Mais comme les trois premières Parties sont tres-necessaires à tous les Peintres, cette quatriesme, qui regarde l’expression des mouvemens de l’esprit, est excellente par dessus les autres, et tout à fait admirable : car elle ne donne pas seulement la vie aux Figures par la representation de leurs gestes et de leur passions, mais il semble encore qu’elles parlent et qu’elles raisonnent. Et c’est de là principalement qu’on doit juger ce que vaut un Peintre, puisqu’il est certain qu’il se peint luy-mesme dans ses tableaux, qui sont autant de miroir du tempérament de son humeur, et de son génïe. Il n’y a personne qui ne remarque facilement, en faisant la comparaison des Compositions et des Figures de Raphael à celles de Michelange, que ce premier estoit la douceur mesme ; au lieu que tout au contraire Michelange estoit si rustique, et si mal-plaisant qu’il n’avoit aucun esgard à la bien-séance. Ce qui se void manifestement dans son grand Ouvrage de la Chapelle du Vatican, où, voulant representer le Jugement universel de la fin du monde, sur l’autel mesme de ce Sanctuaire, il a introduit plusieurs figures en des actions extrement indecentes : au lieu qu’il paroist que Raphael a apporté de la modestie dans les Sujets les plus liencieux. De là nous pouvons conjecturer combien il est important que cette partie de l’Expression, qui est la plus excellente de la Peinture, soit accompagnée d’un jugement, et d’une circonspection particulière ; puisque c’est par elle que l’on connoist la qualité de l’esprit du Peintre, qui bien loin de s’acquerir de l’honneur par ses Ouvrages, lors qu’il choquera les regles de la bien-seance, sera sans doute blasmé et mesestimé d’un chacun […]