On voit des Curieux qui se font une idée d'un Maître sur trois ou quatre Tableaux qu'ils en auront vûs, & qui croient après cela avoir un titre suffisant pour décider sur sa maniére, sans faire réflexion aux soins plus ou moins grands que le Peintre aura pris à les faire, ni à l'âge auquel il les aura faits. Ce n'est pas sur les Tableaux particuliers du Peintre : mais sur le général de ses Ouvrages qu'il faut juger de son mérite. Car il n'y a point de Peintre qui n'ait fait quelques bons & quelques mauvais Tableaux […]. Il n'y en a point aussi qui n'ai eu son commencement, son progrès & sa fin ; c'est-à-dire, trois maniéres : la première, qui tient à celle de son Maître; la seconde, qui s'est formée selon son Goût, & dans laquelle réside la mesure de ses talens, & de son Génie; & la troisième, qui dégénère ordinairement en ce qu'on appelle maniére : parce qu'un Peintre, après avoir étudié long-tems d'après la Nature, veut jouir, sans la consulter davantage, de l'habitude qu'il s'en est faite.