132. [Que les Membres soient agrouppez de mesme que les Figures, c'est à dire, &c.] Je ne sçaurois vous mieux comparer un Grouppe de Figures, qu'à un Concert de Voix, lesquelles toutes ensemble se soûtenant par leurs différen- tes Parties, font un Accord qui remplit & qui flatte agreablement l'oreille : mais si vous venez à les separer, & qu'elles se fassent entendre aussi haut l'une que l'autre, elles vous étourdiront tellement, que vous croirez avoir les oreilles déchirées. Il en est de mesme des Figures : si vous les assemblez en sorte que les unes soûtiennent & servent à faire paroistre les autres, & que toutes ensemble s'accordent & ne fassent qu'un Tout, vos yeux seront pleinement satisfaits ; que si au contraire vous les separez, vos yeux souffriront pour les voir toutes ensemble dispersées, ou chacune en particulier ; toutes ensemble, parce que les rayons visuels sont multipliez par la multiplicité des Objets ; chacune en particulier, parce que si vous en voulez regarder une, toutes celles qui sont autour fraperont & attireront vostre veuë, qui peine extremement dans cette sorte de separation & de diversité d'Objets. L'œil par exemple est satisfait à la veuë d'un raisin, & se trouve fort embarassé, s’il se veut porter tout d'un coup sur tous les grains ensemble, qui en seront détachez sur une table. Il faut avoir le mesme égard pour les Membres : ils se grouppent & se contrastent de mesme que les Figures. Peu de Peintres ont bien pris garde à ce Precepte, qui est un fondement tres-solide pour l'harmonie du Tableau.