Illustration

PRESENTATION

LE BRUN, Charles et PICART, Bernard, La Tranquilité, l'Admiration, l'Étonnement, l'Étonnement avec frayeur, estampe, dans LE BRUN, Charles, Conférence de Monsieur Le Brun, Premier Peintre du Roi de France, Chancelier & Directeur de l’Academie de Peinture & Sculpture, Sur l'Expression Générale et Particulière des Passions. Enrichie de figures gravées par B. Picart. Seconde Édition augmentée de plusieurs Testes, PICART, Bernard (éd.), Amsterdam, Bernard Picart, 1713, n.p. [après p. 20].

À la mort de Le Brun en 1690, les originaux de ses têtes d'expression ont été saisis et ont rejoint le Cabinet du Roi. Plusieurs copies ont cependant circulé : celles de Sébastien Le Clerc (1637-1714) exécutées vers 1692 et que l'on retrouve entre autres dans l'édition des Caractères des passions gravés sur les desseins de l'illustre M. Le Brun (Paris, Langlois, s.d.) ; celles qui figurent dans l’édition des Sentimens des plus habiles peintres du tems de Testelin (v. 1693-94) ; celles issues des nombreuses éditions de la Conférence (...) Sur l'expression générale et particulière de Le Brun comme celle de 1698 (Paris, E. Picart) ou ici, de 1713 (Amsterdam, B. Picart) avec des gravures de la main de Bernard Picart (1673-1733) dans les deux cas ; ou encore celles tirées de l’Expression des passions de l'âme publiée en 1727 (Paris, J. Audran) par Jean Audran (1667-1756), auteur des gravures. Notons également que dans la présente édition de 1713, une numérotation figurant sur chaque gravure renvoie à la page de texte concernée, et inversement dans le texte figurent des indications en marge, renvoyant précisément à chaque gravure. Enfin, rappelons que plusieurs modèles de ses têtes se reconnaissent dans la célèbre œuvre préalablement exécutée par Le Brun, La Tente de Darius (1661, Versailles, Musée national du château et des Trianons).

Quotation

Et comme nous avons dit que la glande qui est au milieu du cerveau, est le lieu où l’Ame reçoit les images des passions, le sourcil est la partie de tout le visage où les passions se font mieux connoître, quoique plusieurs aient pensé que ce soit dans les yeux. Il est vrai que la prunelle par son feu & son mouvement fait bien voir l’agitation de l’Ame, mais elle ne fait pas connoître de quelle nature est cette agitation. La bouche & le nez ont beaucoup de part à l’expression, mais pour l’ordinaire ces parties ne servent qu’à suivre les mouvemens du cœur, comme nous le marquerons dans la suite de cét entretien.

Quotation

Et comme nous avons dit que la glande qui est au milieu du cerveau, est le lieu où l’Ame reçoit les images des passions, le sourcil est la partie de tout le visage où les passions se font mieux connoître, quoique plusieurs aient pensé que ce soit dans les yeux. Il est vrai que la prunelle par son feu & son mouvement fait bien voir l’agitation de l’Ame, mais elle ne fait pas connoître de quelle nature est cette agitation. La bouche & le nez ont beaucoup de part à l’expression, mais pour l’ordinaire ces parties ne servent qu’à suivre les mouvemens du cœur, comme nous le marquerons dans la suite de cét entretien. 
Et comme il a été dit que l’Ame a deux appetits dans la partie sensitive, & que de ces deux appetits naissent toutes les passions, [sic]
Il y a aussi deux mouvemens dans les sourcils qui expriment tous les mouvemens des passions. 
Ces deux mouvemens que j’ai remarquez, ont un parfait rapport à ces deux appetits, car celui qui s’éleve en haut vers le cerveau, exprime toutes les passions les plus farouches & les plus cruelles : Mais je vous dirai encore qu’il y a quelque chose de plus particulier dans ces mouvemens, & qu’à proportion que ces passions changent de nature, le mouvement du sourcil change de forme ; car pour exprimer une passion simple, le mouvement est simple, & si elle est composée, le mouvement est composé ; si la passion est douce, le mouvement est doux, & si elle aigre, le mouvement l’est aussi. 
Mais il faut remarquer qu’il y a deux sortes d’élevations de sourcils. 
Qu’il y en a une où le sourcil s’éleve par son milieu, & cette élevation exprime des mouvemens agreables. 
Il y a à observer que lorsque le sourcil s’éleve par les côtés, & à la tristesse elle s’éleve par le milieu. 
Mais lorsque le sourcil s’abaisse par le milieu, ce mouvement marque une douleur corporelle, & alors fait un contraire effet, car elle s’abaisse par les côtés. 
Dans le Ris, toutes les parties se suivent, car les sourcils qui s’abaissent vers le milieu du front, font que le nez, la bouche & les yeux suivent le même mouvement. 
Dans le Pleurer, les mouvemens sont composés & contraires, car le sourcil s’abaissera du côté du nez & des yeux, & la bouche s’élevera de ce côté là. Il y a encore une observation à faire, qui est que lorsque le cœur est abattu, toutes les parties du visage le sont aussi. 
Mais au contraire si le cœur ressent quelque passion, ou s’il s’échauffe & se roidit, toutes les parties du visage tiennent de ce mouvement, & particulierement la bouche ; ce qui prouve, comme j’ay déjà dit, que c’est la partie qui de tout le visage marque plus particulierement les mouvemens du cœur. Car il est à observer que lorsqu’il se plaint, la bouche s’abaisse par les côtés ; & quand il est content, les coins de la bouche s’élevent en haut ; & quand il a de l’aversion, la bouche se pousse en avant, & s’éleve par le milieu. C’est, MESSIEURS, ce que nous observons sur ces simples traits que j’ai formés, pour vous faire concevoir ce que je dis.

Quotation

Les anciens Philosophes aiant donné deux appetits à la partie sensitive de l’Ame, dans l’appetit concupiscible logent les passions simples, & dans l’appetit irascible les plus farouches, & celles qui sont composées ; car ils veulent que l’amour, la haine, le désir, la joie & la tristesse soient dans le premier ; & que la crainte, la hardiesse, l’esperance, le desespoir, la colere & la peur resident dans l’autre : D’autres ajoûtent l’admiration qu’ils mettent comme la premiere, ensuite l’amour, la haine, le desir, la joie & la tristesse, & de celles-ci font dérivées les autres qui sont composées, comme la crainte, la hardiesse, l’esperance.
Il ne sera donc pas hors de propos de dire quelque chose de la nature de ces passions pour les mieux connoître, avant que de parler de leurs mouvemens exterieurs. Nous commencerons par l’Admiration. 
L’ADMIRATION est une surprise qui fait que l’Ame considere avec attention les objets qui semblent rares & extraordinaires, & cette surprise qui fait que l’Ame considere avec attention les objets qui lui semblent rares & extraordinaires, & cette surprise a tant de pouvoir qu’elle pousse quelquefois les esprits vers le lieu où est l’impression de l’objet, & fait qu’elle est tellement occupée à considerer cette impression, qu’il ne reste plus d’esprits qui passent dans les muscles ; ce qui fait que le corps devient immobile comme une statuë, & cet excés d’admiration cause l’étonnement, & l’étonnement peut arriver avant que nous connoissions si cet objet nous est convenable, ou s’il ne l’est pas. […]
L’AMOUR est donc une émotion de l’Ame causée par des mouvemens qui l’incitent à se joindre de volonté aux objets qui lui paroissent convenables. 
La HAINE […]
Le DESIR […]
La JOIE […]
La TRISTESSE […]
Les Passions composées.
La CRAINTE […]
L’ESPERANCE […]
Le DESESPOIR […]
La HARDIESSE […]
La COLERE […]
Il y en a plusieurs autres [ndr : de passions] que je ne nommerai ici, me contentant seulement de vous en faire voir quelque figure.
[…]

Quotation

Et comme nous avons dit que la glande qui est au milieu du cerveau, est le lieu où l’Ame reçoit les images des passions, le sourcil est la partie de tout le visage où les passions se font mieux connoître, quoique plusieurs aient pensé que ce soit dans les yeux. Il est vrai que la prunelle par son feu & son mouvement fait bien voir l’agitation de l’Ame, mais elle ne fait pas connoître de quelle nature est cette agitation. La bouche & le nez ont beaucoup de part à l’expression, mais pour l’ordinaire ces parties ne servent qu’à suivre les mouvemens du cœur, comme nous le marquerons dans la suite de cét entretien. 
Et comme il a été dit que l’Ame a deux appetits dans la partie sensitive, & que de ces deux appetits naissent toutes les passions, [sic]
Il y a aussi deux mouvemens dans les sourcils qui expriment tous les mouvemens des passions. 
Ces deux mouvemens que j’ai remarquez, ont un parfait rapport à ces deux appetits, car celui qui s’éleve en haut vers le cerveau, exprime toutes les passions les plus farouches & les plus cruelles : Mais je vous dirai encore qu’il y a quelque chose de plus particulier dans ces mouvemens, & qu’à proportion que ces passions changent de nature, le mouvement du sourcil change de forme ; car pour exprimer une passion simple, le mouvement est simple, & si elle est composée, le mouvement est composé ; si la passion est douce, le mouvement est doux, & si elle aigre, le mouvement l’est aussi. 
Mais il faut remarquer qu’il y a deux sortes d’élevations de sourcils. 
Qu’il y en a une où le sourcil s’éleve par son milieu, & cette élevation exprime des mouvemens agreables. 
Il y a à observer que lorsque le sourcil s’éleve par les côtés, & à la tristesse elle s’éleve par le milieu. 
Mais lorsque le sourcil s’abaisse par le milieu, ce mouvement marque une douleur corporelle, & alors fait un contraire effet, car elle s’abaisse par les côtés. 
Dans le Ris, toutes les parties se suivent, car les sourcils qui s’abaissent vers le milieu du front, font que le nez, la bouche & les yeux suivent le même mouvement. 
Dans le Pleurer, les mouvemens sont composés & contraires, car le sourcil s’abaissera du côté du nez & des yeux, & la bouche s’élevera de ce côté là. Il y a encore une observation à faire, qui est que lorsque le cœur est abattu, toutes les parties du visage le sont aussi. 
Mais au contraire si le cœur ressent quelque passion, ou s’il s’échauffe & se roidit, toutes les parties du visage tiennent de ce mouvement, & particulierement la bouche ; ce qui prouve, comme j’ay déjà dit, que c’est la partie qui de tout le visage marque plus particulierement les mouvemens du cœur. Car il est à observer que lorsqu’il se plaint, la bouche s’abaisse par les côtés ; & quand il est content, les coins de la bouche s’élevent en haut ; & quand il a de l’aversion, la bouche se pousse en avant, & s’éleve par le milieu. C’est, MESSIEURS, ce que nous observons sur ces simples traits que j’ai formés, pour vous faire concevoir ce que je dis.

Quotation

Et comme nous avons dit que la glande qui est au milieu du cerveau, est le lieu où l’Ame reçoit les images des passions, le sourcil est la partie de tout le visage où les passions se font mieux connoître, quoique plusieurs aient pensé que ce soit dans les yeux. Il est vrai que la prunelle par son feu & son mouvement fait bien voir l’agitation de l’Ame, mais elle ne fait pas connoître de quelle nature est cette agitation. La bouche & le nez ont beaucoup de part à l’expression, mais pour l’ordinaire ces parties ne servent qu’à suivre les mouvemens du cœur, comme nous le marquerons dans la suite de cét entretien. 
Et comme il a été dit que l’Ame a deux appetits dans la partie sensitive, & que de ces deux appetits naissent toutes les passions, [sic]
Il y a aussi deux mouvemens dans les sourcils qui expriment tous les mouvemens des passions. 
Ces deux mouvemens que j’ai remarquez, ont un parfait rapport à ces deux appetits, car celui qui s’éleve en haut vers le cerveau, exprime toutes les passions les plus farouches & les plus cruelles : Mais je vous dirai encore qu’il y a quelque chose de plus particulier dans ces mouvemens, & qu’à proportion que ces passions changent de nature, le mouvement du sourcil change de forme ; car pour exprimer une passion simple, le mouvement est simple, & si elle est composée, le mouvement est composé ; si la passion est douce, le mouvement est doux, & si elle aigre, le mouvement l’est aussi. 
Mais il faut remarquer qu’il y a deux sortes d’élevations de sourcils. 
Qu’il y en a une où le sourcil s’éleve par son milieu, & cette élevation exprime des mouvemens agreables. 
Il y a à observer que lorsque le sourcil s’éleve par les côtés, & à la tristesse elle s’éleve par le milieu. 
Mais lorsque le sourcil s’abaisse par le milieu, ce mouvement marque une douleur corporelle, & alors fait un contraire effet, car elle s’abaisse par les côtés. 
Dans le Ris, toutes les parties se suivent, car les sourcils qui s’abaissent vers le milieu du front, font que le nez, la bouche & les yeux suivent le même mouvement. 
Dans le Pleurer, les mouvemens sont composés & contraires, car le sourcil s’abaissera du côté du nez & des yeux, & la bouche s’élevera de ce côté là. Il y a encore une observation à faire, qui est que lorsque le cœur est abattu, toutes les parties du visage le sont aussi. 
Mais au contraire si le cœur ressent quelque passion, ou s’il s’échauffe & se roidit, toutes les parties du visage tiennent de ce mouvement, & particulierement la bouche ; ce qui prouve, comme j’ay déjà dit, que c’est la partie qui de tout le visage marque plus particulierement les mouvemens du cœur. Car il est à observer que lorsqu’il se plaint, la bouche s’abaisse par les côtés ; & quand il est content, les coins de la bouche s’élevent en haut ; & quand il a de l’aversion, la bouche se pousse en avant, & s’éleve par le milieu. C’est, MESSIEURS, ce que nous observons sur ces simples traits que j’ai formés, pour vous faire concevoir ce que je dis.