L'adjonction du Dialogue sur le coloris dans l'édition de 1673 de la traduction de l'Art de peindre marque une véritable inflexion dans la pensée de De PIles qui, sur le mode d'un dialogue entre Pamphile et Darmon, s'articule autour de la définition de la couleur, du coloris et de l'intelligence de la lumière. il en donne les caractères, en décrit les effets. Les plus importants pour lui étant l'union du Tout-ensemble et l'amélioration de la nature. La couleur est une science difficile dont la connaissance manque aux peintres, mais elle peut s'acquérir par la copie d'oeuvres de Rubens, Titien, Giorgione.
Le Dialogue sur le coloris est associé à l'Art de peindre de Charles-Alphonse Dufresnoy, enrichi de Remarques de De Piles dans les publications successives en France (1684, 1763, 1783) et dans les traductions en anglais (1722, 1733), et en néerlandais (1722, 1733).
L'édition anglaise n'est pas accessible en Open-access. Le texte est accessible via le site ECCO.
DE PILES, Roger, Dialogue sur le coloris, Paris, Nicolas Langlois, 1673.
DE PILES, Roger, Dialogue upon colouring, trad. par OZEL, London, Daniel Brown - Bernard Lintott, 1711.
MIROT, Léon, Roger de Piles, peintre, amateur, membre de l’Académie de peinture (1635-1709), Paris, J. Schemit, 1924.
TEYSSÈDRE, Bernard, L’histoire de l’art vue du Grand Siècle : recherches sur l'"Abrégé de la vie des peintres" par Roger de Piles (1699) et ses sources, Paris, R. Julliard, 1964.
TEYSSÈDRE, Bernard, Roger de Piles et les débats sur le coloris au siècle de Louis XIV, Paris, La Bibliothèque des arts, 1965.
PUTTFARKEN, Thomas, Roger de Piles’ Theory of Art, New Haven - London, Yale University Press, 1985.
LICHTENSTEIN, Jacqueline, La couleur éloquente : rhétorique et peinture à l’âge classique, Paris, Flammarion, 1999.
PUTTFARKEN, Thomas, The Discovery of Pictorial Composition: Theories of Visual Order in Painting 1400-1800, New Haven - London, Yale University Press, 2000.
KRIEGER, Verena, « Die Farbe als “Seele” der Malerei: Transformationen eines Topos vom 16. Jahrhundert zur Moderne », Marburger Jahrbuch für Kunstwissenschaft, 33, 2006, p. 91-112 [En ligne : http://www.jstor.org/stable/40026513 consulté le 23/06/2015].
TRANSLATIONS FOR COLORIS
Et lequel de ces deux Peintres aimeriez-vous mieux estre, continuay-je, de Raphaël ou du Titien ?
Vous m’embarassez fort, repondit Pamphile ; attendez que j’y pense un peu.
Je ne croyois pas, repris-je, que vous dûssiez balancer de cette sorte, aprés ce que je viens de vous entendre dire.
J'aimerois mieux estre Raphaël, continua Pamphile, & j'estime que le Titien est un plus grand Peintre.
Je vous entends bien, luy dis-je, c'est à-dire que Raphaël avec la correction de son Dessein, avoit plusieurs autres talens, & que tout cela ensemble vous plaist davantage que le Coloris du Titien.
Je vous avoüe, dit Pamphile, que je suis encore assez irresolu : neantmoins la correction du Dessein de Raphaël, l’élegance de ses contours, sa manière de drapper, ses expressions si touchantes, la facilité de son genie, ses compositions nobles, riches & abondantes, la grandeur, la simplicité & la vray-semblance de ses attitudes ; enfin, les graces qu'il répandoit dans tous ses ouvrages, me l’ont fait preferer au Titien.
Quoy au Titien, s'écria Damon, le plus grand Peintre, selon vous, qui ait jamais esté & qui sera peut-estre jamais.
Je vous l'avoüe, dit Pamphile, mais Raphaël, avec tous les avantages que je viens de vous dire, avoit encore celuy, d’estre entré sur la fin de sa vie dans l’inteligence des Lumieres & des Ombres, & d’avoir déja fait un si grand progrés dans le Coloris, & qu'il auroit bientost possedé cette partie dans sa derniere perfection. Ainsi je me persuade, si j'estois Raphaël, que dans peu de temps je serois encore le Titien.