COULEUR (CHAMP CHROMATIQUE) (n. f.)

COLORE (ita.) · COLOUR (CHROMATIC) (eng.) · FARBE (chromatik) (deu.) · KLEUR (CHROMATISCH) (nld.) · VERF (nld.)
TERM USED AS TRANSLATIONS IN QUOTATION
COLOUR (CHROMATIC) (eng.)
TERM USED IN EARLY TRANSLATIONS
COLORE (ita.) · COLOUR (eng.) · COLOUR (CHROMATIC) (eng.) · COLOURING (eng.) · COULEUR (nld.) · FARBE (deu.) · FARBE (chromatik) (deu.)
BAKER, Tawrin, DUPRÉ, Sven, KUSUKAWA, Sachiko et LEONHARD, Karin (éd.), Early Modern Color Worlds, Leiden - Boston, Brill, 2015.
DELAPIERRE, Emmanuelle, DELPIERRE, Gilles et PORTIGLIA, Hélène (éd.), , cat. exp., Arras, Musée des Beaux-Arts - Épinal, Musée départemental d'art ancien et contemporain, 2004, Ludion, 2004.
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HECK, Michèle-Caroline, Théorie et pratique de la peinture : Sandrart et la “Teutsche Academie”, Paris, Éd. de la Maison des sciences de l’homme, 2006.
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MICHEL, Christian et LICHTENSTEIN, Jacqueline (éd.), Conférences de l'Académie royale de peinture et de sculpture. Les conférences au temps de Guillet de Saint-Georges, 1682-1699, Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, 2008, 6 tomes, tome II, 2 vol.
MICHEL, Christian, LICHTENSTEIN, Jacqueline et CASTEX, Jean-Gérald (éd.), Conférences de l'Académie royale de peinture et de sculpture. Les conférences, 1712-1746, Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, 2010, 6 tomes, tome IV, 2 vol.
MICHEL, Christian, LICHTENSTEIN, Jacqueline, CASTEX, Jean-Gérald, CASTOR, Markus A. et GADY, Bénédicte (éd.), Conférences de l'Académie royale de peinture et de sculpture. Les conférences au temps de Jules Hardouin-Mansart, 1699-1711, Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, 2009, 6 tomes, tome III.
MICHEL, Christian, LICHTENSTEIN, Jacqueline, CASTOR, Markus A., MARTIN, Marie-Pauline, PERRIN KHELISSA, Anne et LAZ, Laurens (éd.), Conférences de l'Académie royale de peinture et de sculpture. Les conférences, 1752-1792, Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, 2015, 6 tomes, tome VI, 3 vol.
MICHEL, Christian, LICHTENSTEIN, Jacqueline, COUSSEAU, Henry-Claude et GAEHTGENS, Thomas W. (éd.), Conférences de l'Académie royale de peinture et de sculpture. Les conférences au temps d’Henry Testelin, 1648-1681, Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, 2006, 6 tomes, tome I, 2 vol.
MICHEL, Christian, LICHTENSTEIN, Jacqueline, HAOUADEG, Karim, MARTIN, Marie-Pauline et PERRIN KHELISSA, Anne (éd.), Conférences de l'Académie royale de peinture et de sculpture. Les conférences au temps de Charles-Antoine Coypel, 1747-1752, Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, 2012, 6 tomes, tome V, 2 vol.
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13 sources
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Quotation

D’ordinaire chaque Peintre à une maniere affectée, si ce n’est à l’air, disposition, ordonnance & agencement des corps qu’il veut representer, ce sera en la forme, au Colory, ou au maniement du Pinceau, les uns representant ainsi que j’ay dit, des choses Modernes, d’autres des anciennes, & suivant leurs temps ; tels taschent de Peindre en rendant la superficie de leurs Tableaux unie, ainsi qu’a fait entre plusieurs autres Leonard d’Avincy, Jean Belin, Albert, & Olbins, & les couleurs fort esclatantes & vives.

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MANIÈRE ET STYLE → le faire et la main
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
EFFET PICTURAL → touche

Quotation

Si la superficie de tout corps opaque participe de la couleur de son object
Vous devez savoir, que si on met un object blanc entre deux parois, l’une desquelles soit blanche & l’autre noire, il se trouvera une mesme proportion entre la partie ombreuse de cét object & sa partie esclairée, que celle qui est entre les parois ; & l’object estant de couleur azur il aura le mesme effet : c’est pourquoy ayant à le peindre, vous ferez comme il s’ensuit ; prenez du noir pour ombrer l’objet azuré, lequel soit pareil au noir ou à l’ombre de la parois, que vous feignez de voir refleschir sur vostre object ; & voicy comment il faudra y proceder avec une methode certaine & scientifique : faites donc ainsi. Lorsque vous faites vos parois de quelque couleur que ce soit, prenez une petite cueiller, quelque peu plus grande qu’un cur-oreille, & il faut que cette cueiller ait les deux bords d’esgale hauteur, afin que vous mesuriez plus justement la quantité de couleurs que vous employerez au meslange de vos teintes […]

Conceptual field(s)

Quotation

Dans cette sorte de travail [ndr : la fresque] on rejette toutes les Couleurs qui sont composées, & artificielles, & la pluspart des mineraux, & l’on ne se sert presque que des terres qui peuvent conserver leur couleur, & la deffendre de la brulure de la chaux, resistant à son sel que Pline nomme son amertume. Et afin que l’ouvrage soit toujours beau, il faut les employer avec promptitude, pendant que l’enduit est humide, & ne retoucher jamais à sec avec des couleurs détrempées de jaunes d’œuf, ou de colle, ou de gomme, comme font beaucoup d’ouvriers, parce que ces couleurs détrempées de jaunes d’œuf, ou de colle, ou de gomme, comme font beaucoup d’ouvriers, parce que ces couleurs noircissent, & n’ont jamais tant de vivacité, comme quand elles sont mises au premier coup : Mais principalement lors qu’on travaille à l’air, où ce retouché ne vaut rien du tout. On a remarqué que les couleurs à fresque changent moins à Paris qu’en Italie, & en Languedoc, ce qui arrive peut-estre à cause qu’il y fait moins chaud, qu’en ces païs-là, ou bien que la chaux est meilleure icy.
Les couleurs qu’on employe sont :

Le Blanc ; il se fait avec de la chaux qui soit esteinte il y ait long-temps, & de la poudre de marbre blanc, presque autant de l’une que de l’autre. Quelquefois il suffit d’une quatriéme partie de poudre de marbre ; cela dépend de la qualité de la chaux, & ne se connoist que par la pratique ; car s’il y a trop de marbre, le blanc noircit.
 
L’Ocre ou Brun-rouge est une terre naturelle.
L’Ocre jaune est aussi une terre naturelle qui devient rouge quand on la brule. 
Le Jaune obscur ou Ocre de Ruth, qui est encore une terre naturelle & limoneuse, se prend aux ruisseaux des mines de fer ; estant calcinée elle reçoit une belle couleur. 
Le Jaune de Naples est une espece de crasse qui s’amasse au tour des mines de souffre ; & quoy qu’on s’en serve à fraisque, sa couleur neanmoins n’est pas si bonne que celle qui se fait de terre, ou d’ocre jaune avec le blanc. 
Le Rouge violet, est une terre naturelle, qui vient d’Angleterre, & qu’on employe au lieu de Lacque. Les Anciens avoient une couleur que nous n’avons pas qui estoit aussi vive que la Lacque. Car j’ay veu à Rome dans les termes de Tite une chambre, où il y avoit encore dans la voute des ornemens de stuc enrichis de filets d’or, d’azur, & d’un rouge qui sembloit de Lacque.
La Terre verte de Veronne en Lombardie, est une terre naturelle qui est fort dure & obscure. 
Une autre terre Verte plus claire.
 
L’Outre-mer, ou Lapis lazuli est une pierre dure & difficile à bien preparer. On la calcine au feu, ensuitte on la casse fort menuë dans un mortier, puis estant bien pilée, on la mesle avec de la Cire, de la Poix raisine, etc. dont on fait comme une pasteque l’on mannie, & qu’on lave dans de l’eau bien nette ; ce qui en sort le premier est tres-fin, & ensuite diminüe de beauté jusques au gravier qui est comme le marc. Cette couleur subsiste, & se conserve plus que pas  une autre couleur. Elle se détrempe sur la pallette quand on l'employe avec de l’huille, & ne se broye point. Elle estoit autrefois plus rare qu’apresent, neanmoins, comme elle est toujours chere, on peut l’espargner dans la fraisque, où l’Email fait le mesme effet, principalement pour les Ciels.
L’Email est une couleur bleuë, qui a peu de corps ; l’on s’en sert dans les grands païsages, & subsiste fort bien au grand air.

La Terre d’Ombre est une Terre obscure ; il faut la calciner dans une boëte de fer, si on veut la rendre plus belle, plus brune, & luy donner un plus bel œil.
La Terre de Cologne est un noir roussatre qui est sujet à se décherger, & à rougir.
Le Noir de Terre vient d’Allemagne. 
Il y a encore un autre Noir d’Allemagne qui est une Terre naturelle, qui fait un noir bluastre, comme le noir de charbon ; c’est dont les Imprimeurs font leur noir.
 
L’on se sert encore d’un autre Noir fait de lie de vin brûlée, que les Italiens appellent
Felicia di botta.
Toutes ces Couleurs sont les meilleures pour les Fraisques, comme aussi celles qui sont de terres naturelles y sont fort bonnes. On les broye, & on les détrempe avec de l’eau ; avant que de travailler on fait toutes les principales teintes que l’on met separement dans des Godets de terre. Mais il faut sçavoir que toutes les Couleurs s’éclaircissent à mesure que la fraisque vient à seicher, hormis le Rouge violet, appelé par les Italiens Pavonazzo, le brun-rouge, l’Ocre de Rut, & les Noirs, particulierement ceux qui ont passé par le feu.

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MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Dans cette sorte de travail [ndr : détrempe] toutes les couleurs sont propres, excepté le Blanc de chaux, qui ne sert que pour la fraisque ; mais il faut toujours employer l’Azur, & l’Outremer avec de la colle faite de peaux de gans, ou de parchemin, parce que les jaunes d’œufs font verdir les couleurs bleuës, ce que ne fait pas la colle, ny la gomme ; soit que l’on travaille contre les murs, soit sur des planches de bois, ou autrement, & prendre garde quand c’est contre des murailles qu’elles soient bien seiches ; Il faut mesme leur donner deux couches de colle toute chaude avant que d’y appliquer les couleurs qu’on détrempe si l’on veut seulement avec de la colle ; car la composition qu’on fait avec des œufs, & du lait de figuier n’est que pour retoucher plus commodement, & n’estre pas obligé d’avoir du feu qui est necessaire pour tenir la colle chaude. Cependant il est certain que les couleurs à colle tiennent mieux, & c’est ainsi qu’on a toujours peint sur le papier les Desseins ou Cartons qu’on a faits pour des tapisseries. Cette colle se fait comme j’ay dit de rogneures de gans ou de parchemin.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la peinture

Quotation

Toutes les couleurs qu’on employe pour la Fraisque, sont bonnes à Huile, hormis le blanc de Chaux, & la poudre de Marbre ; Mais on se sert encore de celles qui suivent. 
Du Blanc de plomb, qui se tire du plomb que l’on enterre : au bout de plusieurs années il se forme du plomb mesme, des escailles qui changent & deviennent un fort beau blanc. Quoy que ce blanc subsiste en peinture il a toujours une mauvaise qualité ; l’huile pourtant le corrige en le broyant sur la pierre. 
De la Ceruse, qui est aussi une roüille de plomb, mais plus grossiere. 
Du Massicot jaune & du Massicot blanc, que l’on fait avec du plomb calciné. 
De l’Orpin. Il s’employe sans calciner & calciné. Pour le calciner on le met au feu dans une boëte de fer, ou dans un pot bien bouché ; mais peu de gens en calcinent, & en employent, parce que la fumée en est mortelle, & qu’il est fort dangereux méme de s’en servir. 
De la Mine de plomb, qui vient des mines de plomb. On s’en sert peu, parce qu’elle est mauvaise & ennemie des autres couleurs. 
Du Cinabre ou Vermillon qui vient des mines de Vif-Argent ; Comme c’est un mineral, il ne subsiste pas à l’air. 
De la Laque qui se fait avec de la Cochenille, ou avec de la Bourre d’Escarlatte, ou du bois de Bresil, ou d’autres differens bois. On en fait de plusieurs especes. Cette Couleur ne subsiste pas à l’air. 
Des Cendres bleuës, & des Cendres vertes : l’on ne s’en sert guere qu’aux Paysages. 
L’on employe aussi de l’Inde, soit à faire des Ciels, soit à faire des Draperies. Quand il est bien employé il se conserve long-temps beau. Il n’y faut pas mattre trop d’huile, mais le coucher un peu brun parce qu’il se décharge. L’on s’en sert à Détrempe avec assez de succez, estant bon à faire des verts.
 
Du Stil de grun. Il se fait de graine d’Avignon qu’on fait tremper & boüillir, puis on y jette des Cendres de ferment ou du blanc de Craye pour donner corps comme à la Laque, & après cela l’on passe le tout au travers d’un linge fort fin. 
Du Noir de fumée, qui est une mauvaise Couleur, mais facile à peindre des Draperies noires. 
Du Noir d’os & d’yvoire bruslé, dont Appelle trouva l’invention selon Pline. 
Le Vert-de-gris est la peste de toutes les Couleurs & capable de perdre tout un Tableau, s’il en entroit la moindre partie dans l’Imprimure d’une toile : cependant il a une couleur fort belle & agreable. Quelquefois on le calcine pour oster sa malignité, & empescher qu’il ne meure ; mais il est dangereux à calciner aussi-bien que l’Orpin ; & tout purifié qu’il puisse estre, il ne faut l’employer que seul, car il gasteroit les Couleurs avec lesquelles on pourroit le mesler. On en use à cause qu’il seiche beaucoup, & l’on en mesle seulement un peu dans les noirs qui ne seichent jamais seuls. Il faut bien prendre garde à ne pas se servir de pinceaux avec lesquels on ait peint du Vert-de-gris. 
Il y a encore d’autres sortes de Couleurs composées dont on ne se sert guere à huile.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la peinture

Quotation

On se sert de peu de Couleurs, lorsqu’on veut faire un tableau dont toutes les Figures ne paroissent que d’une seule couleur, comme ce qui s’appelle Clair obscur, de l’Italien Chiaro-scuro ; ou bien quand on veut imiter les Bas-reliefs de marbre, de pierre ou de bronze. L’on voit à Rome, mesme dans les rües, & contre des maisons, plusieurs de ces sortes d’Ouvrages à Fraisque de la main de Polydore, & d’autres grands Peintres. Quand ces sortes de peintures sont d’un Jaune rougeatres, elles se nomment Cirage, parce qu’elles imitent la cire.
Toutes ces manières de peindre ne paroissent souvent que d’une seule Couleur, où sont observez les Jours, & les Ombres. Les petits Tableaux que l’on fait pour imiter les Basses-tailles, soit qu’ils se fassent à
Fraisque soit qu’ils soient à Detrempe ou à Huile, s’appellent aussi quelquefois Camaïus ; à cause qu’ils representent ces sortes de pierres.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la peinture

Quotation

Quant à ceux [ndr : les peintres] qui travaillent de Miniature & sur le veslin, les couleurs qui ont le moins de corps leurs sont les meilleures, & les plus commodes ; ainsi ils se servent avantageusement de Carmin, de belles Laques, & de Verts que l’on fait de jus d’herbes, & de plusieurs sortes de fleurs. Ce travail dans la Peinture est le plus long de tous, & ne se fait qu’avec la pointe du pinceau. Il y a des Peintres qui n’employent que du blanc, & qui pour rehausser font servir le fond du veslin. Les Claires paroissent à mesure que l’on donne de la couleur & de la force aux figures. D’autres avant que de travailler estendent fort legerement sur le veslin une couche de blanc de plomb bien lavé & bien purgé, qu’ils épargnent ensuitte en pointillant, car c’est ainsi qu’on peint en Miniature. Lorsqu’on couche les couleurs à plat sans les pointiller, soit sur le veslin, soit sur le papier ; on appelle cela laver. Les couleurs se détrempent avec de l’eau de Gomme arabique ou de Gomme adragant.
On travaille aussi avec des couleurs claires sur des étoffes de soye, & d’argent, comme on void des Tapisseries du Roy, & d’autres qui sont à l’Hotel de Condé, du dessein de Nicolo. Mais l’on n’a rien fait de mieux sur les étoffes que ce que l’on fait aujourd’huy pour sa Majesté.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

De toutes les parties de la Peinture, celle qui a le plus contribué à l'effet & au brillant de ses Ouvrages a este la disposition des objets : car les lumières & les couleurs ne serviroient pas de beaucoup si les corps nettoient placez & disposez pour les recevoir avantageusement & cette disposition ne se trouve pas seulement dans les objets particuliers, mais encore dans les groupes & dans le tout-ensemble de l'Ouvrage. II paroist visiblement que l'oeconomie que Rubens a gardée en cette partie, va à éviter la dissipation des yeux, & à les fixer agréablement par la liaison des corps & par l'opposition des masses. Cette liaison se fait de deux façons ; la première par manière de fond, & la seconde par manière de groupe.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition
EFFET PICTURAL → qualité de la composition

Quotation

Or comme la veuë ne peut se porter sur quantité d'objets à la fois, Rubens a eu pour maxime de faire voir dans ses tableaux où il y a quantité de figures, trois groupes principaux qui dominent fur tout l'Ouvrage ; & comme un seul objet fatigue encore moins les yeux que trois, il a fait en sorte que les groupes des costez le cèdent à celuy du milieu qui estant de couleurs plus fortes & plus brillantes, attire l'oeil au centre de la composition comme si elle n'estoit qu'un seul &. unique objet. Cela se voit merveilleusement bien dans les Innocens, le ravissement des Sabines & les Païsages.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
EFFET PICTURAL → qualité de la composition

Quotation

Ainsi l'on doit pour la beauté de l'Ouvrage & pour la satisfaction des yeux augmenter, ou diminüer non seulement au dessin & à la couleur des Corps que l'on imite, mais encore à la lumière qui les éclaire en la plaçant avantageusement de la manière que je viens de dire, & comme l'a placée Rubens, qui est sans contredit celuy de tous les Peintres qui l'a mieux entendüe.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → dessin
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière
CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition
L’ARTISTE → qualités

Quotation

Dans le Jugement de Paris, par exemple, quelque soin qu'ait pris le Peintre de rendre les couleurs du teint des Déesses éclatant par luy mesme, il a voulu encore se servir d'un fond bleu, pour donner par cette opposition une plus vive idée & une ressemblance plus véritable de la chair il en a usé de mesme dans le Bacchus, dans l'Eliston, dans l'Andromède, & dans plusieurs autres endroits : & l'on voit par tout dans ces Tableaux que la couleur distingue parfaitement les corps les uns des autres, selon l'idée exterieure que nous en avons conceüs: les chairs, le linge &: les étoffes de différentes façons; tout ce qu'il a mis dans le ciel paroist céleste, & ce qu'il a peint fur la terre conserve le caractere de sa Nature.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
EFFET PICTURAL → qualité de la composition
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Quotation

Je vous ay dit en vous parlant de la manière dont il falloit disposer les objets, que la pluralité des angles partageoit la veüe, & que pour cette raison la figure circulaire estoit la plus agréable ; je vous dis la mesme chose de la diversité des couleurs : & de la mesme façon qu'une infinité d'angles qui se trouvent dans les Figures, dont se tableau est composé, doivent concourir toutes à ne faire qu'une forme principale qui comprend tout le Tableau ainsi ; toutes les couleurs, qui par leur crudité ou par leur diversité trop entière diviseroient les rayons visuels, & se nuiroient les unes aux autres, doivent s'accorder & convenir, pour ainsi dire, en une couleur dans les masses des jours, comme dans celles des Ombres.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
EFFET PICTURAL → qualité de la composition

Quotation

Les couleurs s'accordent par sympathie, lors que naturellement elles ne se détruisent point l'une l'autre, & que leur mélange fait une composition agreable qui tient toûjours de leurs qualitez : Telles sont le blanc, la laque, le bleu, le jaune, & le verd, & de ces couleurs on en peut faire une infinité d'autres qui seront toujours en sympathie.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition

Quotation

L'opposition du Coloris, reprit Philarque, se trouve ou dans le Clair-obscur, ou dans la qualité des couleurs ; l'opposition dans la qualité des couleurs s'appelle Antipathie, elle est entre des couleurs qui veulent dominer l'une sur l'autre, & qui se détruisent par leur mélange, comme l'outremer & le vermillon.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

II semble, repartit Damon, que cette Antipathie se devroit aussi trouver dans le Clair-obscur : car il n'y a rien de si contraire que le blanc & le noir, qui représente, l'un la lumière & l'autre la privation de la lumière. Ils ne sont pas si contraires que vous le pensez, répliqua Philarque, ils se conservent tres - bien dans leur mélange: le blanc & le
noir ensemble font un gris, qui tient de l'une & de l'autre couleur ; & ce qui semblera comme noir par opposition au blanc tout pur, paroistra comme blanc si vous le mettez auprès d'un grand noir. II faut raisonner de la mesme manière à l'égard de toutes les autres couleurs, où le plus & le moins de lumière ne changent rien à leurs qualitez.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière

Quotation

Mais de quelle utilité est cette opposition, dit Damon ? Celle du Clair-obscur, reprit Philarque, sert à faire détacher les objets les uns des autres, & quelquefois à les rendre plus éclatans ; elle est & nécessaire & agréable. Pour l'opposition des couleurs, elle ne doit estre mise en usage qu'avec grande discrétion, en les liant par quelque couleur tierce qui seroit amie de l'une & de l'autre, & en l'employant dans les endroits seulement où l'on veut attirer la veuë, comme sur le Héros du Tableau, ou sur quelqu'autre que l'on veut faire remarquer, en sorte neantmoins qu'elles n'empeschent pas l'accord du Tout-ensemble, non plus que les dessus dans la Musique.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

Ainsi pour loüer les tableaux, qui n'estant que peu travaillez font parfaitement leur effet dans leur distance; ce n'est pas à dire qu'on doive blasmer les Peintres qui ont fini de grands tableaux, comme s'ils devoient estre veus de prés, on peut ignorer les raisons qu'ils ont euës d'en user de la sorte : Pourveu que le Peintre ait la discretion de ne point salir les couleurs à force de les méler ensemble, ou pour parler comme parlent les Peintres, de les tourmenter, & que le Tableau conserve de loin beaucoup de force & de fraischeur, on ne doit luy rien reprocher. La seconde raison est, que pour bien finir il faut lier plusieurs teintes de couleurs différentes, en les peignant & les mêlant ensemble, & que ce mélange diminuë beaucoup de la vivacité & de l'éclat des couleurs, principalement quand le tableau est un peu éloigné, en sorte que ce qui semble de prés estre frais & terminé, se ternit dans une distance raisonnable. La démonstration en est facile à faire. Prenez les couleurs les plus belles, comme un beau rouge, un beau jaune, un beau bleu, un beau verd, & les mettez separément les unes auprès des autres, il est certain qu'elles conserveront leur éclat & leur force en particulier & toutes ensemble : que si vous les mélez vous n'en ferez qu'une couleur de terre. C'est ce qui a fait que Rubens s'est dispensé autant qu'il a pu de noyer ses couleurs, & comme on dit ordinairement, de les tourmenter, se contentant de les mettre en leur place & de ne les méler qu'à proportion de la distance du Tableau, car c'est d'elle de qui il attendoit en cela un fort grand service.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la peinture

Quotation

[...] mon Maistre me fist remarquer bien d’autres beautés que celles que les Cabalistes admirent dans les ouvrages de leurs Chefs : Car outre qu’il n’y manquoit rien de celles-là qui ne regardent que la pratique de l’Art, il m’y fist découvrir tant de science & d’étude, qu’il est presque aussi difficile de les exprimer, que de les imiter, à moins que d’avoir les mêmes connoissances desquelles ces rares Esprits se servoient, pour faire de si excellens Ouvrages.
            Il ne me parla point de la
Vaguesse du Coloris, de la Morbidesse des Carnations, de la Franchise du Pinceau, ny des autres termes extravagans à la mode de nos Cabalistes ; mais bien de la beauté, diversité, netteté & sublimité des pensées, de cette manière noble & majestueuse de traiter un sujet, de la discretion à le remplir dignement & convenablement à la verité de l’Histoire qu’il represente, & au Mode dans lequel il se rencontre ; de l’exacte & sçavante observation du Costume, dans laquelle ces anciens Maistres faisoient consister tout ce que la Peinture a d’ingenieux & de sublime ; de cette pointe d’esprit & de cet excellent genie, qu’ils faisoient paroistre dans leurs Ouvrages, dont les Ecrivains les ont loüés si hautement : De là suivoit la judicieuse & convenable disposition des lieux & des figures, la force & la diversité des expressions, l’élégance & le beau choix des attitudes, la diligence & l’exactitudes dans le dessein, la beauté & la variété des proportions, la position aisée & naturelle des figures sur leur centre de gravité ou équilibre, & conformément aux regles de la Perspective des Plans, qui est le lien & le soûtien de toutes les beautés de la Peinture, & sans laquelle elle n’est qu’une pure barboüillerie de Couleurs ; mais sur tout, cet agrément & cette grace admirable dans les mouvemens, qui est un talent autant rare qu’il est precieux.
            On pouvoit encore admirer la lumiere bien choisie, & répanduë avec discretion sur les objets, selon leur proximité ou éloignement de l’œil, & les accidens du lumineux, du Diaphane & du corps éclairé ; les differens effets des lumieres primitives & derivatives, l’amitié & la charmante harmonie (pour ainsi dire) des Couleurs, par leur degrés proportionnés de force ou d’afoiblissement, suivant les regles de la Perspective aërienne, ou par leur sympatie naturelle : Enfin, cette Eurithmie dans toutes les parties de l’Ouvrage, auquel elle donne son prix & sa valeur.
            Voilà une partie des veritables & solides beautés, que mon Maistre me fist observer dans les admirables Ouvrages de ces grands Hommes, qui ont charmé toute l’Antiquité, & dont le seul recit charme encor tous ceux qui l’entendent.

Anciens (les)

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EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Quand on veut peindre quelque chose, il faut, pour une plus grande facilité faire les Teintes des Couleurs que l’on veut imiter en prenant avec le Couteau des Couleurs simples & capitales qui sont sur la Palette ce qu’il en faut, soit en qualité soit en quantité, & les mêler ensemble, pour en avoir la Teinte que l’on cherche. Les corps naturels ont ordinairement leurs jours, leurs Ombres, & leurs demies teintes ; & c’est pour les imiter en ces trois differens degrez, que le Peintre par le Mélange de ses Couleurs fait des Teintes sur sa Palette.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Cette peinture [ndr : la peinture à fresque] se travaille sur une Muraille fraîchement enduite de mortier de chaux & sable, les Couleurs en sont détrempées avec de l’eau, & il n’y a que les Terres & les Couleurs qui ont passé par le feu qui puissent y estre employées. Voilà ce qui fait la différence de cette sorte de Peinture avec les autres. Elle a cet avantage qu’elle dure plus long-temps que celle qui est à huile en quelque endroit qu’elle soit exposée : mais elle a ce deffaut que ne pouvant souffrir toutes sortes de couleurs, elle est moins capable d’une parfaite imitation. Les Clairs en sont plus clairs que ceux de la peinture à huile, mais les Bruns n’en sont pas si vigoureux ny si suaves. Sa durée fait qu’on l’emploie plus volontiers dans les lieux Publics & dans ceux qui sont exposés aux injures du temps : & la promptitude avec laquelle elle veut estre travaillée demande une main legere, conduite par une tête savante & pleine de ce beau feu qui est propre à la Peinture.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la peinture

Quotation

L’Esquisse est un petit Tableau qui contient en raccourci dans toutes les Parties de la Peinture, tout ce que l’on peut peindre en grand. C’est proprement le guide de l’Ouvrier & le modele de l’Ouvrage. Le Peintre y doit mettre non seulement tout son feu pour l’Invention, pour la Disposition & pour le Clair-obscur ; mais encore y arrester toutes les couleurs tant pour les objets en particulier, que pour l’union & l’harmonie du tout ensemble.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière
CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition
L’ARTISTE → règles et préceptes
EFFET PICTURAL → qualité de la composition

Quotation

VIII.
Les Couleurs dont on se sert pour peindre en Mignature, sont.
Du Carmin.
De l’Outremer.
De la Laque de Venize & de Levant.
De la Laque Colombine.
Du Vermillon.
De la Mine de Plomb.
Du Brun Rouge.
De la Pierre de Fiel.
De l’Ocre de Ruë.
Du Stil de Grain.
De l’Orpin.
De la Gomme-Gutte.
Du Jaune de Naples.
Du Massicot pasle.
Du Massicot jaune.
De l’Inde.
Du Noir d’Ivoire.
Du Noir de Fumée.
Du Bistre.
De la Terre d’Ombre.
Du Verd d’Iris.
Du Verd de Vessie.
Du Verd de Montagne ou de Terre,
Du Verd de Mer.
Des Cendres Vertes & bleuës d’Angleterre.
Cendre bleuë.
Blanc de Ceruze de Venize.
Blanc de plomb.
La veritable Ancre de la Chine.
Des Pastelles de toutes les couleurs.
Pour peindre sans huille & sans gome.
Des Coquilles d’or & d’argent fines & fauces.
De l’Or & de l’Argent en feülle fin & faux.
De la Purpurine, Clinquant de toutes les couleurs.
Toutes sortes de Bronze.
Des Palettes d’Ivoire & Antes pour mettre les Pinceaux.
Boettes d’Ivoires qui contiennent 24. Coquilles d’Ivoires, qui se renferme dans la Boette où l’on met les 24. Couleurs pour la mignature.
Les sept sortes de Couleurs d’eau qui s’employent sur les toilles & sur le carton, où l’on voit l’écriture à travers la Couleur.
La Laque liquide.
La Couleur d’eau.
La Couleur jaune.
La Couleur de pré.
La Couleur grise.
La Couleur verte.
La Couleur violette.
Et generalement toutes ces Couleurs dont on se sert pour la Mignature tant en huille qu’en d’étrempe ne se trouvent bien broyées & très-fin que chez le Sieur Picard Marchand Espicier, demeurant à la Porte de Paris […]. Et coustent, sçavoir toutes les Terres & Emaux bien fins, & les Massicots, chacune huit sols l’once, poids de Paris. Pour les Couleurs fines & les liquides, elles n’ont point de prix reglé ; comme l’Outre-mer, le Carmin, les Laques, le Quermes, & Jaune des Isles de France ; Couleurs nouvelles à l’huile & à la Mignature, le Stil de grain, Pierre de Fiel, Cendres vertes & bleuës, les Verds de Vessie d’Iris & l’Inde ; les plus hautes en couleurs sont les plus cheres.

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MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

XI.
Il y a des couleurs qui se purifient par le feu, comme l’Ocre jaune, le Brun rouge, l’Outremer, & la Terre d’ombre, toutes les autres s’y noircissent, Mais si vous faites brusler lesdites couleurs avec un feu ardent elles changent, car le brun rouge devient jaune, l’ocre jaune devient rouge, la Terre d’ombre se rougit aussi, la Ceruse y prend la couleur de Citron, & c’est ce qu’on appelle Massicot. Remarquez que l’Occre jaune brûlée devient beaucoup plus tendre qu’elle n’estoit, & plus doux que le Brun rouge pur ; de mesme le Brun rouge cuit devient plus doux que l’Occre jaune pure, l’une & l’autre est tres-bonne : L’Outremer le plus beau & le plus fidelle cuit sur une pesle rouge, devient beaucoup plus brillant ; mais il se diminuë, & est plus grossier & plus dur à travailler pour la Mignature, rafiné de cette façon.

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MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

XII.
On délaye toutes ces Couleurs dans de petits Godets d’Ivoire faits exprés, ou dans des Coquilles de Mer, avec de l’Eau, dans laquelle on met de la Gomme Arabique, & du Sucre Candy ; par exemple dans un verre d’eau il faut gros comme le poulce de Gomme, & la moitié de Sucre Candy. […].
L’on met de cette Eau dans la Coquille avec la Couleur que l’on veut détremper, & avec le doigt on la délave jusqu’à ce qu’elle soit fort fine. Si elle estoit trop dure, il faudroit la laisser amollir dans la Coquille avec ladite Eau avant que de la délayer, en suite la laisser seicher, & faire ainsi de toutes, excepté des Verds d’Iris, de Vessie, & de la Gomme-Gutte, qu’il ne faut détremper qu’avec de l’eau pure ; mais l’Outremer, la Laque & le Bistre, doivent estre plus Gommez que les autres Couleurs.

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MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

LXXXXII.
L’on ne fait les Arbres qu’aprés que le Ciel est finy, l’on peut neantmoins en épargner les places quand ils en tiennent beaucoup, & de quelque façon que ce soit, il faut ébaucher ceux qui approchent avec du Verd de Montagne, y meslant quelque-fois de l’occre, & les ombrer des mesmes couleurs, y ajoûtant du Verd d’Iris ; en suite il faut feüiller là-dessus en pointillant sans croiser ; car il faut que ce soit des petits points longuets, d’une couleur plus brune, & assez nourris, qu’il faut conduire du costé que vont les branches, par petites Touffes d’une couleur un peu plus brune […]
C’est le plus difficile du Païsage, & quasi de la Mignature, que de bien feüiller un arbre : Pour l’apprendre & pour s’y rompre un peu la main, il en faut copier de bons ; car la maniere de les toucher est singuliere, & ne peut s’acquerir qu’en travaillant aux arbres mesmes, au tour desquels vous observerez aussi de faire passer de petits Rameaux qu’il faut feüiller, sur tout ce qui se rencontre dessous & sur le Ciel.
Et en general, que vos Païsages soient coloriez de bonne sorte, & pleins de verité ; car c’est ce qui en fait la beauté.

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GENRES PICTURAUX → paysage
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

On appelle aussi le Ton dans les couleurs le temperament qu’on leur donne, pour décendre d’un côté aux ombres, & pour monter de l’autre au plus clair de la couleur. Mais tout cela se faisant par le moïen du blanc qui peut étre rompu par toutes les autres couleurs, comme il peut rendre legeres toutes les autres. Le Peintre doit considérer le blanc et le noir purs, comme deux extremitez, qui renferment toutes les couleurs, sans être couleurs eux-mémes : car c’est un Axiome de Peinture, que le blanc pur est la lumiere, comme le noir est une privation de lumiere : et les autres couleurs ne sont que des modifications de cette lumiere sur les corps naturels, qu’on imite par le Coloris. Quand je dis que le ton des couleurs se trouve par le moïen du blanc, je ne pretends pas exclurre les autres couleurs legeres, qui se peuvent aussi rompre d’une infinité de manieres, & produire divers temperamens par leur mélange : j’entens que c’est la seule qui peut exprimer le brillant & la lumière. […]
Qu’est-ce qu’on apelle étre uni de tons & de couleurs ? C’est lors qu’elles sont rompuës au méme degré, ou renduës legeres par la méme proportion : ce qui s’apelle union de ton, union de couleur, est lors que les couleurs s’acordent par leur qualité de couleur.

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CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière

Quotation

Les couleurs qu’on employe à fraisque sont des terres ou couleurs naturelles : On rejete toutes les artificielles & la plû-part des mineraux, parce que ce sont les terres qui peuvent conserver la couleur, & resister long tems à la chaux. Mais il les faut employer avec promptitude, & ne retoucher point l’ouvrage quand il est sec, pour le rehausser avec des couleurs à la cole, à la gomme, ou avec de jaunes d’œufs. Les couleurs propres à ce travail sont : le blanc fait de chaux bien blanche, & éteinte depuis long tems, mélés avec de la poudre de Marbre blanc […]
L’ocre rouge, ou brun rouge, & l’ocre jaune sont aussi des couleurs à fraisque : L’ocre rouge mise au feu, dans une boëte de fer, devient jaune, & la jaune devient rouge. Il y a encore l’ocre de rüe, qui est une terre d’un jaune obscur. On se peut aussi servir du jaune de Naples, qui est une espece de crasse, qui se forme & qui s’amasse auprés des mines de soufre, mais qui n’est jamais si bon, que l’ocre jaune avec du blanc, don le mélange fait la méme couleur.
Le rouge violet est une couleur qui vient d’Angleterre, & qui s’emploïe au lieu de la Laque […]
Le verd de Veronne, qu’on apelle aussi verd de montagne & qui fait un verd obscur […] on emploie encore l’Outremer dans la fraisque : c’est une couleur bleuë fort pretieuse, mais qui dure long tems […] On se sert aussi de l’Email qui est de méme une couleur bluë, qui veritablement a peu de corps, mais qui subsiste bien à l’air : Elle sert principalement aux grands ouvrages.
La terre d’ombre […] du noir de terre qui vient d’Alemagne, & un autre noir d’Alemagne qui est une terre naturelle, qui fait un noir bleüatre.

[…] La Terre d’ombre est une terre de couleur minime obscur, qui devient plus belle lors qu’on la calcine dans une boëte de fer : […] la Terre de Cologne est d’un noir roussatre qui est sujet à rougir en se déchargeant.
Il y a du noir de terre qui vient d’Alemagne, & un autre noir d’Alemagne qui est une terre naturelle, qui fait un noir bleüatre. C’est le méme dont les Imprimeurs font leur noir. Les Italiens se servent encore d’un autre noir fait de lie de vin brûlée.

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MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

[…] Pour ce qui est des couleurs, on emploie à huile toutes celles qui sont propres à la Fraisque, excepté le blanc de chaux, & la poudre de marbre : Mais on se sert encore de plusieurs autres, comme du blanc de plomb qui se forme d’un écaille que fait le plomb quand il a demeuré dans quelque lieu humide pendant plusieurs années, coupé à petites lames & suspendu dans un vaisseau, où il y du vinaigre au fond. Ce blanc ne s’emploie point à fraisque, il noircit à la Détrempe : Mais il subsiste à l’huile qui corrige sa mauvaise qualité : C’est au reste le plus beau de tous les blancs. La ceruse est de méme propre à l’huile : Elle se fait de blanc de craïe & de blanc de plomb.
Les Massicots blanc & jaune se font aussi de ceruse ou de blanc de plomb calcinez & font de couleurs propres à peindre à l’huile. L’Orpin s’employe sans le calciner & calciné : Pour le calciner on le met au feu dans une boëte de fer. C’est une couleur dangereuse que peu de Peintres cultivent, parce que sa fumée est mauvaise, & son usage n’est pas frequent.
La mine de plomb qui fait un rouge orengé : Elle est enemie des autres couleurs. […]
Le Cinabre ou Vermillon, qui se tire des mines de vif argent, ne subsiste pas long-tems à l’air […]
La Laque est une couleur qui se fait de la cochenille de la bourre d’Ecarlate, ou du bois de Bresil, & de l’Alun : On pretend que cette couleur ne subsiste pas long-tems à l’air : Neanmoins il y a eu de couleurs dont les Peintres à huile se servent avec plus de succès que de la Laque fine.
Les cendres bleües & les cendres vertes servent particulierement pour les peïsages [sic]. L’Inde est une couleur commune aux Peintres & aux Teinturiers : Elle sert aux Ciels & aux Draperies […]
L’Inde ou Indigo se fait d’une herbe que les Indiens font pourrir dans l’eau de chaux : Elle a fort interrompu le commerce du Pastel, qui est aussi une plante qui se cultive dans nôtre Province de Languedoc, & dont on fait le fond des meilleurs teintures : Cette drogue seule ne fait pas un si beau bleu que l’Indigo : mais la couleur en dure plus long-tems. Philander remarque que la crasse, ou l’écume du pastel qu’il apelle Glastum, laquelle on tire des chaudieres des Teinturiers sert aussi à la Peinture, pour faire du bleu. C’est ce que les Teinturiers & Marchands apellent de la Florée.
Le Stil de grain est une composition de craie ou de blanc d’Espagne, & de la graine d’Avignon, qui sert aux Teinturiers : On méle de l’alum à cette graine, pour conserver sa couleur : Elle fait une espece de jaune.
Le noir de charbon de pierre a beaucoup de cors, les noirs de charbon, de sep de vine, ou de bois de saule sont encore tres-bon. Ce dernier est bleüâtre, & peut servir aux Carnations. Les noirs d’os & d’yvoire brûlez dont Apelle se servoit suivant Pline, font un noir propre à l’huile & à Détrempe. Mais le noir de fumée est une couleur qui nuit aux autres, & qui n’est propres qu’à faire des Draperies noires. Les meilleurs coloristes ne s’en servent jamais.
Le verd de gris que nous apellons Verdet, & les Italiens Verderame, est la peste des autres couleurs, & qui ruineroit un tableau, qu’il en entroit la moindre partie dans l’imprimûre : il fait pourtant un agreable verd. […]
[ndr : De la Miniature]
On se sert dans la miniature des mémes couleurs qu’à fraisque, à Détrempe & à huile, […] hormis le blanc fait de chaux, & de poudre de marbre […]
[…] et encore plusieurs autres […] qui sont particulières à cette sorte de travail.
Une des principales couleurs pour la Miniature est le Carmin, qui est une maniere de Laque de couleur rouge cramoisy. La pierre de fiel, qui fait un jaune obscur, lui est encore [ndr : une couleur] particuliere, de méme que la gomme gutte, qui fait pareillement une couleur jaune.
Le Verd d’Iris qui se fait du jus de certaines plante, le verd de vessie, qui se fait aussi de certaines graines, qu’on fait pourrir dans une vessie, servent à la Miniature : Quoi qu’on puisse faire la méme couleur, en broyant de l’Inde avec de la gomme gutte.
Le bistre n’est que de la suie détrempée avec l’eau commune : mais pour le faire tres-beau & de plusieurs teintes, on prend des écailles de suie de cheminée : On les broye sur un marbre avec de l’eau : puis on met cette couleur dans un pot : Et à mesure qu’on y méle de l’eau, le bistre se fait clair : Et plus il y a du Marc, plus il est noir […]
Il y a aussi le Quermes et le jaune des Isles de France : deux couleurs nouvelles qu’on emploie à l’huile & à la Miniature.

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MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Je suppose, comme cela doit être, que le Peintre a toujours sur soi un cahier de papier & du crayon de mine. Cela étant, il doit dessiner promptement & legerement ce qu’il voit d’extraordinaire, & pour en retenir les couleurs il doit marquer les principaux endroits par des caracteres qui seront expliqués au bas du papier, & dont il suffira qu’il ait l’intelligence. Un nuage, par exemple, sera marqué A ; un autre nuage B ; une lumiere C ; une montagne D ; une terrasse E ; & ainsi du reste. L’on ajoûtera à chaque lettre qui sera répetée au bas du papier, telle chose est colorée de telle ou telle couleur : ou bien, pour abreger, on mettra seulement, bleu, rouge, violet, gris, ou même d’autres marques plus abregées, & connues seulement par celui qui s’en voudra servir.
Mais il faut observer dans cette maniere d’étudier, qu’elle demande un promt usage de la palette & des pinceaux dès qu’on le pourra ; autrement la plûpart des choses que l’on auroit marquées échaperoient en peu de jours de la memoire. Et l’utilité en est si grande que non-seulement sans ce moyen le Peintre perd une infinité de beautés passageres : mais encore que les autres moyens dont nous venons de parler peuvent se perfectionner par son secours ; c’est à dire, en se servant de marques & de caracteres.

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GENRES PICTURAUX → paysage
L’ARTISTE → apprentissage

Quotation

Dans les Draperies toutes sortes de couleurs indifferemment ne conviennent pas à toutes sortes de personnes. Dans les Portraits d’homme, il suffit de chercher beaucoup de verité & beaucoup de force ; mais aux Portraits de femmes, il faut encore de l’agrément, & faire paroître dans un beau jour ce qu’elles ont de beauté, & temperer par quelque industrie ce qu’elles ont de défauts.
C’est pour cela qu’auprès d’un teint blanc, vif, & éclatant, il faut bien se garder de mettre d’un beau jaune qui le feroit paroître de plâtre ; mais plûtôt des couleurs qui [...] par leur opposition contribuent à faire paroître plus de chair ces sortes de teins, que l’on trouve ordinairement aux blondes. Vandeik s'est souvent servi dans ses fonds de rideaux feuille-morte ; mais la couleur en est douce & brune.
Les femmes brunes au contraire qui ont dans leur teint assez de jaune pour soutenir le caractere de chair […]

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GENRES PICTURAUX → portrait
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Pour les fonds, il y a deux choses à considerer, le ton, & la couleur. On doit raisonner de la couleur du fond, comme on raisonne de celles des habits à l’égard de la tête. Le ton du fonds doit être toujours different de la masse qu'il soutient & dont il est le fond, en sorte que les objets qui seront dessus ne paroissent point transparens ; mais solides & de relief. Ce qui détermine le ton du fond est ordinairement le ton des cheveux, & quand ils sont châtins-clairs on est souvent fort embarrassé à moins qu’on ne se serve du secours d’un rideau ou de quelque accident de Clair-obscur que l’on suppose derriere, ou que ce fond ne soit un ciel.
Il faut encore observer que lorsqu’on fait des fonds unis, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a ni rideau ni Païsage, ni autre ouvrage semblable ; mais seulement une espece de muraille, il doit y avoir plusieurs couleurs qui fassent comme des taches presque imperceptibles. La raison en est, qu’outre que la Nature est toujours de cette sorte, l’union du Tableau en est beaucoup plus grande.

Conceptual field(s)

GENRES PICTURAUX → portrait
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Cet accord & cette opposition des couleurs viennent de deux causes, de leur qualité sensible & originaire, & de leur mélange. Leurs qualités sensibles procedent de la participation qu’elles ont avec l’air, & avec la terre. Celles qui sont aëriennes ont entr’elles une legereté qui les rend amies comme le blanc, le beau jaune, le bleu, la laque, le verd, & autres semblables couleurs dont on en fait une infinité qui peuvent toujours estre en simpathie.
Et celles qui sont terrestres ont au contraire une pesanteur qui par le mélange absorbe la douceur & la legereté des aëriennes.

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CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts

Quotation

[…] les couleurs lumineuses sont douces & aëriennes, & qu’en les mêlant ensemble elles s’accordent entr’elles : mais il est constant aussi que certaines couleurs belles, douces & lumineuses bien loin de s’accorder, se détruisent par le mélange ; tel est le bel outremer accompagné de blanc, avec le beau jaune & le beau vermillon. Et quoique ces couleurs seules auprès l’une de l’autre soient d’un grand éclat, elles font lorsqu’elles sont mêlées, une couleur de terre la plus vilaine du monde.

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CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

De l’Accord des Couleurs.
Dans les différentes espéces de Couleurs, & dans les divers tons de lumiére qui servent à la Peinture ; il y a une harmonie & une dissonance, comme il y en a dans une Composition de Musique ; car dans la Musique il ne faut pas seulement que les Notes soient justes, mais encore il faut que dans l’exécution les Instrumens soient d’accord. […] : de même, il y a des Couleurs qui ne peuvent se trouver ensemble sans offenser la vûe, témoin le vermillon avec les verds, les bleus & les jaunes. Mais comme les Instrumens les plus aigus se sauvent parmi quantité d’autres & font quelquefois un très-bon effet ; ainsi les Couleurs les plus opposées, étant placées bien à propos entre plusieurs autres qui font en union, rendent certains endroits plus sensibles, lesquels doivent dominer sur les autres, & attirer les regards davantage.

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EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

L’on se sert dans la Miniature des couleurs suivantes :

Du beau Carmin.
Du Carmin brun.
De Loutre-mer du plus beau.
Du Vermillon.
De la Pierre de Fiel.
De la Laque liquide.
De la Mine.
Du Stil de Grain jaune.
Du Stil de Grain pâle, ou de Troyes.
Du Brun rouge.
Du Blanc de plomb très-fin.
De la Terre d’ombre brûlée.
De la Terre d’ombre.
Des Cendres vertes d’Angleterre.
Des Cendres bleuës d’Angleterre.
De la Gomme gutte.
De l’Ocre jaune.
De l’Inde.
De Loutre-mer d’Hollande.
Du Macicot jaune.
Du Macicot pâle.
Du Verd d’Iris.
Du Verd de vessie.
Du Verd de Montagne.
Du Bistre.
De l’Encre de la Chine.
De la Terre de Cologne.
Du Tournesol.
De Coquille d’or fin.
De Coquille de faux.
Et de l’Argent en Coquille.
[…].
Toutes ces couleurs se délayent avec de la Gomme Arabique qui se trouve chez les Epiciers, & dont il faut choisir la plus claire & la plus blanche, à l’exception du verd d’Iris, Gomme gutte, & de l’Encre de la Chine qui se délaye avec de l’eau pure non gommée.
L’on trouve toutes ces couleurs bien préparées ruë Greneta, proche Saint Nicolas des Champs, & ruë du Petit-Lyon, aussi-bien que des coquilles de mer dans lesquelles il les faut délayer ; on peut aussi se servir de coquilles d’yvoire, qui se font par les Tabletiers.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

ALCIPE.  […] Ne croïez pas même qu’ils [ndr : les prétendus connoisseurs] aillent chercher les preuves de l’originalité dans les grandes parties ; non, c’est souvent un petit coin de tableau, la touche d’une plante, d’un nuage, ou le derriere de la toile qui les determinent. D’ailleurs ces gens là n’ignorent aucuns termes de l’art, sçavent exactement la vie des peintres, l’histoire de chaque tableau ; mais ils ne se servent de ces choses, que pour jetter plus d’obscurité dans leur raisonnemens, & donnent aux autres une idée si bizarre de la Peinture, que s’ils ne la regarde pas comme un art purement dépendant du caprice, du moins, ils n’osent plus s’en rapporter à leurs yeux ; ils n’osent enfin loüer la lumiere d’un tableau, parce qu’ils ne scavent pas le mot de clair-obscur ; la beauté des couleurs, parce que le grand terme d’harmonie des couleurs ne leur est pas familier. S’ils voïent par exemple, une belle tête de vieillard, dans laquelle d’heureuses épaisseurs de couleur leur representent des rides, ils n’ignorent pas qu’il y a pour les loüer un terme, dont ils ne peuvent se souvenir ; & faute de se rappeler le beau mot de patroüillis, ils croient devoir se taire.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

A l’égard de la couleur, vous êtes à portée de même, & plus encore d’en sentir les beautez, puisqu’il ne s’agit que de comparer le vrai avec l’imitation. Quand vous verrez de la chair qui ressemblera à de la chair, dites hardiment : voilà qui est bien colorié. Lorsqu’au contraire vous verrez dans un tableau de la chair, dans laquelle vous distinguerez le verd, le rouge, le gris ou le jaune ; moquez-vous des grands mots de couleurs brillante, rousse, dorée, suave, precieuse, allez votre chemin : demander la couleur de la chair.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Quotation

Je sai que la science d'emploïer les couleurs contribuë beaucoup à leur durée, mais la source de leur ruine vient aussi dans la plûpart du peu du connoissance en général de nos Peintres françois dans le choix des Couleurs qu'ils achetent toutes broïées pour la plûpart. Cette sience a fait la principale étude des grands Coloristes Flamands & Italiens. [...]
L'œconomie de l'Azur d'Outre-mer, qui est d'un grand prix, est une cause très-ordinaire de leurs changemens ; lui seul bien emploïé éternise la fraîcheur & le sanguin des chairs. L'on y est rarement trompé, quand on ne veut point ménager sur le prix, quoique celui de l'Europe ressemble beaucoup à l'azur qui doit venir d'Outremer, c'est-à-dire, des Indes & de la Perse.

La Font de Saint Yenne envisage ici la couleur sous la notion de materiau mais également de son importance dans le rendu des chairs, une notion que l'on retrouve dans les traités néerlandais du XVIIe siècle. Voir charnalité.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs