TIMANTHES ( IVe siècle av. J.-C. )

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LE PRESIDENT. Si la Sculpture moderne l’emporte si fort sur la Sculpture antique par cet endroit que vous marquez [ndr : un bas-relief de François Anguier], il faut que la Peinture d’aujourd’huy soit bien superieure à celle des Anciens, puisqu’enfin c’est d’elle que la Sculpture a appris tous ces secrets de degradation & de perspective.
L’ABBE. J’en demeure d’accord, & la consequence en est tres juste ; mais puisqu’il s’agit presentement de la Peinture, il faut commencer par la distinguer suivant les divers temps où elle a fleuri, & en faire trois classes : Celle du temps d’Appelle, de Zeuxis, de Timante, & de tous ces grands Peintres dont les Livres rapportent tant des merveilles ; Celle du temps de Raphael, du Titien, de Paul Veronese, & de plusieurs autres excellens Maistres d’Italie, & Celle du siecle où nous vivons.
Si nous voulons suivre l’opinion commune qui regle presque toûjours le merite selon l'ancienneté, nous mettrons le siecle d'Apelle beaucoup au dessus de celuy de Raphael, & celuy de Raphael beaucoup au dessus du nostre ; mais je ne suis nullement d’accord de cet arrangement, particulierement à l'égard de la preference qu’on donne au siecle d’Apelle sur celuy de Raphael.
LE PRESIDENT. Comment pouvez-vous ne pas convenir d'un jugement si universel & si raisonnable, sur tout après estre demeuré d'accord de l'excellence de la sculpture de Phidias & de Praxitele ; car si la sculpture de ces temps-là l'emporte sur celle de tous les siecles qui ont suivi, à plus forte raison la Peinture, si nous considerons qu'elle est susceptible de mille beautez & de mille agrémens dont la Sculpture n’est point capable.
L'ABBE. C’est par cette raison là mesme que la consequence que vous tirez n’est pas recevable.
Si la Peinture estoit un Art aussi simple & aussi borné que l’est la Sculpture en fait d'ouvrages de ronde bosse, car c'est en cela seul qu'elle a excellé parmi les Anciens, je me rendrois à vostre advis, mais la Peinture est un Art si vaste de d'une si grande étenduë, qu'il n'a pas moins fallu que la durée de tous les siecles pour en découvrir tous les secrets & tous les mysteres. Pour vous convaincre du peu de beauté des peintures antiques, & de combien elles doivent estre mises au dessous de celles de Raphael, du Titien & de Paul Veronese, & de celles qui se font aujourd’hui, je ne veux me servir que des loüanges mesmes qu'on leur a données.

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Mais revenons à la Peinture. Je puis encore prouver le peu de suffisance des Peintres anciens par quelques morceaux de peinture antique qu'on voit à Rome en deux ou trois en-droits ; car quoy que ces ouvrages ne soient pas tout à fait du temps d’Appelle & de Zeuxis, ils sont apparemment dans la mesme manière ; & tout ce qu'il peut y avoir de difference, c'est que les Maistres qui les ont faits estant un peu moins anciens, pourroient avoir sçû quelque chose davantage dans la peinture. J’ay vû celuy des Nopces qui est dans la Vigne Aldobrandine, & celuy qu'on appelle le Tombeau d'Ovide. Les figures en sont bien dessinées, les attitudes sages & naturelles, & il y a beaucoup de noblesse & de dignité dans les airs de teste, mais il y a tres-peu d'entente dans le mélange des couleurs ; & point du tout dans la perspective ny dans l’ordonnance. Toutes les teintes sont aussi fortes les unes que les autres, rien n'avance, rien ne recule dans le tableau, & toutes les figures sont presque sur la mesme ligne, en sorte que c’est bien moins un tableau qu'un bas relief antique coloré, tout y est sec & immobile sans union, sans liaison, & sans cette mollesse des corps vivans qui les distingue du marbre & de la bronze qui les représentent. Ainsi la grande difficulté n'est pas de prouver qu'on l'emporte aujourd'huy sur Zeuxis, sur les Timantes & sur les Appelles, mais de faire voir qu’on a encore quelque avantage sur les Raphaels, sur les Titiens, sur les Pauls Veroneses, & sur les autres grands Peintres du dernier siecle. Cependant j'ose avancer qu'à regarder l'Art en luy-mesme, entant qu’il est un amas & une collection de preceptes, on trouvera qu'il est plus accompli & plus parfait presentement qu'il ne l'estoit du temps de ces grands Maistres.

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Mais revenons à la Peinture. Je puis encore prouver le peu de suffisance des Peintres anciens par quelques morceaux de peinture antique qu'on voit à Rome en deux ou trois en-droits ; car quoy que ces ouvrages ne soient pas tout à fait du temps d’Appelle & de Zeuxis, ils sont apparemment dans la mesme manière ; & tout ce qu'il peut y avoir de difference, c'est que les Maistres qui les ont faits estant un peu moins anciens, pourroient avoir sçû quelque chose davantage dans la peinture. J’ay vû celuy des Nopces qui est dans la Vigne Aldobrandine, & celuy qu'on appelle le Tombeau d'Ovide. Les figures en sont bien dessinées, les attitudes sages & naturelles, & il y a beaucoup de noblesse & de dignité dans les airs de teste, mais il y a tres-peu d'entente dans le mélange des couleurs ; & point du tout dans la perspective ny dans l’ordonnance. Toutes les teintes sont aussi fortes les unes que les autres, rien n'avance, rien ne recule dans le tableau, & toutes les figures sont presque sur la mesme ligne, en sorte que c’est bien moins un tableau qu'un bas relief antique coloré, tout y est sec & immobile sans union, sans liaison, & sans cette mollesse des corps vivans qui les distingue du marbre & de la bronze qui les représentent. Ainsi la grande difficulté n'est pas de prouver qu'on l'emporte aujourd'huy sur Zeuxis, sur les Timantes & sur les Appelles, mais de faire voir qu’on a encore quelque avantage sur les Raphaels, sur les Titiens, sur les Pauls Veroneses, & sur les autres grands Peintres du dernier siecle. Cependant j'ose avancer qu'à regarder l'Art en luy-mesme, entant qu’il est un amas & une collection de preceptes, on trouvera qu'il est plus accompli & plus parfait presentement qu'il ne l'estoit du temps de ces grands Maistres.

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Ainsi la grande difficulté n'est pas de prouver qu'on l'emporte aujourd'huy sur Zeuxis, sur les Timantes & sur les Appelles, mais de faire voir qu’on a encore quelque avantage sur les Raphaels, sur les Titiens, sur les Pauls Veroneses, & sur les autres grands Peintres du dernier siecle. Cependant j'ose avancer qu'à regarder l'Art en luy-mesme, entant qu’il est un amas & une collection de preceptes, on trouvera qu'il est plus accompli & plus parfait presentement qu'il ne l'estoit du temps de ces grands Maistres.

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Timanthe est prisé d’avoir tousjours donné davantage à comprendre dans ses ouvrages, que son pinceau ne representoit, et fait en sorte que son esprit y paroissoit plus grand que l’industrie de sa main, bien qu’il l’eust tres-exquise. Ainsi pour faire concevoir la grandeur de son Cyclope dormant, & fait en petit volume, il mit des Satyres auprés de luy qui mesuroient son poulce avec une perche. Certes nous luy pouvons comparer pour ce regard le sçavant Rubens que nous venons de perdre, qui a tousjours joint l’invention à l’excellence de son art, & ce qu’il tenoit d’une profonde lecture à la beauté de son colorit.

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[...] soo en kan 't niet schaeden dat men tot de bevalligheydt van Apelles toe voeght de gheluckighe stoudt-moedigheydt van Zeuxis, d'onvermoeyde naersticheydt van Protogenes, de kloecke diepsinnigheydt van Timanthes, als oock de hooghstaetelicke grootsheydt van Nicophanes.

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[....] La Place estoit ornée tout au tour de Statuës, que les Cabalistes avoient fait ériger à leurs Princes, entre lesquelles celle de Michelange occupoit le premier lieu, accompagné de celles du Titien, du Georgion, de Paul Veronese, du Tintoret, des Bassans, du Correge, du Guide, de Rubens, Vandick, Zuccaro, Lanfranc, Joseph Pin, Maistre Rousse, Saint Martin, Ribera, Pietre Teste, Freminet, Tempeste, Blœmaret, P. ….. V ….. B. …. V. … &c toutes posées sur leurs piedestaux, avec chacune une Inscription à leur loüange.
On ne voyait là ny les Apelles, ny les Timanthes, ny les Raphaëls, ny les Poussins, ny les Leonards de Vincy, ny les Jules Romains, ny les autres de ce merite, dont on ne se doit pas étonner, veu qu’ayans tous esté les Antagonistes de ces faux Peintres, les Cabalistes n’avoient garde de leur donner place parmi ceux dont ils ont méprisé les ouvrages & les maximes.

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Timanthe est prisé d’avoir tousjours donné davantage à comprendre dans ses ouvrages, que son pinceau ne representoit, et fait en sorte que son esprit y paroissoit plus grand que l’industrie de sa main, bien qu’il l’eust tres-exquise. Ainsi pour faire concevoir la grandeur de son Cyclope dormant, & fait en petit volume, il mit des Satyres auprés de luy qui mesuroient son poulce avec une perche. Certes nous luy pouvons comparer pour ce regard le sçavant Rubens que nous venons de perdre, qui a tousjours joint l’invention à l’excellence de son art, & ce qu’il tenoit d’une profonde lecture à la beauté de son colorit. Les Galeries du Palais d’Orleans le tesmoigneront autant qu’elles dureront, avec le reste de ses pieces, ubi intelligitur plus semper quam pingitur ; et cum ars summa sit, ingenium tament ultra artem est Plin. ib.

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Are. Aussi Timante un des excellents peintres de l’antiquité, qui peignit Iphigenie fille d’Agamemnon, dont Euripide fit la belle tragedie, depuis peu traduite par le Dolce, & representée à Venise il y a quelques années ; la peignit, dis je, avant l’autel, ou elle attendoit d’etre immolée, & sacrifiée à Diane ; & aiant epuisé toutes les expressions de douleur sur le visage des spectateurs, & ne s’imaginant pas d’en pouvoir exprimer de plus forte sur le visage de ce pere affligé, il le fit qui se couvroit d’un linge, ou d’un bout de son habit : que Timante conserva bien la convenance, parcequ’Agamemnon etant pere, il sembloit encore qu’il ne devoit pas supporter de voir immoler sa fille à ses yeux.
Fab. Ce fut la, un accident bien trouvé.

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Pour l’autre Composition, qui est de nostre Moderne Jules Romain, elle nous monstre en effet, qu’une Imitation ingenieuse peut egaler et mesme passer encore au-dessus de l’Original, et que par consequent, il n’est pas moins glorieux d’imiter ainsi par concurrence d’esprit, la pensée d’un autre, et de l’enrichir comme il a fait, qu’il est honteux à un Peintre de copier mechaniquement figure à figure tout un Tableau, sans y apporter du sien autre chose que la peine et la sujetion d’un simple Ouvrier ; ce travail n’estant pas tant reputé l’Ouvrage d’un peintre, que l’estude d’un apprenty.

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Daerom segh ick zijnder nu bequaem, oft begrijplijcke jonghe gheesten oft vaten, tot onse Schilder-const leer-liefdigh oft lustigh wesende, […], die moghen desen mijnen willighen dienst dancklijck aennemen, en snel-geestigh opmercklijck achten op d’onderwijsighe deelen, die ick in desen mijnen Schilder-consten gront, oft gantschen Schilder-boeck, hen voor ooghen stelle oft voordraghe. […] hun vrymoedicheyt levende verweckt te wesen conden mercken : Soo bespreeck ick, datse onvertsaeghdlijck toetreden, en aengrijpen voor eerst het besonderste deel der Consten, te weten, een Menschlijck beeldt te leeren stellen, oock eyndlijck alle ander omstandighe deelen t’omhelsen, oft immers als Natuere en Geest anders niet willen toelaten, eenigh besonder deel, om daer in uytnemende te moghen worden: want het niet daeghlijcx gheschiet, dat een alleen alles vermagh, leeren, begrijpen, oft in alles uytnemende worden can. Sulcx bevintmen onder onse Const, van in den ouden oft Antijcken tijt te wesen toeghegaen, dat d’een in d’een, en d’ander in d’ander geschickter en beter Meester gheweest is, gelijck men in hun levens sal bevinden.

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[...] soo en kan 't niet schaeden dat men tot de bevalligheydt van Apelles toe voeght de gheluckighe stoudt-moedigheydt van Zeuxis, d'onvermoeyde naersticheydt van Protogenes, de kloecke diepsinnigheydt van Timanthes, als oock de hooghstaetelicke grootsheydt van Nicophanes.

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Voyla une espece d’imitation si rare et si spirituelle, qu’elle peut aller en concurrence avec l’original mesme ; et je m’asseure que si Timanthe l’eust veüe, au lieu de prendre de la jalousie de cette galante emulation, il eust estimé la gentillesse d’esprit de nostre moderne, et fait grand estat de son ouvrage.

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Timanthe est prisé d’avoir tousjours donné davantage à comprendre dans ses ouvrages, que son pinceau ne representoit, et fait en sorte que son esprit y paroissoit plus grand que l’industrie de sa main, bien qu’il l’eust tres-exquise. Ainsi pour faire concevoir la grandeur de son Cyclope dormant, & fait en petit volume, il mit des Satyres auprés de luy qui mesuroient son poulce avec une perche. Certes nous luy pouvons comparer pour ce regard le sçavant Rubens que nous venons de perdre, qui a tousjours joint l’invention à l’excellence de son art, & ce qu’il tenoit d’une profonde lecture à la beauté de son colorit. Les Galeries du Palais d’Orleans le tesmoigneront autant qu’elles dureront, avec le reste de ses pieces, ubi intelligitur plus semper quam pingitur ; et cum ars summa sit, ingenium tament ultra artem est Plin. ib.

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Timantes, on the contrary [ndr : Parrhasius vient d’être évoqué], was of a sweet, modest Temper, and was Admirable in the Expression of Passions ; as appear’d by his Famous Picture of the Sacrifice of Iphigenia ; where he drew so many different sorts of Sorrow upon the Faces of the Spectators, according to the Concerns they had in that Tragical Piece of Religion, that being at last come to Represent Agamemnon’s Face, who was Father to the Virgin, he found himself Exhausted, and not able to reach the Excess of Grief that naturally must have been showed in his Countenance upon that Occasion ; and therefore he covered his Face with a part of his Garment ; saving thereby the Honour of his Art , and yet giving some Idea of the greatness of the Father’s Sorrow. His particular Talent lay, in giving more to understand by his Pictures, than was really express’d in them.

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[…] la Peinture est un Art tout spirituel : Car ce qui consiste seulement dans la Partie mechanique est si matériel, qu’ils [les Anciens et les Historiens] ne contoient presque pour rien ; aussi ne regloient-ils pas le prix des Tableaux par la quantité ny par la grandeur des figures : Il arrivoist mesme quelque fois que la destresse du lieu à peindre et la sterilité du Sujet, donnoient occcasion à ces beaux Genïes d’en tirer de l’avantage, et de faire une production d’esprit qui surpassoit en grandeur de reputation les plus abondantes Compostions. […] si bien que cette destresse donna lieu à l’Ingenieux Timanthe de faire connoistre que son esprit estoit en effet plus eslevé et plus puissant que toutes les forces de la Peinture. Il s’avisa donc, pour suppléer au défaut de matière, de faire voir seulement aux yeux de l’esprit, ce qu’il ne pouvait monstrer à ceux du corps.

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[...] soo en kan 't niet schaeden dat men tot de bevalligheydt van Apelles toe voeght de gheluckighe stoudt-moedigheydt van Zeuxis, d'onvermoeyde naersticheydt van Protogenes, de kloecke diepsinnigheydt van Timanthes, als oock de hooghstaetelicke grootsheydt van Nicophanes.

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Il me souvient d’avoir veu à Rome, dans le Palais de Vigna Madama, ce mesme Sujet  [Grand Cyclope de Timanthe] traitté d’une autre manière aussi fort galante, quoy que la pensée n’en soit proprement qu’une imitation de celle-cy, mais elle a pourtant je ne sçay quoy de particulier, qui semble encore enchérir en quelque façon sur l’Original : [...]

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Pour l’autre Composition, qui est de nostre Moderne Jules Romain, elle nous monstre en effet, qu’une Imitation ingenieuse peut egaler et mesme passer encore au-dessus de l’Original, et que par consequent, il n’est pas moins glorieux d’imiter ainsi par concurrence d’esprit, la pensée d’un autre, et de l’enrichir comme il a fait, qu’il est honteux à un Peintre de copier mechaniquement figure à figure tout un Tableau, sans y apporter du sien autre chose que la peine et la sujetion d’un simple Ouvrier ; ce travail n’estant pas tant reputé l’Ouvrage d’un peintre, que l’estude d’un apprenty.

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Timanthe est prisé d’avoir tousjours donné davantage à comprendre dans ses ouvrages, que son pinceau ne representoit, et fait en sorte que son esprit y paroissoit plus grand que l’industrie de sa main, bien qu’il l’eust tres-exquise. Ainsi pour faire concevoir la grandeur de son Cyclope dormant, & fait en petit volume, il mit des Satyres auprés de luy qui mesuroient son poulce avec une perche. Certes nous luy pouvons comparer pour ce regard le sçavant Rubens que nous venons de perdre, qui a tousjours joint l’invention à l’excellence de son art, & ce qu’il tenoit d’une profonde lecture à la beauté de son colorit.

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Timanthe est prisé d’avoir tousjours donné davantage à comprendre dans ses ouvrages, que son pinceau ne representoit, et fait en sorte que son esprit y paroissoit plus grand que l’industrie de sa main, bien qu’il l’eust tres-exquise. Ainsi pour faire concevoir la grandeur de son Cyclope dormant, & fait en petit volume, il mit des Satyres auprés de luy qui mesuroient son poulce avec une perche. Certes nous luy pouvons comparer pour ce regard le sçavant Rubens que nous venons de perdre, qui a tousjours joint l’invention à l’excellence de son art, & ce qu’il tenoit d’une profonde lecture à la beauté de son colorit. Les Galeries du Palais d’Orleans le tesmoigneront autant qu’elles dureront, avec le reste de ses pieces, ubi intelligitur plus semper quam pingitur ; et cum ars summa sit, ingenium tament ultra artem est Plin. ib.

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Ce seul exemple de Jules Romain pourra servir de boussole à ceux qui ayant déjà fait habitude au Dessein et au Coloris, n’ont plus besoin que de s’embarquer dans le droit chemin de l’Art, et d’esveiller leur Genïe à l’Invention : Car il leur suffit de considerer les compositions des Maistres auxquels ils ont de l’Inclination, et d’en estudier les pensées et l’Intention, sans s’amuser à prendre chaque figure piece par piece dans un Ouvrage, comme sont tous ces Copistes, qui, ne voyant que l’escorce de la Peinture, auront toûjours cette disgrace dans leur travail, qu’ils ne sçauroient jamais parvenir à egaler leur original : au lieu que dans les operations de l’esprit, et dans l’Invention, la Nature est tellement infinie, que l’Imitateur a presque toûjours de l’avantage sur le premier.

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Timanthe est prisé d’avoir tousjours donné davantage à comprendre dans ses ouvrages, que son pinceau ne representoit, et fait en sorte que son esprit y paroissoit plus grand que l’industrie de sa main, bien qu’il l’eust tres-exquise. Ainsi pour faire concevoir la grandeur de son Cyclope dormant, & fait en petit volume, il mit des Satyres auprés de luy qui mesuroient son poulce avec une perche. Certes nous luy pouvons comparer pour ce regard le sçavant Rubens que nous venons de perdre, qui a tousjours joint l’invention à l’excellence de son art, & ce qu’il tenoit d’une profonde lecture à la beauté de son colorit. Les Galeries du Palais d’Orleans le tesmoigneront autant qu’elles dureront, avec le reste de ses pieces, ubi intelligitur plus semper quam pingitur ; et cum ars summa sit, ingenium tament ultra artem est Plin. ib.

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Si nous voulons suivre l’opinion commune qui regle presque toûjours le merite selon l'ancienneté, nous mettrons le siecle d'Apelle beaucoup au dessus de celuy de Raphael, & celuy de Raphael beaucoup au dessus du nostre ; mais je ne suis nullement d’accord de cet arrangement, particulierement à l'égard de la preference qu’on donne au siecle d’Apelle sur celuy de Raphael.
LE PRESIDENT. Comment pouvez-vous ne pas convenir d'un jugement si universel & si raisonnable, sur tout après estre demeuré d'accord de l'excellence de la sculpture de Phidias & de Praxitele ; car si la sculpture de ces temps-là l'emporte sur celle de tous les siecles qui ont suivi, à plus forte raison la Peinture, si nous considerons qu'elle est susceptible de mille beautez & de mille agrémens dont la Sculpture n’est point capable.
L'ABBE. C’est par cette raison là mesme que la consequence que vous tirez n’est pas recevable.
Si la Peinture estoit un Art aussi simple & aussi borné que l’est la Sculpture en fait d'ouvrages de ronde bosse, car c'est en cela seul qu'elle a excellé parmi les Anciens, je me rendrois à vostre advis, mais la Peinture est un Art si vaste de d'une si grande étenduë, qu'il n'a pas moins fallu que la durée de tous les siecles pour en découvrir tous les secrets & tous les mysteres. Pour vous convaincre du peu de beauté des peintures antiques, & de combien elles doivent estre mises au dessous de celles de Raphael, du Titien & de Paul Veronese, & de celles qui se font aujourd’hui, je ne veux me servir que des loüanges mesmes qu'on leur a données.

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Aengaende de Poëten, soo is seecker, dat men door het lesen der selve veel cierlijcke inventeringen komt te begrijpen, gelijck dat oock al van overlangh in menigh Constenaer is gebleecken, datse demeeste magnificentie van haere wercken uyt haere Verdighselen gehaelt hebben. Soo vertelt ons Valerius Maximus, dat Phidias seer geerne bekende dat hy het Model van sijnen Eliaenschen Iupiter by den Poët Homerus gevonden hadde: van gelijcke betuygen eenige schrijvers dat Thimanthes en Praxiteles veele van haere aerdigheden uyt den Poët Euripides ontleent hadden.

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Timanthe est prisé d’avoir tousjours donné davantage à comprendre dans ses ouvrages, que son pinceau ne representoit, et fait en sorte que son esprit y paroissoit plus grand que l’industrie de sa main, bien qu’il l’eust tres-exquise. Ainsi pour faire concevoir la grandeur de son Cyclope dormant, & fait en petit volume, il mit des Satyres auprés de luy qui mesuroient son poulce avec une perche. Certes nous luy pouvons comparer pour ce regard le sçavant Rubens que nous venons de perdre, qui a tousjours joint l’invention à l’excellence de son art, & ce qu’il tenoit d’une profonde lecture à la beauté de son colorit. Les Galeries du Palais d’Orleans le tesmoigneront autant qu’elles dureront, avec le reste de ses pieces, ubi intelligitur plus semper quam pingitur ; et cum ars summa sit, ingenium tament ultra artem est Plin. ib.

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Mais revenons à la Peinture. Je puis encore prouver le peu de suffisance des Peintres anciens par quelques morceaux de peinture antique qu'on voit à Rome en deux ou trois en-droits ; car quoy que ces ouvrages ne soient pas tout à fait du temps d’Appelle & de Zeuxis, ils sont apparemment dans la mesme manière ; & tout ce qu'il peut y avoir de difference, c'est que les Maistres qui les ont faits estant un peu moins anciens, pourroient avoir sçû quelque chose davantage dans la peinture. J’ay vû celuy des Nopces qui est dans la Vigne Aldobrandine, & celuy qu'on appelle le Tombeau d'Ovide. Les figures en sont bien dessinées, les attitudes sages & naturelles, & il y a beaucoup de noblesse & de dignité dans les airs de teste, mais il y a tres-peu d'entente dans le mélange des couleurs ; & point du tout dans la perspective ny dans l’ordonnance. Toutes les teintes sont aussi fortes les unes que les autres, rien n'avance, rien ne recule dans le tableau, & toutes les figures sont presque sur la mesme ligne, en sorte que c’est bien moins un tableau qu'un bas relief antique coloré, tout y est sec & immobile sans union, sans liaison, & sans cette mollesse des corps vivans qui les distingue du marbre & de la bronze qui les représentent. Ainsi la grande difficulté n'est pas de prouver qu'on l'emporte aujourd'huy sur Zeuxis, sur les Timantes & sur les Appelles, mais de faire voir qu’on a encore quelque avantage sur les Raphaels, sur les Titiens, sur les Pauls Veroneses, & sur les autres grands Peintres du dernier siecle. Cependant j'ose avancer qu'à regarder l'Art en luy-mesme, entant qu’il est un amas & une collection de preceptes, on trouvera qu'il est plus accompli & plus parfait presentement qu'il ne l'estoit du temps de ces grands Maistres.

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Of the Necessity and Definition of Proportion.


It was not without just Cause, that the antient
Græcians (at which time the Art of Painting had fully attained to his Perfection, by the Industry of Timantes, Eusenidas, Aristides, Eupompus, Sicyonias and Pamphilus, the famous Macedonian Painter, and Master of Apelles, who also was the first learned Painter directing his Workes by the Rules of Art, above any of his Predecessors, and well considering that whatsoever was made without measure and proportion, could never carry with it any such congruity as might represent either Beauty or Grace to the judicious beholder) were wont to say, that it was impossible to make any tolerable, much less any Commendable Picture, without the help of Geometry and Arithmetick, wherefore they required the Knowledge thereof, as a thing most necessary, which saying was also approved by Philip Macedo. And surely it is impossible (to omitt the meere Artizans) that he who is ignorant of these two Sciences, should understand the exact measure and proprotion of any probable or true Body, the necessity of which proportions shall be shewed hereafter.

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[…] la Peinture est un Art tout spirituel : Car ce qui consiste seulement dans la Partie mechanique est si matériel, qu’ils [les Anciens et les Historiens] ne contoient presque pour rien ; aussi ne regloient-ils pas le prix des Tableaux par la quantité ny par la grandeur des figures : Il arrivoist mesme quelque fois que la destresse du lieu à peindre et la sterilité du Sujet, donnoient occcasion à ces beaux Genïes d’en tirer de l’avantage, et de faire une production d’esprit qui surpassoit en grandeur de reputation les plus abondantes Compostions. […] si bien que cette destresse donna lieu à l’Ingenieux Timanthe de faire connoistre que son esprit estoit en effet plus eslevé et plus puissant que toutes les forces de la Peinture. Il s’avisa donc, pour suppléer au défaut de matière, de faire voir seulement aux yeux de l’esprit, ce qu’il ne pouvait monstrer à ceux du corps.

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{In welchen Studen jeder von den Alten oder antichen bäst qualificirt gewesen.} Es ist dieses bey unserer Kunst gewöhnlich/ auch so wol an den antichen/ als modernen/ zu ersehen/ daß der eine in einem/ der andere in etwas anders/ die wenigsten in allem/ excelliret und Meister gewesen. {Die Griechen.} Dann Apollodorus legte sonderlich der Schönheit zu. Zeuxis machte zu große Köpfe/ ware aber ein künstlicher Obst-Mahler. Eumarus gewöhnte sich/ alles nach dem Leben nachzubilden. Protogenes konte erstlich nur Schiffe mahlen. Apelles war in allem zierlich. Parrhasius ware gut in seinen Umrißen; Daemon, reich von invention; Timanthes verständig in allen seinen Werken/ auch immer verborgenen Sinns und Meinung; Pamphilus, gelehrt; Nicomachus, geschwind; Athenion, tieffsinnig; Nicophanes, sauber und nett; Amulius schön mit Farben; Pausias, munter in Bildung der Kinder und Blumen; Asclepidorius gut in dem messen und in den proportionen; Amphion, von Anordnung, Serapio, vernünftig in großen; Pireikus, in kleinen Sachen; Antiphilus in klein- und großen ; Dyonisius, konte nur Menschen mahlen; Euphranor, alles; Nicias, Thiere/ besonderlich Hunde. Nicophanes, konte wol nach-copiren/ und war in seinen Werken sauber; Mechophanes zu rauh in den Farben; Nealces, gut im ausbilden; Aristides, in affecte ; Clesides, nach dem Leben ; Ludius, in Landschaften.

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Mais revenons à la Peinture. Je puis encore prouver le peu de suffisance des Peintres anciens par quelques morceaux de peinture antique qu'on voit à Rome en deux ou trois en-droits ; car quoy que ces ouvrages ne soient pas tout à fait du temps d’Appelle & de Zeuxis, ils sont apparemment dans la mesme manière ; & tout ce qu'il peut y avoir de difference, c'est que les Maistres qui les ont faits estant un peu moins anciens, pourroient avoir sçû quelque chose davantage dans la peinture. J’ay vû celuy des Nopces qui est dans la Vigne Aldobrandine, & celuy qu'on appelle le Tombeau d'Ovide. Les figures en sont bien dessinées, les attitudes sages & naturelles, & il y a beaucoup de noblesse & de dignité dans les airs de teste, mais il y a tres-peu d'entente dans le mélange des couleurs ; & point du tout dans la perspective ny dans l’ordonnance. Toutes les teintes sont aussi fortes les unes que les autres, rien n'avance, rien ne recule dans le tableau, & toutes les figures sont presque sur la mesme ligne, en sorte que c’est bien moins un tableau qu'un bas relief antique coloré, tout y est sec & immobile sans union, sans liaison, & sans cette mollesse des corps vivans qui les distingue du marbre & de la bronze qui les représentent.

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[...] soo en kan 't niet schaeden dat men tot de bevalligheydt van Apelles toe voeght de gheluckighe stoudt-moedigheydt van Zeuxis, d'onvermoeyde naersticheydt van Protogenes, de kloecke diepsinnigheydt van Timanthes, als oock de hooghstaetelicke grootsheydt van Nicophanes.

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si bien que cette destresse donna lieu à l’Ingenieux Timanthe de faire connoistre que son esprit estoit en effet plus eslevé et plus puissant que toutes les forces de la Peinture. Il s’avisa donc, pour suppléer au défaut de matière, de faire voir seulement aux yeux de l’esprit, ce qu’il ne pouvait monstrer à ceux du corps.

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Si nous voulons suivre l’opinion commune qui regle presque toûjours le merite selon l'ancienneté, nous mettrons le siecle d'Apelle beaucoup au dessus de celuy de Raphael, & celuy de Raphael beaucoup au dessus du nostre ; mais je ne suis nullement d’accord de cet arrangement, particulierement à l'égard de la preference qu’on donne au siecle d’Apelle sur celuy de Raphael.
LE PRESIDENT. Comment pouvez-vous ne pas convenir d'un jugement si universel & si raisonnable, sur tout après estre demeuré d'accord de l'excellence de la sculpture de Phidias & de Praxitele ; car si la sculpture de ces temps-là l'emporte sur celle de tous les siecles qui ont suivi, à plus forte raison la Peinture, si nous considerons qu'elle est susceptible de mille beautez & de mille agrémens dont la Sculpture n’est point capable.
L'ABBE. C’est par cette raison là mesme que la consequence que vous tirez n’est pas recevable.
Si la Peinture estoit un Art aussi simple & aussi borné que l’est la Sculpture en fait d'ouvrages de ronde bosse, car c'est en cela seul qu'elle a excellé parmi les Anciens, je me rendrois à vostre advis, mais la Peinture est un Art si vaste de d'une si grande étenduë, qu'il n'a pas moins fallu que la durée de tous les siecles pour en découvrir tous les secrets & tous les mysteres. Pour vous convaincre du peu de beauté des peintures antiques, & de combien elles doivent estre mises au dessous de celles de Raphael, du Titien & de Paul Veronese, & de celles qui se font aujourd’hui, je ne veux me servir que des loüanges mesmes qu'on leur a données.

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Mais revenons à la Peinture. Je puis encore prouver le peu de suffisance des Peintres anciens par quelques morceaux de peinture antique qu'on voit à Rome en deux ou trois en-droits ; car quoy que ces ouvrages ne soient pas tout à fait du temps d’Appelle & de Zeuxis, ils sont apparemment dans la mesme manière ; & tout ce qu'il peut y avoir de difference, c'est que les Maistres qui les ont faits estant un peu moins anciens, pourroient avoir sçû quelque chose davantage dans la peinture. J’ay vû celuy des Nopces qui est dans la Vigne Aldobrandine, & celuy qu'on appelle le Tombeau d'Ovide. Les figures en sont bien dessinées, les attitudes sages & naturelles, & il y a beaucoup de noblesse & de dignité dans les airs de teste, mais il y a tres-peu d'entente dans le mélange des couleurs ; & point du tout dans la perspective ny dans l’ordonnance. Toutes les teintes sont aussi fortes les unes que les autres, rien n'avance, rien ne recule dans le tableau, & toutes les figures sont presque sur la mesme ligne, en sorte que c’est bien moins un tableau qu'un bas relief antique coloré, tout y est sec & immobile sans union, sans liaison, & sans cette mollesse des corps vivans qui les distingue du marbre & de la bronze qui les représentent.

Quotation

Il me souvient d’avoir veu à Rome, dans le Palais de Vigna Madama, ce mesme Sujet  [Grand Cyclope de Timanthe] traitté d’une autre manière aussi fort galante, quoy que la pensée n’en soit proprement qu’une imitation de celle-cy, mais elle a pourtant je ne sçay quoy de particulier, qui semble encore enchérir en quelque façon sur l’Original : [...]

Quotation

Pour l’autre Composition, qui est de nostre Moderne Jules Romain, elle nous monstre en effet, qu’une Imitation ingenieuse peut egaler et mesme passer encore au-dessus de l’Original, et que par consequent, il n’est pas moins glorieux d’imiter ainsi par concurrence d’esprit, la pensée d’un autre, et de l’enrichir comme il a fait, qu’il est honteux à un Peintre de copier mechaniquement figure à figure tout un Tableau, sans y apporter du sien autre chose que la peine et la sujetion d’un simple Ouvrier ; ce travail n’estant pas tant reputé l’Ouvrage d’un peintre, que l’estude d’un apprenty.

Quotation

Pour cet effet, il introduisit un gentil parergue dans son Sujet qui estoit de soy trop simple, n’ayant à représenter qu’une figure endormie et une figure hideuse. Or cet accompagnement parergique estoit une trouppe de Satyres qu’il mit à l’entour de son Cyclope dormant […] Et cette pensée du Peintre fut trouvée si ingénieuse et si nouvelle, qu’elle donna une grande reputation à son Tableau, qui neanmoins estoit de luy mesme fort petit, et d’un sujet assez peu considerable.

Quotation

Pour l’autre Composition, qui est de nostre Moderne Jules Romain, elle nous monstre en effet, qu’une Imitation ingenieuse peut egaler et mesme passer encore au-dessus de l’Original, et que par consequent, il n’est pas moins glorieux d’imiter ainsi par concurrence d’esprit, la pensée d’un autre, et de l’enrichir comme il a fait, qu’il est honteux à un Peintre de copier mechaniquement figure à figure tout un Tableau, sans y apporter du sien autre chose que la peine et la sujetion d’un simple Ouvrier ; ce travail n’estant pas tant reputé l’Ouvrage d’un peintre, que l’estude d’un apprenty.

Quotation

[....] La Place estoit ornée tout au tour de Statuës, que les Cabalistes avoient fait ériger à leurs Princes, entre lesquelles celle de Michelange occupoit le premier lieu, accompagné de celles du Titien, du Georgion, de Paul Veronese, du Tintoret, des Bassans, du Correge, du Guide, de Rubens, Vandick, Zuccaro, Lanfranc, Joseph Pin, Maistre Rousse, Saint Martin, Ribera, Pietre Teste, Freminet, Tempeste, Blœmaret, P. ….. V ….. B. …. V. … &c toutes posées sur leurs piedestaux, avec chacune une Inscription à leur loüange.
On ne voyait là ny les Apelles, ny les Timanthes, ny les Raphaëls, ny les Poussins, ny les Leonards de Vincy, ny les Jules Romains, ny les autres de ce merite, dont on ne se doit pas étonner, veu qu’ayans tous esté les Antagonistes de ces faux Peintres, les Cabalistes n’avoient garde de leur donner place parmi ceux dont ils ont méprisé les ouvrages & les maximes.

Quotation

[…] la Peinture est un Art tout spirituel : Car ce qui consiste seulement dans la Partie mechanique est si matériel, qu’ils [les Anciens et les Historiens] ne contoient presque pour rien ; aussi ne regloient-ils pas le prix des Tableaux par la quantité ny par la grandeur des figures : Il arrivoist mesme quelque fois que la destresse du lieu à peindre et la sterilité du Sujet, donnoient occcasion à ces beaux Genïes d’en tirer de l’avantage, et de faire une production d’esprit qui surpassoit en grandeur de reputation les plus abondantes Compostions. […] si bien que cette destresse donna lieu à l’Ingenieux Timanthe de faire connoistre que son esprit estoit en effet plus eslevé et plus puissant que toutes les forces de la Peinture. Il s’avisa donc, pour suppléer au défaut de matière, de faire voir seulement aux yeux de l’esprit, ce qu’il ne pouvait monstrer à ceux du corps.

Quotation

LE PRESIDENT. Si la Sculpture moderne l’emporte si fort sur la Sculpture antique par cet endroit que vous marquez [ndr : un bas-relief de François Anguier], il faut que la Peinture d’aujourd’huy soit bien superieure à celle des Anciens, puisqu’enfin c’est d’elle que la Sculpture a appris tous ces secrets de degradation & de perspective.
L’ABBE. J’en demeure d’accord, & la consequence en est tres juste ; mais puisqu’il s’agit presentement de la Peinture, il faut commencer par la distinguer suivant les divers temps où elle a fleuri, & en faire trois classes : Celle du temps d’Appelle, de Zeuxis, de Timante, & de tous ces grands Peintres dont les Livres rapportent tant des merveilles ; Celle du temps de Raphael, du Titien, de Paul Veronese, & de plusieurs autres excellens Maistres d’Italie, & Celle du siecle où nous vivons.
Si nous voulons suivre l’opinion commune qui regle presque toûjours le merite selon l'ancienneté, nous mettrons le siecle d'Apelle beaucoup au dessus de celuy de Raphael, & celuy de Raphael beaucoup au dessus du nostre ; mais je ne suis nullement d’accord de cet arrangement, particulierement à l'égard de la preference qu’on donne au siecle d’Apelle sur celuy de Raphael.
LE PRESIDENT. Comment pouvez-vous ne pas convenir d'un jugement si universel & si raisonnable, sur tout après estre demeuré d'accord de l'excellence de la sculpture de Phidias & de Praxitele ; car si la sculpture de ces temps-là l'emporte sur celle de tous les siecles qui ont suivi, à plus forte raison la Peinture, si nous considerons qu'elle est susceptible de mille beautez & de mille agrémens dont la Sculpture n’est point capable.
L'ABBE. C’est par cette raison là mesme que la consequence que vous tirez n’est pas recevable.
Si la Peinture estoit un Art aussi simple & aussi borné que l’est la Sculpture en fait d'ouvrages de ronde bosse, car c'est en cela seul qu'elle a excellé parmi les Anciens, je me rendrois à vostre advis, mais la Peinture est un Art si vaste de d'une si grande étenduë, qu'il n'a pas moins fallu que la durée de tous les siecles pour en découvrir tous les secrets & tous les mysteres. Pour vous convaincre du peu de beauté des peintures antiques, & de combien elles doivent estre mises au dessous de celles de Raphael, du Titien & de Paul Veronese, & de celles qui se font aujourd’hui, je ne veux me servir que des loüanges mesmes qu'on leur a données.

Quotation

Pour cet effet, il introduisit un gentil parergue dans son Sujet qui estoit de soy trop simple, n’ayant à représenter qu’une figure endormie et une figure hideuse. Or cet accompagnement parergique estoit une trouppe de Satyres qu’il mit à l’entour de son Cyclope dormant […] Et cette pensée du Peintre fut trouvée si ingénieuse et si nouvelle, qu’elle donna une grande reputation à son Tableau, qui neanmoins estoit de luy mesme fort petit, et d’un sujet assez peu considerable.

Quotation

Il me souvient d’avoir veu à Rome, dans le Palais de Vigna Madama, ce mesme Sujet  [Grand Cyclope de Timanthe] traitté d’une autre manière aussi fort galante, quoy que la pensée n’en soit proprement qu’une imitation de celle-cy, mais elle a pourtant je ne sçay quoy de particulier, qui semble encore enchérir en quelque façon sur l’Original : [...]

Quotation

Mais revenons à la Peinture. Je puis encore prouver le peu de suffisance des Peintres anciens par quelques morceaux de peinture antique qu'on voit à Rome en deux ou trois en-droits ; car quoy que ces ouvrages ne soient pas tout à fait du temps d’Appelle & de Zeuxis, ils sont apparemment dans la mesme manière ; & tout ce qu'il peut y avoir de difference, c'est que les Maistres qui les ont faits estant un peu moins anciens, pourroient avoir sçû quelque chose davantage dans la peinture. J’ay vû celuy des Nopces qui est dans la Vigne Aldobrandine, & celuy qu'on appelle le Tombeau d'Ovide. Les figures en sont bien dessinées, les attitudes sages & naturelles, & il y a beaucoup de noblesse & de dignité dans les airs de teste, mais il y a tres-peu d'entente dans le mélange des couleurs ; & point du tout dans la perspective ny dans l’ordonnance. Toutes les teintes sont aussi fortes les unes que les autres, rien n'avance, rien ne recule dans le tableau, & toutes les figures sont presque sur la mesme ligne, en sorte que c’est bien moins un tableau qu'un bas relief antique coloré, tout y est sec & immobile sans union, sans liaison, & sans cette mollesse des corps vivans qui les distingue du marbre & de la bronze qui les représentent.

Quotation

Ainsi la grande difficulté n'est pas de prouver qu'on l'emporte aujourd'huy sur Zeuxis, sur les Timantes & sur les Appelles, mais de faire voir qu’on a encore quelque avantage sur les Raphaels, sur les Titiens, sur les Pauls Veroneses, & sur les autres grands Peintres du dernier siecle. Cependant j'ose avancer qu'à regarder l'Art en luy-mesme, entant qu’il est un amas & une collection de preceptes, on trouvera qu'il est plus accompli & plus parfait presentement qu'il ne l'estoit du temps de ces grands Maistres.

Quotation

[…] la Peinture est un Art tout spirituel : Car ce qui consiste seulement dans la Partie mechanique est si matériel, qu’ils [les Anciens et les Historiens] ne contoient presque pour rien ; aussi ne regloient-ils pas le prix des Tableaux par la quantité ny par la grandeur des figures : Il arrivoist mesme quelque fois que la destresse du lieu à peindre et la sterilité du Sujet, donnoient occcasion à ces beaux Genïes d’en tirer de l’avantage, et de faire une production d’esprit qui surpassoit en grandeur de reputation les plus abondantes Compostions. […] si bien que cette destresse donna lieu à l’Ingenieux Timanthe de faire connoistre que son esprit estoit en effet plus eslevé et plus puissant que toutes les forces de la Peinture. Il s’avisa donc, pour suppléer au défaut de matière, de faire voir seulement aux yeux de l’esprit, ce qu’il ne pouvait monstrer à ceux du corps.

Quotation

Of the Necessity and Definition of Proportion.


It was not without just Cause, that the antient
Græcians (at which time the Art of Painting had fully attained to his Perfection, by the Industry of Timantes, Eusenidas, Aristides, Eupompus, Sicyonias and Pamphilus, the famous Macedonian Painter, and Master of Apelles, who also was the first learned Painter directing his Workes by the Rules of Art, above any of his Predecessors, and well considering that whatsoever was made without measure and proportion, could never carry with it any such congruity as might represent either Beauty or Grace to the judicious beholder) were wont to say, that it was impossible to make any tolerable, much less any Commendable Picture, without the help of Geometry and Arithmetick, wherefore they required the Knowledge thereof, as a thing most necessary, which saying was also approved by Philip Macedo. And surely it is impossible (to omitt the meere Artizans) that he who is ignorant of these two Sciences, should understand the exact measure and proprotion of any probable or true Body, the necessity of which proportions shall be shewed hereafter.

Quotation

Pour cet effet, il introduisit un gentil parergue dans son Sujet qui estoit de soy trop simple, n’ayant à représenter qu’une figure endormie et une figure hideuse. Or cet accompagnement parergique estoit une trouppe de Satyres qu’il mit à l’entour de son Cyclope dormant […] Et cette pensée du Peintre fut trouvée si ingénieuse et si nouvelle, qu’elle donna une grande reputation à son Tableau, qui neanmoins estoit de luy mesme fort petit, et d’un sujet assez peu considerable.

Quotation

Of the Necessity and Definition of Proportion.


It was not without just Cause, that the antient
Græcians (at which time the Art of Painting had fully attained to his Perfection, by the Industry of Timantes, Eusenidas, Aristides, Eupompus, Sicyonias and Pamphilus, the famous Macedonian Painter, and Master of Apelles, who also was the first learned Painter directing his Workes by the Rules of Art, above any of his Predecessors, and well considering that whatsoever was made without measure and proportion, could never carry with it any such congruity as might represent either Beauty or Grace to the judicious beholder) were wont to say, that it was impossible to make any tolerable, much less any Commendable Picture, without the help of Geometry and Arithmetick, wherefore they required the Knowledge thereof, as a thing most necessary, which saying was also approved by Philip Macedo. And surely it is impossible (to omitt the meere Artizans) that he who is ignorant of these two Sciences, should understand the exact measure and proprotion of any probable or true Body, the necessity of which proportions shall be shewed hereafter.

Quotation

[…] la Peinture est un Art tout spirituel : Car ce qui consiste seulement dans la Partie mechanique est si matériel, qu’ils [les Anciens et les Historiens] ne contoient presque pour rien ; aussi ne regloient-ils pas le prix des Tableaux par la quantité ny par la grandeur des figures : Il arrivoist mesme quelque fois que la destresse du lieu à peindre et la sterilité du Sujet, donnoient occcasion à ces beaux Genïes d’en tirer de l’avantage, et de faire une production d’esprit qui surpassoit en grandeur de reputation les plus abondantes Compostions. […] si bien que cette destresse donna lieu à l’Ingenieux Timanthe de faire connoistre que son esprit estoit en effet plus eslevé et plus puissant que toutes les forces de la Peinture. Il s’avisa donc, pour suppléer au défaut de matière, de faire voir seulement aux yeux de l’esprit, ce qu’il ne pouvait monstrer à ceux du corps.

Quotation

[...] soo en kan 't niet schaeden dat men tot de bevalligheydt van Apelles toe voeght de gheluckighe stoudt-moedigheydt van Zeuxis, d'onvermoeyde naersticheydt van Protogenes, de kloecke diepsinnigheydt van Timanthes, als oock de hooghstaetelicke grootsheydt van Nicophanes.

Quotation

Pour cet effet, il introduisit un gentil parergue dans son Sujet qui estoit de soy trop simple, n’ayant à représenter qu’une figure endormie et une figure hideuse. Or cet accompagnement parergique estoit une trouppe de Satyres qu’il mit à l’entour de son Cyclope dormant […] Et cette pensée du Peintre fut trouvée si ingénieuse et si nouvelle, qu’elle donna une grande reputation à son Tableau, qui neanmoins estoit de luy mesme fort petit, et d’un sujet assez peu considerable.

Quotation

Mais revenons à la Peinture. Je puis encore prouver le peu de suffisance des Peintres anciens par quelques morceaux de peinture antique qu'on voit à Rome en deux ou trois en-droits ; car quoy que ces ouvrages ne soient pas tout à fait du temps d’Appelle & de Zeuxis, ils sont apparemment dans la mesme manière ; & tout ce qu'il peut y avoir de difference, c'est que les Maistres qui les ont faits estant un peu moins anciens, pourroient avoir sçû quelque chose davantage dans la peinture. J’ay vû celuy des Nopces qui est dans la Vigne Aldobrandine, & celuy qu'on appelle le Tombeau d'Ovide. Les figures en sont bien dessinées, les attitudes sages & naturelles, & il y a beaucoup de noblesse & de dignité dans les airs de teste, mais il y a tres-peu d'entente dans le mélange des couleurs ; & point du tout dans la perspective ny dans l’ordonnance. Toutes les teintes sont aussi fortes les unes que les autres, rien n'avance, rien ne recule dans le tableau, & toutes les figures sont presque sur la mesme ligne, en sorte que c’est bien moins un tableau qu'un bas relief antique coloré, tout y est sec & immobile sans union, sans liaison, & sans cette mollesse des corps vivans qui les distingue du marbre & de la bronze qui les représentent.

Quotation

Mais revenons à la Peinture. Je puis encore prouver le peu de suffisance des Peintres anciens par quelques morceaux de peinture antique qu'on voit à Rome en deux ou trois en-droits ; car quoy que ces ouvrages ne soient pas tout à fait du temps d’Appelle & de Zeuxis, ils sont apparemment dans la mesme manière ; & tout ce qu'il peut y avoir de difference, c'est que les Maistres qui les ont faits estant un peu moins anciens, pourroient avoir sçû quelque chose davantage dans la peinture. J’ay vû celuy des Nopces qui est dans la Vigne Aldobrandine, & celuy qu'on appelle le Tombeau d'Ovide. Les figures en sont bien dessinées, les attitudes sages & naturelles, & il y a beaucoup de noblesse & de dignité dans les airs de teste, mais il y a tres-peu d'entente dans le mélange des couleurs ; & point du tout dans la perspective ny dans l’ordonnance. Toutes les teintes sont aussi fortes les unes que les autres, rien n'avance, rien ne recule dans le tableau, & toutes les figures sont presque sur la mesme ligne, en sorte que c’est bien moins un tableau qu'un bas relief antique coloré, tout y est sec & immobile sans union, sans liaison, & sans cette mollesse des corps vivans qui les distingue du marbre & de la bronze qui les représentent.

Quotation

Mais revenons à la Peinture. Je puis encore prouver le peu de suffisance des Peintres anciens par quelques morceaux de peinture antique qu'on voit à Rome en deux ou trois en-droits ; car quoy que ces ouvrages ne soient pas tout à fait du temps d’Appelle & de Zeuxis, ils sont apparemment dans la mesme manière ; & tout ce qu'il peut y avoir de difference, c'est que les Maistres qui les ont faits estant un peu moins anciens, pourroient avoir sçû quelque chose davantage dans la peinture. J’ay vû celuy des Nopces qui est dans la Vigne Aldobrandine, & celuy qu'on appelle le Tombeau d'Ovide. Les figures en sont bien dessinées, les attitudes sages & naturelles, & il y a beaucoup de noblesse & de dignité dans les airs de teste, mais il y a tres-peu d'entente dans le mélange des couleurs ; & point du tout dans la perspective ny dans l’ordonnance. Toutes les teintes sont aussi fortes les unes que les autres, rien n'avance, rien ne recule dans le tableau, & toutes les figures sont presque sur la mesme ligne, en sorte que c’est bien moins un tableau qu'un bas relief antique coloré, tout y est sec & immobile sans union, sans liaison, & sans cette mollesse des corps vivans qui les distingue du marbre & de la bronze qui les représentent.

Quotation

Tymanthes, verstandigh : in zijn werck was altijts eenighen verborghen sin oft meyninghe.

Quotation

[...] soo en kan 't niet schaeden dat men tot de bevalligheydt van Apelles toe voeght de gheluckighe stoudt-moedigheydt van Zeuxis, d'onvermoeyde naersticheydt van Protogenes, de kloecke diepsinnigheydt van Timanthes, als oock de hooghstaetelicke grootsheydt van Nicophanes.

Quotation

Timanthe est prisé d’avoir tousjours donné davantage à comprendre dans ses ouvrages, que son pinceau ne representoit, et fait en sorte que son esprit y paroissoit plus grand que l’industrie de sa main, bien qu’il l’eust tres-exquise. Ainsi pour faire concevoir la grandeur de son Cyclope dormant, & fait en petit volume, il mit des Satyres auprés de luy qui mesuroient son poulce avec une perche. Certes nous luy pouvons comparer pour ce regard le sçavant Rubens que nous venons de perdre, qui a tousjours joint l’invention à l’excellence de son art, & ce qu’il tenoit d’une profonde lecture à la beauté de son colorit. Les Galeries du Palais d’Orleans le tesmoigneront autant qu’elles dureront, avec le reste de ses pieces, ubi intelligitur plus semper quam pingitur ; et cum ars summa sit, ingenium tament ultra artem est Plin. ib.

Quotation

[…] la Peinture est un Art tout spirituel : Car ce qui consiste seulement dans la Partie mechanique est si matériel, qu’ils [les Anciens et les Historiens] ne contoient presque pour rien ; aussi ne regloient-ils pas le prix des Tableaux par la quantité ny par la grandeur des figures : Il arrivoist mesme quelque fois que la destresse du lieu à peindre et la sterilité du Sujet, donnoient occcasion à ces beaux Genïes d’en tirer de l’avantage, et de faire une production d’esprit qui surpassoit en grandeur de reputation les plus abondantes Compostions. […] si bien que cette destresse donna lieu à l’Ingenieux Timanthe de faire connoistre que son esprit estoit en effet plus eslevé et plus puissant que toutes les forces de la Peinture. Il s’avisa donc, pour suppléer au défaut de matière, de faire voir seulement aux yeux de l’esprit, ce qu’il ne pouvait monstrer à ceux du corps.

Quotation

si bien que cette destresse donna lieu à l’Ingenieux Timanthe de faire connoistre que son esprit estoit en effet plus eslevé et plus puissant que toutes les forces de la Peinture. Il s’avisa donc, pour suppléer au défaut de matière, de faire voir seulement aux yeux de l’esprit, ce qu’il ne pouvait monstrer à ceux du corps.

Quotation

[…] la Peinture est un Art tout spirituel : Car ce qui consiste seulement dans la Partie mechanique est si matériel, qu’ils [les Anciens et les Historiens] ne contoient presque pour rien ; aussi ne regloient-ils pas le prix des Tableaux par la quantité ny par la grandeur des figures : Il arrivoist mesme quelque fois que la destresse du lieu à peindre et la sterilité du Sujet, donnoient occcasion à ces beaux Genïes d’en tirer de l’avantage, et de faire une production d’esprit qui surpassoit en grandeur de reputation les plus abondantes Compostions. […] si bien que cette destresse donna lieu à l’Ingenieux Timanthe de faire connoistre que son esprit estoit en effet plus eslevé et plus puissant que toutes les forces de la Peinture. Il s’avisa donc, pour suppléer au défaut de matière, de faire voir seulement aux yeux de l’esprit, ce qu’il ne pouvait monstrer à ceux du corps.

Quotation

Pour cet effet, il introduisit un gentil parergue dans son Sujet qui estoit de soy trop simple, n’ayant à représenter qu’une figure endormie et une figure hideuse. Or cet accompagnement parergique estoit une trouppe de Satyres qu’il mit à l’entour de son Cyclope dormant […] Et cette pensée du Peintre fut trouvée si ingénieuse et si nouvelle, qu’elle donna une grande reputation à son Tableau, qui neanmoins estoit de luy mesme fort petit, et d’un sujet assez peu considerable.

Quotation

Pour cet effet, il introduisit un gentil parergue dans son Sujet qui estoit de soy trop simple, n’ayant à représenter qu’une figure endormie et une figure hideuse. Or cet accompagnement parergique estoit une trouppe de Satyres qu’il mit à l’entour de son Cyclope dormant […] Et cette pensée du Peintre fut trouvée si ingénieuse et si nouvelle, qu’elle donna une grande reputation à son Tableau, qui neanmoins estoit de luy mesme fort petit, et d’un sujet assez peu considerable.

Quotation

Il me souvient d’avoir veu à Rome, dans le Palais de Vigna Madama, ce mesme Sujet  [Grand Cyclope de Timanthe] traitté d’une autre manière aussi fort galante, quoy que la pensée n’en soit proprement qu’une imitation de celle-cy, mais elle a pourtant je ne sçay quoy de particulier, qui semble encore enchérir en quelque façon sur l’Original : [...]

Quotation

Voyla une espece d’imitation si rare et si spirituelle, qu’elle peut aller en concurrence avec l’original mesme ; et je m’asseure que si Timanthe l’eust veüe, au lieu de prendre de la jalousie de cette galante emulation, il eust estimé la gentillesse d’esprit de nostre moderne, et fait grand estat de son ouvrage.

Quotation

Ce seul exemple de Jules Romain pourra servir de boussole à ceux qui ayant déjà fait habitude au Dessein et au Coloris, n’ont plus besoin que de s’embarquer dans le droit chemin de l’Art, et d’esveiller leur Genïe à l’Invention : Car il leur suffit de considerer les compositions des Maistres auxquels ils ont de l’Inclination, et d’en estudier les pensées et l’Intention, sans s’amuser à prendre chaque figure piece par piece dans un Ouvrage, comme sont tous ces Copistes, qui, ne voyant que l’escorce de la Peinture, auront toûjours cette disgrace dans leur travail, qu’ils ne sçauroient jamais parvenir à egaler leur original : au lieu que dans les operations de l’esprit, et dans l’Invention, la Nature est tellement infinie, que l’Imitateur a presque toûjours de l’avantage sur le premier.

Quotation

Pour l’autre Composition, qui est de nostre Moderne Jules Romain, elle nous monstre en effet, qu’une Imitation ingenieuse peut egaler et mesme passer encore au-dessus de l’Original, et que par consequent, il n’est pas moins glorieux d’imiter ainsi par concurrence d’esprit, la pensée d’un autre, et de l’enrichir comme il a fait, qu’il est honteux à un Peintre de copier mechaniquement figure à figure tout un Tableau, sans y apporter du sien autre chose que la peine et la sujetion d’un simple Ouvrier ; ce travail n’estant pas tant reputé l’Ouvrage d’un peintre, que l’estude d’un apprenty.

Quotation

Aengaende de Poëten, soo is seecker, dat men door het lesen der selve veel cierlijcke inventeringen komt te begrijpen, gelijck dat oock al van overlangh in menigh Constenaer is gebleecken, datse demeeste magnificentie van haere wercken uyt haere Verdighselen gehaelt hebben. Soo vertelt ons Valerius Maximus, dat Phidias seer geerne bekende dat hy het Model van sijnen Eliaenschen Iupiter by den Poët Homerus gevonden hadde: van gelijcke betuygen eenige schrijvers dat Thimanthes en Praxiteles veele van haere aerdigheden uyt den Poët Euripides ontleent hadden.

Quotation

Of the Necessity and Definition of Proportion.


It was not without just Cause, that the antient
Græcians (at which time the Art of Painting had fully attained to his Perfection, by the Industry of Timantes, Eusenidas, Aristides, Eupompus, Sicyonias and Pamphilus, the famous Macedonian Painter, and Master of Apelles, who also was the first learned Painter directing his Workes by the Rules of Art, above any of his Predecessors, and well considering that whatsoever was made without measure and proportion, could never carry with it any such congruity as might represent either Beauty or Grace to the judicious beholder) were wont to say, that it was impossible to make any tolerable, much less any Commendable Picture, without the help of Geometry and Arithmetick, wherefore they required the Knowledge thereof, as a thing most necessary, which saying was also approved by Philip Macedo. And surely it is impossible (to omitt the meere Artizans) that he who is ignorant of these two Sciences, should understand the exact measure and proprotion of any probable or true Body, the necessity of which proportions shall be shewed hereafter.

Quotation

{In welchen Studen jeder von den Alten oder antichen bäst qualificirt gewesen.} Es ist dieses bey unserer Kunst gewöhnlich/ auch so wol an den antichen/ als modernen/ zu ersehen/ daß der eine in einem/ der andere in etwas anders/ die wenigsten in allem/ excelliret und Meister gewesen. {Die Griechen.} Dann Apollodorus legte sonderlich der Schönheit zu. Zeuxis machte zu große Köpfe/ ware aber ein künstlicher Obst-Mahler. Eumarus gewöhnte sich/ alles nach dem Leben nachzubilden. Protogenes konte erstlich nur Schiffe mahlen. Apelles war in allem zierlich. Parrhasius ware gut in seinen Umrißen; Daemon, reich von invention; Timanthes verständig in allen seinen Werken/ auch immer verborgenen Sinns und Meinung; Pamphilus, gelehrt; Nicomachus, geschwind; Athenion, tieffsinnig; Nicophanes, sauber und nett; Amulius schön mit Farben; Pausias, munter in Bildung der Kinder und Blumen; Asclepidorius gut in dem messen und in den proportionen; Amphion, von Anordnung, Serapio, vernünftig in großen; Pireikus, in kleinen Sachen; Antiphilus in klein- und großen ; Dyonisius, konte nur Menschen mahlen; Euphranor, alles; Nicias, Thiere/ besonderlich Hunde. Nicophanes, konte wol nach-copiren/ und war in seinen Werken sauber; Mechophanes zu rauh in den Farben; Nealces, gut im ausbilden; Aristides, in affecte ; Clesides, nach dem Leben ; Ludius, in Landschaften.

Quotation

[....] La Place estoit ornée tout au tour de Statuës, que les Cabalistes avoient fait ériger à leurs Princes, entre lesquelles celle de Michelange occupoit le premier lieu, accompagné de celles du Titien, du Georgion, de Paul Veronese, du Tintoret, des Bassans, du Correge, du Guide, de Rubens, Vandick, Zuccaro, Lanfranc, Joseph Pin, Maistre Rousse, Saint Martin, Ribera, Pietre Teste, Freminet, Tempeste, Blœmaret, P. ….. V ….. B. …. V. … &c toutes posées sur leurs piedestaux, avec chacune une Inscription à leur loüange.
On ne voyait là ny les Apelles, ny les Timanthes, ny les Raphaëls, ny les Poussins, ny les Leonards de Vincy, ny les Jules Romains, ny les autres de ce merite, dont on ne se doit pas étonner, veu qu’ayans tous esté les Antagonistes de ces faux Peintres, les Cabalistes n’avoient garde de leur donner place parmi ceux dont ils ont méprisé les ouvrages & les maximes.

Quotation

Timantes, on the contrary [ndr : Parrhasius vient d’être évoqué], was of a sweet, modest Temper, and was Admirable in the Expression of Passions ; as appear’d by his Famous Picture of the Sacrifice of Iphigenia ; where he drew so many different sorts of Sorrow upon the Faces of the Spectators, according to the Concerns they had in that Tragical Piece of Religion, that being at last come to Represent Agamemnon’s Face, who was Father to the Virgin, he found himself Exhausted, and not able to reach the Excess of Grief that naturally must have been showed in his Countenance upon that Occasion ; and therefore he covered his Face with a part of his Garment ; saving thereby the Honour of his Art , and yet giving some Idea of the greatness of the Father’s Sorrow. His particular Talent lay, in giving more to understand by his Pictures, than was really express’d in them.

Quotation

LE PRESIDENT. Si la Sculpture moderne l’emporte si fort sur la Sculpture antique par cet endroit que vous marquez [ndr : un bas-relief de François Anguier], il faut que la Peinture d’aujourd’huy soit bien superieure à celle des Anciens, puisqu’enfin c’est d’elle que la Sculpture a appris tous ces secrets de degradation & de perspective.
L’ABBE. J’en demeure d’accord, & la consequence en est tres juste ; mais puisqu’il s’agit presentement de la Peinture, il faut commencer par la distinguer suivant les divers temps où elle a fleuri, & en faire trois classes : Celle du temps d’Appelle, de Zeuxis, de Timante, & de tous ces grands Peintres dont les Livres rapportent tant des merveilles ; Celle du temps de Raphael, du Titien, de Paul Veronese, & de plusieurs autres excellens Maistres d’Italie, & Celle du siecle où nous vivons.
Si nous voulons suivre l’opinion commune qui regle presque toûjours le merite selon l'ancienneté, nous mettrons le siecle d'Apelle beaucoup au dessus de celuy de Raphael, & celuy de Raphael beaucoup au dessus du nostre ; mais je ne suis nullement d’accord de cet arrangement, particulierement à l'égard de la preference qu’on donne au siecle d’Apelle sur celuy de Raphael.
LE PRESIDENT. Comment pouvez-vous ne pas convenir d'un jugement si universel & si raisonnable, sur tout après estre demeuré d'accord de l'excellence de la sculpture de Phidias & de Praxitele ; car si la sculpture de ces temps-là l'emporte sur celle de tous les siecles qui ont suivi, à plus forte raison la Peinture, si nous considerons qu'elle est susceptible de mille beautez & de mille agrémens dont la Sculpture n’est point capable.
L'ABBE. C’est par cette raison là mesme que la consequence que vous tirez n’est pas recevable.
Si la Peinture estoit un Art aussi simple & aussi borné que l’est la Sculpture en fait d'ouvrages de ronde bosse, car c'est en cela seul qu'elle a excellé parmi les Anciens, je me rendrois à vostre advis, mais la Peinture est un Art si vaste de d'une si grande étenduë, qu'il n'a pas moins fallu que la durée de tous les siecles pour en découvrir tous les secrets & tous les mysteres. Pour vous convaincre du peu de beauté des peintures antiques, & de combien elles doivent estre mises au dessous de celles de Raphael, du Titien & de Paul Veronese, & de celles qui se font aujourd’hui, je ne veux me servir que des loüanges mesmes qu'on leur a données.

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Si nous voulons suivre l’opinion commune qui regle presque toûjours le merite selon l'ancienneté, nous mettrons le siecle d'Apelle beaucoup au dessus de celuy de Raphael, & celuy de Raphael beaucoup au dessus du nostre ; mais je ne suis nullement d’accord de cet arrangement, particulierement à l'égard de la preference qu’on donne au siecle d’Apelle sur celuy de Raphael.
LE PRESIDENT. Comment pouvez-vous ne pas convenir d'un jugement si universel & si raisonnable, sur tout après estre demeuré d'accord de l'excellence de la sculpture de Phidias & de Praxitele ; car si la sculpture de ces temps-là l'emporte sur celle de tous les siecles qui ont suivi, à plus forte raison la Peinture, si nous considerons qu'elle est susceptible de mille beautez & de mille agrémens dont la Sculpture n’est point capable.
L'ABBE. C’est par cette raison là mesme que la consequence que vous tirez n’est pas recevable.
Si la Peinture estoit un Art aussi simple & aussi borné que l’est la Sculpture en fait d'ouvrages de ronde bosse, car c'est en cela seul qu'elle a excellé parmi les Anciens, je me rendrois à vostre advis, mais la Peinture est un Art si vaste de d'une si grande étenduë, qu'il n'a pas moins fallu que la durée de tous les siecles pour en découvrir tous les secrets & tous les mysteres. Pour vous convaincre du peu de beauté des peintures antiques, & de combien elles doivent estre mises au dessous de celles de Raphael, du Titien & de Paul Veronese, & de celles qui se font aujourd’hui, je ne veux me servir que des loüanges mesmes qu'on leur a données.

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Mais revenons à la Peinture. Je puis encore prouver le peu de suffisance des Peintres anciens par quelques morceaux de peinture antique qu'on voit à Rome en deux ou trois en-droits ; car quoy que ces ouvrages ne soient pas tout à fait du temps d’Appelle & de Zeuxis, ils sont apparemment dans la mesme manière ; & tout ce qu'il peut y avoir de difference, c'est que les Maistres qui les ont faits estant un peu moins anciens, pourroient avoir sçû quelque chose davantage dans la peinture. J’ay vû celuy des Nopces qui est dans la Vigne Aldobrandine, & celuy qu'on appelle le Tombeau d'Ovide. Les figures en sont bien dessinées, les attitudes sages & naturelles, & il y a beaucoup de noblesse & de dignité dans les airs de teste, mais il y a tres-peu d'entente dans le mélange des couleurs ; & point du tout dans la perspective ny dans l’ordonnance. Toutes les teintes sont aussi fortes les unes que les autres, rien n'avance, rien ne recule dans le tableau, & toutes les figures sont presque sur la mesme ligne, en sorte que c’est bien moins un tableau qu'un bas relief antique coloré, tout y est sec & immobile sans union, sans liaison, & sans cette mollesse des corps vivans qui les distingue du marbre & de la bronze qui les représentent. Ainsi la grande difficulté n'est pas de prouver qu'on l'emporte aujourd'huy sur Zeuxis, sur les Timantes & sur les Appelles, mais de faire voir qu’on a encore quelque avantage sur les Raphaels, sur les Titiens, sur les Pauls Veroneses, & sur les autres grands Peintres du dernier siecle. Cependant j'ose avancer qu'à regarder l'Art en luy-mesme, entant qu’il est un amas & une collection de preceptes, on trouvera qu'il est plus accompli & plus parfait presentement qu'il ne l'estoit du temps de ces grands Maistres.

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Ainsi la grande difficulté n'est pas de prouver qu'on l'emporte aujourd'huy sur Zeuxis, sur les Timantes & sur les Appelles, mais de faire voir qu’on a encore quelque avantage sur les Raphaels, sur les Titiens, sur les Pauls Veroneses, & sur les autres grands Peintres du dernier siecle. Cependant j'ose avancer qu'à regarder l'Art en luy-mesme, entant qu’il est un amas & une collection de preceptes, on trouvera qu'il est plus accompli & plus parfait presentement qu'il ne l'estoit du temps de ces grands Maistres.

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Are. Aussi Timante un des excellents peintres de l’antiquité, qui peignit Iphigenie fille d’Agamemnon, dont Euripide fit la belle tragedie, depuis peu traduite par le Dolce, & representée à Venise il y a quelques années ; la peignit, dis je, avant l’autel, ou elle attendoit d’etre immolée, & sacrifiée à Diane ; & aiant epuisé toutes les expressions de douleur sur le visage des spectateurs, & ne s’imaginant pas d’en pouvoir exprimer de plus forte sur le visage de ce pere affligé, il le fit qui se couvroit d’un linge, ou d’un bout de son habit : que Timante conserva bien la convenance, parcequ’Agamemnon etant pere, il sembloit encore qu’il ne devoit pas supporter de voir immoler sa fille à ses yeux.
Fab. Ce fut la, un accident bien trouvé.