MIRROR (n.)
TERM USED AS TRANSLATIONS IN QUOTATION
MIROIR (fra.)MIROIR
D’où vient que les choses peintes ne peuvent jamais avoir le mesme relief que les naturelles
Les peintres assez souvent se depitent contre leur ouvrage, de ce que taschant à imiter le naturel, ils trouvent que leurs peintures n'ont pas le relief, ny la mesme force que les choses qui se voyent dans un miroir, […] Il est impossible que la peinture paroisse d’aussi grand relief que les choses veuës dans le miroir […] si ce n’est qu’on les regarde qu’avec un œil, & en voici la raison […]
Comment un peintre doit examiner & juger luy-mesme de son propre ouvrage
Il est certain qu’on remarque mieux les fautes d’autruy que les siennes propres ; c’est pourquoy le peintre doit commencer par se rendre bon perspectif , & puis s’acquerir une connaissance entière des mesures du corps humain : Il doit estre encore un bon Architecte, pour le moins en ce qui concerne la regularité exterieure d’un edifice & de toutes ses parties, & aux choses dont il n’a pas la pratique, il ne faut point qu’il neglige d’aller voir & desseigner sur le naturel, mais en travaillant il doit tenir devant lui un miroir plat, & considerer souvent son ouvrage dans ce miroir, qui le luy representera tout au rebours, & semblera de la main d’un autre maistre ; de sorte que par ce moyen il pourra mieux remarquer ses fautes : il sera utile encore de quitter souvent son travail, & de s’aller divertir un peu, parce qu’au retour on aura le jugement plus degagé & plus net, comme au contraire la trop grande attache & la contension trop assiduë hebete l’esprit, & le fait tomber en de lourdes fautes.
Comme le miroir et le vray maistre des peintres
Quand vous voulez voir si vostre peinture toute ensemble a de la conformité avec les choses que vous avez imitées du naturel, prenez un miroir, & faites que la chose vive se mire dedans, & puis comparez l’image qui paroist dans le miroir à vostre peinture, considerant bien l’object réel & le conferant avec l’une & l’autre : vous voyez sur un miroir plat des representations qui paroissent de relief, & la peinture fait aussi le mesme : & le miroir & la peinture font la mesme representation des choses environnées d’ombres et de lumieres, & l’une & l’autre paroist beaucoup esloignée au-delà de sa superficie ; & puis que vous reconnaissez que le miroir par le moyen des lineaments & des ombres vous fait sembler que les choses ont du relief, & vous ayant aussi entre vos couleurs des ombres & des lumieres plus puissantes que celles de ce miroir, il est certain que si vous sçavez les employer selon l’art, vostre peinture semblera aussi une chose naturelle représentée dans un grand miroir ; vostre maistre (qui est ce miroir) vous monstera le clair & l’obscur de quelque object que ce soit, & vos couleurs en ont une qui est plus claire que les parties les plus esclairées de votre modele, & semblablement entre ces mesmes couleurs, il s’en trouve aussi quelqu’une qui est plus obscure que la plus obscure du mesme modele ; d’où il arrive que le peintre ne fait pas tousjours toutes ses peintures semblables aux representations de ce miroir quand il regarde l’object qu’il peint avec un seul œil, parce que les deux yeux voyent davantage de l’objet , & l’environnent, lors qu’il est moindre que la distance d’un œil à l’autre.
286. [De la mesme façon que le Miroir convexe vous le montre.] Le Miroir convexe altere les Objets qui sont au milieu, de sorte qu’il semble les faire sortir hors de sa superficie. Le Peintre en usera de cette maniere à l’égard du Clair-Obscur de ses Figures, pour leur donner plus de relief & plus de force.
290. [Et que celles qui tournent, sont de Couleurs rompuës, comme estant moins distinguées & plus proches des bords.] Il faut que le Peintre imite encore le Miroir convexe en cecy, & qu'aux bords de son Tableau il n'y mette rien de petillant, ny en Couleur, ny en Lumiere. Il y a deux raisons pour cela : la premiere est, que d'abord l'œil se porte ordinairement au milieu de l'Objet qui se presente à luy, & que par consequent il faut qu'il y trouve le Principal Objet, pour estre satisfait : Et l'autre raison est, que les bords estant chargez d'ouvrage fort & petillant, ils attirent les yeux qui sont comme en inquietude de ne voir pas une continuité de cet Ouvrage, qui est tout d'un coup interrompu par les bords du Tableau : au lieu que ces bords estant legers d'ouvrage, l'œil demeure au centre du Tableau, & l'embrasse plus agreablement : C'est pour cette mesme raison que dans une grande Composition de Figures, celles qui estant sur le devant seront coupées par la base du Tableau, feront toûjours un mauvais effet.
Je rapporterai encore ici l'experience du Miroir convexe, lequel encherit sur la Nature pour l'unité d'objet dans la vision. Tous les objets qui s'y voient font un coup d'œil, & un Tout ensemble plus agreable que ne feroient les mêmes objets dans un miroir ordinaire, & j'ose dire dans la Nature même. (Je suppose le Miroir convexe d'une mesure raisonnable, & non pas de ceux qui pour être partie d'une petite circonference corrompent trop la forme des objets). Je dirai en passant que ces sortes de Miroirs qui sont devenus assez rares pourroient être utilement consultés pour les objets particuliers, comme pour le général du Tout-ensemble.
De la disposition, Du Tout ensemble, p. 109-110