Dès qu'on ne retrouve plus dans une traduction les mots choisis par l'Auteur, ni l'arrangement où il les avoit placez pour plaire à l'oreille & pour émouvoir le cœur, on peut dire que juger d'un poëme en géneral sur sa version, c'est vouloir juger du tableau d'un grand maître, vanté principalement pour son coloris, sur une estampe où le trait de son dessein seroit encore corrompu. Un poëme perd dans la traduction l'harmonie & le nombre que je compare au coloris d'un tableau. Il y perd la poësie du stile que je compare au dessein & à l'expression. Une traduction est une estampe où rien ne demeure du tableau original que l'ordonnance & l'attitude des figures. Encore y est-elle alterée.