A l’égard de ce que dit Aristote, que les Arts qui se servent du secours de la main sont les moins nobles, & de ce que l’on ajoûte, que la Poësie est toute spirituelle, au lieu que la Peinture est en partie spirituelle & en partie materielle ; on répond, que la main n’est à la Peinture que ce que la parole est à la Poësie. Elles sont les Ministres de l’esprit & le canal par où les pensées se communiquent. Pour ce qui est de l’esprit, il est égal dans ces deux Arts. Le même Horace qui nous a donné des Regles si excellentes de la Poësie dit, (a) qu’un Tableau tient également en suspend les yeux du corps & ceux de l’esprit. Ce qu’on veut appeller partie matérielle dans la Peinture, n’est autre chose que l’execution de la partie spirituelle qu’on lui accorde, & qui est proprement l’effet de la pensée du Peintre, comme la déclamation est l’effet de la pensée du Poëte. Mais il faut bien un autre Art pour executer la pensée d’un Tableau que pour déclamer une Tragédie. […] Mais le Peintre ne doit pas seulement entrer dans son sujet, quand il l’exécute, il faut encore qu’il ait, comme nous l’avons dit, une grande connoissance du Dessein & du Coloris, & qu’il exprime finement les différentes physionomies, & les différens mouvemens des passions. (a) Suspendit picta vultum mentemque Tabella. Epist. 1. lib. 2.