COLEUR (n. f.)
TERM USED AS TRANSLATIONS IN QUOTATION
COULEUR (fra.)COULEUR
DU FRESNOY, Charles-Alphonse et DE PILES, Roger, De Schilderkonst eerst in Latynze Vaerzen Beschreven door C.A. Dufresnoy in't Frans gebragt en met Aantekekeningen verrykt Door den Heer De Piles Nevens een Zaammeuspraak over het koloriet, trad. par VERHOEK, Joannes, Amsterdam, Balthazar Lakeman, 1722.
{IV. Disposition ou œconomie de tout l’ouvrage}
*Il est fort à propos, en cherchant les Attitudes, de prevoir l’effet & l’harmonie des Lumieres & des Ombres avec les Couleurs qui doivent entrer dans le Tout, prenant des unes & des autres ce qui doit contribuer davantage à produire un bel effet.
256. [La Cromatique.] La troisième & derniere Partie de la Peinture s’appelle Cromatique, ou Coloris. Elle a pour objet la Couleur : c’est pourquoy les Lumieres & les Ombres y sont aussi comprises, qui ne sont autre chose que du Blanc & du Brun, & par consequent qui ont rang parmy les Couleurs. […] Disons donc, Que la Cromatique fait ses observations sur les Masses ou Corps des Couleurs, accompagnées de Lumieres & d’Ombres plus ou moins évidentes par degrez de diminution, selon les accidens, premierement du Corps lumineux, comme du Soleil ou d’un flambeau ; secondement du Corps diaphane, qui est entre nous & l’objet, comme l’Air pur ou épais, ou une vitre rouge, &c. 3. du Corps solide illuminé, comme une Statuë de marbre blanc, un arbre vert, un cheval noir, &c. 4. de la part de celuy qui regarde le Corps illuminé le voyant de loin ou de prés, directement en ange droit, ou de biais en angle obtus, de haut en bas, ou de bas en haut. Cette Partie dans la connoissance qu’elle a de la valeur des Couleurs, de l’amitié qu’elles ont ensemble, & de leur antipathie, comprend la Force, le Relief, la Fierté, & ce Precieux que l’on remarque dans les bons Tableaux. Le maniement des Couleurs & le travail dépendent encore de cette derniere Partie.
*La lumiere produit toutes sortes de couleurs, & l’ombre n’en donne aucune.
{XXXI. Conduite des Tons, des Lumières & des Ombres.}
Il faut donc que les corps ronds, qui sont veus vis-à-vis en angle droit, soient de couleurs vives & fortes, & que les extremitez tournent en se perdant insensiblement & confusément, sans que le Clair se precipite tout d'un coup dans l'Obscur, ny l'Obscur tout d'un coup dans le Clair : il se fera un passage commun & imperceptible des Clairs dans les Ombres & des Ombres dans les Clairs. Et c’est conformément à ces principes qu’il faut traiter tout un Grouppe de Figures, quoy que composé de plusieurs parties ; de mesme que vous feriez une seule teste, soit qu’il y ait deux Grouppes, ou mesme trois (*ce qui sera tout au plus) si vôtre composition le demande, & prenez garde qu’ils soient détachez les uns des autres : Enfin, vous ménagerez si bien les Couleurs, les Clairs & les Ombres, *que vous fassiez paroître les corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, qui ne luy permettent pas si-tost d’aller plus loing, & qui la font reposer pour quelque temps, & que reciproquement vous rendiez les Ombres sensibles par un Fond éclairé.
282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […]
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]
{XLII. Diversité de Tons & de Couleurs.}
Les Corps seront par tout differents de Tons & de Couleurs : que ceux qui sont derriere se lient & fassent amitié ensemble, & que ceux de devant soient forts & petillans.
361. [Que jamais deux extremitez contraires, &c.] Le Sens de la veuë a cela de commun avec tous les autres, qu’il abhorre les extremitez contraires. Et de mesme que les mains qui ont grand froid, souffrent beaucoup lors qu’on les approche tout d’un coup du feu ; ainsi les yeux qui trouvent un extreme Blanc auprés d’un extreme Noir, ou un bel Azur auprés d’un Vermillon ardent, ne sçauroient regarder ces extremitez qu’avec peine, quoy qu’ils y soient toûjours attirez par l’éclat des deux contraires.
Ce Precepte oblige de sçavoir les Couleurs qui ont amitié ensemble, & celles qui sont incompatibles ; ce que l’on pourra aisément découvrir en mélant ensemble les Couleurs dont on veut faire épreuve : & si par ce mélange elles font une Couleur douce & qui ne soit point desagreable aux yeux, c’est une marque qu’il y a de l’union & de la sympathie entr’elles ; si au contraire la Couleur qui sera produite du mélange des deux autres, est rude à la veuë, il faut conclure qu’il y a de la contrarieté & de l’antipathie entre ces deux Couleurs. Le Vert par exemple est une Couleur agreable, qui peut venir du Bleu & du Jaune mélez ensemble, & par consequent le Bleu & le Jaune sont deux Couleurs qui sympathisent. Et tout au contraire le mélange du Bleu & du Vermillon ont une antipathie ensemble ; & ainsi des autres couleurs, dont vous pouvez faire essay, & vous éclaircir une fois pour toutes. […] L’on peut neantmoins passer par dessus ce Precepte, quand on n’a qu’une ou deux Figures à traiter, & que parmy un grand nombre on en veut faire remarquer quelqu’une, qui est des principales du Sujet, & qui autrement ne pourroit se faire remarquer par dessus les autres. Titien dans le Tableau qu’il a fait du Triomphe de Bacchus, ayant placé Ariadne sur l’un des costez du Tableau, & ne pouvant pour cette raison la faire remarquer par les éclats de la lumiere qu’il a voulu conserver dans le milieu, il luy a donné une écharpe de Vermillon sur une Draperie bleuë, tant pour la détacher de son fonds qui est déjà une mer bleuë, qu’à cause que c’est une des principales Figures du Sujet, sur laquelle il veut que l’œil soit attiré. Paul Veronese dans sa Noce de Cana, parce que le Christ, qui est la Principale Figure du Sujet, est un peu enfoncé dans le Tableau, & qu’il n’a pû le faire remarquer par le brillant du Clair-Obscur, il l’a vestu de Bleu & de Vermillon, pour faire que la veuë se portast sur cette Figure.
Les Couleurs ennemies se pourront d’autant plus allier, que vous y meslerez d’autres Couleurs qui auront de la sympathie l’une avec l’autre, & qui s’accorderont avec celles que vous voudrez, pour ainsi dire, reconcilier.
382. [Que vos Couleurs soient vives, sans pourtant donner, comme on dit, dans la farine.] Donner dans la farine c’est une façon de parler parmy les Peintres, qui exprime parfaitement ce qu’elle veut dire, qui n’est autre chose que de peindre avec Couleurs claires & fades tout ensemble, lesquelles ne donnent non plus de vie aux Figures, que si effectivement elles estoient frottées de farine. Ceux qui font leurs Carnations fort blanches & leurs Ombres grises ou verdastres, tombent dans cette inconvenient. Les Couleurs rousses dans les Ombres des chairs les plus delicates, contribuent merveilleusement à les rendre vives, brillantes & naturelles : mais il en faut user avec la mesme prudence dont le Titien, Paul Ver. Rubens & Vandeik se sont servis.
Pour conserver les Couleurs fraisches, il faut peindre en mettant toûjours des Couleurs, & non pas en frottant apres les avoir couchées sur la toile ; & s’il se pouvoit mesme faire qu’on les mist justement dans leurs places, & que l’on n’y touchast point quand on les y a une fois placées, il seroit encore mieux ; parce que la fraischeur des Couleurs se ternit & se perd à force de les tourmenter en peignant.
Tous ceux qui ont bien colorié, avoient encore une autre Maxime pour maintenir les Couleurs fraisches, vives & fleuries ; c'estoit de se servir de Fonds blancs, sur lesquels ils peignoient, & souvent mesme au premier coup, sans rien retoucher, & sans y employer de nouvelles Couleurs. Rubens s'en servoit toûjours ; & j'ay veu des Tableaux de la main de ce grand Homme faits au premier coup, qui avoient une vivacité merveilleuse. La raison que ces excellens Coloristes avoient de se servir de ces sortes de Fonds, est que le Blanc conserve toûjours un éclat sous le transparant des Couleurs, lesquelles empeschent que l'air n'altere la blancheur du Fonds, de méme que cette blancheur repare le dommage qu'elles reçoivent de l'air ; de maniere que le Fonds & les Couleurs se prestent un mutuel secours, & se conservent l'un l'autre. C'est par cette raison que les Couleurs glacées ont une vivacité qui ne peut jamais estre imitée par les Couleurs les plus vives & les plus brillantes, dont à la maniere ordinaire & commune on couche simplement les differentes teintes, chacune dans leur place les unes apres les autres : tant il est vray que le Blanc avec les autres Couleurs fieres, dont on peint d'abord ce que l'on veut glacer, en sont comme la vie & l'éclat. Les Anciens ont asseurement trouvé que les Fonds blancs estoient beaucoup meilleurs que les autres : puisque nonobstant l'incommodité que leurs yeux recevoient de cette Couleur, ils ne laissoient pas de s'en servir, […] Je ne sçay d'où vient que l'on ne s'en sert pas aujourd'huy, si ce n'est qu'il y a peu de Peintres curieux de bien colorier, ou que l'ébauche commencée sur le Blanc ne se montre pas assez viste, & qu'il faut avoir une patience plus que Françoise, pour attendre qu'elle soit achevée, & que le Fond qui ternit par sa Blancheur l'éclat des autres Couleurs, soit entierement couvert, pour faire paroistre agreablement tout l'Ouvrage.
{LII. La Place du Tableau.}
Les ouvrages peints dans les petits lieux doivent estre forts tendres & fort unis de Tons et de Couleurs, dont les degrez seront plus différens, plus inégaux, & plus fiers si l'ouvrage est plus éloigné : & si vous faites jamais de grandes figures, qu'elles soient de Couleurs fortes, & dans les lieux spacieux.
{LIV. Combien il faut de Lumiere pour la place du Tableau}
Si vostre Tableau doit estre placé dans un lieu éclairé d'une petite Lumiere, les Couleurs en doivent estre fort claires ; & tout au contraire, fort brunes, si le lieu est fort esclairé, ou si c'est au plein jour.
dans les divers sujets qu’un Peintre peut avoir à traitter, il doit.
Déterminer la situation du lieu, & à l’égard des actions des figures, se proposer la diversité des mouvemens qui peuvent convenir à son sujet, leur ponderation ou soutien en équilibre, leur position sur un plan perspectif, le contraste, les jours & les ombres ; & enfin les couleurs, puisqu’on doit avoir égard également à toutes ces choses dans le projet qu’on fait de l’ordonnance pour le disposer, de sorte que toutes concourent ensemble à l’expression de la principale idée du sujet.
Il faut ajoûter que LA COULEUR dépend tellement du Dessein qu’il luy est impossible de representer quoy que ce soit, sans son ordonnance & sans sa conduite : qu’ainsi il est très-constant que le merite de la Peinture consiste plutôt dans le Dessein que dans la couleur, & puisque ce qui releve le merite des choses est de dépendre moins d’une cause étrangere, il faut donc conclure que celuy du Dessein est infiniment au-dessus de la Couleur. [...] ainsi le Peintre a besoin de la Couleur quand il veut rendre ses representations complettes & accomplies. Le Musicien qui chante juste & correct avec une voix mediocre, doit être plus estimé que celuy qui chante faux avec une belle voix ; de même le Peintre bon Dessinateur & correct, qui colorie mediocrement, est plus estimable que celuy qui dessine mal avec un beau Coloris : enfin la belle voix peut charmer les ignorans, bien qu’elle ne soit pas soûtenuë de la justesse ; de même le bel éclat de la Couleur peut faire la même chose, encore que le Dessein soit mauvais. [...] Or, pour bien pratiquer l’usage des couleurs l’on doit soigneusement observer deux choses. La PREMIERE, d’étudier quelles en sont les proprietez naturelles, reconnoître bien leur valeur, & leurs effets, pour les pouvoir appliquer avec œconomie, associant celles qui se peuvent marier ensemble pour produire une agreable union, & opposer celles qui sont propres à se relever l‘une l’autre par un doux contraste. La SECONDE, de bien menager leur diminution, pour faire enfoncer les objets dans le Tableau, & imiter le plus qu’il est possible les beaux effets du naturel.
Le cabinet des tableaux, des statues et des estampes ou l’introduction à la connoissance des arts d’architecture, de peinture, de sculpture et de graveure, p. 66Enfin dans cette partie de la Couleur, on doit considerer ces trois choses conjointement pour y exceller. La belle œconomie des couleurs, la propreté dans leur mélange & dans leur application, & la liberté du Pinceau. Ces trois choses qui bien souvent font tout le talent d’un Peintre, chacune en particulier, ne se doivent neanmoins jamais separer, puisqu’elles contribuent également à imiter avec succés la beauté du naturel.
Le cabinet des tableaux, des statues et des estampes ou l’introduction à la connoissance des arts d’architecture, de peinture, de sculpture et de graveure, p. 70LA COULEUR. Cette partie ne doit pas seulement s’entendre du Coloris, mais encore de la science des ombres & des lumieres, comme étant une branche de la Perspective, où le centre du corps lumineux represente l’œil, & la section qui se fait de ses rayons sur le plan ou sur une autre superficie, exprime précisément le vray contour & la forme même du corps éclairé ; & les perspectives capricieuses qu’on voit quelquefois sur des surfaces irréguliéres, ne seront plus difficiles à ceux qui en auront le secret & l’intelligence.
Le cabinet des tableaux, des statues et des estampes ou l’introduction à la connoissance des arts d’architecture, de peinture, de sculpture et de graveure, p. 78COULEURS (DE LA PEINTURE À HUILE)
les COULEURS se doivent considerer à l’égard de leur employ, soit à huile, ou à l’eau.
A l’huile, remarquant premierement leur PREPARATION, observant qu’il les faut broyer le plus fin & le plus proprement qu’il est possible, choisissant toûjours les plus belles.
Qu’en les mettant sur la palete, il faut allier d’huile ou autres choses siccatives celles qui ne sechent point d’elles-mêmes.
Qu’il faut détremper les teintes dont l’on aura besoin, en moindre nombre qu’il sera possible, étant plus facile de les trouver avec le pinceau.
Ne doit-on pas considerer leur APPLICATION à l’égard des diverses manieres de peindre dans les ouvrages coloriez, pour les grands morceaux où l’on travaille de deux manieres ? PREMIEREMENT, en couchant les couleurs pleinement, pour les empâter & incorporer mouëlleusement ce qui les fait subsister davantage.
SECONDEMENT, ne faisant que froter avec un peu de couleur & clair d’huile, ce qui est plus prompt & paroît agreable, mais qui se passe tôt, devenant dur & sec.