Divers preceptes de la peinture Les contours & la figure de quelque partie que ce soit aux corps ombreux se discernent malaisément dans les ombres & dans les grands clairs, mais les parties de ces mesmes corps qui se rencontrent entre les extremitez de la lumiere & de l’ombre sont les plus reconnaissables. La perspective en ce qui concerne la peinture, se divise en trois parties principales, dont la premiere consiste en la diminution de quantité qui se fait dans la dimension des corps selon leurs diverses distances. La deuxiéme est celle qui traitte de l’affoiblissement des couleurs de ces mesmes corps. La troisiéme, enseige à exprimer la diminution de connoissance ou discernement des figures, & de tous les corps par la sensibilité des termes de leurs contours, selon l’inégalité de leurs distances. L’azur de l’air est d’une couleur composée de lumiere & de tenebres […]. Entre les choses d’une égale obscurité, & qui sont en une pareille distance, celle-là se montrera plus obscure, laquelle terminera sur un champ plus clair, & il en ira de mesme du contraire. La chose qui sera peinte avec plus de blanc & plus de noir, monstera un plus grand relief qu’aucune autre : Pour cét effet j’advertis le peintre de colorir & d’habiller ses figures de couleurs vives & les plus claires qu’il pourra ; car s’il fait des teintes obscures, elles n’auront guere de relief, & paroistront peu de loin ; ce qui arrive parce que les ombres de tous les corps sont obscures, & si vous faites une drapperie d’une teinte obscure, il y aura peu de difference du clair à l’ombré, au lieu que dans les couleurs vives & claires la difference s’y connoistra.
Des termes ou extremitez des corps Les termes des corps qui sont à la seconde distance, ne seront jamais si visibles, ny si fortement touchez comme les premiers ; c’est pourquoy le peintre ne devra pas profiler immediatement de mesme force les quatriémes objects avec les cinquiémes de la mesme sorte que les premiers avec les seconds, parce que le terme qui divise un corps d’avec un autre, tient de la ligne Mathematique, en ce que le terme d’une couleur est le commencement d’une autre couleur ; il ne doit pas neanmoins estre nommé une ligne, veu qu’il ne se trouve aucune chose entre le terme d’une couleur qui precede immediatement une autre couleur, si ce n’est le terme mesme qui est une chose imperceptible mesme de prés ; si bien que le peintre doit profiler plus legerement les contours des corps dans les distances.