{XV. Du nombre des Figures.} *De mesme que la Comedie est rarement bonne dans laquelle le nombre des Acteurs est trop grand, ainsi est-il bien rare & quasi comme impossible de faire un Tableau parfait, dans lequel il se trouve une grande quantité de Figures […] : parce que tant de choses dispersées apportent une confusion, & ostent une majesté grave & un silence doux, qui font la beauté du Tableau & la satisfaction des yeux ; mais si vous y estes contraint par le Sujet, il faudra concevoir le Tout ensemble & l’effet de l’Ouvrage comme tout d’une veuë, & non pas chaque chose en particulier.
{XXXI. Conduite des Tons, des Lumières & des Ombres.} Il faut donc que les corps ronds, qui sont veus vis-à-vis en angle droit, soient de couleurs vives & fortes, & que les extremitez tournent en se perdant insensiblement & confusément, sans que le Clair se precipite tout d'un coup dans l'Obscur, ny l'Obscur tout d'un coup dans le Clair : il se fera un passage commun & imperceptible des Clairs dans les Ombres & des Ombres dans les Clairs. Et c’est conformément à ces principes qu’il faut traiter tout un Grouppe de Figures, quoy que composé de plusieurs parties ; de mesme que vous feriez une seule teste, soit qu’il y ait deux Grouppes, ou mesme trois (*ce qui sera tout au plus) si vôtre composition le demande, & prenez garde qu’ils soient détachez les uns des autres : Enfin, vous ménagerez si bien les Couleurs, les Clairs & les Ombres, *que vous fassiez paroître les corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, qui ne luy permettent pas si-tost d’aller plus loing, & qui la font reposer pour quelque temps, & que reciproquement vous rendiez les Ombres sensibles par un Fond éclairé.