Continuant donc à nous entretenir de la magnificence des Princes, que ne dirons nous pas de Charles Quint, qui emulateur d’Alexandre par les grands travaux, & par les fatigues presque continuelles, que la guerre traine apres elle, ne laisse pas de s’occuper tres souvent de la peinture qu’il aime, & qu’il prise ? de maniere qu’ajant entendu les merveilles, qu’on publioit du Titien, le convia deux fois avec amitié, & avec bonté de venir à sa cour ; ou apres l’avoir honoré au pair des premiers Seigneurs, qui y etoient, il lui accorda des privileges, des pensions, & de magnifiques recompenses : pour un seul portrait qu’il lui fit à Bologne, il lui fit conter mille ecus. Alfonce Duc de Ferrare pareillement fut grand amateur de peinture : pour avoir le portrait du Titien peint par lui meme, il lui en donna trois cens ecus : c’est ce meme portrait, que vit depuis Michel Ange, qu’il admira, & qu’il loua au point d’avoüer, qu’il n’auroit jamais pu croire, que l’art pût arriver à telle perfection, & que le seul Titien meritoit le nom de peintre. [...] Are. Ecoutez s’il vous plait, le Roi Philippe II. digne fils d’un si grand Empereur honore, & aime la peinture : & il est hors de doute, que pour les grands ouvrages, que le Titien lui à envoiés, il n’en recoive un jour la recompence digne d’un Roi pareil, & du merite d’un si grand peintre. J’ai entendu dire aussi que ces deux Princes savent dessinner.