ENTHUSIASM (n.)
TERM USED AS TRANSLATIONS IN QUOTATION
ENTHOUSIASME (fra.)ENTHOUSIASME
Or comme celui qui considere un Ouvrage suit le degré d'élévation qu'il y trouve, le transport d'esprit qui est dans l'Enthousiasme est commun au Peintre & au Spectateur ; avec cette difference neanmoins, que bien que le Peintre ait travaillé à plusieurs reprises pour échauffer son imagination, & pour monter son Ouvrage au degré que demande l'Enthousiasme, le Spectateur au contraire sans entrer dans aucun détail se laisse enlever tout à coup, & comme malgré lui, au degré d'Enthousiasme où le Peintre l'a attiré.
De la disposition, De l’Enthousiasme, p. 114-115
L'Enthousiasme est un transport de l'esprit qui fait penser les choses d'une maniere sublime, surprenante, & vraisemblable. […]
[...] Quoique le Vrai plaise toujours, parce qu'il est la base & le fondement de toutes les perfections, il ne laisse pas d'être souvent insipide quand il est tout seul ; mais quand il est joint à l’Enthousiasme, il transporte l'esprit dans une admiration mêlée d'étonnement ; il le ravit avec violence sans lui donner le tems de retourner sur lui-même.
J'ai fait entrer le Sublime dans la définition de l'Enthousiasme, parce que le Sublime est un effet & une production de l'Enthousiasme. […] Mais comme l'Enthousiasme & le Sublime tendent tous deux à élever notre esprit, on peut dire qu'ils sont d'une même nature. La difference neanmoins qui me paroît entre l'un & l'autre, c'est que l'Enthousiasme est une fureur de veine qui porte notre ame encore plus haut que le Sublime, dont il est la source, & qui a son principal effet dans la pensée & dans le Tout ensemble de l'ouvrage ; aulieu que le Sublime se fait sentir également dans le général, & dans le détail de toutes les parties. L'Enthousiasme a encore cela que l'effet en est plus prompt, & que celui du Sublime demande au moins quelques momens de réfléxion pour être vû dans toute sa force.
[…] Il me paroît, en un mot, que l'Enthousiasme nous saisit, & que nous saisissons le Sublime.
[...] Quelques esprits de feu ont pris l'emportement de leur imagination pour le vrai Enthousiasme […] Il est certain que ceux qui ont un genie de feu entrent facilement dans l'Enthousiasme, parce que leur imagination est presque toujours agitée ; mais ceux qui brûlent d'un feu doux, qui n'ont qu'une médiocre vivacité jointe à un bon jugement, peuvent s'insinuer dans l'Enthousiasme par degrés, & le rendre même plus reglé par la solidité de leur esprit. S'ils n'entrent pas si facilement, ni si promptement dans cette fureur Pittoresque, pour ainsi parler, ils ne laissent pas de s'en laisser saisir peu-à-peu ; parce que leurs réfléxions leur font tout voir & tout sentir, & que non seulement il y a plusieurs degrés d'Enthousiasme, mais encore plusieurs moyens d'y arriver. […]
Pour disposer l'esprit à l'Enthousiasme, généralement parlant, rien n'est meilleur que la vûe des Ouvrages des grands Maîtres, & la lecture des bons Auteurs Historiens ou Poëtes, à cause de l'élévation de leurs pensées, de la noblesse de leurs expressions, & du pouvoir que les exemples ont sur l'esprit des hommes.
Je ne dis point pour cela qu'il faille prendre mauvaise augure la critique d'un jeune Artisan qui remarque des défauts dans les ouvrages des grands maîtres : il y en a véritablement, car ils étoient des hommes. Le génie, loin d'empêcher qu'on ne voïe ces fautes, les fait même apercevoir. Ce que je regarde comme un mauvais présage, c'est qu'un jeune homme soit peu touché de l'excellence des productions des grands maîtres : c'est qu'il n'entre point dans un espece d'enthousiasme en les lisant : c'est qu'il ait besoin, pour connoître s'il doit les estimer, de calculer les beautez & les défauts qu'il y compte, & qu'il ne forme son avis sur le mérite, qu'après avoir soudé son calcul. S'il avoit la vivacité & la délicatesse de sentiment, qui sont inséparables du génie, il seroit reellement saisi par les beautez des ouvrages consacrez, qu'il jetteroit sa balance & son compas pour en juger, ainsi que les hommes en ont toujours jugé, je veux dire par l'impression que ces ouvrages feroient sur lui.
[…] L'enthousiasme qui fait les Peintres & les Poetes, ne consiste pas dans l'invention des mysteres allégoriques, mais bien dans le talent d'enrichir ses compositions par tous les ornemens que la vrai-semblance du sujet peut permettre, ainsi qu'à donner de la vie à tous ses personnages par l'expression des passions. Telle est la Poësie de Raphaël ; telle est la Poësie du Poussin, & de Le Sueur ; & telle fut souvent celle de Monsieur Le Brun & de Rubens.