Appelles avoit donc plus de soin d’observer le Vrai dans ses portraits, que de les embellir en les altérant. En effet le Vrai a tant de charmes en cette occasion, qu’on le doit toujours préferer au secours d’une beauté étrangere. Car sans le Vrai les portraits ne peuvent conserver qu’une idée vague & confuse de nos amis, & non pas un véritable caractere de leur personne.
[…] Il faut de plus, qu'elle [ndr : l’attitude] ait un tour, qui sans sortir de la vraisemblance, ni du caractere de la personne, jette de l’agrément dans l'action. En effet, il n’y a rien dans l’imitation où l’on ne puisse faire entrer de la grace, ou par le choix, ou par la maniere d’imiter. Il y a de la grace dans l’expression des vices comme dans celle des vertus. […] En un mot la connoissance du caractere qui est attaché à chaque objet, & qui regarde principalement les sexes, les âges, & les conditions, est le fondement du bon choix, & la source où l’on puise les graces convenables à chaque figure.
Je regarde dans le Dessein plusieurs parties d’une extrême necessité à quiconque veut devenir habile, dont voici les principales. La Correction, le bon Gout, l’Elegance, le Caractere, la Diversité, l’Expression & la Perspective.
Ce n’est pas la correction seule qui donne l’ame aux objets peints, c’est la maniere dont ils sont dessinés. Chaque espece d’objet demande une marque differente de distinction, la Pierre, les Eaux, les Arbres, le Poil, la Plume ; & enfin tous les Animaux demandent des touches differentes pour exprimer l’esprit de leur caractere : le nud même des figures humaines a ses marques de distinction. Les uns pour imiter la chair donnent aux contours une inflexion qui porte cet esprit : les autres pour imiter l’Antique conservent dans leurs contours la régularité des Statues, de peur de rien perdre de leur beauté.