NAARVOLGING (n. f.)
TERM USED AS TRANSLATIONS IN QUOTATION
IMITATION (fra.)IMITATION
Raisonne-t-on pour savoir si le ragoût est bon ou s'il est mauvais […] On n'en fait rien. Il est en nous un sens fait pour connoître si le Cuisinier a operé suivant les regles de son art. On goûte le ragoût, & même sans savoir ces regles, on connoît s'il est bon. Il en est de même en quelque maniere des ouvrages d'esprit & des tableaux faits pour nous plaire en nous touchant.
Il est en nous un sens destiné pour juger du mérite de ces ouvrages, qui consiste en l'imitation des objets touchans dans la nature. Ce sens est le sens même qui auroit jugé de l'objet que le Peintre, le Poëte ou le Musicien ont imité. C'est l'œil, lorsqu'il s'agit du coloris du tableau […] Lorsqu'il s'agit de connoître si l'imitation qu'on nous présente dans un poëme ou dans la composition d'un tableau, est capable d'exciter la compassion & d'attendrir, le sens destiné pour en juger, est le sens même qui auroit été attendri, c'est le sens qui auroit jugé de l'objet imité. C'est ce sixième sens qui est en nous, sans que nous voïions ses organes. C'est la portion de nous-mêmes qui juge sur l'impression qu'elle ressent, & qui pour me servir des termes de Platon, prononce, sans consulter la regle & le compas. C'est enfin ce qu'on appelle communément le sentiment.
Le cœur s'agite de lui-même, & par un mouvement qui précede toute délibération, quand l'objet qu'on lui présente est réellement un objet touchant, soit que l'objet ait reçu son être de la nature, soit qu'il tienne son existence d'une imitation que l'art en a faite. Notre cœur est fait, il est organisé pour cela. Son opération prévient donc tous les raisonnemens, ainsi que l'operation de l'œil & celle de l'oreille les devancent dans leurs sensations.
Dès que l'attrait principal de la Poësie & de la Peinture, dès que le pouvoir qu'elles ont pour nous émouvoir & pour nous plaire vient des imitations qu'elles sçavent faire des objets capables de nous interresser : la plus grande imprudence que le Peintre ou le Poëte puissent faire, c'est de prendre pour l'objet principal de leur imitation des choses que nous regarderions avec indifference dans la nature : c'est d'emploïer leur Art à nous représenter des actions qui ne s'attireroient qu'une attention médiocre si nous les voïions veritablement. Comment serons-nous touchez par la copie d'un original incapable de nous affecter ? Comment serons-nous attachez par un tableau qui représente un villageois passant son chemin en conduisant deux bêtes de somme, si l'action que ce tableau imite ne peut pas nous attacher ? [...] L'imitation ne sçauroit donc nous émouvoir quand la chose imitée n'est point capable de le faire. Les sujets que Teniers, Wowermans & les autres Peintres de ce genre ont représentez, n'auroient obtenu de nous qu'une attention très-legere. Il n'est rien dans l'action d'une fête de village ou dans les divertissemens ordinaires d'un corps de garde qui puisse nous émouvoir. Il s'ensuit donc que l'imitation de ces objets peut bien nous amuser durant quelques momens, qu'elle peut bien nous faire applaudir aux talens que l'ouvrier avoit pour l'imitation, mais elle ne sçauroit nous toucher.
Section 6, De la nature des sujets que les Peintres & les Poëtes traitent. Qu'ils ne sçauroient les choisir trop interressans par eux-mêmes p. 50-51-52
Je crois que le pouvoir de la Peinture est plus grand sur les hommes que celui de la Poësie, & j'appuie mon sentiment sur deux raisons. La premiere est que la Peinture agit sur nous par le moïen du sens de la vûë. La seconde est que la Peinture n'emploïe pas des signes artificiels ainsi que le fait la Poësie, mais bien des signes naturels. C'est avec des signes naturels que la peinture fait ses imitations.
La Peinture se sert de l'œil pour nous émouvoir. [...] La vûë a plus d'empire sur l'ame que les autres sens. La vûë est celui des sens en qui l'ame, par un instinct que l'expérience fortifie, a le plus de confiance […]
En second lieu, les signes que la Peinture emploïe pour nous parler, ne sont pas des signes arbitraires & instituez, tels que sont les mots dont la Poësie se sert. La Peinture emploïe des signes naturels dont l'énergie ne dépend pas de l'éducation. Ils tirent leur force du rapport que la nature elle-même a pris soin de mettre entre les objets extérieurs & nos organes, afin de procurer notre conservation. Je parle peut-être mal, quand je dis que la Peinture emploïe des signes. C'est la nature elle-même que la Peinture met sous nos yeux. Si notre esprit n'y est pas trompé, nos sens du moins y sont abusez. La figure des objets, leur couleur, les reflais de lumière, les ombres, enfin tout ce que l'œil peut apercevoir, se trouve dans un tableau, comme nous le voïons dans la nature. Elle se présente dans un tableau sous la même forme où nous la voïons réellement. Il semble même que l'œil ébloüi par l'ouvrage d'un Grand Peintre, croïe quelquefois apercevoir du mouvement dans ses figures.
Les vers les plus touchans ne sçauroient nous émouvoir que par degrez & en faisant jouer plusieurs ressorts de notre machine les uns après les autres. Les mots doivent d'abord réveiller les idées dont ils ne sont que des signes arbitraires. Il faut ensuite que ces idées s'arrangent dans l'imagination, & qu'elles y forment ces tableaux qui nous touchent, & ces peintures qui nous intéressent. Toutes ces opérations, il est vrai, sont bientôt faites ; mais il est un principe incontestable dans la mécanique, c'est que la multiplicité des ressorts affoiblit toujours le mouvement, parce qu'un ressort ne communique jamais à un autre tout le mouvement qu'il a reçu. D'ailleurs il est une de ces opérations, celle qui se fait quand le mot réveille l'idée dont il est le signe, qui ne se fait pas en vertu des loix de la nature. Elle est artificielle en partie.
Ainsi les objets que les tableaux nous présentent agissant en qualité de signes naturels, ils doivent agir plus promptement. L'impression qu'ils font sur nous, doit être plus prompte & plus soudaine que celle que les vers peuvent faire.[…] Nous voïons alors en un instant ce que les vers nous font seulement imaginer, & cela même en plusieurs instants.
IMITATION
Or il est vrai que tout ce que nous voïons au théatre, concourt à nous émouvoir, mais rien n'y fait illusion à nos sens, car tout s'y montre comme imitation. Il en va de même de la Peinture. […] Mais dans le tableau de Raphaël dont je parle [ndr. Attila]: l'imitation est si vrai-semblable, qu'elle fait sur les spectateurs une grande partie de l'impression que l'évenement auroit pû faire sur eux.
On raconte un grand nombre d'histoires d'animaux, d'enfans, & même d'hommes faits qui s'en sont laissé imposer par des tableaux, au point de les avoir pris pour les objets dont ils n'étoient qu'une imitation. Toutes ces personnes dira-t-on, sont tombées dans l'illusion que vous regardez comme impossible. On ajoutera que plusieurs oiseaux se sont froissé la tête contre la perspective de Ruel, trompez par son ciel si bien imité qu'ils ont cru pouvoir prendre l'essort à travers. Des hommes ont souvent adressé la parole à des portraits, croïant parler à d'autres hommes. Tout le monde sçait l'histoire du portrait de la servante de Rembrandt. Il l'avoit exposé à une fenêtre où cette fille se tenoit quelquefois, & les voisins y vinrent tour à tour pour faire conversation avec la toile. Je veux bien tomber d'accord de tous ces faits, qui prouvent seulement que les tableaux peuvent bien quelquefois nous faire tomber en illusion, mais non pas que l'illusion soit la source du plaisir que nous font les imitations Poëtiques ou Pittoresques. La preuve est que le plaisir continuë, quand il n'y a plus de lieu à la surprise. Les tableaux plaisent sans le secours de cette illusion, qui n'est qu'un incident du plaisir qu'ils nous donnent, et même un incident assez rare. Les tableaux plaisent, quoiqu'on ait présent à l'esprit qu'ils ne sont qu'une toile sur laquelle on a placé des couleurs avec art.