VALEUR (n. f.)
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Mais que pour bien pratiquer l’usage des couleurs, l’on devoit soigneusement observer deux choses. La premiere ; d’Etudier qu’elles en sont les propriétés naturelles, en reconnoître bien leur valeur & leurs effets pour les pouvoir appliquer avec oeconomie associant celles qui se peuvent marier ensemble, pour produire une agreable union, & opposer celles qui sont propres à se relever l’une l’autre par un doux contraste.
Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Testelin est repris par Florent Le Comte dans son Cabinet des singularitez (...), plus précisément à la page 69 de son édition de 1699-1700 (Paris, Etienne Picart & Nicolas Le Clerc). Le Comte reprend également la Table des Préceptes sur la Couleur aux pages 50-53.
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Si ces principales parties ne s’y trouvent point, dites en sûreté que la composition de ce tableau ne vous plaît pas ; & vous aurez raison : mais ne vous pressez pas de dire que ce tableau ne vaut rien ; car il pourroit se trouver d’excellentes choses dans le détail.
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Enfin le tems arrive où le public apprétie un ouvrage, non plus sur le rapport des gens du métier, mais suivant l'impression que fait cet ouvrage. Les personnes qui en avoient jugé autrement que les gens de l'art, & en s'en rapportant au sentiment, s'entrecommuniquent leurs avis, & l'uniformité de leur opinion change en persuasion l'opinion de chaque particulier. Il se forme encore de nouveaux maîtres dans les arts, qui jugent sans intérêt & avec équité des ouvrages calomniez. Ces maîtres désabusent le monde méthodiquement des préventions que leurs prédecesseurs y avoient semées. Le monde remarque encore de lui-même, que ceux qui lui avoient promis quelque chose de meilleur que l'ouvrage dont le mérite a été contesté, ne lui ont pas tenu parole. Les contradicteurs obstinez meurent d'un autre côté. Ainsi l'ouvrage se trouve géneralement estimé à sa valeur véritable.
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En second lieu, comme le public n'est pas également éclairé dans tous les païs, il est des lieux où les gens du métier peuvent le tenir plus long-temps dans l'erreur qu'ils ne le peuvent tenir en d'autres contrées. Par exemple, les tableaux exposez dans Rome seront plutôt apprétiez à leur juste valeur, que s'ils étoient exposez dans Londres ou dans Paris. Les Romains naissent presque tous avec beaucoup de sensibilité pour la peinture, & leur goût naturel a encore des occasions fréquentes de se nourrir & de se perfectionner par les ouvrages excellens qu'on rencontre dans les églises, dans les palais, & presque dans toutes les maisons où l'on peut entrer. Les mœurs & les usages du païs y laissent encore un grand vuide dans les journées de tout le monde, même dans celles de ces Artisans condamnez ailleurs à un travail qui n'a gueres plus de relâche que le travail des Danaïdes. Cette inaction, l'occasion continuelle de voir de beaux tableaux, & peut-être aussi la sensibilité des organes plus grande dans ces contrées-là que dans des païs froids & humides, rendent le goût pour la peinture si géneral à Rome, qu'il est ordinaire d'y voir des tableaux de prix jusques dans des boutiques de Barbiers, & ces Messieurs en expliquent avec emphase les beautez à tous venans, pour satisfaire à la nécessité d'entretenir le monde, que leur profession leur imposoit dès le temps d'Horace. Enfin dans une nation industrieuse & capable de prendre toute sorte de peine pour gagner sa vie, sans être assujettie à un travail reglé, il s'est formé un peuple entier de gens qui cherchent à faire quelque profit par le moïen du commerce des tableaux. Ainsi le public de Rome est presque composé en entier de connoisseurs en peinture. Ils sont, si l'on veut, la plûpart des Connoisseurs médiocres, mais du moins ils ont un goût de comparaison qui empêche les gens du métier de leur en imposer aussi facilement qu'ils peuvent en imposer ailleurs. Si le public de Rome n'en sçait point assez pour réfuter méthodiquement leurs faux raisonnemens, il en sçait assez du moins pour en sentir l'erreur, & il s'informe après l'avoir sentie de ce qu'il faut dire pour la refuter. D'un autre côté les gens du métier deviennent plus circonspects lorsqu'ils sentent qu'ils ont affaire avec des hommes éclairez. Ce n'est point parmi les Théologiens que les Novateurs entreprennent de faire des Prosélites de bonne foi.