, que l'on nomma vulgaires, Pastoralles & Champestres, dont on dit que les contours doivent être grossiers, ondoyants & incertains, appellant ondoyants la maniere de dessigner, où l'on ne voit aucuns muscles, qui commande à lautre, mais qui s'entresuivent également, que les grossiers & incertains sont tels, que les muscles paroissent confondus avec les tendons & les artères, & où rien n'est articulé, ce qui est pour des sujets simples & des gens grossiers.
En des sujets serieux, où la nature doit être representée belle & agreable, les contours doivent être nobles & certains, passant doucement de l'un à l'autre, en formant les parties grandes & precises, comme il paroît aux figures des jeunes hommes & des filles, où l'on ne voit rien d'aigu, mais au contraire les contours bien coulants.
La troisiéme sorte de contours que l'on a nommé grands, forts, resolus & arrêtés sont ceux auxquels ne se trouvent rien de douteux, [...] où il n'y a rien de choisi & de bien ordonné, ce qui est propre à representer des Heros qui ne doivent avoir rien que de parfait, car comme les Poëtes leur ont attribué, des vertus surnaturelles, les Peintres & Sculpteurs de l'Antiquité en avoient fait de même, choisissant en plusieurs corps, ce qu'il y avoit de plus beau pour en composer un, qui fût propre à de telles expressions & capable d'entrer en des sujets heroïques & extraordinaires.
En quatriéme lieu, l'on considera une maniere de contours artistes excedants le naturel, que l'on nomma puissans, austeres & terribles, puissans pour ce qu'ils font paroître les figures grandes & majestueuses, & qu'ils forment de grandes parties ; austeres parce qu'ils n'ont rien que de solide & de necessaire & qu'ils ne soustrent point de choses inutiles, [...], cette manière n'étant propre qu'à representer des divinités, que c'étoit ce que les anciens avoient soigneusement pratiqué [...].
Les contours terribles sont pour les Ouvrages éloignés de la vûë, & pour representer des geans.
Quotation
Quant à l'imitation precise des modelles, l'on avoüa enfin que même les plus habiles hommes doivent observer cette regle de dessigner le naturel justement & precisement, comme ils le voient pour ne s'écarter point de la verité, quand ils étudient leurs morceaux sur le naturel ; afin que s'en voulant servir en l'execution de l'Ouvrage, ses Desseins representent la verité du naturel, les laissant dans la liberté de donner à leurs figures tels caracteres de force ou de foiblesse convenables à leurs sujets, ce qui est la principale fin à laquelle toutes leurs études ce doivent raporter.
Quotation
[...] un Peintre doit éviter autant qu'il sera possible les contours petits & chetifs, à moins d'y être obligé par la necessité des sujets & la varieté du contraste, que l'oeconomie des contours doit servir à dégager la taille & la proportion, [...]. L'on trouva dans le Tableau de Raphaël un illustre exemple [...], qui fit dire que les proportions & les contours ont du rapport avec le mouvement des esprits, qui donna lieu de parler de lexpression, [...].
Quotation
A l’égard du raport qui peut y avoir entre une seule tête & l’ordonnance de plusieurs figures ensemble, il consiste en l’effet du jour & de l’ombre, en l’unité du point perspectif, au fuyant ou diminution des parties reculées & dans la conformité qu’elles doivent avoir pour concourir en l’expression d’une même passion comme à l’idée d’un seul sujet. C’est à quoi aussi ce peut fort bien rapporter la comparaison qu’on fait ordinairement d’une grape de Raisin à l’Ordonnance d’un Tableau, tant pour la disposition des groupes & des figures que pour la distribution de la lumiere ; les groupes étant en l’Ordonnance comme des petites branches ou grapilions, qui bien qu’ils soient distincts & comme separés s’unisent neanmoins comme pour ne faire qu’un tout ensemble : ainsi la lumiere doit jetter son principal éclat en un seul endroit, & aller toûjours en diminuant sur les parties qui s’en éloignent.
Quotation
On a dit en d'autres entrêtiens, que cette difference des proportions pouvoit être causée par la diversité des exercices, celui qui travaille son corps en des mouvemens libres & forts, [...], ce qui les rend beaucoup plus marqués que ceux qui vivent en un doux repos & dans l'oisiveté. [...] L'on representa que toutes les differences remarquées dans les proportions ce doivent aussi observer à l'égard des contours, puisque c'est par leur moyen que l'on peut former leur diversité. Ce qui fit considérer de quatre sortes de sujets qui forment autant de difference de proportions & de contours, [...] [...] un Peintre doit éviter autant qu'il sera possible les contours petits & chetifs, à moins d'y être obligé par la necessité des sujets & la varieté du contraste, que l'oeconomie des contours doit servir à dégager la taille & la proportion, [...]. L'on trouva dans le Tableau de Raphaël un illustre exemple [...], qui fit dire que les proportions & les contours ont du rapport avec le mouvement des esprits, qui donna lieu de parler de lexpression, [...].
Quotation
L'on representa que toutes les differences remarquées dans les proportions ce doivent aussi observer à l'égard des contours, puisque c'est par leur moyen que l'on peut former leur diversité. Ce qui fit considérer de quatre sortes de sujets qui forment autant de difference de proportions & de contours, que l'on nomma vulgaires, Pastoralles & Champestres, dont on dit que les contours doivent être grossiers, ondoyants & incertains, appellant ondoyants la maniere de dessigner, où l'on ne voit aucuns muscles, qui commande à lautre, mais qui s'entresuivent également, que les grossiers & incertains sont tels, que les muscles paroissent confondus avec les tendons & les artères, & où rien n'est articulé, ce qui est pour des sujets simples & des gens grossiers.
En des sujets serieux, où la nature doit être representée belle & agreable, les contours doivent être nobles & certains, passant doucement de l'un à l'autre, en formant les parties grandes & precises, comme il paroît aux figures des jeunes hommes & des filles, où l'on ne voit rien d'aigu, mais au contraire les contours bien coulants.
La troisiéme sorte de contours que l'on a nommé grands, forts, resolus & arrêtés sont ceux auxquels ne se trouvent rien de douteux, [...] où il n'y a rien de choisi & de bien ordonné, ce qui est propre à representer des Heros qui ne doivent avoir rien que de parfait, car comme les Poëtes leur ont attribué, des vertus surnaturelles, les Peintres & Sculpteurs de l'Antiquité en avoient fait de même, choisissant en plusieurs corps, ce qu'il y avoit de plus beau pour en composer un, qui fût propre à de telles expressions & capable d'entrer en des sujets heroïques & extraordinaires.
En quatriéme lieu, l'on considera une maniere de contours artistes excedants le naturel, que l'on nomma puissans, austeres & terribles, puissans pour ce qu'ils font paroître les figures grandes & majestueuses, & qu'ils forment de grandes parties ; austeres parce qu'ils n'ont rien que de solide & de necessaire & qu'ils ne soustrent point de choses inutiles, [...], cette manière n'étant propre qu'à representer des divinités, que c'étoit ce que les anciens avoient soigneusement pratiqué [...].
Quotation
[...] elle [ndr : l'Académie] commança par un entretien sur le Saint Michel de Raphaël, & comme en cet excellent Ouvrage la partie du Dessein est l'une des plus considerables, & d'où l'on peut tirer les plus solides, les plus corrects, & les plus avantageux exemples que l'on puisse proposer aux Etudians ; on s'y étendit premierement en faisant une definition du Trait en toute son étenduë, qui fut ; Que le Trait n'est autre chose qu'une ligne Phisique, ou une demonstration Mechanique, qui a toûjours quelque dimention en sa largeur quelque déliée qu'elle puisse être ; Que c'est ce qui borne & termine l'étenduë de la surface exterieure d'un sujet, & qui marque les diverses parties qu'elle referme ; Ce sont des lignes qui servent à exprimer la forme des Corps selon leurs differents aspects & situations. Que le trait est le père de tous les Arts & de toutes les superficies, lesquelles ne peuvent avoir d'être sans avoir un terme ; qu'il a des mouvemens droits, circulaires, & mixtes, que sa pratique est d'une merveilleuse étenduë, d'autant qu'il parcourt toutes les choses visibles de la nature, mais son plus glorieux & plus laborieux sujet est le Corps Humain par la multiplicité de ses mouvemens & de ses actions, qu'il est si vaste, que non seulement il entreprend de representer toutes les actions exterieures, & de faire le discernement du sexe & de l'âge, mais qu'il séforce encore d'exprimer les mouvemens de l'ame, enfin que l'oeil n'aperçoit rien, & l'imagination ne peut rien concevoir que le Trait ne puisse representer.