Fab. Puisque vous avez divisé le nud en fort, & en delicat, je voudrois que vous me dissiez le quel des deux est le plus estimable. Are. Je suis d’opinion qu’un corps delicat doit etre preferé à un robuste* : en voici la raison : c’est qu’en peinture, il est plus difficile d’imiter la chair que les os, parceque pour les os, il ne faut que de la dureté, mais dans les chairs, il n’y faut uniquement que du tendre, qui est la partie la plus difficile de l’art ; ensorte que tres peu de peintres, ont sû par le passé l’exprimer, ou savent l’exprimer encore aujourd'hui suffisament. Celui donc qui recherche exactement les muscles, travaille à la verité à faire voir la situation des os à leur place, ce qui est louable ; mais souvent il represente l’homme ecorché, laid, sec, & desagreable à la vûe : mais celui qui le represente tendre, marque les os ou ils sont, les couvre agreablement de la chair, & remplit de grace le nud. Vous me direz peut etre, qu’à la recherche du nud, on connoit si le peintre sait l’anatomie, qualité qui lui est tres necessaire ; parceque sans les os on ne peut former l’homme, ni le couvrir de chair. Je vous repons que cela se peut connoitre egalement par les fuittes tendres des muscles accusez a propos : outre que naturellement le nud tendre, & delicat satisfait plus la vûe que le robuste, & le muscleux : je m’en rapporte aux figures des anciens, qui pour la plupart, ont coutume de les faire tres delicates.
* Le beau en peinture est le plus difficile à faire : une tête d’une belle fille, est bien plus difficile à bien faire que celle d’un vieux : tout ce qui est chargè est plus facile à representer, que ce qui est d’une juste proportion : & beau, pour ainsi dire, n’est beau que par sa pure beautè