Comment un peintre doit examiner & juger luy-mesme de son propre ouvrage Il est certain qu’on remarque mieux les fautes d’autruy que les siennes propres ; c’est pourquoy le peintre doit commencer par se rendre bon perspectif , & puis s’acquerir une connaissance entière des mesures du corps humain : Il doit estre encore un bon Architecte, pour le moins en ce qui concerne la regularité exterieure d’un edifice & de toutes ses parties, & aux choses dont il n’a pas la pratique, il ne faut point qu’il neglige d’aller voir & desseigner sur le naturel, mais en travaillant il doit tenir devant lui un miroir plat, & considerer souvent son ouvrage dans ce miroir, qui le luy representera tout au rebours, & semblera de la main d’un autre maistre ; de sorte que par ce moyen il pourra mieux remarquer ses fautes : il sera utile encore de quitter souvent son travail, & de s’aller divertir un peu, parce qu’au retour on aura le jugement plus degagé & plus net, comme au contraire la trop grande attache & la contension trop assiduë hebete l’esprit, & le fait tomber en de lourdes fautes.