LE BRUN, Charles ( 1619-1690 )

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ACADEMIE, Ecole publique. Academie de Peinture, d’Architecture. 
L’ACADEMIE Romaine de Peinture, autrement appellée l’
Academie de S. Luc, est la plus célébre de toutes les Academies de Peinture. Elle fut fondée par Grégoire XIII, à la sollicitation du Mutian, Peintre fameux, qui lui légua deux maisons, & qui l’institua son heritiere supposé que ses enfans ne laissassent point de postérité. 
En 1676 l’
Academie Romaine désira de s’unir avec l’Academie des Peintres François, & lui proposa de faire une aggrégation mutuelle des deux compagnies. [...]
Pour commencer cette union, l’
Academie Romaine choisit le Brun pour son Prince, honneur qui n’avoit jamais été accordé aux Etrangers. 
LOUIS XIV fonda à Rome en 1665 une
Academie  pour les Peintres François, dont Errard fut le premier Directeur. 
L’ACADEMIE de Peinture & de Sculpture de Paris, dut sa naissance aux demêlés qui survinrent entre les Maîtres Peintres & Sculpteurs de Paris, & les Peintres Privilegiés du Roi, que la Communauté des Peintres voulut inquieter. Le Brun, Sarrazin, Corneille, & les autres Peintres du Roi formerent le projet d’une Academie particuliere, & ayant présenté à ce sujet une Requête au Conseil, ils obtinrent un Arrêt, tel qu’ils le demandoient, datté du 20 janvier 1648. [...] Les premiers membres de cette Academie furent
le Brun, Errard, Bourdon, la Hire, Sarrazin, Corneille, Perrier, Beaubrun, le Sueur, d’Egmont, Vanobstat, Guillin &c. Description de Paris par Mr Pig.
[...] Il y a aussi en France une
Academie Royale d’Architecture : elle fut fondée en 1671, & eut pour premiers membres, le Vau, Gitard, le Pautre, d’Orbay &c.

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A l'égard de l'expression des passions particulieres l'on remarqua, que la passion est un mouvement de l'ame, qui reside en la partie sensitive [...] ; que d'ordinaire tout ce qui cause à l'ame de la passion fait faire quelque action au Corps, & qu'ainsi de sçavoir quelles sont les actions du Corps qui expriment les passions de l'ame, L'on dit que ce que l'on appelloit action en cet endroit, n'étoit autre chose que le mouvement de quelque partie, & que ce mouvement ne se faisoit que par le changement des muscles, [...] ; ainsi le muscle qui agit le plus reçoit le plus d'esprits, & par consequent devient enflé plus que les autres.
[...] L'on remarqua qu'encore qu'on puisse representer les passions de l'ame par les actions de tout le Corps, neanmoins que c'étoit au visage où les marques s'y faisoient le plus connoître, & non seulement dans les yeux comme quelques-uns l'ont crû, mais principalement en la forme & aux mouvements des sourcils ; que comme il y a deux appetits dans la partie sensitive de l'ame, il y a aussi deux mouvemens qui y ont un parfait rapport, les uns s'élevent au cerveau & les autres inclinent vers le coeur.

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LE PRESIDENT. Quoy donc le saint Michel & la sainte famille que nous venons de voir, ne seront pas comparables aux tableaux de Monsieur le Brun. [...] L' ABBE. Cela ne conclut pas. Je demeure d'accord que ces deux tableaux, & plusieurs autres Maistres anciens, excellent tellement dans les parties principales de la peinture, qu'à tout prendre ils peuvent estre preferez à ceux d'aujourd'huy, mais je soutiens que ces grands hommes ont tous manqué en de certaines parties, où nos excellens Maistres ne manquent plus. Raphaël par exemple a si peu connu la degradation des lumieres, & cet affoiblissement des couleurs que cause l'interposition de l’air en un mot ce qu'on appelle la perspective aérienne, que les figures du fond du tableau sont presque aussi marquées que celles du devant, […]. [...] Car il y a dans les ouvrages de peinture comme dans les viandes nouvellement tuées ou dans les fruits fraischement cueillis, une certaine crudité & une certaine âpreté, que le temps seul peut cuire & adoucir en amortissant ce qui est trop vif, en affoiblissant ce qui est trop fort, & en noyant les extremitez des couleurs les unes dans les autres : Qui sçait le degré de beauté qu'aquerrera la Famille de Darius, le Triomphe d'Alexandre, la deffaite de Porus & les autres grands tableaux de cette force, quand le Temps aura achevé de les peindre, & y aura mis les mesmes beautez dont il a enrichi le saint Michel & la sainte Famille.

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Der dritte Discours von der Mahlerey. Das III. Capitel. Worauf über dieses in HISTORIEN-Gemählden besonders zu sehen, p. 68 
[Ist ferner nöthig auf folgende Stücke mit Achtung zu geben]
4. Auf die besondern Affecten einer jeden Person/ daß aus ihrem Gesichte/ und aus ihrer Action könne geschlossen werden/ was die Person andeuten und vorstellen solle. Auch in diesem Stück kan
le Brun, sonderlich aber das jenige Stück/ da er Alexandrum und Ephestion gemahlet/ wie sie zu des Darius Familie in das Gezelt kommen/ vor ein Haupt exempel dienen. Doch hat ihn Rubens noch darinnen übertroffen.

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D'ailleurs quelle beauté & quelle diversité dans les airs de teste de ce tableau [ndr : La tente de Darius de Le Brun] ; ils sont tous grands, tous nobles, & si cela se peut dire, tous heroïques en leur maniere, de mesme que les vestemens, que le Peintre a recherchez avec un soin & une étude inconcevable. Dans le tableau des Pelerins toutes les testes & toutes les draperies, hors celles du Christ & des deux disciples qui ont quelque noblesse ; sont prises sur des hommes & des femmes de la connoissance du Peintre, ce qui avilit extremement la composition de ce tableau, & fait un mélange aussi mal assorti, que si dans une Tragedie des plus sublimes on mesloit quelques Scenes d'un stile bas & comique.

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Der dritte Discours von der Mahlerey. Das III. Capitel. Worauf über dieses in HISTORIEN-Gemählden besonders zu sehen, p. 68 
[Ist ferner nöthig auf folgende Stücke mit Achtung zu geben]
4. Auf die besondern Affecten einer jeden Person/ daß aus ihrem Gesichte/ und aus ihrer Action könne geschlossen werden/ was die Person andeuten und vorstellen solle. Auch in diesem Stück kan
le Brun, sonderlich aber das jenige Stück/ da er Alexandrum und Ephestion gemahlet/ wie sie zu des Darius Familie in das Gezelt kommen/ vor ein Haupt exempel dienen. Doch hat ihn Rubens noch darinnen übertroffen.

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Der dritte Discours von der Mahlerey. Das III. Capitel. Worauf über dieses in HISTORIEN-Gemählden besonders zu sehen, p. 68 
[Ist ferner nöthig auf folgende Stücke mit Achtung zu geben]
2. Auf das
Decorum, daß die Bilder solche Kleidung/ die Bäume solch Laub/ die Gebäude solche Ordonnance und Verzierung bekommen/ als sie in dem Land zu der Zeit gehabt/ da die Geschicht passiret. Dieses hat le Brun in seinen Gemählden von Alexandro, welche theils auf dem Louvre, theils zu Versailles sind/ wohl in Acht genommen.

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Ainsi à regarder la peinture en elle-mesme & entant qu'elle est un amas de preceptes pour bien peindre, elle est aujourd’huy plus parfaite & plus accomplie qu’elle ne l'a jamais esté dans tous les autres siecles. Je diray mesme que je ne suis pas bien ferme dans le jugement que je fais en faveur des tableaux de ces anciens Maistres, non seulement à cause du respect dont je suis prevenu pour leur ancienneté, mais aussi à cause de la beauté réelle & effective que cette ancienneté leur donne. Car il y a dans les ouvrages de peinture comme dans les viandes nouvellement tuées ou dans les fruits fraischement cueillis, une certaine crudité & une certaine âpreté, que le temps seul peut cuire & adoucir en amortissant ce qui est trop vif, en affoiblissant ce qui est trop fort, & en noyant les extremitez des couleurs les unes dans les autres : Qui sçait le degré de beauté qu'aquerrera la Famille de Darius, le Triomphe d'Alexandre, la deffaite de Porus & les autres grands tableaux de cette force, quand le Temps aura achevé de les peindre, & y aura mis les mesmes beautez dont il a enrichi le saint Michel & la sainte Famille. Car je remarque que ces grands tableaux de Monsieur le Brun se peignent & s'embellissent tous les jours, & que le Temps en y adoucissant ce que le pinceau judicieux luy a donné pour estre adouci & pour amuser son activité, qui sans cela s'attaqueroit à la substance de l’ouvrage, y ajoûte mille nouvelles graces, qu’il n’y a que luy seul qui puisse donner.

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CARTON. On appelle cartons certains desseins de tapisseries, que les Peintres sont pour servir de modéles aux ouvriers. On dit : les tapisseries de Flandres, des Gobelins, sont faites sur les cartons de Rubens, de Jule Romain. Le Brun en a fait les cartons. Les cartons sont de Raphaël. Dans cette acception, il ne se dit jamais qu’au pluriel. Le Dictionnaire de l’Academie, à oublié ce mot pris dans l’acception dont je viens de parler. 
On appelle encore
cartons, certaines esquisses en grand, tracées sur du carton, d’après lesquelles les Peintres peignent à fraisque.

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LE CHEVALIER. Je vous avoue que le tableau de la famille Darius m'a toûjours semblé le chef-d’œuvre de Monsieur le Brun ; & peut-estre que l'honneur qu'il a eu de le peindre sous les yeux du Roy, est cause qu'il s'y est surpassé luy-mesme ; car il le fit à Fontainebleau, où Sa Majesté prenoit une extreme plaisir tous les jours à le voir travailler.
LE PRESIDENT. Quoy donc le saint Michel & la sainte famille que nous venons de voir, ne seront pas comparables aux tableaux de Monsieur le Brun.
L’ABBE. Je serois bien faschée d'avoir avancé une telle proposition, ce sont deux chef-d'œuvres incomparables, & qui surpassent comme je l'ay déja dit, tout ce que l'Italie a de plus beau. Il y a quelque chose de si grand & de si noble dans l'attitude & dans l'air de teste du saint Michel ; la correction du dessein y est si juste, & le mélange des couleurs si parfait, que ce qui peut y estre desiré comme un peu moins de force dans l'extremité des parties ombrées, n’empesche pas qu'il ne soit le premier tableau du monde, à moins qu'on ne luy fasse disputer ce rang par le tableau de la sainte Famille.

LE PRESIDENT. Vous passez donc condamnation pour ces deux tableaux ; & voila le siecle de Raphaël au dessus du nôtre.
L' ABBE. Cela ne conclut pas.

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Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

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COLORISTE se dit de tout Peintre qui employe des couleurs, bien ou mal. & non pas uniquement ou même par préférence, de celui qui les employe bien, comme le Dictionnaire de l’Académie l’insinue, voici sa définition. Coloriste, Peintre qui entend bien le coloris. 
Coloriste est un terme indifférent, qui se prend en bonne & en mauvaise part, bon coloriste, méchant coloriste. Le Brun n’étoit pas un bon coloriste : je ne sçai cependant si l’on ne pourroit pas dire, le Brun n’étoit pas coloriste, & dans cette phrase, supposé qu’elle fut bien Françoise, je conviens que le mot de coloriste  sans être déterminé par aucune épithete, se prendroit en bonne part ; mais cela ne prouveroit rien. On dit dans le même sens Mr de S. Evremont n’étoit pas Poëte, quoique le mot de Poëte soit un terme indifférent, & qu’il s’entende dans le langage ordinaire de tout homme qui fait des vers, bien ou mal.

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Les compositions allégoriques que nous avons nommées des compositions mixtes, sont d'un plus grand usage que les compositions purement allégoriques. Quoique leur action soit feinte, ainsi que celle des compositions purement allégoriques, néanmoins comme une partie de leurs personnages se trouvent être des personnages historiques, on peut mettre le sens de ces fictions à la portée de tout le monde, & les rendre ainsi capables de nous instruire, de nous attacher & même  de nous intéresser. 
Les Peintres tirent de grands secours de ces compositions allégoriques de la seconde espèce, ou pour exprimer beaucoup de choses qu'ils ne pourroient pas faire entendre dans une composition historique, ou pour représenter en un seul tableau plusieurs actions dont il semble que chacun demandât une toile séparée. La galerie du Luxembourg & celle de Versailles en font foi. Rubens & Le Brun ont trouvé moïen d'y représenter par le moïen de ces fictions mixtes, des choses qu'on ne concevoit pas pouvoir être renduës avec des couleurs. Il y font voir en un seul tableau des évenements qu'un Historien ne pourroit narrer qu'en plusieurs pages. […]

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Quoyqu'il en soit, je soûtiens qu'en qualité de Peintre il [ndr : Véronèse] n'a pas mieux gardé l'unité qui doit estre dans la composition d’un sujet, qu'il l'a fait en qualité d'historien, puisqu'il a mis deux points de veuë dans son tableau, l’un pour le Païsage, & l'autre pour la Chambre, où le Sauveur est assis à table avec ses Disciples ; car l’horison du Païsage est plus bas que cette table dont on voit le dessus qui tend à un autre point de veuë beaucoup plus élevé ; faute de perspective qu'on ne pardonneroit pas aujourd’huy à un Ecolier de quinze jours. Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées.

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L'on dit que ce que l'on appelloit action en cet endroit, n'étoit autre chose que le mouvement de quelque partie, & que ce mouvement ne se faisoit que par le changement des muscles, [...] ; ainsi le muscle qui agit le plus reçoit le plus d'esprits, & par consequent devient enflé plus que les autres.
[...] L'on remarqua qu'encore qu'on puisse representer les passions de l'ame par les actions de tout le Corps, neanmoins que c'étoit au visage où les marques s'y faisoient le plus connoître, & non seulement dans les yeux comme quelques-uns l'ont crû, mais principalement en la forme & aux mouvements des sourcils ; que comme il y a deux appetits dans la partie sensitive de l'ame, il y a aussi deux mouvemens qui y ont un parfait rapport, les uns s'élevent au cerveau & les autres inclinent vers le coeur.

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LE PRESIDENT. Quoy donc le saint Michel & la sainte famille que nous venons de voir, ne seront pas comparables aux tableaux de Monsieur le Brun.
L’ABBE. Je serois bien faschée d'avoir avancé une telle proposition, ce sont deux chef-d'œuvres incomparables, & qui surpassent comme je l'ay déja dit, tout ce que l'Italie a de plus beau. Il y a quelque chose de si grand & de si noble dans l'attitude & dans l'air de teste du saint Michel ; la correction du dessein y est si juste, & le mélange des couleurs si parfait, que ce qui peut y estre desiré comme un peu moins de force dans l'extremité des parties ombrées, n’empesche pas qu'il ne soit le premier tableau du monde, à moins qu'on ne luy fasse disputer ce rang par le tableau de la sainte Famille.

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Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

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LOCALE. (Couleur) On appelle couleur locale, la couleur propre & naturelle de chaque objet qui le distingue des autres, & qu’il conserve toujours en quelque lieu qu’il se trouve. 
Les couleurs
locales d’un tableau sont bonnes lorsqu’elles expriment fidélement la nature : elles sont mauvaises quand elles s’en écartent. 
Les couleurs
locales de le Brun, sont mauvaises : les Peintres Venitiens ont excellé dans les couleurs locales.

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Der dritte Discours von der Mahlerey. Das III. Capitel. Worauf über dieses in HISTORIEN-Gemählden besonders zu sehen, p. 68 
[Ist ferner nöthig auf folgende Stücke mit Achtung zu geben]
2. Auf das
Decorum, daß die Bilder solche Kleidung/ die Bäume solch Laub/ die Gebäude solche Ordonnance und Verzierung bekommen/ als sie in dem Land zu der Zeit gehabt/ da die Geschicht passiret. Dieses hat le Brun in seinen Gemählden von Alexandro, welche theils auf dem Louvre, theils zu Versailles sind/ wohl in Acht genommen.

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LE PRESIDENT. Quoy donc le saint Michel & la sainte famille que nous venons de voir, ne seront pas comparables aux tableaux de Monsieur le Brun. [...] L' ABBE. Cela ne conclut pas. Je demeure d'accord que ces deux tableaux, & plusieurs autres Maistres anciens, excellent tellement dans les parties principales de la peinture, qu'à tout prendre ils peuvent estre preferez à ceux d'aujourd'huy, mais je soutiens que ces grands hommes ont tous manqué en de certaines parties, où nos excellens Maistres ne manquent plus. Raphaël par exemple a si peu connu la degradation des lumieres, & cet affoiblissement des couleurs que cause l'interposition de l’air en un mot ce qu'on appelle la perspective aérienne, que les figures du fond du tableau sont presque aussi marquées que celles du devant, […].

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i l'on regarde avec quel soin on a fait tendre toutes choses à un seul but, rien n'est de plus lié, de plus reuni, & de plus un, si cela se peut dire, que la representation de cette histoire ; & rien en même temps n'est plus divers & plus varié si l'on considère les différentes attitudes des personnages, & les expressions particulieres de leurs passions. Tout ne va qu'à representer l'étonnement, l'admiration, la surprise & la crainte que cause l'arrivée du plus celebre Conquerant de la Terre, & si ces passions qui n'ont toutes qu'un mesme objet le trouvent différemment exprimées dans les diverses personnes qui les ressentent. La Mere de Darius abbatuë sous le poids de sa douleur & de son âge, [...]. [...] D'ailleurs quelle beauté & quelle diversité dans les airs de teste de ce tableau [ndr : La tente de Darius de Le Brun] ; ils sont tous grands, tous nobles, & si cela se peut dire, tous heroïques en leur maniere, de mesme que les vestemens, que le Peintre a recherchez avec un soin & une étude inconcevable. Dans le tableau des Pelerins toutes les testes & toutes les draperies, hors celles du Christ & des deux disciples qui ont quelque noblesse ; sont prises sur des hommes & des femmes de la connoissance du Peintre, ce qui avilit extremement la composition de ce tableau, & fait un mélange aussi mal assorti, que si dans une Tragedie des plus sublimes on mesloit quelques Scenes d'un stile bas & comique.

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Si nous voulons présentement entrer dans ce qui est du pur Art de la peinture, nous trouverons que non seulement la Perspective y est partout bien observée, mais que rien ne se peut ajoûter à la belle œconomie du tout ensemble, les figures qui semblent participer presque également à la mesme lumiere, sont neantmoins tellement degradées, que si on les vouloit changer de place, elles ne pourroient s’accorder ensemble, à cause de la difference de leur teinte, qui semble la mesme dans la situation où elles sont, mais qui paroistroit alors tres-differente. Voila ce qui ne se peut pas dire si positivement du tableau des Pellerins, de Paul Veronese, ny de la plûpart des tableaux de son temps. Ainsi je compare les ouvrages de nos excellens Modernes à des corps animez, dont les parties sont tellement liées les unes avec les autres, qu'elles ne peuvent pas estre mises ailleurs, qu'au lieu où elles sont ; & je compare la plûpart des tableaux anciens à un amas de pierres ou d'autres choses jettées ensemble au hazard, & qui pourroient se ranger autrement qu'elles ne sont sans qu'on s'en apperçust.

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Il ne serait pas moins téméraire de décider la question sur ce que nos tableaux ne sont point ces effets prodigieux que les tableaux des anciens peintres ont fait quelquefois ; suivant les apparences, les récits des Ecrivains qui nous racontent ces effets sont exagérez, & nous ne savons pas même ce qu'il en faudrait rabattre pour les réduire à l'exacte vérité. Nous ignorons quelle part de la nouveauté de l'art de la Peinture peut avoir euë dans l'impression qu'on veut que certains tableaux aïent fait sur les Spectateurs. Les premiers tableaux, quoique grossiers, ont dû paroître des ouvrages divins. L'admiration pour un art naissant, fait tomber aisément dans l'exagération ceux qui parlent de ses productions ; & et la tradition en recueillant ces récits outrez, aime encore les rendre plus merveilleux qu'elle ne les a reçus. On trouve même dans les Ecrivains anciens des choses impossibles données pour vraies, & des choses ordinaires traitées de prodiges. […]
Enfin on ne sçaurait donner une idée un peu précise des tableaux à ceux qui ne les ont pas vus absolument, & qui ne connaissent pas la manière du Peintre qui les a faits, que par voies de comparaison. […]
Les Ecrivains modernes qui ont traité de la peinture antique, nous rendent plus sçavans, sans nous rendre plus capables de juger la question de la supériorité des Peintres de l'antiquité sur les Peintres modernes. Ces Ecrivains se sont contentez de ramasser les passages des Auteurs anciens qui parlent de la peinture & de les commenter en Philologues, sans les expliquer par l'examen de ce que nos Peintres font de nos jours, & même sans appliquer ces passages aux morceaux de la peinture antique qui subsistent encore. Je pense donc que pour se former une idée aussi distincte de la peinture antique qu'il soit possible de l'avoir, il faut considérer séparément ce que nous pouvons sçavoir de certain sur la composition, sur l'expression & sur le coloris des Peintres de l'antiquité.     
[…] Quant à la composition Pittoresque, il faut avoüer que dans les monumens qui nous restent, les Peintres anciens ne paroissent pas superieurs, ni même égaux à Raphaël, à Rubens, à Paul Véronèse, ni à M. Le Brun. […]
Quant à la composition Poëtique, les anciens se piquoient beaucoup d'exceller dans ses inventions, & comme ils étoient grands dessinateurs, ils avoient toutes sortes de facilité pour y réussir. Pour donner une idée du progrès  que les anciens avoient faits dans cette partie de la peinture qui comprend le grand art des expressions, nous rapporterons ce qu'en disent les Ecrivains de l'antiquité. De toute les parties de la peinture, la composition Poëtique est celle dont il est le plus facile de donner une idée avec des paroles. C'est celle qui se décrit le mieux.
[…]
Comme le temps a éteint les couleurs, & confondu les nuances dans les fragmens qui nous restent de la peinture antique faite au pinceau, nous ne sçaurions juger à quel point les Peintres de l'antiquité ont excellé dans le coloris, ni s'ils ont égalé ou surpassé les grands Maîtres de l'Ecole Lombarde dans cette aimable partie de la peinture.[…] On ne sçaurait décider notre question sur des récits. Il faut pour la juger, avoir des pièces de comparaison. Elles nous manquent. 
On ne sçauroit former un préjugé contre le coloris des anciens, de ce qu'ils ignoroient l'invention de détremper les couleurs avec de l'huile […]
Quant au clair-obscur & à la distribution enchanteresse des lumières & des ombres, ce que Pline &  les autres Ecrivains de l'antiquité en disent, est si positif, leurs récits sont si bien circonstanciez & si vrai-semblables, qu'on ne sçauroit disconvenir que les anciens n'égalassent du moins dans cette partie de l'Art, les plus grands peintres modernes. Les passages de ces Auteurs que nous ne comprenions pas bien, quand les Peintres modernes ignoroient encore quel prestige on peut faire avec le secours de cette magie, ne sont plus si embroüillez & si difficiles, depuis que Rubens, ses Eleves, Polidore de Caravage, & d'autres Peintres les ont expliquez bien mieux, les pinceaux à la main, que les commentateurs les plus érudits ne le pouvoient faire dans des livres. 
[…] je dis, que les Peintres qui ont travaillé depuis la renaissance des Arts, que Raphaël & ses contemporains n'ont point eu aucun avantage sur nos Artisans. Ces derniers sçavent toutes les couleurs dont les premiers se sont servis. 

Quotation

La mécanique de la Peinture est très-pénible, mais elle n'est pas rebutante pour ceux qui sont nez avec le génie de l'art. Ils sont soutenus contre le dégoût par l'attrait d'une profession à laquelle ils se sentent propres, & par le progrès sensible qu'ils font dans leurs études. Les Eleves trouvent encore partout des Maîtres qui leur abregent le chemin. Que ces Maîtres soient de grands hommes ou des ouvriers médiocres, il n'importe, l'Eleve qui aura du génie, profitera toujours de leurs enseignements. Il lui suffit que ces Maîtres lui puissent enseigner une pratique, qu'on ne sçauroit ignorer, quand on a professé cet art durant dix ou douze années. Un Eleve qui a du génie, apprend à bien faire, en voïant son Maître faire mal. La force du génie change en bonne nourriture les préceptes les plus mal digerez. Ce qu'un homme né avec du génie, fait de mieux, est ce que personne ne lui a montré à faire. […]

Quotation

[…] L'enthousiasme qui fait les Peintres & les Poetes, ne consiste pas dans l'invention des mysteres allégoriques, mais bien dans le talent d'enrichir ses compositions par tous les ornemens que la vrai-semblance du sujet peut permettre, ainsi qu'à donner de la vie à tous ses personnages par l'expression des passions. Telle est la Poësie de Raphaël ; telle est la Poësie du Poussin, & de Le Sueur ; & telle fut souvent celle de Monsieur Le Brun & de Rubens. 

Quotation

Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

Quotation

Les Anciens n’ont-ils pas attribué deux appetits à la partie sensitive de l’ame, rangeant dans le CONCUPISCIBLE, les passions simples & dans l’IRASCIBLE les plus farouches, celles qui sont composées, pretendant que l’amour, la haine, le desir, la joye & la tristesse sont renfermées dans le premier, & que la crainte, la hardiesse, l’esperance, le desespoir, la colere, & la peur resident dans l’autre ; cela peut être expliqué plus au long. On conclut qu’il est impossible de prescrire precisément toutes les marques des differentes passions, à cause de la diversité de la forme, & du temperamment ; qu’un visage plein ne forme pas les mêmes plis, que celui qui sera maigre & desseiché […]. Qu’ainsi le Peintre doit avoir égard à toutes ces differences, pour conformer les expressions des passions au caractere des figures, à la proportion & aux contours.

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[…] L'enthousiasme qui fait les Peintres & les Poetes, ne consiste pas dans l'invention des mysteres allégoriques, mais bien dans le talent d'enrichir ses compositions par tous les ornemens que la vrai-semblance du sujet peut permettre, ainsi qu'à donner de la vie à tous ses personnages par l'expression des passions. Telle est la Poësie de Raphaël ; telle est la Poësie du Poussin, & de Le Sueur ; & telle fut souvent celle de Monsieur Le Brun & de Rubens. 

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Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées. L'unité d'action, c'est Alexandre qui entre dans la tente de Darius. L'unité de lieu, c'est cette tente où il n'y a que les personnes qui s'y doivent trouver. L'unité de temps c'est le moment où Alexandre dit qu'on ne s'est pas beaucoup trompé en prenant Ephestion pour luy, parce que Ephestion est un autre luy-mesme. Si l'on regarde avec quel soin on a fait tendre toutes choses à un seul but, rien n'est de plus lié, de plus reuni, & de plus un, si cela se peut dire, que la representation de cette histoire ; & rien en même temps n'est plus divers & plus varié si l'on considère les différentes attitudes des personnages, & les expressions particulieres de leurs passions. Tout ne va qu'à representer l'étonnement, l'admiration, la surprise & la crainte que cause l'arrivée du plus celebre Conquerant de la Terre, & si ces passions qui n'ont toutes qu'un mesme objet le trouvent différemment exprimées dans les diverses personnes qui les ressentent. La Mere de Darius abbatuë sous le poids de sa douleur & de son âge, [...].

Quotation

Quoique les passions de l’ame se fassent reconnoître plus sensiblement dans les traits du visage qu’ailleurs, elles demandent souvent d’être accompagnées des autres parties du corps. Car dans les sujets qui demandent l’expression de quelque partie essentielle, si vous ne touchez le Spectateur que foiblement, vous lui inspirez une tiedeur qui le rebute : au lieu que si vous le touchez bien, vous lui donnez un plaisir infini.
La tête est donc la partie du corps qui contribue toute seule plus que toutes les autres ensemble à l’expression des passions. […]
Les parties du visage contribuent toutes à mettre au dehors les sentimens du cœur ; mais sur-tout les yeux, qui sont, comme, dit Ciceron, deux fenêtres par où l’ame se fait voir […] des sourcils & de la bouche […] si vous savez les joindre avec le langage des yeux, vous aurez une harmonie merveilleuse pour toutes les passions de l’ame.
Le nez […]
Le mouvement des lévres […]
Pour ce qui est des mains, elles obéissent à la tête, elles lui servent en quelque maniere d’armes & de secours ; sans elles l’action est foible & comme à demi-morte […]

Quotation

A l'égard de l'expression des passions particulieres l'on remarqua, que la passion est un mouvement de l'ame, qui reside en la partie sensitive [...] ; que d'ordinaire tout ce qui cause à l'ame de la passion fait faire quelque action au Corps, & qu'ainsi de sçavoir quelles sont les actions du Corps qui expriment les passions de l'ame, L'on dit que ce que l'on appelloit action en cet endroit, n'étoit autre chose que le mouvement de quelque partie, & que ce mouvement ne se faisoit que par le changement des muscles, [...] ; ainsi le muscle qui agit le plus reçoit le plus d'esprits, & par consequent devient enflé plus que les autres.
[...] L'on remarqua qu'encore qu'on puisse representer les passions de l'ame par les actions de tout le Corps, neanmoins que c'étoit au visage où les marques s'y faisoient le plus connoître, & non seulement dans les yeux comme quelques-uns l'ont crû, mais principalement en la forme & aux mouvements des sourcils ; que comme il y a deux appetits dans la partie sensitive de l'ame, il y a aussi deux mouvemens qui y ont un parfait rapport, les uns s'élevent au cerveau & les autres inclinent vers le coeur.

Quotation

Les Anciens n’ont-ils pas attribué deux appetits à la partie sensitive de l’ame, rangeant dans le CONCUPISCIBLE, les passions simples & dans l’IRASCIBLE les plus farouches, celles qui sont composées, pretendant que l’amour, la haine, le desir, la joye & la tristesse sont renfermées dans le premier, & que la crainte, la hardiesse, l’esperance, le desespoir, la colere, & la peur resident dans l’autre ; cela peut être expliqué plus au long. On conclut qu’il est impossible de prescrire precisément toutes les marques des differentes passions, à cause de la diversité de la forme, & du temperamment ; qu’un visage plein ne forme pas les mêmes plis, que celui qui sera maigre & desseiché […]. Qu’ainsi le Peintre doit avoir égard à toutes ces differences, pour conformer les expressions des passions au caractere des figures, à la proportion & aux contours.

Quotation

Les compositions allégoriques que nous avons nommées des compositions mixtes, sont d'un plus grand usage que les compositions purement allégoriques. Quoique leur action soit feinte, ainsi que celle des compositions purement allégoriques, néanmoins comme une partie de leurs personnages se trouvent être des personnages historiques, on peut mettre le sens de ces fictions à la portée de tout le monde, & les rendre ainsi capables de nous instruire, de nous attacher & même  de nous intéresser. 
Les Peintres tirent de grands secours de ces compositions allégoriques de la seconde espèce, ou pour exprimer beaucoup de choses qu'ils ne pourroient pas faire entendre dans une composition historique, ou pour représenter en un seul tableau plusieurs actions dont il semble que chacun demandât une toile séparée. La galerie du Luxembourg & celle de Versailles en font foi. Rubens & Le Brun ont trouvé moïen d'y représenter par le moïen de ces fictions mixtes, des choses qu'on ne concevoit pas pouvoir être renduës avec des couleurs. Il y font voir en un seul tableau des évenements qu'un Historien ne pourroit narrer qu'en plusieurs pages. […]

Quotation

Wat aangaat eenige afbeeldzels der Phisionomie, dezelve zouden wy mede hier ingevoegd hebben, maar alzo onlangs een fraay boekje, van de Hr. Le Brun geschreeven, en door F: de Kaarsgieter vertaald, daar van in 't licht gekomen is, vinden wy niet noodzakelyk daar verder af te melden, maar wyzen de Konstoeffenaars en beminnaars derzelve daar na toe, alzo het een nut en dienstig boek is, niet alleen voor Schilders, Beeldhouwers en Plaatsnyders; maar ook voor Dichters, Historieschryvers en andere.

Quotation

La mécanique de la Peinture est très-pénible, mais elle n'est pas rebutante pour ceux qui sont nez avec le génie de l'art. Ils sont soutenus contre le dégoût par l'attrait d'une profession à laquelle ils se sentent propres, & par le progrès sensible qu'ils font dans leurs études. Les Eleves trouvent encore partout des Maîtres qui leur abregent le chemin. Que ces Maîtres soient de grands hommes ou des ouvriers médiocres, il n'importe, l'Eleve qui aura du génie, profitera toujours de leurs enseignements. Il lui suffit que ces Maîtres lui puissent enseigner une pratique, qu'on ne sçauroit ignorer, quand on a professé cet art durant dix ou douze années. Un Eleve qui a du génie, apprend à bien faire, en voïant son Maître faire mal. La force du génie change en bonne nourriture les préceptes les plus mal digerez. Ce qu'un homme né avec du génie, fait de mieux, est ce que personne ne lui a montré à faire. […]

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Tout devient palettes & pinceaux entre les mains d'un enfant doüé du génie de la Peinture. Ils fait connoître aux autres pour ce qu'il est, quand lui-même ne le sçait pas encore. Les Annalistes de la Peinture rapportent une infinité de faits qui confirment ce que j'avance. La plûpart des grands Peintres ne sont pas nez dans les atteliers. Très-peu sont des fils de Peintres, qui, suivant l'usage ordinaire, auroient été élevez dans la profession de leurs peres. Parmi les Artisans illustres qui font tant d'honneur aux deux derniers siècles, le seul Raphaël, autant qu'il m'en souvient, fut le fils d'un Peintre. Le pere du Georgeon & celui du Titien, ne manierent jamais ni pinceaux ni cizeaux, Leonard De Vinci, & Paul Veronése, n'eurent point de Peintres pour peres. Les parens de Michel-Ange vivoient, comme on dit, noblement, c'est-à-dire, sans exercer aucune profession lucrative. André Del Sarte étoit fils d'un Tailleur, & Le Tintoret d'un Tinturier. Le pere des Caraches, n'étoit pas d'une profession où l'on manie le craïon. Michel-Ange De Caravage étoit fils d'un Masson, & Le Correge fils d'un Laboureur. Le Guide étoit fils d'un Musicien, Le Dominiquin d'un Cordonnier, & L'Albane d'un Marchand de Soïe. Lanfranc étoit un enfant trouvé, à qui son génie enseigna la peinture, à peu près comme le génie de M Pascal lui enseigna les Mathématiques. Le pere de Rubens, qui étoit dans la Magistrature d'Anvers, n'avoit ni attelier ni boutique dans sa maison. Le pere de Vandick n'étoit ni Peintre ni Sculpteur. Du Fresnoy, dont nous avons un poëme sur la Peinture, qui a mérité d'être traduit & commenté par M. De Piles, & dont nous avons aussi des tableaux au-dessus du médiocre, avoit étudié pour être Médecin. Les peres des quatre meilleurs Peintres François du dernier siècle, Le Valentin, Le Sueur, Le Poussin & Le Brun, n'étoient pas des peintres. C'est le génie de ces grands hommes qui les a été chercher, pour ainsi dire, dans la maison de leurs parens, afin de les conduire sur le Parnasse. Les Peintres montent sur le Parnasse, aussi-bien que les Poëtes.

Quotation

Der dritte Discours von der Mahlerey. Das III. Capitel. Worauf über dieses in HISTORIEN-Gemählden besonders zu sehen, p. 68 
[Ist ferner nöthig auf folgende Stücke mit Achtung zu geben]
2. Auf das
Decorum, daß die Bilder solche Kleidung/ die Bäume solch Laub/ die Gebäude solche Ordonnance und Verzierung bekommen/ als sie in dem Land zu der Zeit gehabt/ da die Geschicht passiret. Dieses hat le Brun in seinen Gemählden von Alexandro, welche theils auf dem Louvre, theils zu Versailles sind/ wohl in Acht genommen.

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Der dritte Discours von der Mahlerey. Das III. Capitel. Worauf über dieses in HISTORIEN-Gemählden besonders zu sehen, p. 68 
[Ist ferner nöthig auf folgende Stücke mit Achtung zu geben]
4. Auf die besondern Affecten einer jeden Person/ daß aus ihrem Gesichte/ und aus ihrer Action könne geschlossen werden/ was die Person andeuten und vorstellen solle. Auch in diesem Stück kan
le Brun, sonderlich aber das jenige Stück/ da er Alexandrum und Ephestion gemahlet/ wie sie zu des Darius Familie in das Gezelt kommen/ vor ein Haupt exempel dienen. Doch hat ihn Rubens noch darinnen übertroffen.

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Der dritte Discours von der Mahlerey. Das III. Capitel. Worauf über dieses in HISTORIEN-Gemählden besonders zu sehen, p. 68 
 [Ist ferner nöthig auf folgende Stücke mit Achtung zu geben]
3. Auf das Alter/ Geschlecht und Stand der Person. Daß ein Bauer keine Gestalt eines wohlgezogenen ansehnlichen Mannes ein König hingegen eine Bauer Gestalt bekomme Daher viel Mahler und unter andern der berühmte
le Brun gar die Physiognomie studierte, damit sie die Personen nach solchen Reguln desto besser distinguiren können.

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Pour donner des principes certains de cette connoissance, il faut, en voyant un dessein, faire deux examens, le premier consiste à en connoître le goût, & le second à découvrir le nom & le caractere de celui qui l’a fait.
Le goût du pays dans lequel a été fait le dessein, en constate l’école. On distingue trois sortes de goût : l’Italien, le Flamand, & le François.
Le goût Italien (qui n’est autre chose que l’esprit naturel de la nation) s’est formé sur les ouvrages antiques que l’Italie possede. Il consiste en général dans la correction du dessein, dans une belle ordonnance, dans des contours variés & contrastés, dans un beau choix d’attitudes, dans une expression fine, soutenuë d’un grand coloris. A Rome, à Florence, c’est le dessein qui domine, on est entraîné par cette grande partie de la peinture, sans laquelle les autres ne peuvent exister. En Lombardie & à Venise la couleur attire les artistes, ils la regardent comme le propre du peintre, & ils negligent le dessein pour ne s’attacher qu’à l’imitation parfaite de la nature qui n’est visible que parce qu’elle est colorée.
Le goût Flamand est la nature même, telle qu’elle est, sans  trop de choix & sans s’embarrasser de l’antique ; la couleur secondée d’une touche moëlleuse est son objet principal : on reconnoît toujours ce goût à une lourde façon de dessiner. Les Allemans tiennent plus du gothique, ils prennent la nature sans choix ; ils en copient même jusqu’aux défauts (a).
            (a) Decepit exemplar vitiis imitabile,
Hor. epist. 19, lib. I.
Le goût François, si l’on étoit moins enivré de l’Italie, pourroit le disputer aux deux autres. La correction, l’élévation de la pensée, l’allégorie, la poëtique, l’expression des passions, & même la couleur s’y trouvent souvent rassemblées. Les François en géneral ont moins de touche que les Flamans ; le choix des attitudes & des figures est moins élégant que celui des Italiens ; il faut cependant en excepter nos grands peintres, tels que Vouët, le Poussin, le Sueur, Bourdon, le Brun, Jouvenet & le Moine.
Toutes ces nations quand elles étudient l’antique & les ouvrages des grands maîtres, réforment souvent leur goût de terroir, & le rendent infiniment meilleur.
Il naîtra de ces remarques une connoissance naturelle du goût des nations. En voyant un dessein, on le rapportera sur le champ à l’école dont il approche le plus, & l’on dira : il est dans un tel goût. Ainsi l’on sçaura le pays dans lequel le dessein a été fait, & par conséquent l’école du maître.

Quotation

Ainsi à regarder la peinture en elle-mesme & entant qu'elle est un amas de preceptes pour bien peindre, elle est aujourd’huy plus parfaite & plus accomplie qu’elle ne l'a jamais esté dans tous les autres siecles. Je diray mesme que je ne suis pas bien ferme dans le jugement que je fais en faveur des tableaux de ces anciens Maistres, non seulement à cause du respect dont je suis prevenu pour leur ancienneté, mais aussi à cause de la beauté réelle & effective que cette ancienneté leur donne. Car il y a dans les ouvrages de peinture comme dans les viandes nouvellement tuées ou dans les fruits fraischement cueillis, une certaine crudité & une certaine âpreté, que le temps seul peut cuire & adoucir en amortissant ce qui est trop vif, en affoiblissant ce qui est trop fort, & en noyant les extremitez des couleurs les unes dans les autres : Qui sçait le degré de beauté qu'aquerrera la Famille de Darius, le Triomphe d'Alexandre, la deffaite de Porus & les autres grands tableaux de cette force, quand le Temps aura achevé de les peindre, & y aura mis les mesmes beautez dont il a enrichi le saint Michel & la sainte Famille. Car je remarque que ces grands tableaux de Monsieur le Brun se peignent & s'embellissent tous les jours, & que le Temps en y adoucissant ce que le pinceau judicieux luy a donné pour estre adouci & pour amuser son activité, qui sans cela s'attaqueroit à la substance de l’ouvrage, y ajoûte mille nouvelles graces, qu’il n’y a que luy seul qui puisse donner.

Quotation

Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

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Ainsi à regarder la peinture en elle-mesme & entant qu'elle est un amas de preceptes pour bien peindre, elle est aujourd’huy plus parfaite & plus accomplie qu’elle ne l'a jamais esté dans tous les autres siecles. Je diray mesme que je ne suis pas bien ferme dans le jugement que je fais en faveur des tableaux de ces anciens Maistres, non seulement à cause du respect dont je suis prevenu pour leur ancienneté, mais aussi à cause de la beauté réelle & effective que cette ancienneté leur donne. Car il y a dans les ouvrages de peinture comme dans les viandes nouvellement tuées ou dans les fruits fraischement cueillis, une certaine crudité & une certaine âpreté, que le temps seul peut cuire & adoucir en amortissant ce qui est trop vif, en affoiblissant ce qui est trop fort, & en noyant les extremitez des couleurs les unes dans les autres : Qui sçait le degré de beauté qu'aquerrera la Famille de Darius, le Triomphe d'Alexandre, la deffaite de Porus & les autres grands tableaux de cette force, quand le Temps aura achevé de les peindre, & y aura mis les mesmes beautez dont il a enrichi le saint Michel & la sainte Famille. Car je remarque que ces grands tableaux de Monsieur le Brun se peignent & s'embellissent tous les jours, & que le Temps en y adoucissant ce que le pinceau judicieux luy a donné pour estre adouci & pour amuser son activité, qui sans cela s'attaqueroit à la substance de l’ouvrage, y ajoûte mille nouvelles graces, qu’il n’y a que luy seul qui puisse donner.

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Il ne serait pas moins téméraire de décider la question sur ce que nos tableaux ne sont point ces effets prodigieux que les tableaux des anciens peintres ont fait quelquefois ; suivant les apparences, les récits des Ecrivains qui nous racontent ces effets sont exagérez, & nous ne savons pas même ce qu'il en faudrait rabattre pour les réduire à l'exacte vérité. Nous ignorons quelle part de la nouveauté de l'art de la Peinture peut avoir euë dans l'impression qu'on veut que certains tableaux aïent fait sur les Spectateurs. Les premiers tableaux, quoique grossiers, ont dû paroître des ouvrages divins. L'admiration pour un art naissant, fait tomber aisément dans l'exagération ceux qui parlent de ses productions ; & et la tradition en recueillant ces récits outrez, aime encore les rendre plus merveilleux qu'elle ne les a reçus. On trouve même dans les Ecrivains anciens des choses impossibles données pour vraies, & des choses ordinaires traitées de prodiges. […]
Enfin on ne sçaurait donner une idée un peu précise des tableaux à ceux qui ne les ont pas vus absolument, & qui ne connaissent pas la manière du Peintre qui les a faits, que par voies de comparaison. […]
Les Ecrivains modernes qui ont traité de la peinture antique, nous rendent plus sçavans, sans nous rendre plus capables de juger la question de la supériorité des Peintres de l'antiquité sur les Peintres modernes. Ces Ecrivains se sont contentez de ramasser les passages des Auteurs anciens qui parlent de la peinture & de les commenter en Philologues, sans les expliquer par l'examen de ce que nos Peintres font de nos jours, & même sans appliquer ces passages aux morceaux de la peinture antique qui subsistent encore. Je pense donc que pour se former une idée aussi distincte de la peinture antique qu'il soit possible de l'avoir, il faut considérer séparément ce que nous pouvons sçavoir de certain sur la composition, sur l'expression & sur le coloris des Peintres de l'antiquité.     
[…] Quant à la composition Pittoresque, il faut avoüer que dans les monumens qui nous restent, les Peintres anciens ne paroissent pas superieurs, ni même égaux à Raphaël, à Rubens, à Paul Véronèse, ni à M. Le Brun. […]
Quant à la composition Poëtique, les anciens se piquoient beaucoup d'exceller dans ses inventions, & comme ils étoient grands dessinateurs, ils avoient toutes sortes de facilité pour y réussir. Pour donner une idée du progrès  que les anciens avoient faits dans cette partie de la peinture qui comprend le grand art des expressions, nous rapporterons ce qu'en disent les Ecrivains de l'antiquité. De toute les parties de la peinture, la composition Poëtique est celle dont il est le plus facile de donner une idée avec des paroles. C'est celle qui se décrit le mieux.
[…]
Comme le temps a éteint les couleurs, & confondu les nuances dans les fragmens qui nous restent de la peinture antique faite au pinceau, nous ne sçaurions juger à quel point les Peintres de l'antiquité ont excellé dans le coloris, ni s'ils ont égalé ou surpassé les grands Maîtres de l'Ecole Lombarde dans cette aimable partie de la peinture.[…] On ne sçaurait décider notre question sur des récits. Il faut pour la juger, avoir des pièces de comparaison. Elles nous manquent. 
On ne sçauroit former un préjugé contre le coloris des anciens, de ce qu'ils ignoroient l'invention de détremper les couleurs avec de l'huile […]
Quant au clair-obscur & à la distribution enchanteresse des lumières & des ombres, ce que Pline &  les autres Ecrivains de l'antiquité en disent, est si positif, leurs récits sont si bien circonstanciez & si vrai-semblables, qu'on ne sçauroit disconvenir que les anciens n'égalassent du moins dans cette partie de l'Art, les plus grands peintres modernes. Les passages de ces Auteurs que nous ne comprenions pas bien, quand les Peintres modernes ignoroient encore quel prestige on peut faire avec le secours de cette magie, ne sont plus si embroüillez & si difficiles, depuis que Rubens, ses Eleves, Polidore de Caravage, & d'autres Peintres les ont expliquez bien mieux, les pinceaux à la main, que les commentateurs les plus érudits ne le pouvoient faire dans des livres. 
[…] je dis, que les Peintres qui ont travaillé depuis la renaissance des Arts, que Raphaël & ses contemporains n'ont point eu aucun avantage sur nos Artisans. Ces derniers sçavent toutes les couleurs dont les premiers se sont servis. 

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La mécanique de la Peinture est très-pénible, mais elle n'est pas rebutante pour ceux qui sont nez avec le génie de l'art. Ils sont soutenus contre le dégoût par l'attrait d'une profession à laquelle ils se sentent propres, & par le progrès sensible qu'ils font dans leurs études. Les Eleves trouvent encore partout des Maîtres qui leur abregent le chemin. Que ces Maîtres soient de grands hommes ou des ouvriers médiocres, il n'importe, l'Eleve qui aura du génie, profitera toujours de leurs enseignements. Il lui suffit que ces Maîtres lui puissent enseigner une pratique, qu'on ne sçauroit ignorer, quand on a professé cet art durant dix ou douze années. Un Eleve qui a du génie, apprend à bien faire, en voïant son Maître faire mal. La force du génie change en bonne nourriture les préceptes les plus mal digerez. Ce qu'un homme né avec du génie, fait de mieux, est ce que personne ne lui a montré à faire. […]

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LE PRESIDENT. Quoy donc le saint Michel & la sainte famille que nous venons de voir, ne seront pas comparables aux tableaux de Monsieur le Brun.
L’ABBE. Je serois bien faschée d'avoir avancé une telle proposition, ce sont deux chef-d'œuvres incomparables, & qui surpassent comme je l'ay déja dit, tout ce que l'Italie a de plus beau. Il y a quelque chose de si grand & de si noble dans l'attitude & dans l'air de teste du saint Michel ; la correction du dessein y est si juste, & le mélange des couleurs si parfait, que ce qui peut y estre desiré comme un peu moins de force dans l'extremité des parties ombrées, n’empesche pas qu'il ne soit le premier tableau du monde, à moins qu'on ne luy fasse disputer ce rang par le tableau de la sainte Famille.

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A l'égard de l'expression des passions particulieres l'on remarqua, que la passion est un mouvement de l'ame, qui reside en la partie sensitive [...] ; que d'ordinaire tout ce qui cause à l'ame de la passion fait faire quelque action au Corps, & qu'ainsi de sçavoir quelles sont les actions du Corps qui expriment les passions de l'ame, L'on dit que ce que l'on appelloit action en cet endroit, n'étoit autre chose que le mouvement de quelque partie, & que ce mouvement ne se faisoit que par le changement des muscles, [...] ; ainsi le muscle qui agit le plus reçoit le plus d'esprits, & par consequent devient enflé plus que les autres.
[...] L'on remarqua qu'encore qu'on puisse representer les passions de l'ame par les actions de tout le Corps, neanmoins que c'étoit au visage où les marques s'y faisoient le plus connoître, & non seulement dans les yeux comme quelques-uns l'ont crû, mais principalement en la forme & aux mouvements des sourcils ; que comme il y a deux appetits dans la partie sensitive de l'ame, il y a aussi deux mouvemens qui y ont un parfait rapport, les uns s'élevent au cerveau & les autres inclinent vers le coeur.

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A l'égard de l'expression des passions particulieres l'on remarqua, que la passion est un mouvement de l'ame, qui reside en la partie sensitive [...] ; que d'ordinaire tout ce qui cause à l'ame de la passion fait faire quelque action au Corps, & qu'ainsi de sçavoir quelles sont les actions du Corps qui expriment les passions de l'ame, L'on dit que ce que l'on appelloit action en cet endroit, n'étoit autre chose que le mouvement de quelque partie, & que ce mouvement ne se faisoit que par le changement des muscles, [...] ; ainsi le muscle qui agit le plus reçoit le plus d'esprits, & par consequent devient enflé plus que les autres.
[...] L'on remarqua qu'encore qu'on puisse representer les passions de l'ame par les actions de tout le Corps, neanmoins que c'étoit au visage où les marques s'y faisoient le plus connoître, & non seulement dans les yeux comme quelques-uns l'ont crû, mais principalement en la forme & aux mouvements des sourcils ; que comme il y a deux appetits dans la partie sensitive de l'ame, il y a aussi deux mouvemens qui y ont un parfait rapport, les uns s'élevent au cerveau & les autres inclinent vers le coeur.

Quotation

Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

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Der dritte Discours von der Mahlerey. Das III. Capitel. Worauf über dieses in HISTORIEN-Gemählden besonders zu sehen, p. 68 
[Ist ferner nöthig auf folgende Stücke mit Achtung zu geben]
2. Auf das
Decorum, daß die Bilder solche Kleidung/ die Bäume solch Laub/ die Gebäude solche Ordonnance und Verzierung bekommen/ als sie in dem Land zu der Zeit gehabt/ da die Geschicht passiret. Dieses hat le Brun in seinen Gemählden von Alexandro, welche theils auf dem Louvre, theils zu Versailles sind/ wohl in Acht genommen.

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PALETTE. Instrument de bois, de forme ovale avec une ouverture par le haut, pour y passer le pouce. Les Peintres mettent sur cet instrument les couleurs toutes préparées. 
On dit de certains tableaux, qu’ils sentent la
palette c’est-à-dire, que les couleurs n’en sont point assez vraies, que la nature y est mal caracterisée, & que l’on n’y trouve point cette parfaite imitation, seule capable de séduire & tromper les yeux, Ce qui doit être le premier but des Peintres. 
Mr de Piles a dit en parlant de le Brun, « ses couleurs locales sont mauvaises, & il n’a point fait assez d’attention à donner par cette partie le véritable caractère à chaque objet : ce qui est la seule cause pour laquelle ses tableaux
sentent toujours comme on dit la palette, & ne font point cette fidele sensation de la nature. »

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Ainsi à regarder la peinture en elle-mesme & entant qu'elle est un amas de preceptes pour bien peindre, elle est aujourd’huy plus parfaite & plus accomplie qu’elle ne l'a jamais esté dans tous les autres siecles. Je diray mesme que je ne suis pas bien ferme dans le jugement que je fais en faveur des tableaux de ces anciens Maistres, non seulement à cause du respect dont je suis prevenu pour leur ancienneté, mais aussi à cause de la beauté réelle & effective que cette ancienneté leur donne. Car il y a dans les ouvrages de peinture comme dans les viandes nouvellement tuées ou dans les fruits fraischement cueillis, une certaine crudité & une certaine âpreté, que le temps seul peut cuire & adoucir en amortissant ce qui est trop vif, en affoiblissant ce qui est trop fort, & en noyant les extremitez des couleurs les unes dans les autres : Qui sçait le degré de beauté qu'aquerrera la Famille de Darius, le Triomphe d'Alexandre, la deffaite de Porus & les autres grands tableaux de cette force, quand le Temps aura achevé de les peindre, & y aura mis les mesmes beautez dont il a enrichi le saint Michel & la sainte Famille. Car je remarque que ces grands tableaux de Monsieur le Brun se peignent & s'embellissent tous les jours, & que le Temps en y adoucissant ce que le pinceau judicieux luy a donné pour estre adouci & pour amuser son activité, qui sans cela s'attaqueroit à la substance de l’ouvrage, y ajoûte mille nouvelles graces, qu’il n’y a que luy seul qui puisse donner.

Quotation

Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

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PASSION. Passion en Peinture se dit d’un mouvement du corps, accompagné de certains traits sur le visage qui marquent une agitation de l’ame. Il est des passions dont les mouvemens sont tendres, il en est d’autres dont les mouvemens sont violens.
Le Brun qui a excellé dans cette partie, a fait un traité des
passions, avec des démonstrations des principaux traits qui servent à les caracteriser. 
Chaque
passion a ses caracteres : c’est au Peintre à choisir parmi ces divers caracteres, ceux qui sont les plus propres à toucher & à émouvoir les Spectateurs. Dans une même passion, il faut observer des différences ; la douleur d’un Roi, ne doit pas être la même que celle d’un homme de la lie du peuple, ni la fierté d’un soldat la même que celle d’un Général : c’est dans ces différences que consiste le vrai discernement des passions.

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Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

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Tout devient palettes & pinceaux entre les mains d'un enfant doüé du génie de la Peinture. Ils fait connoître aux autres pour ce qu'il est, quand lui-même ne le sçait pas encore. Les Annalistes de la Peinture rapportent une infinité de faits qui confirment ce que j'avance. La plûpart des grands Peintres ne sont pas nez dans les atteliers. Très-peu sont des fils de Peintres, qui, suivant l'usage ordinaire, auroient été élevez dans la profession de leurs peres. Parmi les Artisans illustres qui font tant d'honneur aux deux derniers siècles, le seul Raphaël, autant qu'il m'en souvient, fut le fils d'un Peintre. Le pere du Georgeon & celui du Titien, ne manierent jamais ni pinceaux ni cizeaux, Leonard De Vinci, & Paul Veronése, n'eurent point de Peintres pour peres. Les parens de Michel-Ange vivoient, comme on dit, noblement, c'est-à-dire, sans exercer aucune profession lucrative. André Del Sarte étoit fils d'un Tailleur, & Le Tintoret d'un Tinturier. Le pere des Caraches, n'étoit pas d'une profession où l'on manie le craïon. Michel-Ange De Caravage étoit fils d'un Masson, & Le Correge fils d'un Laboureur. Le Guide étoit fils d'un Musicien, Le Dominiquin d'un Cordonnier, & L'Albane d'un Marchand de Soïe. Lanfranc étoit un enfant trouvé, à qui son génie enseigna la peinture, à peu près comme le génie de M Pascal lui enseigna les Mathématiques. Le pere de Rubens, qui étoit dans la Magistrature d'Anvers, n'avoit ni attelier ni boutique dans sa maison. Le pere de Vandick n'étoit ni Peintre ni Sculpteur. Du Fresnoy, dont nous avons un poëme sur la Peinture, qui a mérité d'être traduit & commenté par M. De Piles, & dont nous avons aussi des tableaux au-dessus du médiocre, avoit étudié pour être Médecin. Les peres des quatre meilleurs Peintres François du dernier siècle, Le Valentin, Le Sueur, Le Poussin & Le Brun, n'étoient pas des peintres. C'est le génie de ces grands hommes qui les a été chercher, pour ainsi dire, dans la maison de leurs parens, afin de les conduire sur le Parnasse. Les Peintres montent sur le Parnasse, aussi-bien que les Poëtes.

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Ainsi à regarder la peinture en elle-mesme & entant qu'elle est un amas de preceptes pour bien peindre, elle est aujourd’huy plus parfaite & plus accomplie qu’elle ne l'a jamais esté dans tous les autres siecles. Je diray mesme que je ne suis pas bien ferme dans le jugement que je fais en faveur des tableaux de ces anciens Maistres, non seulement à cause du respect dont je suis prevenu pour leur ancienneté, mais aussi à cause de la beauté réelle & effective que cette ancienneté leur donne.

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Quoyqu'il en soit, je soûtiens qu'en qualité de Peintre il [ndr : Véronèse] n'a pas mieux gardé l'unité qui doit estre dans la composition d’un sujet, qu'il l'a fait en qualité d'historien, puisqu'il a mis deux points de veuë dans son tableau, l’un pour le Païsage, & l'autre pour la Chambre, où le Sauveur est assis à table avec ses Disciples ; car l’horison du Païsage est plus bas que cette table dont on voit le dessus qui tend à un autre point de veuë beaucoup plus élevé ; faute de perspective qu'on ne pardonneroit pas aujourd’huy à un Ecolier de quinze jours. Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées.

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Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

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Quoyqu'il en soit, je soûtiens qu'en qualité de Peintre il [ndr : Véronèse] n'a pas mieux gardé l'unité qui doit estre dans la composition d’un sujet, qu'il l'a fait en qualité d'historien, puisqu'il a mis deux points de veuë dans son tableau, l’un pour le Païsage, & l'autre pour la Chambre, où le Sauveur est assis à table avec ses Disciples ; car l’horison du Païsage est plus bas que cette table dont on voit le dessus qui tend à un autre point de veuë beaucoup plus élevé ; faute de perspective qu'on ne pardonneroit pas aujourd’huy à un Ecolier de quinze jours. Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées.

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Sometimes the Structure of a Picture, or the Tout-Ensemble of its Form, shall resemble dark Clouds on a Light Ground ; As in two Assumptions of the Virgin by Bolswert after Rubens ; indeed a part of These are such Clouds : But in both of them the Figures of these Masses are something too Indistinct. Le Brun in a Ceiling of the same Subject, grav’d, by young Simconneau, has put a Group of Angels, which almost hide the cloudy Voiture of the Virgin ; but this mass is too Regular, and Heavy a Shape. I refer you to Prints, because they are easy to be got, and explain This matter as well as Drawings, or Pictures, and in some Respects Better.

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Der dritte Discours von der Mahlerey. Das III. Capitel. Worauf über dieses in HISTORIEN-Gemählden besonders zu sehen, p. 68 
 [Ist ferner nöthig auf folgende Stücke mit Achtung zu geben]
3. Auf das Alter/ Geschlecht und Stand der Person. Daß ein Bauer keine Gestalt eines wohlgezogenen ansehnlichen Mannes ein König hingegen eine Bauer Gestalt bekomme Daher viel Mahler und unter andern der berühmte
le Brun gar die Physiognomie studierte, damit sie die Personen nach solchen Reguln desto besser distinguiren können.

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Quoyqu'il en soit, je demeure d'accord que le tableau des Pellerins est un des plus beaux qu'il se voye, les personnages y sont vivans, & l'on croit ne voir pas moins ce qui se passe dans leur pensée que l'action qu'ils font au dehors ; mais comme un tableau est un poëme müet, où l'unité de lieu, de temps & d'action doit estre encore plus religieusement observée que dans un poëme veritable, parce que le lieu y est immuable, le temps indivisible, & l'action momentanée ; Voyons comment cette regle est observée dans ce tableau. [...] Quoyqu'il en soit, je soûtiens qu'en qualité de Peintre il [ndr : Véronèse] n'a pas mieux gardé l'unité qui doit estre dans la composition d’un sujet, qu'il l'a fait en qualité d'historien, puisqu'il a mis deux points de veuë dans son tableau, l’un pour le Païsage, & l'autre pour la Chambre, où le Sauveur est assis à table avec ses Disciples ; car l’horison du Païsage est plus bas que cette table dont on voit le dessus qui tend à un autre point de veuë beaucoup plus élevé ; faute de perspective qu'on ne pardonneroit pas aujourd’huy à un Ecolier de quinze jours. Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées. L'unité d'action, c'est Alexandre qui entre dans la tente de Darius. L'unité de lieu, c'est cette tente où il n'y a que les personnes qui s'y doivent trouver. L'unité de temps c'est le moment où Alexandre dit qu'on ne s'est pas beaucoup trompé en prenant Ephestion pour luy, parce que Ephestion est un autre luy-mesme. Si l'on regarde avec quel soin on a fait tendre toutes choses à un seul but, rien n'est de plus lié, de plus reuni, & de plus un, si cela se peut dire, que la representation de cette histoire ; & rien en même temps n'est plus divers & plus varié si l'on considère les différentes attitudes des personnages, & les expressions particulieres de leurs passions.

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Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

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Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées. L'unité d'action, c'est Alexandre qui entre dans la tente de Darius. L'unité de lieu, c'est cette tente où il n'y a que les personnes qui s'y doivent trouver. L'unité de temps c'est le moment où Alexandre dit qu'on ne s'est pas beaucoup trompé en prenant Ephestion pour luy, parce que Ephestion est un autre luy-mesme. Si l'on regarde avec quel soin on a fait tendre toutes choses à un seul but, rien n'est de plus lié, de plus reuni, & de plus un, si cela se peut dire, que la representation de cette histoire ; & rien en même temps n'est plus divers & plus varié si l'on considère les différentes attitudes des personnages, & les expressions particulieres de leurs passions. Tout ne va qu'à representer l'étonnement, l'admiration, la surprise & la crainte que cause l'arrivée du plus celebre Conquerant de la Terre, & si ces passions qui n'ont toutes qu'un mesme objet le trouvent différemment exprimées dans les diverses personnes qui les ressentent. La Mere de Darius abbatuë sous le poids de sa douleur & de son âge, [...]. [...] D'ailleurs quelle beauté & quelle diversité dans les airs de teste de ce tableau [ndr : La tente de Darius de Le Brun] ; ils sont tous grands, tous nobles, & si cela se peut dire, tous heroïques en leur maniere, de mesme que les vestemens, que le Peintre a recherchez avec un soin & une étude inconcevable. Dans le tableau des Pelerins toutes les testes & toutes les draperies, hors celles du Christ & des deux disciples qui ont quelque noblesse ; sont prises sur des hommes & des femmes de la connoissance du Peintre, ce qui avilit extremement la composition de ce tableau, & fait un mélange aussi mal assorti, que si dans une Tragedie des plus sublimes on mesloit quelques Scenes d'un stile bas & comique.

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Il ne serait pas moins téméraire de décider la question sur ce que nos tableaux ne sont point ces effets prodigieux que les tableaux des anciens peintres ont fait quelquefois ; suivant les apparences, les récits des Ecrivains qui nous racontent ces effets sont exagérez, & nous ne savons pas même ce qu'il en faudrait rabattre pour les réduire à l'exacte vérité. Nous ignorons quelle part de la nouveauté de l'art de la Peinture peut avoir euë dans l'impression qu'on veut que certains tableaux aïent fait sur les Spectateurs. Les premiers tableaux, quoique grossiers, ont dû paroître des ouvrages divins. L'admiration pour un art naissant, fait tomber aisément dans l'exagération ceux qui parlent de ses productions ; & et la tradition en recueillant ces récits outrez, aime encore les rendre plus merveilleux qu'elle ne les a reçus. On trouve même dans les Ecrivains anciens des choses impossibles données pour vraies, & des choses ordinaires traitées de prodiges. […]
Enfin on ne sçaurait donner une idée un peu précise des tableaux à ceux qui ne les ont pas vus absolument, & qui ne connaissent pas la manière du Peintre qui les a faits, que par voies de comparaison. […]
Les Ecrivains modernes qui ont traité de la peinture antique, nous rendent plus sçavans, sans nous rendre plus capables de juger la question de la supériorité des Peintres de l'antiquité sur les Peintres modernes. Ces Ecrivains se sont contentez de ramasser les passages des Auteurs anciens qui parlent de la peinture & de les commenter en Philologues, sans les expliquer par l'examen de ce que nos Peintres font de nos jours, & même sans appliquer ces passages aux morceaux de la peinture antique qui subsistent encore. Je pense donc que pour se former une idée aussi distincte de la peinture antique qu'il soit possible de l'avoir, il faut considérer séparément ce que nous pouvons sçavoir de certain sur la composition, sur l'expression & sur le coloris des Peintres de l'antiquité.     
[…] Quant à la composition Pittoresque, il faut avoüer que dans les monumens qui nous restent, les Peintres anciens ne paroissent pas superieurs, ni même égaux à Raphaël, à Rubens, à Paul Véronèse, ni à M. Le Brun. […]
Quant à la composition Poëtique, les anciens se piquoient beaucoup d'exceller dans ses inventions, & comme ils étoient grands dessinateurs, ils avoient toutes sortes de facilité pour y réussir. Pour donner une idée du progrès  que les anciens avoient faits dans cette partie de la peinture qui comprend le grand art des expressions, nous rapporterons ce qu'en disent les Ecrivains de l'antiquité. De toute les parties de la peinture, la composition Poëtique est celle dont il est le plus facile de donner une idée avec des paroles. C'est celle qui se décrit le mieux.
[…]
Comme le temps a éteint les couleurs, & confondu les nuances dans les fragmens qui nous restent de la peinture antique faite au pinceau, nous ne sçaurions juger à quel point les Peintres de l'antiquité ont excellé dans le coloris, ni s'ils ont égalé ou surpassé les grands Maîtres de l'Ecole Lombarde dans cette aimable partie de la peinture.[…] On ne sçaurait décider notre question sur des récits. Il faut pour la juger, avoir des pièces de comparaison. Elles nous manquent. 
On ne sçauroit former un préjugé contre le coloris des anciens, de ce qu'ils ignoroient l'invention de détremper les couleurs avec de l'huile […]
Quant au clair-obscur & à la distribution enchanteresse des lumières & des ombres, ce que Pline &  les autres Ecrivains de l'antiquité en disent, est si positif, leurs récits sont si bien circonstanciez & si vrai-semblables, qu'on ne sçauroit disconvenir que les anciens n'égalassent du moins dans cette partie de l'Art, les plus grands peintres modernes. Les passages de ces Auteurs que nous ne comprenions pas bien, quand les Peintres modernes ignoroient encore quel prestige on peut faire avec le secours de cette magie, ne sont plus si embroüillez & si difficiles, depuis que Rubens, ses Eleves, Polidore de Caravage, & d'autres Peintres les ont expliquez bien mieux, les pinceaux à la main, que les commentateurs les plus érudits ne le pouvoient faire dans des livres. 
[…] je dis, que les Peintres qui ont travaillé depuis la renaissance des Arts, que Raphaël & ses contemporains n'ont point eu aucun avantage sur nos Artisans. Ces derniers sçavent toutes les couleurs dont les premiers se sont servis. 

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[…] les tableaux ne doivent pas être des énigmes, & le but de la Peinture n'est pas d'exercer notre imagination, en lui donnant des sujets embrouïlles à deviner. Son but est de nous emouvoir & par consequent les sujets de ses ouvrages ne sçauroient être trop faciles à entendre. […] Tel est le pouvoir de la vérité, que les imitations & les fictions ne reussissent jamais mieux, que lorsqu'elles l'[ndr. : le sujet] altèrent le moins. 

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Si nous voulons présentement entrer dans ce qui est du pur Art de la peinture, nous trouverons que non seulement la Perspective y est partout bien observée, mais que rien ne se peut ajoûter à la belle œconomie du tout ensemble, les figures qui semblent participer presque également à la mesme lumiere, sont neantmoins tellement degradées, que si on les vouloit changer de place, elles ne pourroient s’accorder ensemble, à cause de la difference de leur teinte, qui semble la mesme dans la situation où elles sont, mais qui paroistroit alors tres-differente. Voila ce qui ne se peut pas dire si positivement du tableau des Pellerins, de Paul Veronese, ny de la plûpart des tableaux de son temps. Ainsi je compare les ouvrages de nos excellens Modernes à des corps animez, dont les parties sont tellement liées les unes avec les autres, qu'elles ne peuvent pas estre mises ailleurs, qu'au lieu où elles sont ; & je compare la plûpart des tableaux anciens à un amas de pierres ou d'autres choses jettées ensemble au hazard, & qui pourroient se ranger autrement qu'elles ne sont sans qu'on s'en apperçust.

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Sometimes the Structure of a Picture, or the Tout-Ensemble of its Form, shall resemble dark Clouds on a Light Ground ; As in two Assumptions of the Virgin by Bolswert after Rubens ; indeed a part of These are such Clouds : But in both of them the Figures of these Masses are something too Indistinct. Le Brun in a Ceiling of the same Subject, grav’d, by young Simconneau, has put a Group of Angels, which almost hide the cloudy Voiture of the Virgin ; but this mass is too Regular, and Heavy a Shape.

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Le mesme Pline raconte encore que Parrhasius avoit contrefait si naïvement un rideau, que Zeuxis mesme y fut trompé. De semblables tromperies se font tous les jours par des Ouvrages dont on ne fait aucune estime. […] Le meme Autheur [ndr : Pline] rapporte comme une merveille de ce qu'un Peintre de ces temps, là en peignant un pigeon, en avoit représenté l'ombre sur le bord de l'auge où il buvoit. Cela montre seulement qu'on n'avoit point encore representé l'ombre qu'un corps fait sur un autre quand il le cache à la lumiere.

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Quoyqu'il en soit, je demeure d'accord que le tableau des Pellerins est un des plus beaux qu'il se voye, les personnages y sont vivans, & l'on croit ne voir pas moins ce qui se passe dans leur pensée que l'action qu'ils font au dehors ; mais comme un tableau est un poëme müet, où l'unité de lieu, de temps & d'action doit estre encore plus religieusement observée que dans un poëme veritable, parce que le lieu y est immuable, le temps indivisible, & l'action momentanée ; Voyons comment cette regle est observée dans ce tableau. [...] Quoyqu'il en soit, je soûtiens qu'en qualité de Peintre il [ndr : Véronèse] n'a pas mieux gardé l'unité qui doit estre dans la composition d’un sujet, qu'il l'a fait en qualité d'historien, puisqu'il a mis deux points de veuë dans son tableau, l’un pour le Païsage, & l'autre pour la Chambre, où le Sauveur est assis à table avec ses Disciples ; car l’horison du Païsage est plus bas que cette table dont on voit le dessus qui tend à un autre point de veuë beaucoup plus élevé ; faute de perspective qu'on ne pardonneroit pas aujourd’huy à un Ecolier de quinze jours. Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées. L'unité d'action, c'est Alexandre qui entre dans la tente de Darius. L'unité de lieu, c'est cette tente où il n'y a que les personnes qui s'y doivent trouver. L'unité de temps c'est le moment où Alexandre dit qu'on ne s'est pas beaucoup trompé en prenant Ephestion pour luy, parce que Ephestion est un autre luy-mesme. Si l'on regarde avec quel soin on a fait tendre toutes choses à un seul but, rien n'est de plus lié, de plus reuni, & de plus un, si cela se peut dire, que la representation de cette histoire ; & rien en même temps n'est plus divers & plus varié si l'on considère les différentes attitudes des personnages, & les expressions particulieres de leurs passions.

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Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

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Der dritte Discours von der Mahlerey. Das III. Capitel. Worauf über dieses in HISTORIEN-Gemählden besonders zu sehen, p. 68 
[Ist ferner nöthig auf folgende Stücke mit Achtung zu geben]
2. Auf das
Decorum, daß die Bilder solche Kleidung/ die Bäume solch Laub/ die Gebäude solche Ordonnance und Verzierung bekommen/ als sie in dem Land zu der Zeit gehabt/ da die Geschicht passiret. Dieses hat le Brun in seinen Gemählden von Alexandro, welche theils auf dem Louvre, theils zu Versailles sind/ wohl in Acht genommen.

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D'ailleurs quelle beauté & quelle diversité dans les airs de teste de ce tableau [ndr : La tente de Darius de Le Brun] ; ils sont tous grands, tous nobles, & si cela se peut dire, tous heroïques en leur maniere, de mesme que les vestemens, que le Peintre a recherchez avec un soin & une étude inconcevable. Dans le tableau des Pelerins toutes les testes & toutes les draperies, hors celles du Christ & des deux disciples qui ont quelque noblesse ; sont prises sur des hommes & des femmes de la connoissance du Peintre, ce qui avilit extremement la composition de ce tableau, & fait un mélange aussi mal assorti, que si dans une Tragedie des plus sublimes on mesloit quelques Scenes d'un stile bas & comique.

Quotation

[…] L'enthousiasme qui fait les Peintres & les Poetes, ne consiste pas dans l'invention des mysteres allégoriques, mais bien dans le talent d'enrichir ses compositions par tous les ornemens que la vrai-semblance du sujet peut permettre, ainsi qu'à donner de la vie à tous ses personnages par l'expression des passions. Telle est la Poësie de Raphaël ; telle est la Poësie du Poussin, & de Le Sueur ; & telle fut souvent celle de Monsieur Le Brun & de Rubens. 

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L'on dit que ce que l'on appelloit action en cet endroit, n'étoit autre chose que le mouvement de quelque partie, & que ce mouvement ne se faisoit que par le changement des muscles, [...] ; ainsi le muscle qui agit le plus reçoit le plus d'esprits, & par consequent devient enflé plus que les autres.
[...] L'on remarqua qu'encore qu'on puisse representer les passions de l'ame par les actions de tout le Corps, neanmoins que c'étoit au visage où les marques s'y faisoient le plus connoître, & non seulement dans les yeux comme quelques-uns l'ont crû, mais principalement en la forme & aux mouvements des sourcils ; que comme il y a deux appetits dans la partie sensitive de l'ame, il y a aussi deux mouvemens qui y ont un parfait rapport, les uns s'élevent au cerveau & les autres inclinent vers le coeur.

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[…] L'enthousiasme qui fait les Peintres & les Poetes, ne consiste pas dans l'invention des mysteres allégoriques, mais bien dans le talent d'enrichir ses compositions par tous les ornemens que la vrai-semblance du sujet peut permettre, ainsi qu'à donner de la vie à tous ses personnages par l'expression des passions. Telle est la Poësie de Raphaël ; telle est la Poësie du Poussin, & de Le Sueur ; & telle fut souvent celle de Monsieur Le Brun & de Rubens. 

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Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

Quotation

Le mesme Pline raconte encore que Parrhasius avoit contrefait si naïvement un rideau, que Zeuxis mesme y fut trompé. De semblables tromperies se font tous les jours par des Ouvrages dont on ne fait aucune estime. […] Le meme Autheur [ndr : Pline] rapporte comme une merveille de ce qu'un Peintre de ces temps, là en peignant un pigeon, en avoit représenté l'ombre sur le bord de l'auge où il buvoit. Cela montre seulement qu'on n'avoit point encore representé l'ombre qu'un corps fait sur un autre quand il le cache à la lumiere.

Quotation

Quoyqu'il en soit, je demeure d'accord que le tableau des Pellerins est un des plus beaux qu'il se voye, les personnages y sont vivans, & l'on croit ne voir pas moins ce qui se passe dans leur pensée que l'action qu'ils font au dehors ; mais comme un tableau est un poëme müet, où l'unité de lieu, de temps & d'action doit estre encore plus religieusement observée que dans un poëme veritable, parce que le lieu y est immuable, le temps indivisible, & l'action momentanée ; Voyons comment cette regle est observée dans ce tableau. [...] Quoyqu'il en soit, je soûtiens qu'en qualité de Peintre il [ndr : Véronèse] n'a pas mieux gardé l'unité qui doit estre dans la composition d’un sujet, qu'il l'a fait en qualité d'historien, puisqu'il a mis deux points de veuë dans son tableau, l’un pour le Païsage, & l'autre pour la Chambre, où le Sauveur est assis à table avec ses Disciples ; car l’horison du Païsage est plus bas que cette table dont on voit le dessus qui tend à un autre point de veuë beaucoup plus élevé ; faute de perspective qu'on ne pardonneroit pas aujourd’huy à un Ecolier de quinze jours. Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées. L'unité d'action, c'est Alexandre qui entre dans la tente de Darius. L'unité de lieu, c'est cette tente où il n'y a que les personnes qui s'y doivent trouver. L'unité de temps c'est le moment où Alexandre dit qu'on ne s'est pas beaucoup trompé en prenant Ephestion pour luy, parce que Ephestion est un autre luy-mesme. Si l'on regarde avec quel soin on a fait tendre toutes choses à un seul but, rien n'est de plus lié, de plus reuni, & de plus un, si cela se peut dire, que la representation de cette histoire ; & rien en même temps n'est plus divers & plus varié si l'on considère les différentes attitudes des personnages, & les expressions particulieres de leurs passions.

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Quoyqu'il en soit, je soûtiens qu'en qualité de Peintre il [ndr : Véronèse] n'a pas mieux gardé l'unité qui doit estre dans la composition d’un sujet, qu'il l'a fait en qualité d'historien, puisqu'il a mis deux points de veuë dans son tableau, l’un pour le Païsage, & l'autre pour la Chambre, où le Sauveur est assis à table avec ses Disciples ; car l’horison du Païsage est plus bas que cette table dont on voit le dessus qui tend à un autre point de veuë beaucoup plus élevé ; faute de perspective qu'on ne pardonneroit pas aujourd’huy à un Ecolier de quinze jours. Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées.

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i l'on regarde avec quel soin on a fait tendre toutes choses à un seul but, rien n'est de plus lié, de plus reuni, & de plus un, si cela se peut dire, que la representation de cette histoire ; & rien en même temps n'est plus divers & plus varié si l'on considère les différentes attitudes des personnages, & les expressions particulieres de leurs passions. Tout ne va qu'à representer l'étonnement, l'admiration, la surprise & la crainte que cause l'arrivée du plus celebre Conquerant de la Terre, & si ces passions qui n'ont toutes qu'un mesme objet le trouvent différemment exprimées dans les diverses personnes qui les ressentent. La Mere de Darius abbatuë sous le poids de sa douleur & de son âge, [...]. [...] D'ailleurs quelle beauté & quelle diversité dans les airs de teste de ce tableau [ndr : La tente de Darius de Le Brun] ; ils sont tous grands, tous nobles, & si cela se peut dire, tous heroïques en leur maniere, de mesme que les vestemens, que le Peintre a recherchez avec un soin & une étude inconcevable. Dans le tableau des Pelerins toutes les testes & toutes les draperies, hors celles du Christ & des deux disciples qui ont quelque noblesse ; sont prises sur des hommes & des femmes de la connoissance du Peintre, ce qui avilit extremement la composition de ce tableau, & fait un mélange aussi mal assorti, que si dans une Tragedie des plus sublimes on mesloit quelques Scenes d'un stile bas & comique.

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Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées. L'unité d'action, c'est Alexandre qui entre dans la tente de Darius. L'unité de lieu, c'est cette tente où il n'y a que les personnes qui s'y doivent trouver. L'unité de temps c'est le moment où Alexandre dit qu'on ne s'est pas beaucoup trompé en prenant Ephestion pour luy, parce que Ephestion est un autre luy-mesme. Si l'on regarde avec quel soin on a fait tendre toutes choses à un seul but, rien n'est de plus lié, de plus reuni, & de plus un, si cela se peut dire, que la representation de cette histoire ; & rien en même temps n'est plus divers & plus varié si l'on considère les différentes attitudes des personnages, & les expressions particulieres de leurs passions. Tout ne va qu'à representer l'étonnement, l'admiration, la surprise & la crainte que cause l'arrivée du plus celebre Conquerant de la Terre, & si ces passions qui n'ont toutes qu'un mesme objet le trouvent différemment exprimées dans les diverses personnes qui les ressentent. La Mere de Darius abbatuë sous le poids de sa douleur & de son âge, [...].

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Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées. L'unité d'action, c'est Alexandre qui entre dans la tente de Darius. L'unité de lieu, c'est cette tente où il n'y a que les personnes qui s'y doivent trouver. L'unité de temps c'est le moment où Alexandre dit qu'on ne s'est pas beaucoup trompé en prenant Ephestion pour luy, parce que Ephestion est un autre luy-mesme. Si l'on regarde avec quel soin on a fait tendre toutes choses à un seul but, rien n'est de plus lié, de plus reuni, & de plus un, si cela se peut dire, que la representation de cette histoire ; & rien en même temps n'est plus divers & plus varié si l'on considère les différentes attitudes des personnages, & les expressions particulieres de leurs passions. Tout ne va qu'à representer l'étonnement, l'admiration, la surprise & la crainte que cause l'arrivée du plus celebre Conquerant de la Terre, & si ces passions qui n'ont toutes qu'un mesme objet le trouvent différemment exprimées dans les diverses personnes qui les ressentent. La Mere de Darius abbatuë sous le poids de sa douleur & de son âge, [...]. [...] D'ailleurs quelle beauté & quelle diversité dans les airs de teste de ce tableau [ndr : La tente de Darius de Le Brun] ; ils sont tous grands, tous nobles, & si cela se peut dire, tous heroïques en leur maniere, de mesme que les vestemens, que le Peintre a recherchez avec un soin & une étude inconcevable. Dans le tableau des Pelerins toutes les testes & toutes les draperies, hors celles du Christ & des deux disciples qui ont quelque noblesse ; sont prises sur des hommes & des femmes de la connoissance du Peintre, ce qui avilit extremement la composition de ce tableau, & fait un mélange aussi mal assorti, que si dans une Tragedie des plus sublimes on mesloit quelques Scenes d'un stile bas & comique.

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D'ailleurs quelle beauté & quelle diversité dans les airs de teste de ce tableau [ndr : La tente de Darius de Le Brun] ; ils sont tous grands, tous nobles, & si cela se peut dire, tous heroïques en leur maniere, de mesme que les vestemens, que le Peintre a recherchez avec un soin & une étude inconcevable. Dans le tableau des Pelerins toutes les testes & toutes les draperies, hors celles du Christ & des deux disciples qui ont quelque noblesse ; sont prises sur des hommes & des femmes de la connoissance du Peintre, ce qui avilit extremement la composition de ce tableau, & fait un mélange aussi mal assorti, que si dans une Tragedie des plus sublimes on mesloit quelques Scenes d'un stile bas & comique.

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Si nous voulons présentement entrer dans ce qui est du pur Art de la peinture, nous trouverons que non seulement la Perspective y est partout bien observée, mais que rien ne se peut ajoûter à la belle œconomie du tout ensemble, les figures qui semblent participer presque également à la mesme lumiere, sont neantmoins tellement degradées, que si on les vouloit changer de place, elles ne pourroient s’accorder ensemble, à cause de la difference de leur teinte, qui semble la mesme dans la situation où elles sont, mais qui paroistroit alors tres-differente. Voila ce qui ne se peut pas dire si positivement du tableau des Pellerins, de Paul Veronese, ny de la plûpart des tableaux de son temps. Ainsi je compare les ouvrages de nos excellens Modernes à des corps animez, dont les parties sont tellement liées les unes avec les autres, qu'elles ne peuvent pas estre mises ailleurs, qu'au lieu où elles sont ; & je compare la plûpart des tableaux anciens à un amas de pierres ou d'autres choses jettées ensemble au hazard, & qui pourroient se ranger autrement qu'elles ne sont sans qu'on s'en apperçust.

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LE CHEVALIER. Je vous avoue que le tableau de la famille Darius m'a toûjours semblé le chef-d’œuvre de Monsieur le Brun ; & peut-estre que l'honneur qu'il a eu de le peindre sous les yeux du Roy, est cause qu'il s'y est surpassé luy-mesme ; car il le fit à Fontainebleau, où Sa Majesté prenoit une extreme plaisir tous les jours à le voir travailler.
LE PRESIDENT. Quoy donc le saint Michel & la sainte famille que nous venons de voir, ne seront pas comparables aux tableaux de Monsieur le Brun.
L’ABBE. Je serois bien faschée d'avoir avancé une telle proposition, ce sont deux chef-d'œuvres incomparables, & qui surpassent comme je l'ay déja dit, tout ce que l'Italie a de plus beau. Il y a quelque chose de si grand & de si noble dans l'attitude & dans l'air de teste du saint Michel ; la correction du dessein y est si juste, & le mélange des couleurs si parfait, que ce qui peut y estre desiré comme un peu moins de force dans l'extremité des parties ombrées, n’empesche pas qu'il ne soit le premier tableau du monde, à moins qu'on ne luy fasse disputer ce rang par le tableau de la sainte Famille.

LE PRESIDENT. Vous passez donc condamnation pour ces deux tableaux ; & voila le siecle de Raphaël au dessus du nôtre.
L' ABBE. Cela ne conclut pas.

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LE PRESIDENT. Quoy donc le saint Michel & la sainte famille que nous venons de voir, ne seront pas comparables aux tableaux de Monsieur le Brun. [...] L' ABBE. Cela ne conclut pas. Je demeure d'accord que ces deux tableaux, & plusieurs autres Maistres anciens, excellent tellement dans les parties principales de la peinture, qu'à tout prendre ils peuvent estre preferez à ceux d'aujourd'huy, mais je soutiens que ces grands hommes ont tous manqué en de certaines parties, où nos excellens Maistres ne manquent plus. Raphaël par exemple a si peu connu la degradation des lumieres, & cet affoiblissement des couleurs que cause l'interposition de l’air en un mot ce qu'on appelle la perspective aérienne, que les figures du fond du tableau sont presque aussi marquées que celles du devant, […]. [...] Car il y a dans les ouvrages de peinture comme dans les viandes nouvellement tuées ou dans les fruits fraischement cueillis, une certaine crudité & une certaine âpreté, que le temps seul peut cuire & adoucir en amortissant ce qui est trop vif, en affoiblissant ce qui est trop fort, & en noyant les extremitez des couleurs les unes dans les autres : Qui sçait le degré de beauté qu'aquerrera la Famille de Darius, le Triomphe d'Alexandre, la deffaite de Porus & les autres grands tableaux de cette force, quand le Temps aura achevé de les peindre, & y aura mis les mesmes beautez dont il a enrichi le saint Michel & la sainte Famille.

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LE PRESIDENT. Quoy donc le saint Michel & la sainte famille que nous venons de voir, ne seront pas comparables aux tableaux de Monsieur le Brun. [...] L' ABBE. Cela ne conclut pas. Je demeure d'accord que ces deux tableaux, & plusieurs autres Maistres anciens, excellent tellement dans les parties principales de la peinture, qu'à tout prendre ils peuvent estre preferez à ceux d'aujourd'huy, mais je soutiens que ces grands hommes ont tous manqué en de certaines parties, où nos excellens Maistres ne manquent plus. Raphaël par exemple a si peu connu la degradation des lumieres, & cet affoiblissement des couleurs que cause l'interposition de l’air en un mot ce qu'on appelle la perspective aérienne, que les figures du fond du tableau sont presque aussi marquées que celles du devant, […].

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LE PRESIDENT. Quoy donc le saint Michel & la sainte famille que nous venons de voir, ne seront pas comparables aux tableaux de Monsieur le Brun.
L’ABBE. Je serois bien faschée d'avoir avancé une telle proposition, ce sont deux chef-d'œuvres incomparables, & qui surpassent comme je l'ay déja dit, tout ce que l'Italie a de plus beau. Il y a quelque chose de si grand & de si noble dans l'attitude & dans l'air de teste du saint Michel ; la correction du dessein y est si juste, & le mélange des couleurs si parfait, que ce qui peut y estre desiré comme un peu moins de force dans l'extremité des parties ombrées, n’empesche pas qu'il ne soit le premier tableau du monde, à moins qu'on ne luy fasse disputer ce rang par le tableau de la sainte Famille.

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Ainsi à regarder la peinture en elle-mesme & entant qu'elle est un amas de preceptes pour bien peindre, elle est aujourd’huy plus parfaite & plus accomplie qu’elle ne l'a jamais esté dans tous les autres siecles. Je diray mesme que je ne suis pas bien ferme dans le jugement que je fais en faveur des tableaux de ces anciens Maistres, non seulement à cause du respect dont je suis prevenu pour leur ancienneté, mais aussi à cause de la beauté réelle & effective que cette ancienneté leur donne.

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Ainsi à regarder la peinture en elle-mesme & entant qu'elle est un amas de preceptes pour bien peindre, elle est aujourd’huy plus parfaite & plus accomplie qu’elle ne l'a jamais esté dans tous les autres siecles. Je diray mesme que je ne suis pas bien ferme dans le jugement que je fais en faveur des tableaux de ces anciens Maistres, non seulement à cause du respect dont je suis prevenu pour leur ancienneté, mais aussi à cause de la beauté réelle & effective que cette ancienneté leur donne. Car il y a dans les ouvrages de peinture comme dans les viandes nouvellement tuées ou dans les fruits fraischement cueillis, une certaine crudité & une certaine âpreté, que le temps seul peut cuire & adoucir en amortissant ce qui est trop vif, en affoiblissant ce qui est trop fort, & en noyant les extremitez des couleurs les unes dans les autres : Qui sçait le degré de beauté qu'aquerrera la Famille de Darius, le Triomphe d'Alexandre, la deffaite de Porus & les autres grands tableaux de cette force, quand le Temps aura achevé de les peindre, & y aura mis les mesmes beautez dont il a enrichi le saint Michel & la sainte Famille. Car je remarque que ces grands tableaux de Monsieur le Brun se peignent & s'embellissent tous les jours, & que le Temps en y adoucissant ce que le pinceau judicieux luy a donné pour estre adouci & pour amuser son activité, qui sans cela s'attaqueroit à la substance de l’ouvrage, y ajoûte mille nouvelles graces, qu’il n’y a que luy seul qui puisse donner.

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Quoique les passions de l’ame se fassent reconnoître plus sensiblement dans les traits du visage qu’ailleurs, elles demandent souvent d’être accompagnées des autres parties du corps. Car dans les sujets qui demandent l’expression de quelque partie essentielle, si vous ne touchez le Spectateur que foiblement, vous lui inspirez une tiedeur qui le rebute : au lieu que si vous le touchez bien, vous lui donnez un plaisir infini.
La tête est donc la partie du corps qui contribue toute seule plus que toutes les autres ensemble à l’expression des passions. […]
Les parties du visage contribuent toutes à mettre au dehors les sentimens du cœur ; mais sur-tout les yeux, qui sont, comme, dit Ciceron, deux fenêtres par où l’ame se fait voir […] des sourcils & de la bouche […] si vous savez les joindre avec le langage des yeux, vous aurez une harmonie merveilleuse pour toutes les passions de l’ame.
Le nez […]
Le mouvement des lévres […]
Pour ce qui est des mains, elles obéissent à la tête, elles lui servent en quelque maniere d’armes & de secours ; sans elles l’action est foible & comme à demi-morte […]

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Wat aangaat eenige afbeeldzels der Phisionomie, dezelve zouden wy mede hier ingevoegd hebben, maar alzo onlangs een fraay boekje, van de Hr. Le Brun geschreeven, en door F: de Kaarsgieter vertaald, daar van in 't licht gekomen is, vinden wy niet noodzakelyk daar verder af te melden, maar wyzen de Konstoeffenaars en beminnaars derzelve daar na toe, alzo het een nut en dienstig boek is, niet alleen voor Schilders, Beeldhouwers en Plaatsnyders; maar ook voor Dichters, Historieschryvers en andere.

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Der dritte Discours von der Mahlerey. Das III. Capitel. Worauf über dieses in HISTORIEN-Gemählden besonders zu sehen, p. 68 
[Ist ferner nöthig auf folgende Stücke mit Achtung zu geben]
4. Auf die besondern Affecten einer jeden Person/ daß aus ihrem Gesichte/ und aus ihrer Action könne geschlossen werden/ was die Person andeuten und vorstellen solle. Auch in diesem Stück kan
le Brun, sonderlich aber das jenige Stück/ da er Alexandrum und Ephestion gemahlet/ wie sie zu des Darius Familie in das Gezelt kommen/ vor ein Haupt exempel dienen. Doch hat ihn Rubens noch darinnen übertroffen.

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Sometimes the Structure of a Picture, or the Tout-Ensemble of its Form, shall resemble dark Clouds on a Light Ground ; As in two Assumptions of the Virgin by Bolswert after Rubens ; indeed a part of These are such Clouds : But in both of them the Figures of these Masses are something too Indistinct. Le Brun in a Ceiling of the same Subject, grav’d, by young Simconneau, has put a Group of Angels, which almost hide the cloudy Voiture of the Virgin ; but this mass is too Regular, and Heavy a Shape. I refer you to Prints, because they are easy to be got, and explain This matter as well as Drawings, or Pictures, and in some Respects Better.

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Les compositions allégoriques que nous avons nommées des compositions mixtes, sont d'un plus grand usage que les compositions purement allégoriques. Quoique leur action soit feinte, ainsi que celle des compositions purement allégoriques, néanmoins comme une partie de leurs personnages se trouvent être des personnages historiques, on peut mettre le sens de ces fictions à la portée de tout le monde, & les rendre ainsi capables de nous instruire, de nous attacher & même  de nous intéresser. 
Les Peintres tirent de grands secours de ces compositions allégoriques de la seconde espèce, ou pour exprimer beaucoup de choses qu'ils ne pourroient pas faire entendre dans une composition historique, ou pour représenter en un seul tableau plusieurs actions dont il semble que chacun demandât une toile séparée. La galerie du Luxembourg & celle de Versailles en font foi. Rubens & Le Brun ont trouvé moïen d'y représenter par le moïen de ces fictions mixtes, des choses qu'on ne concevoit pas pouvoir être renduës avec des couleurs. Il y font voir en un seul tableau des évenements qu'un Historien ne pourroit narrer qu'en plusieurs pages. […]

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[…] L'enthousiasme qui fait les Peintres & les Poetes, ne consiste pas dans l'invention des mysteres allégoriques, mais bien dans le talent d'enrichir ses compositions par tous les ornemens que la vrai-semblance du sujet peut permettre, ainsi qu'à donner de la vie à tous ses personnages par l'expression des passions. Telle est la Poësie de Raphaël ; telle est la Poësie du Poussin, & de Le Sueur ; & telle fut souvent celle de Monsieur Le Brun & de Rubens. 

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Il ne serait pas moins téméraire de décider la question sur ce que nos tableaux ne sont point ces effets prodigieux que les tableaux des anciens peintres ont fait quelquefois ; suivant les apparences, les récits des Ecrivains qui nous racontent ces effets sont exagérez, & nous ne savons pas même ce qu'il en faudrait rabattre pour les réduire à l'exacte vérité. Nous ignorons quelle part de la nouveauté de l'art de la Peinture peut avoir euë dans l'impression qu'on veut que certains tableaux aïent fait sur les Spectateurs. Les premiers tableaux, quoique grossiers, ont dû paroître des ouvrages divins. L'admiration pour un art naissant, fait tomber aisément dans l'exagération ceux qui parlent de ses productions ; & et la tradition en recueillant ces récits outrez, aime encore les rendre plus merveilleux qu'elle ne les a reçus. On trouve même dans les Ecrivains anciens des choses impossibles données pour vraies, & des choses ordinaires traitées de prodiges. […]
Enfin on ne sçaurait donner une idée un peu précise des tableaux à ceux qui ne les ont pas vus absolument, & qui ne connaissent pas la manière du Peintre qui les a faits, que par voies de comparaison. […]
Les Ecrivains modernes qui ont traité de la peinture antique, nous rendent plus sçavans, sans nous rendre plus capables de juger la question de la supériorité des Peintres de l'antiquité sur les Peintres modernes. Ces Ecrivains se sont contentez de ramasser les passages des Auteurs anciens qui parlent de la peinture & de les commenter en Philologues, sans les expliquer par l'examen de ce que nos Peintres font de nos jours, & même sans appliquer ces passages aux morceaux de la peinture antique qui subsistent encore. Je pense donc que pour se former une idée aussi distincte de la peinture antique qu'il soit possible de l'avoir, il faut considérer séparément ce que nous pouvons sçavoir de certain sur la composition, sur l'expression & sur le coloris des Peintres de l'antiquité.     
[…] Quant à la composition Pittoresque, il faut avoüer que dans les monumens qui nous restent, les Peintres anciens ne paroissent pas superieurs, ni même égaux à Raphaël, à Rubens, à Paul Véronèse, ni à M. Le Brun. […]
Quant à la composition Poëtique, les anciens se piquoient beaucoup d'exceller dans ses inventions, & comme ils étoient grands dessinateurs, ils avoient toutes sortes de facilité pour y réussir. Pour donner une idée du progrès  que les anciens avoient faits dans cette partie de la peinture qui comprend le grand art des expressions, nous rapporterons ce qu'en disent les Ecrivains de l'antiquité. De toute les parties de la peinture, la composition Poëtique est celle dont il est le plus facile de donner une idée avec des paroles. C'est celle qui se décrit le mieux.
[…]
Comme le temps a éteint les couleurs, & confondu les nuances dans les fragmens qui nous restent de la peinture antique faite au pinceau, nous ne sçaurions juger à quel point les Peintres de l'antiquité ont excellé dans le coloris, ni s'ils ont égalé ou surpassé les grands Maîtres de l'Ecole Lombarde dans cette aimable partie de la peinture.[…] On ne sçaurait décider notre question sur des récits. Il faut pour la juger, avoir des pièces de comparaison. Elles nous manquent. 
On ne sçauroit former un préjugé contre le coloris des anciens, de ce qu'ils ignoroient l'invention de détremper les couleurs avec de l'huile […]
Quant au clair-obscur & à la distribution enchanteresse des lumières & des ombres, ce que Pline &  les autres Ecrivains de l'antiquité en disent, est si positif, leurs récits sont si bien circonstanciez & si vrai-semblables, qu'on ne sçauroit disconvenir que les anciens n'égalassent du moins dans cette partie de l'Art, les plus grands peintres modernes. Les passages de ces Auteurs que nous ne comprenions pas bien, quand les Peintres modernes ignoroient encore quel prestige on peut faire avec le secours de cette magie, ne sont plus si embroüillez & si difficiles, depuis que Rubens, ses Eleves, Polidore de Caravage, & d'autres Peintres les ont expliquez bien mieux, les pinceaux à la main, que les commentateurs les plus érudits ne le pouvoient faire dans des livres. 
[…] je dis, que les Peintres qui ont travaillé depuis la renaissance des Arts, que Raphaël & ses contemporains n'ont point eu aucun avantage sur nos Artisans. Ces derniers sçavent toutes les couleurs dont les premiers se sont servis. 

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Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

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Pour donner des principes certains de cette connoissance, il faut, en voyant un dessein, faire deux examens, le premier consiste à en connoître le goût, & le second à découvrir le nom & le caractere de celui qui l’a fait.
Le goût du pays dans lequel a été fait le dessein, en constate l’école. On distingue trois sortes de goût : l’Italien, le Flamand, & le François.
Le goût Italien (qui n’est autre chose que l’esprit naturel de la nation) s’est formé sur les ouvrages antiques que l’Italie possede. Il consiste en général dans la correction du dessein, dans une belle ordonnance, dans des contours variés & contrastés, dans un beau choix d’attitudes, dans une expression fine, soutenuë d’un grand coloris. A Rome, à Florence, c’est le dessein qui domine, on est entraîné par cette grande partie de la peinture, sans laquelle les autres ne peuvent exister. En Lombardie & à Venise la couleur attire les artistes, ils la regardent comme le propre du peintre, & ils negligent le dessein pour ne s’attacher qu’à l’imitation parfaite de la nature qui n’est visible que parce qu’elle est colorée.
Le goût Flamand est la nature même, telle qu’elle est, sans  trop de choix & sans s’embarrasser de l’antique ; la couleur secondée d’une touche moëlleuse est son objet principal : on reconnoît toujours ce goût à une lourde façon de dessiner. Les Allemans tiennent plus du gothique, ils prennent la nature sans choix ; ils en copient même jusqu’aux défauts (a).
            (a) Decepit exemplar vitiis imitabile,
Hor. epist. 19, lib. I.
Le goût François, si l’on étoit moins enivré de l’Italie, pourroit le disputer aux deux autres. La correction, l’élévation de la pensée, l’allégorie, la poëtique, l’expression des passions, & même la couleur s’y trouvent souvent rassemblées. Les François en géneral ont moins de touche que les Flamans ; le choix des attitudes & des figures est moins élégant que celui des Italiens ; il faut cependant en excepter nos grands peintres, tels que Vouët, le Poussin, le Sueur, Bourdon, le Brun, Jouvenet & le Moine.
Toutes ces nations quand elles étudient l’antique & les ouvrages des grands maîtres, réforment souvent leur goût de terroir, & le rendent infiniment meilleur.
Il naîtra de ces remarques une connoissance naturelle du goût des nations. En voyant un dessein, on le rapportera sur le champ à l’école dont il approche le plus, & l’on dira : il est dans un tel goût. Ainsi l’on sçaura le pays dans lequel le dessein a été fait, & par conséquent l’école du maître.

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ACADEMIE, Ecole publique. Academie de Peinture, d’Architecture. 
L’ACADEMIE Romaine de Peinture, autrement appellée l’
Academie de S. Luc, est la plus célébre de toutes les Academies de Peinture. Elle fut fondée par Grégoire XIII, à la sollicitation du Mutian, Peintre fameux, qui lui légua deux maisons, & qui l’institua son heritiere supposé que ses enfans ne laissassent point de postérité. 
En 1676 l’
Academie Romaine désira de s’unir avec l’Academie des Peintres François, & lui proposa de faire une aggrégation mutuelle des deux compagnies. [...]
Pour commencer cette union, l’
Academie Romaine choisit le Brun pour son Prince, honneur qui n’avoit jamais été accordé aux Etrangers. 
LOUIS XIV fonda à Rome en 1665 une
Academie  pour les Peintres François, dont Errard fut le premier Directeur. 
L’ACADEMIE de Peinture & de Sculpture de Paris, dut sa naissance aux demêlés qui survinrent entre les Maîtres Peintres & Sculpteurs de Paris, & les Peintres Privilegiés du Roi, que la Communauté des Peintres voulut inquieter. Le Brun, Sarrazin, Corneille, & les autres Peintres du Roi formerent le projet d’une Academie particuliere, & ayant présenté à ce sujet une Requête au Conseil, ils obtinrent un Arrêt, tel qu’ils le demandoient, datté du 20 janvier 1648. [...] Les premiers membres de cette Academie furent
le Brun, Errard, Bourdon, la Hire, Sarrazin, Corneille, Perrier, Beaubrun, le Sueur, d’Egmont, Vanobstat, Guillin &c. Description de Paris par Mr Pig.
[...] Il y a aussi en France une
Academie Royale d’Architecture : elle fut fondée en 1671, & eut pour premiers membres, le Vau, Gitard, le Pautre, d’Orbay &c.

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CARTON. On appelle cartons certains desseins de tapisseries, que les Peintres sont pour servir de modéles aux ouvriers. On dit : les tapisseries de Flandres, des Gobelins, sont faites sur les cartons de Rubens, de Jule Romain. Le Brun en a fait les cartons. Les cartons sont de Raphaël. Dans cette acception, il ne se dit jamais qu’au pluriel. Le Dictionnaire de l’Academie, à oublié ce mot pris dans l’acception dont je viens de parler. 
On appelle encore
cartons, certaines esquisses en grand, tracées sur du carton, d’après lesquelles les Peintres peignent à fraisque.

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COLORISTE se dit de tout Peintre qui employe des couleurs, bien ou mal. & non pas uniquement ou même par préférence, de celui qui les employe bien, comme le Dictionnaire de l’Académie l’insinue, voici sa définition. Coloriste, Peintre qui entend bien le coloris. 
Coloriste est un terme indifférent, qui se prend en bonne & en mauvaise part, bon coloriste, méchant coloriste. Le Brun n’étoit pas un bon coloriste : je ne sçai cependant si l’on ne pourroit pas dire, le Brun n’étoit pas coloriste, & dans cette phrase, supposé qu’elle fut bien Françoise, je conviens que le mot de coloriste  sans être déterminé par aucune épithete, se prendroit en bonne part ; mais cela ne prouveroit rien. On dit dans le même sens Mr de S. Evremont n’étoit pas Poëte, quoique le mot de Poëte soit un terme indifférent, & qu’il s’entende dans le langage ordinaire de tout homme qui fait des vers, bien ou mal.

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LOCALE. (Couleur) On appelle couleur locale, la couleur propre & naturelle de chaque objet qui le distingue des autres, & qu’il conserve toujours en quelque lieu qu’il se trouve. 
Les couleurs
locales d’un tableau sont bonnes lorsqu’elles expriment fidélement la nature : elles sont mauvaises quand elles s’en écartent. 
Les couleurs
locales de le Brun, sont mauvaises : les Peintres Venitiens ont excellé dans les couleurs locales.

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PALETTE. Instrument de bois, de forme ovale avec une ouverture par le haut, pour y passer le pouce. Les Peintres mettent sur cet instrument les couleurs toutes préparées. 
On dit de certains tableaux, qu’ils sentent la
palette c’est-à-dire, que les couleurs n’en sont point assez vraies, que la nature y est mal caracterisée, & que l’on n’y trouve point cette parfaite imitation, seule capable de séduire & tromper les yeux, Ce qui doit être le premier but des Peintres. 
Mr de Piles a dit en parlant de le Brun, « ses couleurs locales sont mauvaises, & il n’a point fait assez d’attention à donner par cette partie le véritable caractère à chaque objet : ce qui est la seule cause pour laquelle ses tableaux
sentent toujours comme on dit la palette, & ne font point cette fidele sensation de la nature. »

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PASSION. Passion en Peinture se dit d’un mouvement du corps, accompagné de certains traits sur le visage qui marquent une agitation de l’ame. Il est des passions dont les mouvemens sont tendres, il en est d’autres dont les mouvemens sont violens.
Le Brun qui a excellé dans cette partie, a fait un traité des
passions, avec des démonstrations des principaux traits qui servent à les caracteriser. 
Chaque
passion a ses caracteres : c’est au Peintre à choisir parmi ces divers caracteres, ceux qui sont les plus propres à toucher & à émouvoir les Spectateurs. Dans une même passion, il faut observer des différences ; la douleur d’un Roi, ne doit pas être la même que celle d’un homme de la lie du peuple, ni la fierté d’un soldat la même que celle d’un Général : c’est dans ces différences que consiste le vrai discernement des passions.

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Es ist noch übrig, daß ich auch zeige, wie eine bekleidete Figur vollends gar im Schatten und Licht auszuführen. […]